Rapport n° 589 (2011-2012) de M. Joël GUERRIAU , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 12 juin 2012

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N° 589

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juin 2012

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne de MM. Maurice ANTISTE, Charles REVET et Serge LARCHER, présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, visant à obtenir la prise en compte par l' Union européenne des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises ,

Par M. Joël GUERRIAU,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour , président ; MM. Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries , vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung , secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mlle Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Louis Lorrain, Jean-Jacques Lozach, François Marc, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

575 (2011-2012)

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution déposée par MM. Maurice Antiste, Charles Revet et Serge Larcher tend à obtenir la prise en compte, par l'Union européenne, des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises.

A. ELÉMENTS DE CONTEXTE

1. Le contexte institutionnel

Cette proposition de résolution est à la fois un texte de circonstance et le signe d'une nouvelle ambition pour l'outre-mer, portée par le Sénat.

a) La réforme de la politique commune de la pêche

Le 13 juillet 2011, la Commission européenne a transmis au Parlement européen et au Conseil une proposition de règlement relatif à la politique commune de la pêche (COM (2011) 425 final). Ce texte central était accompagné d'une proposition portant sur l'organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture (COM (2011) 416 final) et a été suivi d'une proposition de règlement relatif au fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche - le FEAMP - (COM (2011) 804 final du 2 décembre 2011). L'ensemble de ces trois textes forme le projet de réforme de la politique commune de la pêche (PCP). Neuf mois ont passé depuis cette présentation. C'est à la fois le temps de la démocratie européenne et celui des grandes réformes pour des grands sujets. La plupart des Etats directement impliqués ont eu une position critique sur cette proposition. Le Sénat s'est exprimé en adoptant dès le 16 juillet 2010 une première résolution après les orientations du Livre vert de 2009 de la Commission. Une nouvelle proposition de résolution, également critique, a été présentée par plusieurs sénateurs de trois commissions différentes et est en cours d'examen.

L'adoption d'un règlement par le législateur européen est attendue pour le début 2013.

Cette proposition de résolution arrive donc au bon moment.

b) L'implication du Sénat sur l'outre-mer

Elle est aussi le signe d'une attention toute particulière que le Sénat porte à l'outre-mer. Il y a, d'abord, une longue tradition, ponctuée de très nombreux rapports, en conclusion de missions d'information, et de résolutions dont la liste est rappelée par les sénateurs. On peut citer, par exemple, le rapport de 2009 de la mission d'information (Serge Larcher, président, Eric Doligé, rapporteur) sur la situation des départements d'outre-mer, la résolution adoptée en 2010 demandant que la PCP favorise le développement de la pêche outre-mer ou, plus récemment, en 2011, la résolution n° 105 tendant à obtenir compensation des effets des accords commerciaux conclus par l'Union européenne sur l'agriculture des DOM (proposition de résolution présentée par les deux sénateurs précités, analysée et reprise par notre commission des affaires européennes, sur le rapport de notre collègue Christian Cointat).

L'outre-mer n'a jamais été oublié par le Sénat. Mais la haute assemblée lui a donné une place de premier plan avec la création d'une délégation pour l'outre-mer, annoncée par le président Jean-Pierre Bel dès son élection comme président, afin que « les situations et les défis spécifiques de l'outre-mer (soient) davantage pris en compte » . Cette délégation a été officiellement créée en novembre 2011, s'est constituée en décembre et a établi son programme de travail en janvier 2012 avec deux thèmes : la vie chère et la « zone économique exclusive », expression du potentiel exceptionnel de la zone maritime induite par l'outre-mer. Le coeur de ce potentiel est, bien sûr, la pêche.

Même s'il ne s'agit pas stricto sensu d'une proposition de résolution de la délégation, qui n'en a pas formellement la compétence, on observera que les trois signataires de la proposition de résolution en sont des membres éminents - à commencer par son président. Il y a en quelque sorte une filiation naturelle et légitime entre les travaux de la délégation et la présente proposition. Le fait que la première initiative politique de notre délégation à l'outre-mer porte sur la pêche n'est pas sans importance. Commencer par la pêche, c'est rappeler un potentiel et une tradition, c'est manifester une espérance et s'engager dans la bonne direction et le bon sens. Chacun peut comprendre l'importance de cette activité pour nos collectivités d'outre-mer qui sont presque toutes des îles !...

Il est important que la Commission européenne en prenne la mesure. Cette proposition de résolution a été préparée à cet effet.

2. Les insuffisances de la réglementation européenne en matière de pêche

Pourquoi une proposition de résolution ? Moins pour rappeler l'importance du secteur dans l'économie et la société ultra-marines que pour mettre en relief certaines insuffisances de la réglementation européenne. La règlementation de la pêche s'applique à l'outre-mer comme au reste de l'Union, et ce n'est que justice. Mais elle s'applique à l'outre-mer sans discernement et il y a là beaucoup d'iniquité.

a) Les lacunes de la règlementation européenne

La PCP et, plus encore, sa réforme sont inspirées d'une idée simple : il y a trop de pêche - de pêcheurs, de bateaux... - et pas assez de poissons. Une pêche durable impose une régulation raisonnable. Même si les formes anciennes de régulation - diminution des flottilles et encadrement strict des possibilités de pêche (totaux admissibles de captures et quotas de pêche par Etat membre) - ont montré leurs limites, l'ensemble du nouveau dispositif proposé par la Commission vise à réduire l'exploitation de la ressource en diminuant la capacité de pêche.

Or, la situation de la pêche outre-mer est très différente, voire opposée. Bien souvent, la ressource est abondante et même sous-exploitée. La flotte de pêche est ancienne et de taille très modeste (la moyenne d'âge des bateaux est entre 20 et 25 ans et 90 % font moins de douze mètres). La quasi-totalité des espèces pêchées ne relève pas du dispositif central de la PCP- TAC et quotas - (seule la crevette guyanaise est sous quota et le quota en question n'est, en pratique, jamais atteint). En d'autres termes, toute la logique de la réforme de la PCP est de restreindre l'activité présente afin de maintenir une pêche durable alors que la pêche dans les DOM n'est confrontée ni à une surcapacité de la flotte, ni à une rareté de la ressource. Pour reprendre l'expression des auteurs de la proposition de résolution « les règles de gestion de la ressource sont « euro centrées » , c'est-à-dire pensées par et pour l'Europe continentale ».

b) Les incohérences entre la politique commerciale et les politiques internes.

Cette difficulté intrinsèque à la norme communautaire indifférenciée est renforcée par des contraintes supplémentaires liées à une certaine incohérence - imprudence - dans les négociations internationales.

Le fait a été et reste régulièrement dénoncé. Il semble y avoir une étanchéité totale entre la négociation des accords commerciaux internationaux - négociés par la Commission - et les politiques internes de l'Union. La dernière résolution du Sénat appliquée à l'outre-mer concernait ce sujet. Il s'agissait alors d'analyser les effets des accords commerciaux de l'Union européenne avec la Colombie et le Pérou sur l'agriculture d'outre-mer. Tout observateur pouvait constater que les concessions accordées à ces pays portaient précisément sur les trois secteurs agricoles cruciaux pour l'agriculture antillaise - la banane, le sucre et le rhum. Le rapporteur de notre commission avait alors considéré que « la Commission feint d'ignorer les conséquences que risquent d'avoir pour l'agriculture outre-mer ces accords commerciaux » . De là à penser que l'agriculture antillaise avait été sacrifiée sur l'autel du négoce international...

Un phénomène identique peut être constaté pour la pêche outre-mer. Les auteurs de la proposition de résolution relèvent que les accords de partenariat économique avec certains pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, de même que les accords commerciaux généraux, ou les accords de partenariat de pêche, conclus par l'Union européenne pèsent sur les pêcheurs ultramarins en attribuant des subventions à ce qui peut être considéré comme leurs concurrents directs... Ainsi, ces pays limitrophes ont non seulement des coûts et des conditions de production très favorables par rapport aux conditions applicables dans l'outre-mer français, mais ils reçoivent également des aides européennes pour les aider à se restructurer.

Il est indispensable que la Commission européenne réexamine sa politique.

B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

1. Le fondement de la proposition de résolution
a) La proposition présentée par MM. Maurice Antiste, Charles Revet et Serge Larcher est parfaitement fondée.

Il y a trop d'incohérence dans la réglementation actuelle et trop d'attente outre-mer pour ne pas saisir l'occasion d'une réforme pour réaffirmer avec force la nécessité « de prendre en compte les réalités de la pêche ultramarine » , qu'il s'agisse des régions ultrapériphériques (RUP) ou des pays ou territoires d'outre-mer (PTOM), selon la classification européenne.

Cette demande est générale pour tous les familiers de l'outre-mer. Début novembre 2011, la Martinique a accueilli la 17 ème Conférence des présidents des régions ultrapériphériques. Tous ont regretté « que la proposition de réforme ne tienne pas suffisamment compte de la situation et des réalités des régions ultrapériphériques ».

Cette position, politiquement légitime, est également parfaitement fondée sur le plan institutionnel puisque l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît la situation spécifique des régions ultrapériphériques et la nécessité d'adapter en conséquence la réglementation communautaire. Le paradoxe est que ce besoin est aussi régulièrement rappelé - y compris par la Commission, notamment dans sa communication de 2008 « Les régions ultrapériphériques : un atout pour l'Europe » - qu'aussi vite oublié par les acteurs communautaires.

Nos collègues rappellent à plusieurs reprises les «incohérences » entre la PCP et la politique commerciale : « il est incompréhensible que l'Union européenne encourage le développement de la pêche dans des pays potentiellement concurrents tout en privant de pêche des RUP d'un soutien équivalent » .

b) Les auteurs déplorent l'application uniforme des règles communautaires inadaptées aux situations locales.

C'est en particulier le cas de l'aide à la construction navale. La réglementation sur ce point est à la fois fluctuante et inadaptée. Depuis 2003, le fonds européen pour la pêche interdit toute aide publique à la construction de bateaux de pêche. Une interdiction qui avait surpris en son temps puisqu'elle constituait un revirement par rapport à la réglementation de l'ex-Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) - virage à 180 degrés qui donne une très mauvaise image à l'action communautaire et lui ôte toute crédibilité. Mais en application de cette nouvelle réglementation, il n'y a ni aide européenne, ni aide nationale, ni aide locale à la construction de bateaux. Cette réglementation a une logique quand il s'agit d'éviter les constructions de navires-usines où tout l'arsenal des nouvelles technologies permet de capter la ressource, mais est-elle adaptée aux DOM lorsque la plupart de nos bateaux de pêche mesurent moins de sept mètres ?

Les régions, quand elles veulent assister nos pêcheurs, doivent se limiter, par exemple, aux aides à la modernisation ou à la sécurité à bord. Mais ces mesures ne peuvent être à la hauteur de ces enjeux. La pêche est évidemment un atout pour les îles qui doit être valorisé.

La réforme annoncée de la PCP et du futur fonds européen des affaires maritimes et de la pêche est une occasion d'adapter ces règles à la spécificité de nos départements d'outre-mer.

Les signataires demandent donc de « rétablir la possibilité d'octroyer des aides à la conservation de navires dans les RUP [...]. Le rétablissement de ces aides contribuerait à l'émergence d'une pêche plus durable [...]. Ralentir la modernisation des navires empêche la mise en service de bateaux plus écologiques, plus sécuritaires ».

c) Les auteurs évoquent aussi les lacunes techniques et institutionnelles.

Nos collègues déplorent ainsi l'interdiction « de financement public des dispositifs de concentration de poissons (DCP) ancrés collectifs », ou l'importance de « la pêche illicite, non déclarée et non réglementée » (INN).

Ils déplorent également une spécificité de régime d'aide applicable aux Antilles prévue par le règlement relatif au fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche : l'article 95 relatif au taux d'intensité d'aides majoré et les articles 73 à 75 concernant le régime de compensation des surcoûts auxquels certaines RUP sont éligibles, sont ainsi inapplicables aux Antilles. Une spécificité que dénoncent, à juste titre, les auteurs.

Enfin, à la différence des autres RUP, les DOM ne sont pas représentés au sein d'un comité consultatif régional chargé de donner des avis sur la gestion des pêcheries « et aucune instance de dialogue ne permet aujourd'hui aux DOM de s'exprimer au sein de l'Union européenne sur ce sujet ».

2. La proposition de résolution

Votre commission est évidemment favorable à la proposition de résolution qui lui est soumise et à laquelle elle souscrit totalement.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le mardi 12 juin 2012, en commun avec la commission des affaires économiques et la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental de la politique énergétique. Le débat suivant s'est engagé :

M. Charles Revet , rapporteur de la délégation à l'outre-mer . - En l'absence de M. Serge Larcher, président de la délégation, et de M. Antiste, co-rapporteur, retenus à la Martinique, il me revient de vous présenter cette proposition de résolution. La pêche est un secteur essentiel pour le développement des DOM, dont les réalités ne sont pas prises en compte par l'Union européenne.

Grâce aux outre-mer, la France dispose de la deuxième surface maritime mondiale. La pêche ultramarine représente 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins-pêcheurs au niveau national, et la Martinique est le premier département de France en matière de pêche artisanale. Localement, le secteur joue un rôle économique et social vital . En Guadeloupe, son poids en termes de chiffres d'affaires est proche de celui des filières de la canne à sucre ou de la banane . Largement artisanale, la pêche ultramarine entretient un véritable lien social du fait de son caractère essentiellement vivrier.

Le secteur est certes soumis à des contraintes importantes : outre l'éloignement de l'Europe continentale, le développement du secteur est freiné par le coût du carburant, les difficultés de financement des entreprises, l'insuffisance des infrastructures portuaires et des structures de transformation , la vétusté des embarcations ou encore, aux Antilles, la pollution des côtes par la chlordécone . Il dispose cependant d'atouts, au premier rang desquels des ressources halieutiques abondantes et souvent sous-exploitées. La pêche dispose d'un potentiel de développement important, tout comme l'aquacultur e, à condition de se structurer.

Troisième constat : l'Union européenne ne tient pas compte des réalités de la pêche ultramarine. La dernière réforme de la politique commune de la pêche (PCP) ne correspond en rien aux réalités ultramarines, alors que la Commission européenne a elle-même souligné que « les RUP possèdent des ressources halieutiques riches et relativement préservées » . Les règles de gestion de la ressource, qui sont au coeur de la PCP, sont euro-centrées, pensées par et pour l'Europe continentale. Pourquoi appliquer aux DOM l'interdiction des aides à la construction de navires, alors que leur flotte est artisanale et vétuste ?

Dans le même temps, l'Union européenne subventionne le développement de la pêche dans des pays potentiellement concurrents. Ainsi, l'accord de partenariat de pêche conclu avec Madagascar prévoit une aide de 550 000 euros par an pour le développement de la pêche malgache ! Pourquoi refuser une telle aide aux DOM ? La pêche des DOM souffre de la pêche illégale pratiquée par des pêcheurs des pays voisins. En Guyane, les zones de pêche sont soumises à une pression constante des pêcheurs brésiliens et surinamais, avec de graves conséquences économiques, écologiques et de sécurité. Enfin, dans le cadre de ses politiques commerciale et de développement, l'Union européenne conclut des accords de libre-échange avec certains pays d'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP) qui menacent là encore la pêche des DOM.

La délégation a donc estimé que la réforme de la PCP ne trouve pas à s'appliquer dans les DOM, et ne permet pas de faire valoir les réalités ultramarines. La proposition de résolution appelle à faire figurer, dans les projets de textes présentés par la Commission européenne, des dispositions spécifiques aux RUP, en s'appuyant sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Il est indispensable de rétablir la possibilité d'octroyer des aides à la construction de navires dans les RUP. Les flottes ultramarines sont vétustes ; ralentir leur modernisation empêche la mise en service de bateaux plus écologiques et plus sécurisés. Les critères de l'aide au remplacement des moteurs sont inadaptés aux réalités ultramarines : dans les eaux tropicales, l'obsolescence est plus rapide. Il faut rétablir le financement public des dispositifs de concentration de poissons (DCP) ancrés collectifs. Ces dispositifs, qui recréent artificiellement la chaîne alimentaire au fond de l'eau, sont essentiels pour le développement des pêches antillaise et réunionnaise. Il faut enfin créer un comité consultatif régional spécifique aux RUP, afin de permettre aux DOM de faire entendre leur voix au sein de l'Union européenne.

La proposition de résolution appelle également à mieux coordonner la politique commerciale de l'Union européenne avec les autres politiques sectorielles, à commercer par la PCP et la politique de cohésion. Il faut évaluer les effets sur les RUP des accords commerciaux négociés par l'Union européenne.

Ce texte a fait l'objet d'une approbation unanime au sein de la délégation. La pêche représente un enjeu et un potentiel important pour l'outre-mer : nous souhaitons que la réforme de la PCP en tienne compte.

M. Joël Guerriau , rapporteur de la commission des affaires européennes . - Il est important d'adopter cette proposition de résolution, qui marque la première orientation politique de la délégation à l'outre-mer. C'est également l'occasion de rappeler que l'article 349 du traité prévoit que l'on doit tenir compte des spécificités des RUP. La PCP n'est pas adaptée à la situation des DOM, qui ne souffrent pas de la rareté de la ressource, mais où la flotte a en revanche besoin d'être rénovée. Il faut marquer la volonté du Sénat de défendre les intérêts des territoires d'outre-mer.

Mme Odette Herviaux . - S'il est un domaine où la pêche a toute son importance, c'est bien l'outre-mer. Les aides européennes ont permis certains progrès, mais ceux-ci concernent plus les infrastructures que la mise en sécurité des bateaux, qui sont souvent de très petits esquifs. La commercialisation du poisson est également différente outre-mer : si la consommation y est forte, on achète l'arrivage du jour...

Il faut également veiller à ce que les aides accordées à des pays extracommunautaires ne pénalisent pas nos territoires d'outre-mer. On subventionne la pêche malgache, mais les pêcheurs de Mayotte, eux, ne perçoivent aucune aide !

M. Michel Delebarre . - Sur la forme, je suggère que l'on introduise un considérant rappelant le problème des RUP à la proposition de résolution sur la PCP, que nous avons adoptée tout à l'heure.

M. Charles Revet , rapporteur . - Je me suis posé la question. Attention toutefois à ne pas minimiser les problèmes de l'outre-mer en se limitant à une seule phrase. L'enjeu que représente l'outre-mer est tel, pour la France et pour l'Union européenne, qu'il faut le traiter pleinement !

M. Simon Sutour , président . - M. Delebarre a une grande expérience des institutions européennes. On sait qu'à Bruxelles, les RUP sont sur la sellette : voyez la place qui leur est faite dans le budget 2014-2020... Il peut être bon de sensibiliser la Commission à la richesse que peuvent représenter les RUP pour l'Union. Je peux témoigner pour ma part de la richesse halieutique fabuleuse de la Réunion, par exemple. Le débat se poursuivra en commission des affaires économiques et en séance. N'oublions pas que les outre-mer sont divers : la situation n'est pas la même à Saint-Pierre-et-Miquelon et aux Antilles ! Pour ma part, je trouve l'idée de M. Delebarre intéressante. Il faudra songer à un amendement, car nous recherchons avant tout à influencer efficacement le processus de décision européen !

A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté sans modification, à l'unanimité, la proposition de résolution, parue sous le n° 575 (2011-2012).

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vus les articles 3, 38, 43 et 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu le règlement (CE) n° 791/2007 du Conseil, du 21 mai 2007, instaurant un régime de compensation des surcoûts qui grèvent l'écoulement de certains produits de la pêche provenant de régions ultrapériphériques, à savoir des Açores, de Madère, des îles Canaries, de la Guyane française et de La Réunion,

Vu la communication « Les Régions ultrapériphériques : un atout pour l'Europe » présentée par la Commission européenne le 17 octobre 2008,

Vu le Livre vert sur la réforme de la politique commune de la pêche présenté par la Commission européenne le 22 avril 2009,

Vu le rapport du Sénat n° 519 (2008-2009) fait au nom de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer,

Vu le mémorandum conjoint des régions ultrapériphériques, « les RUP à l'horizon 2010 », signé le 14 octobre 2009 à Las Palmas de Gran Canaria,

Vu la résolution du Parlement européen du 25 février 2010 sur le Livre vert sur la réforme de la politique commune de la pêche,

Vu le mémorandum de l'Espagne, de la France, du Portugal et des régions ultrapériphériques signé le 7 mai 2010 à Las Palmas de Gran Canaria,

Vu les conclusions du Conseil Affaires générales du 14 juin 2010,

Vu la résolution n° 158 du Sénat (2009-2010) du 16 juillet 2010 sur la politique commune de la pêche,

Vu la résolution n° 105 du Sénat (2010-1011) du 3 mai 2011 tendant à obtenir compensation des effets, sur l'agriculture des départements d'outre-mer, des accords commerciaux conclus par l'Union européenne,

Vu la résolution du Parlement européen du 18 avril 2012 sur le rôle de la politique de cohésion dans les régions ultrapériphériques de l'Union européenne dans le contexte de la stratégie « Europe 2020 »,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la politique commune de la pêche (E 6449),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche [abrogeant le règlement (CE) n° 1198/2006 du Conseil, le règlement (CE) n° 861/2006 du Conseil et le règlement (CE) du Conseil sur la politique maritime intégrée] (E 6897),

Considérant que, grâce aux outre-mer, la France constitue la deuxième puissance maritime mondiale,

Considérant que la pêche joue un rôle économique et social vital dans les régions ultrapériphériques (RUP) françaises,

Considérant que, malgré les contraintes liées notamment à l'éloignement, le secteur de la pêche y dispose d'atouts et d'un potentiel de développement important,

Considérant que les principes et les règles de la politique commune de la pêche (PCP) sont aujourd'hui inadaptés aux réalités des RUP françaises, voire en contradiction avec celles-ci, ces collectivités se caractérisant notamment par la sous-exploitation des ressources halieutiques et par une flotte constituée majoritairement d'embarcations anciennes et de petite dimension,

Considérant que l'UE contribue au développement de la pêche de certains pays de l'environnement régional des RUP françaises par des subventions accordées en application d'accords de partenariat de pêche (APP),

Considérant que les RUP françaises ne sont pas représentées au sein des instances de discussion sur la mise en oeuvre de la PCP rassemblant l'ensemble des acteurs de la pêche,

Considérant que l'aquaculture dispose d'un fort potentiel de développement dans la plupart des RUP françaises, ce qui constitue un atout majeur pour répondre au défi alimentaire de demain,

Considérant que la pêche illégale en provenance de pays tiers nuit gravement au développement du secteur de la pêche, en particulier en Guyane,

Considérant que les accords de partenariat économique (APE) conclus par l'Union européenne (UE) avec certains pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) ou l'accord commercial en négociation avec le Canada constituent une menace pour la pêche des collectivités ultramarines françaises, qu'il s'agisse des RUP ou des pays et territoires d'outre-mer (PTOM),

Juge que l'application indifférenciée des règles de la PCP aux RUP françaises y entrave le développement du secteur de la pêche,

Estime que la réforme de la PCP, dont les principaux volets envisagés par la Commission européenne ne trouvent pas à s'appliquer aujourd'hui aux RUP françaises, constitue néanmoins une opportunité à saisir pour prendre en compte les réalités de ces collectivités, et dès lors :

- S'agissant de la PCP proprement dite

Considère, à l'instar du Parlement européen, que l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui permet l'édiction de règles spécifiques aux RUP afin de tenir compte de leurs handicaps, est insuffisamment utilisé et demande, en conséquence, à la Commission européenne de prévoir dans les règlements relatifs à la politique commune de la pêche et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche des dispositions spécifiques aux RUP,

Estime impératif de mettre en place des règles spécifiques aux flottes ultramarines, comme une dérogation à l'interdiction des aides à la construction, l'adaptation des aides aux investissements à bord des navires ou l'autorisation des subventions au fonctionnement afin de financer, par exemple, les dispositifs de concentration de poissons (DCP) ancrés collectifs, procédés sélectifs au service d'une pêche durable,

Estime indispensable que les mécanismes financiers dont bénéficient aujourd'hui les RUP, qu'il s'agisse du taux d'intensité d'aides majoré ou du régime de compensation des surcoûts qui grèvent l'écoulement des produits de la pêche provenant de régions ultrapériphériques, soient maintenus et que le bénéfice de ce dernier soit étendu à la Guadeloupe et à la Martinique, avec une augmentation de l'enveloppe financière,

Demande la création d'un comité consultatif régional spécifique aux RUP,

Se réjouit que la réforme de la PCP comporte un volet consacré spécifiquement au développement de l'aquaculture,

- S'agissant de la politique commerciale de l'UE

Invite la Commission européenne à mieux articuler sa politique commerciale avec les autres politiques sectorielles de l'Union, notamment la PCP, et donc à prendre en compte dans les négociations des APE les objectifs spécifiques fixés par l'Union pour les RUP et à évaluer systématiquement et préventivement les effets sur ces régions et sur les PTOM des accords commerciaux qu'elle négocie,

Appelle l'UE à faire de la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée une priorité de son action au niveau international, en particulier dans le cadre de la négociation des APE.

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