II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LE REJET DE L'ARTICLE RELATIF AUX RETRAITES

Votre commission a considéré que maintenir l'article premier du projet de loi organique et valider l'accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites, revenait à souscrire à cette réforme, ce qu'elle a refusé.

Elle a estimé que, si, en matière de retraite, l'équité impose d'appliquer aux magistrats les mêmes règles que celles prévues pour les fonctionnaires de l'État, ce qui aurait pu justifier d'adopter l'article premier sans modification, cette même équité commandait, plus impérieusement encore, de retenir d'autres modalités de réforme des retraites que celles finalement adoptées.

Elle a par ailleurs observé que le Sénat, à l'initiative de sa commission des affaires sociales, s'était opposé à l'accélération du calendrier de relèvement de l'âge limite de départ en retraite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement supprimant l'article premier .

B. LE CONSTAT QUE LES DISPOSITIONS AJOUTÉES NE PRÉSENTENT PAS DE LIEN AVEC LE TEXTE INITIAL ET APPELLENT, POUR CERTAINES, D'IMPORTANTES RÉSERVES

Votre commission s'est étonnée de la méthode suivie par le Gouvernement, qui, une semaine après avoir adopté le texte en Conseil des ministres a proposé de l'augmenter par voie d'amendements de quatre articles, sans lien aucun avec la réforme des retraites.

À la suite de son rapporteur, elle a observé que le Conseil constitutionnel contrôle le respect des cavaliers législatifs même dans les textes organiques 6 ( * ) . Or, qu'il s'agisse de l'obligation de mobilité statutaire pour accéder aux emplois hors hiérarchie, du comité médical national, du régime juridique des magistrats placés ou des nominations à la Cour de cassation, les dispositions en cause ne paraissent pas présenter de lien, même indirect, avec l'objet initial très restreint du projet de loi : l'accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites. En particulier, elles ne visent pas le même texte, puisqu'elles s'imputent sur l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, alors que l'article premier s'applique à la loi organique du 10 novembre 2010.

Votre rapporteur a par ailleurs souligné que ces dispositions étaient tirées d'un projet de loi organique relatif au statut de la magistrature déposé en juillet à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement n'avait toujours pas inscrit à l'ordre du jour.

Il s'est inquiété du dépeçage du texte ainsi réalisé, qui éloigne la perspective que soient traitées les questions posées par d'autres dispositions du même texte, non reprises par le Gouvernement dans le présent projet de loi, s'agissant, notamment, de la prévention des conflits d'intérêt pour les magistrats ou de leurs droits à recevoir une affectation après un détachement ou un congé parental, questions sur lesquelles les représentants des syndicats de magistrats ont attiré l'attention de votre rapporteur. À cet égard, il y a lieu de déplorer qu'aucune consultation sur ces amendements n'ait été conduite par le Gouvernement avec les syndicats de magistrats, tardivement informés de leur dépôt.

Se prononçant néanmoins sur le fond des articles ajoutés au projet de loi organique, votre commission a constaté que certains correspondaient à des aménagements attendus, comme l'exclusion des emplois d'encadrement intermédiaire « B bis » du bénéfice de la priorité d'affectation des magistrats placés ( article 2 ), l'assouplissement des règles de recrutement à la Cour de cassation ( article 4 ), l'extension du champ de compétence du comité médical national ( article 5 ), le passage à deux ans de la mobilité statutaire obligatoire et l'extension de son champ d'application aux mobilités effectuées au sein des juridictions administratives, financières ou internationales ( article 6 ).

En revanche, votre rapporteur a souligné les problèmes que posait, à l'article 2 , l'extension à douze ans au cours de la carrière de la période maximale pendant laquelle un magistrat pourrait être affecté à un emploi de magistrat placé : en effet, la solution des magistrats placés est un expédient nécessaire pour faire face aux vacances laissées entre deux affectations de magistrats ou par des congés maternité ou maladie. Elle ne doit pas devenir un instrument de gestion de la pénurie, la solution à cette dernière passant par la création d'un nombre suffisant d'emplois de magistrats. Votre commission a toutefois souhaité aller au-delà de la suppression de cette seule disposition que proposait son rapporteur et elle a adopté à l'initiative de notre collègue, Mme Borvo Cohen-Seat, et des membres du groupe communiste, républicain et citoyen, un amendement supprimant l'ensemble de l'article 2 .

Enfin, considérant qu'il s'agissait là d'une disposition participant de la manifestation concrète de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance des magistrats, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a rétabli l'article 3 interdisant qu'une décoration officielle leur soit attribuée par l'autorité publique.

* *

*

Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié .


* 6 CC, n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011, cons. 21 et 22.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page