III. LES GRANDS ENJEUX DE LA BRANCHE

La branche AT-MP est fille du paritarisme. C'est de la vitalité du dialogue entre partenaires sociaux que découlent son action et sa pérennité. Votre rapporteur souligne que l'existence de la branche est en elle-même une garantie pour les travailleurs qui peuvent être guidés, assistés dans leurs démarches et indemnisés, sans se trouver en confrontation directe avec l'employeur ou engagés dans des procédures judiciaires lourdes. L'évolution des mécanismes d'indemnisation des accidents et maladies professionnelles doit donc se faire prioritairement au sein de la branche. Toute autre solution obligerait les victimes à prouver l'imputabilité du dommage qu'elles ont subi avec les difficultés juridiques qui en résulteraient pour elle.

Votre rapporteur prend note par ailleurs de l'étude publiée par Eurogip en décembre 2010 relative à la réparation du préjudice permanent subi par les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles en Europe . Celle-ci aboutit à la conclusion que les différents systèmes d'indemnisation mis en place par les Etats membres aboutissent in fine à des taux d'indemnisation similaires. Cette analyse, qui permet de replacer le système français dans un cadre plus large, ne doit pas pour autant encourager à l'immobilisme. La structure des finances sociales en Europe et le poids de la crise économique actuelle ne doivent pas faire perdre de vue l'objectif premier de la branche AT-MP qui est de permettre l'indemnisation la plus rapide, mais aussi la plus juste, du préjudice subi du fait du travail.

Conscient qu'on ne peut apporter à des situations complexes des réponses dont la simplicité pourrait se révéler illusoire, votre rapporteur souligne que la décision récente du Conseil constitutionnel doit amener rapidement à l'indemnisation intégrale des préjudices subis par les victimes d'une faute inexcusable de l'employeur. Par ailleurs, l'évolution générale du droit civil favorable à l'indemnisation intégrale des victimes ne peut rester durablement sans effets sur les mécanismes d'indemnisation de la branche.

D'autres réformes urgentes sont tout aussi nécessaires s'agissant des victimes de l'amiante . L'accès aux dispositifs doit permettre aux victimes de bénéficier effectivement du départ anticipé à la retraite qui vient, trop faiblement, compenser leur espérance de vie réduite. De même l'indemnisation des victimes et de leurs ayants droit ne peut être restreinte par rapport aux autres mécanismes de compensation. Votre rapporteur propose donc des amendements en ce sens.

Une réflexion plus large doit également être menée sur les missions de la branche AT-MP. Les débats législatifs de 2010 ont ouvert sur ce point des chantiers que votre commission entend suivre avec attention et qui appellent, à son sens, une implication accrue de la branche.

A. PRENDRE SA PART DE LA COMPENSATION DE LA PÉNIBILITÉ

La reconnaissance de la pénibilité du travail a constitué un point positif mais également polémique de la réforme des retraites. Encore faut-il que la branche mène un travail pour en préciser les critères afin d'éviter que la reconnaissance de ce droit n'entraîne de nouvelles injustices.

1. Le dispositif adopté

La loi de 2010 portant réforme des retraites 18 ( * ) a confié à la branche AT-MP la mission de reconnaître et de compenser la pénibilité du travail.

Le dispositif créé est à « double étage » :

- le premier permet aux assurés justifiant d'une incapacité permanente d'au moins 20 % au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques, de partir à la retraite à soixante ans et de liquider leur pension au taux plein ;

- le second ouvre la possibilité aux assurés qui justifient d'une incapacité permanente d'au moins 10 % au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques, de bénéficier de ces mêmes droits à condition que leur dossier soit validé par une commission pluridisciplinaire territoriale.

Le financement de cette mesure est assuré par la branche AT-MP, qui doit compenser à la branche vieillesse les charges nouvelles en résultant pour elle. Il sera assuré grâce à la majoration, décidée en 2011, de la cotisation AT-MP payée par les employeurs.

Le texte prévoit en outre :

- la création, à titre expérimental, d'un dispositif visant à constituer un cadre pour la conclusion, par les branches professionnelles, d'accords collectifs d'allègement (temps partiel, tutorat) ou de compensation (attribution de prime ou de journées de congé supplémentaire) de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles. Pendant la durée de cette expérimentation, un fonds national de soutien relatif à la pénibilité est institué afin d'aider les entreprises dans leur action. Ce fonds, constitué auprès de la Cnam, est financé notamment par une dotation de l'Etat et par une dotation de la branche AT-MP ;

- l'instauration d'une pénalité de 1 % de la masse salariale applicable aux entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité.


* 18 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010.

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