B. LA RÉDACTION DE LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT CONTREDIT LE PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

L'application du principe de subsidiarité commande de préciser, dans l'exercice de la compétence partagée - ici, les réseaux transeuropéens -, ce qui relève effectivement du partage et ce que l'État ne saurait déléguer, en application du principe de responsabilité politique :

- la définition des orientations stratégiques, la carte du réseau, les critères d'allocation des subventions communautaires, relèvent bien de l'exercice communautaire de la compétence partagée : ces missions sont précisément celles qui dépassent les « capacités d'action » des États pris isolément, celles où l'échelon communautaire apporte, par construction, une plus-value ;

- en revanche, la conduite des études, le dessin précis des tracés, les décisions de lancement des travaux, le montage des financements, le pilotage de la maîtrise d'ouvrage, ainsi que la gestion des infrastructures, relèvent de l'exercice étatique de la compétence partagée : les États sont en capacité d'exercer ces missions de manière « suffisante » et ils sont même tenus de le faire puisque la programmation des infrastructures passe par des actes positifs dont les Etats sont responsables.

La procédure de la déclaration d'utilité publique illustre bien cette ligne de partage, ainsi que sa subtilité. L'enjeu est de taille puisque cette déclaration fonde juridiquement les procédures d'expropriation. L'utilité publique peut certes se fonder sur l'intérêt à l'échelle européenne que notre pays trouve dans la réalisation d'une ligne transcontinentale ; cependant, dès lors que la détermination de cette utilité publique se traduit par des expropriations réglées par le droit interne, il faut que l'État « garde la main » et qu'il maîtrise les choix qui fondent les décisions d'expropriation - au premier chef, le tracé même des voies de transport.

En d'autres termes, même si elle intègre des critères supranationaux, l'utilité publique est définie à l'échelon national, celui où coïncident la responsabilité politique et l'effet juridique des actes liés à cette utilité publique (et, partant, la contestation de ces actes).

Dans ces conditions, votre commission fait siens les griefs de la commission des affaires européennes :

- les pouvoirs confiés au « coordonnateur européen » par l'article 51 empiètent effectivement sur la programmation des infrastructures de transport, qui doit continuer d'être entre les mains des États nationaux ;

- le champ des décisions d'exécution ouvert par l'article 53 est si vaste, qu'il risque de conduire en pratique à ce que la Commission européenne interfère sur l'exercice étatique de la compétence partagée ;

- l'article 59 fait effectivement une meilleure application du principe de subsidiarité : ce n'est qu'en cas de retard important dans les travaux que la Commission peut prendre des mesures.

Du reste, votre commission ne peut manquer de souligner la faiblesse de l'argumentation présentée par la proposition de règlement elle-même. Au lieu d'éléments circonstanciés et d'indicateurs qualitatifs - voire quantitatifs - démontrant que l'objectif visé par l'Union sera mieux atteint par un exercice communautaire de la compétence, ainsi que le demande le protocole n°2 précité, l'exposé des motifs se contente de ce paragraphe lacunaire :

« Le développement coordonné d'un réseau transeuropéen de transport visant à améliorer les flux de transport au sein du marché unique européen et la cohésion économique, sociale et territoriale en Europe exige que des actions soient prises au niveau de l'Union européenne car elles ne pourraient pas être prises individuellement par chaque État membre. Cela est tout particulièrement le cas pour les réseaux d'infrastructures de transport. »

Le dernier considérant de la proposition de règlement n'est guère plus satisfaisant, puisqu'il se contente d'indiquer que l'Union peut prendre des mesures dès lors que « la création et le développement coordonnés du réseau transeuropéen de transport ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres » (considérant 30).

Votre commission ne doute pas que l'Union doive bien avoir un rôle moteur, y compris financier, dans l'élaboration d'un réseau transeuropéen, qui passe par la réalisation de chaînons dont la valeur ajoutée est d'abord européenne. Mais ce rôle doit composer avec la répartition des compétences entre les Etats membres et l'Union, eu égard au principe de responsabilité politique.

Enfin, votre commission observe que les Parlements de plusieurs États-membres ont déjà exprimé des réserves sur cette proposition de résolution, en particulier au regard du principe de subsidiarité et des risques de dérives bureaucratiques liés la mise en place de la gouvernance des corridors. Du côté des Parlements européens, plusieurs avis motivés sont en cours de rédaction. Le Bundesrat allemand, par exemple, estime que la programmation des infrastructures de transport relève des États membres et que la nomination des coordonnateurs européens ne saurait intervenir sans l'accord préalable des dits États.

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