B. LES SPÉCIFICITÉS DU FINANCEMENT DE L'ENSEIGNEMENT PRIVÉ

Si le financement par l'Etat de l'enseignement privé obéit au principe de parité avec l'enseignement public, il fait apparaître des différences liées à ses spécificités.

L'action 09 « Fonctionnement des établissements » représente, pour l'essentiel, la dépense liée au versement du forfait d'externat aux établissements d'enseignement privé pour chacun de leurs élèves inscrits dans une classe sous contrat d'association avec l'Etat. Le montant alloué pour chaque élève varie en fonction de la formation qu'il suit ; ces divers montants, ou « taux », sont fixés par un arrêté interministériel annuel.

La mesure de l'évolution de la dotation versée à ce titre doit tenir compte du transfert de compétences de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie au 1 er janvier 2012, qui a représenté 17,46 millions d'euros, ramenant ainsi le montant prévu à 612, 03 millions d'euros. A structure constante, les crédits consacrés au forfait d'externat sont donc appelés à augmenter de 3,39 millions d'euros « du fait de l'accroissement prévisionnel des effectifs d'élèves à la rentrée de septembre 2012 (1 198 705 élèves attendus dans le second degré pour l'année scolaire 2012-2013, soit une hausse de près de 0,55 %) et de l'évolution de leur répartition entre les diverses formations » 30 ( * ) .

Cette somme de 615,4 millions d'euros représente 513 euros par élève du second degré, dont 502 euros pour un collégien, 497 euros pour un lycéen dans l'enseignement général et technologique et 637 euros dans l'enseignement professionnel.

Conclusions du référé de la Cour des comptes concernant la situation financière du régime additionnel de retraite des personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement privé sous contrat

Il y a quelques semaines, la Cour des comptes a transmis à votre commission des finances un référé dans lequel elle déplore la situation financière préoccupante du régime additionnel de retraite des personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement privé sous contrat 31 ( * ) .

Créé par la loi n° 2005-05 du 5 janvier relative à la situation des maîtres des établissements privés sous contrat, le régime additionnel de retraite des personnels enseignants et de documentation des établissements privés sous contrat (soit un peu moins de 140 000 agents en 2011, selon les données de l'INSEE) est un régime supplémentaire obligatoire qui a pour objet de contribuer au « traitement social équitable » entre les maîtres de l'enseignement public et ceux des établissements privés sous contrat, selon le principe posé par la loi n° 77-1285 du 25 novembre 1977, dite loi Guermeur.

Ce régime est financé par une cotisation de 1,50 % sur l'ensemble des rémunérations, partagée à parts égales entre l'Etat et les personnels concernés, sans au demeurant que cette cotisation supplémentaire pèse en réalité sur le traitement net perçu par ces derniers, dans la mesure où l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 les a rattachés au régime de retraite des fonctionnaires alors qu'ils dépendaient auparavant du régime général d'assurance maladie. La perte de recettes qu'il doit supporter à ce titre a été évaluée par la Cour à 30 millions d'euros en 2010.

Ce régime à prestations définies sert une pension à partir de 60 ans, la quotité était fixée à 5 % du total formé par les retraites servies par le régime général (CNAV) et par les régimes complémentaires obligatoires des salariés du secteur privé (AGIRC-ARRCO). Ce taux devait s'accroître d'un point tous les cinq ans pour atteindre 10 % à compter du 1 er septembre 2030, afin de combler l'écart de pension généralement mis en avant entre les enseignants du secteur privé et leurs homologues du secteur public. La loi de finances pour 2006 a ensuite ramené à 2020 l'échéance initialement fixée à 2030 et a accéléré le rythme d'évolution des taux de versement de la pension. Enfin, lors de la création du régime, des « droits gratuits que la Cour juge « substantiels » ont été accordés à des agents qui n'y avaient, par construction, jamais cotisé.

La Cour évalue à 1 605 euros le montant annuel moyen de la pension additionnelle perçue par les 24 224 agents qui en bénéficient, sur la période 2005-2010, ce qui représente 8 % du montant total moyen des pensions perçues par les intéressés.

Après son analyse d'un régime qu'elle qualifie d'avantageux, la Cour souligne sa situation financière très préoccupante , d'autant que les structures chargées de son contrôle n'ont été mises en place que très progressivement : le cabinet d'actuaire chargé d'évaluer l'équilibre financier du régime n'a pu présenter son premier rapport que le 26 janvier 2010 et ce n'est qu'un an plus tard que le commissaire contrôleur des assurances chargé de le suivre a été désigné.

Les trois rapports remis par l'actuaire du régime ont montré le caractère très déséquilibré de son financement. D'ailleurs, il se trouve en déficit technique depuis 2010 et ses réserves seront épuisées en 2019.

La Cour souligne que « ce régime doit donc être très rapidement réformé, eu égard au risque qu'il fait peser sur les finances publiques » ; elle évoque différentes mesures : gel des pensions, blocage au taux actuel, limitation ou suppression des droits gratuits, augmentation du taux de cotisation...

Plus fondamentalement, elle appelle de ses voeux un examen plus complet et plus précis des écarts réels de pensions entre les enseignants du secteur public et les maîtres de l'enseignement privé sous contrat . De son point de vue, le constat est sans appel : « La différence de 20 % généralement alléguée, qui a constitué le motif de la création du régime, ne repose pas en effet sur une analyse étayée. Selon une première et récente étude statistique, le régime additionnel aurait ainsi pour effet de faire bénéficier les maîtres de l'enseignement privé dont l'indice de fin de carrière est inférieur à 690 - ce qui est le cas d'une majorité d'entre eux - d'une retraite supérieure à la pension de leurs homologues du secteur public ».

De fait, à l'origine, aucun caractère rétroactif n'avait été introduit et seules les années de service d'enseignement postérieures à l'entrée en vigueur de la loi Guermeur étaient prises en compte dans le calcul des revenus de remplacement. Fin 2004, un maître du secteur privé ne pouvait totaliser qu'au maximum 108 trimestres alors même qu'il aurait validé auprès de ses organismes d'assurance vieillesse 160 trimestres de cotisation. Les syndicats de l'enseignement privé estimaient alors à 20 % l'écart entre pensions des enseignants du public et du privé .

Si on peut d'autant mieux comprendre le souci exprimé en 2005 de faire en sorte qu'à salaire égal retraite égale que les enseignants du privé sont rémunérés par l'Etat, l'écart de durée de cotisation prise en compte dans le calcul de la retraite est par définition allé s'amenuisant au fil du temps . Par ailleurs, le « partage » du financement entre l'Etat et les enseignants n'est plus qu'un lointain souvenir et c'est la solidarité nationale qui finance un régime qui ne repose pas sur une inégalité de situations clairement établie .

Si tel est bien le cas, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent que constater qu'une réforme du régime s'impose . Dans la mesure où les enseignants du privé et ceux du public dépendent de deux régimes sociaux différents, il est par nature difficile de faire coïncider parfaitement leur situation, encore plus à la retraite qu'en activité. Le meilleur moyen de ne pas remettre en cause la pérennité même du régime conduit à le faire évaluer rapidement, d'autant que l'Etat finance par ailleurs le régime de retraite temporaire (RETREP pour les enseignants du privé en général et ATCAA pour les maîtres de l'enseignement agricole), à hauteur de 300 millions d'euros chaque année.

C'est dans cette direction que semble s'être engagé le Gouvernement, du moins si l'on en croit la réponse apportée par la Ministre des affaires sociales et de la santé aux observations de la Cour, le 12 octobre 2012 : « il est donc indispensable de procéder au plus vite à une réforme de ce régime, qui devrait entrer en vigueur dès le 1 er janvier 2013 ». Elle évoque deux pistes privilégiées : le renforcement de l'équité intergénérationnelle, qui passe par une modification en profondeur du système des droits gratuits et la maîtrise des dépenses, « par un gel du calendrier de montée en charge du taux de pension, afin de le stabiliser à son taux actuel de 8 %. La solvabilité du régime, au-delà de 2030, serait par ailleurs atteinte par un relèvement concomitant des cotisations ».

Dans la réponse qu'il a à son tour apportée aux observations de la Cour, le 29 octobre 2012, le Ministre de l'éducation nationale, se fondant sur les résultats d'un travail de comparaison mené par sondage, explique que le différentiel de pension existe toujours. Mais il précise que « pour les enseignants du privé dont l'indice de fin de carrière est inférieur à 650 (certifiés de classe normale, adjoints d'enseignement, professeurs des écoles de classe normale, instituteurs), le RAR compense, voire surcompense le différentiel de pension ». Or, comme il l'indique ensuite, « 63 % des départs à la retraite constatés dans le second degré concernent des personnes dont l'indice terminal est inférieur ou égale à l'indice 650, contre 87 % dans le premier degré ». L'effet « surcompensateur » paraît donc largement répandu. Après avoir rappelé les possibles pistes de réforme du régime, le Ministre souligne toutefois que « les solutions à retenir devront trouver un équilibre entre les objectifs de redressement financier à atteindre et l'acceptabilité sociales d'une réforme touchant à l'une des composantes spécifiques du régime social des 130 000 maîtres du privé ».


* 30 Projet annuel de performances 2013.

* 31 Documents du 30 octobre 2012 disponibles sur le site de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr/Publications/Situation-financiere-du-regime-additionnel-de-retraite-des-personnels-enseignants-et-de-documentation-des-etablissements-prives-sous-contrat.

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