B. LES POINTS D'ATTENTION CONCERNANT LA CONSOMMATION DES CRÉDITS MÉDICO-SOCIAUX

1. Les mesures de mises en réserve

Afin de respecter l'Ondam dans son ensemble et conformément à l'article 8 de la loi du 20 décembre 2010 de programmation des finances publiques 2 ( * ) , 100 millions d'euros ont été gelés en 2011 puis 2012 au sein du budget de la CNSA .

Pour l'année 2011, les mesures de gel ont porté à hauteur de 28,7 millions d'euros sur l'OGD et de 71,3 millions d'euros sur le plan d'aide à l'investissement (PAI).

En 2012, 37 millions d'euros de mises en réserve ont été effectuées sur l'OGD personnes âgées, 48 millions d'euros sur le PAI 2012 et 15 millions sur des crédits résultant de l'annulation d'opérations incluses dans des PAI antérieurs.

Votre rapporteur avait regretté l'année dernière que l'Ondam médico-social supporte près de 20 % des mises en réserve annuelles alors qu'il ne représente qu'environ 10 % de l'Ondam dans son ensemble. Il avait en outre souligné que ce gel constituait une entorse au principe de fongibilité asymétrique destiné à ce que les enveloppes de crédits médico-sociaux gérées par les ARS ne puissent être utilisées au profit du secteur sanitaire.

Par ailleurs, les gels effectués en 2011 et 2012 ont porté pour l'essentiel sur des crédits d'aide à l'investissement . Outre qu'elles sont sources d'incertitude pour les établissements susceptibles de bénéficier de ces aides, de telles mesures risquent de nuire à la lisibilité de l'action menée dans ce domaine par la CNSA.

S'appuyant sur les recommandations du rapport Briet 3 ( * ) , les mesures de gel de l'Ondam mises en oeuvre par le précédent gouvernement ont exclusivement porté sur des crédits s'apparentant à des dotations budgétaires. Dans le secteur sanitaire, cela conduisait en pratique à faire peser l'essentiel des mises en réserve sur les crédits d'aide à la contractualisation. Or, le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat, publié en juillet dernier, sur la tarification hospitalière 4 ( * ) a contesté cette logique et recommandé de rapprocher la régulation des dépenses de l'évolution de l'activité de chaque établissement.

Cette recommandation est aujourd'hui suivie d'effets puisque le Gouvernement actuel a inséré en première lecture du PLFSS à l'Assemblée nationale un article 47 bis tendant à ce que les mesures de gel prennent la forme de minorations des tarifs et non plus de mises en réserve de dotations budgétaires . Aucune précision n'a été apportée pour le moment concernant les gels éventuels dont pourrait faire l'objet l'Ondam médico-social.

Au regard de l'évolution apportée par l'article 47 bis , il serait légitime et cohérent, compte tenu de la nature de l'Ondam médico-social, qui n'est pas un objectif mais une enveloppe fermée de crédits budgétaires, que celui-ci soit désormais exonéré de toute participation à la régulation de l'Ondam dans son ensemble.

2. La sous-consommation chronique de l'objectif global de dépenses

Le tableau ci-dessous montre la sous-consommation chronique de l'OGD personnes âgées sur la période 2006-2011, ainsi que la tendance à une légère surconsommation de l'OGD personnes handicapées depuis 2009.

Consommation des OGD personnes âgées et personnes handicapées depuis 2006

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Prévisions OGD PA*

4 982

5 688

6 612

7 592

8 182

8 547

Réalisation OGD PA*

4 645

5 151

6 098

7 250

7 960

8 308

% de réalisation

93,2%

90,6%

92,2%

95,5%

97,3%

97,2%

Prévisions OGD PH**

6 834

7 232

7 654

8 009

8 204

8 503

Réalisation OGD PH**

6 738

7 211

7 620

8 066

8 306

8 527

% de réalisation

98,6%

99,7%

99,6%

100,7%

101,2%

100,3%

* Personnes âgées Source : Bilan d'exécution du budget 2011 de la CNSA
** Personnes handicapées

Selon les données fournies à l'annexe 1 au PLFSS, le niveau global de sous-consommation de l'OGD s'établirait à 270 millions d'euros en 2011 et serait porté à hauteur de 245 millions par l'OGD personnes âgées. La sous-consommation de l'OGD personnes handicapées serait liée aux retraitements comptables effectués en fin d'exercice sans lesquels un dépassement de 85 millions d'euros aurait dû être observé.

Plusieurs types de mesures ont été engagées pour limiter le risque de sous-consommation de l'OGD.

En 2009 puis 2010, des crédits ont été définitivement restitués à l'assurance maladie, respectivement à hauteur de 150 puis de 100 millions d'euros.

Les conclusions de la mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) sur la consommation de l'OGD 5 ( * ) ont par ailleurs conduit au déploiement en 2012 d'un nouveau dispositif de suivi et de pilotage de la dépense fondé sur les données collectées pour chaque établissement ou service 6 ( * ) .

En outre, le pilotage de l'OGD devrait être amélioré par la distinction effectuée depuis 2010 entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement.

Malgré ces avancées, l'annexe 1 au PLFSS reconnaît que, « dans le contexte présent de rareté des fonds publics, le pilotage de la dépense médico-sociale doit encore être amélioré » .

Le jugement des fédérations d'établissements et de services rencontrées par votre rapporteur au cours de ses auditions a été moins nuancé. Celles-ci estiment la sous-consommation de l'OGD particulièrement problématique alors même que les besoins de médicalisation et de création de places sont patents. Outre une déception, cette situation crée une certaine méfiance vis-à-vis des taux d'augmentation de l'Ondam et de l'OGD affichés chaque année au moment de l'examen du PLFSS. Il est à craindre que ces hausses finissent par n'être perçues que comme des mesures d'affichage politique sans retombées pleines et entières sur les établissements et services.

Plusieurs explications ont été avancées à la sous-consommation de l'OGD. Parmi elles figure la lourdeur de la procédure de délégation des crédits aux ARS . Alors qu'ils devraient être notifiés dès le 15 février, la notification n'intervient pas en pratique avant le mois d'avril. La période durant laquelle les enveloppes peuvent être effectivement consommées s'en trouve dès lors considérablement réduite.

Par ailleurs, le processus de médicalisation des Ehpad est freiné par les difficultés que pose le partage des dépenses relatives aux aides soignants et aux aides médico-psychologiques entre l'assurance maladie et les départements, respectivement à hauteur de 70 % et 30 %. Un tel partage suppose en effet que toute augmentation des crédits de l'assurance maladie alloués à la médicalisation puisse être complétée au niveau nécessaire par les départements, ce qui, compte tenu de la situation financière de certains d'entre eux, peut s'avérer difficile.

Dans une lettre en date du 18 octobre dernier, le président de l'assemblée des départements de France a d'ailleurs alerté la ministre des affaires sociales à ce sujet. Il a en outre souligné que l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l'article 63 de la LFSS pour 2009, qui met en place la tarification à la ressource, repose sur une déconnexion des enveloppes soins et dépendance qui pourrait mettre un terme à ces difficultés. Or la publication du décret nécessaire à l'entrée en vigueur de cet article est encore attendue.


* 2 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques.

* 3 Raoul Briet, Rapport du groupe de travail sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie, mai 2010.

* 4 Rapport d'information n° 703 de Jaky Le Menn et Alain Milon, Sénateurs, au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, « Refonder la tarification hospitalière au service du patient », juillet 2012.

* 5 Igas/IGF, Enquête sur la consommation des crédits soumis à l'objectif global de dépenses, février 2010.

* 6 Il s'agit de l'application « Hapi » (Harmonisation et partage d'informations).

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