B. LA REFONDATION DE L'ÉCOLE

Tirant les conséquences des profonds changements qu'a connus notre système éducatif au cours des quarante dernières années et soucieux de mettre en oeuvre la priorité que constitue la politique éducative pour le nouveau Gouvernement, le ministre de l'éducation nationale a engagé une grande concertation destinée à définir les lignes maîtresses de la réforme d'ensemble qu'il appelle de ses voeux. Sans être entièrement nouveau 10 ( * ) , ce processus est inédit par son ampleur.

1. Un processus inédit par son ampleur

La concertation s'est organisée autour de quatre groupes de travail, qui avaient respectivement pour champ d'investigation la réussite scolaire pour tous, les élèves au coeur de la refondation, un système éducatif juste et efficace, des personnels formés et reconnus. Chaque groupe de travail devait aborder plusieurs thématiques, qui témoignaient déjà de certaines orientations de la future politique éducative (par exemple, la priorité donnée à l'école primaire ou la prévention du décrochage scolaire).

Les grandes étapes de la refondation

5 juillet 2012 : Présentation et lancement des travaux de la concertation par Jean-Marc Ayrault devant le Conseil supérieur de l'éducation. Le comité de pilotage, composé de la sociologue Nathalie Mons, de l'inspecteur général de l'éducation nationale Christian Forestier, du président de la région Centre François Bonneau et de la journaliste Marie-Françoise Colombani est chargé de remettre un rapport au Gouvernement.

6 juillet 2012 : Début des travaux en ateliers. Quatre groupes de travail thématiques sont formés : « des personnels formés et reconnus » , « la réussite scolaire pour tous » , « les élèves au coeur de la réussite » et « un système éducatif juste et efficace » . 800 personnes, associations et syndicats sont impliqués dans cette concertation à laquelle sont associés 23 ministères.

9 octobre 2012 : Remise du rapport au président de la République, long de 52 pages, synthèse de 300 heures de débats répartis dans 120 villes pendant trois mois. 8 200 contributions d'internautes ont par ailleurs été recueillies durant cette période. Le rapport doit servir de base à la grande loi d'orientation sur l'école qui devrait être examinée par le Parlement au cours des prochains mois.

2. Dresser le bilan des initiatives des dernières années

Tout en subissant les effets de la mécanique du 1 sur 2, la politique éducative du précédent Gouvernement a été marquée par une succession d'annonces à vocation pédagogique souvent mal préparées et dont les résultats restent à établir précisément, comme l'attestent plusieurs rapports récents de l'inspection de l'éducation nationale et de l'inspection de l'administration de l'éducation nationale.

Ainsi, les Etablissements de réinsertion sociale (ERS), créés par la circulaire n° 2010-090 du 29 juin 2010 portant création des ERS, ont fait l'objet d'un rapport 11 ( * ) en juin 2012.

Intitulé « Les établissements de réinsertion sociale - bilan et perspectives » , ce document souligne que les ERS enregistrent des résultats mitigés au regard des moyens engagés. La presse s'est largement faite l'écho des nombreux incidents rencontrés, dont le rapport estime qu'ils témoignent de « dysfonctionnements graves, la mise en danger des élèves et des adultes de l'équipe ... ». Au-delà du caractère souvent virtuel des projets pédagogiques et éducatifs, et même si, comme le rapport l'indique, « les premiers résultats, malgré des conditions de mise en oeuvre parfois déficientes, ne sont pas entièrement négatifs », les objectifs initiaux sont loin d'être atteints : à la date du rapport, 139 élèves étaient concernés sur un potentiel de 1 500 très « perturbateurs ».

Le rapport recommande donc de fermer certains ERS, « car présentant de sérieux facteurs de risques ». Il s'interroge par ailleurs sur le devenir des élèves rejetés ainsi que sur le coût du dispositif.

Quasiment au même moment, un autre rapport s'est interrogé sur le bilan de l'élargissement du programme CLAIR au programme ECLAIR 12 ( * ) .

Le périmètre des ECLAIR recouvre, à quelques exceptions près, l'ensemble des réseaux ambition réussite (RAR) : cette logique territoriale est-elle la plus pertinente ? Dans ce contexte, le document s'interroge sur la plus-value du programme ECLAIR par rapport au dispositif RAR : « Ces programmes constituent-ils un énième dispositif, se rajoutant aux autres déjà très nombreux dans l'histoire de l'éducation prioritaire - qui date de trente ans - dont l'organisation était déjà complexe ? ».

Les conclusions sont sans appel : les objectifs attendus sont ceux de l'éducation prioritaire en général. Les spécificités du programme ECLAIR ne sont pas identifiées. On est très loin de l'image de « laboratoire de l'innovation pédagogique » que devait susciter une relance forte de l'éducation prioritaire.

Le rapport constate qu'une « strate supplémentaire dans le « millefeuille » des dispositifs [...] ne suffit pas à donner un nouveau souffle à l'éducation prioritaire » et que « les effets du programme ECLAIR sont très modestes dans les écoles et les établissements. La plus-value éducative et pédagogique est limitée ». Tout en préconisant de limiter la cartographie de l'éducation prioritaire aux écoles et aux collèges, les problématiques des lycées relevant d'autres logiques, le rapport appelle de ses voeux une remise à plat de l'éducation prioritaire, axe majeur de la politique éducative nationale, dès la rentrée 2013.

Le rapport annuel de performance 2011 consacre quelques lignes à l'expérimentation « cours le matin, sport l'après-midi ». Engagée en 2010, dans 124 collèges et lycées, elle a concerné 208 établissements en 2011-2012. Une évaluation de cet aménagement des rythmes scolaires est prévue après trois ans de mise en oeuvre. Le rapport souligne néanmoins que « des effets positifs sont d'ores et déjà constatés par les chefs d'établissement, en particulier une amélioration de la motivation et de l'assiduité, le respect du cadre de vie et un climat scolaire positif ».

Un autre rapport a établi un diagnostic très contrasté de la mise en place et du fonctionnement des internats d'excellence 13 ( * ) .

Le programme 324 « Internats d'excellence et égalité des chances » a été créé par la loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2010-237 du 9 mars 2010) et doté de 500 millions d'euros AE = CP. En octobre 2010, l'Etat a doté l'opérateur retenu, l'agence nationale de rénovation urbaine (Anru) de 452 millions d'euros, afin de poursuivre jusqu'en 2020 l'investissement dans ces structures destinées à accueillir les élèves qui ne bénéficient pas de conditions familiales propices à la réussite scolaire, en privilégiant ceux des quartiers prioritaires de la politique de la ville, tout en leur proposant un projet éducatif et pédagogique spécifique. Des moyens importants ont donc été mis au service de ces internats d'un nouveau genre : attribution par les préfectures d'un forfait de 2 000 euros par interne issu des quartiers de la politique de la ville afin d'aider les familles pour l'acquisition de matériel ou les frais de transport, attribution d'un poste de coordonnateur, le cas échéant, par l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé). En outre, la création d'un fonds local permettait de faire face à des dépenses particulières (activités culturelles, recours à un psychologue...).

A la rentrée 2012, les 30 académies proposent plus de 11 000 places « internat d'excellence » dans les établissements publics, dont près de 7 000 labellisées dans des internats d'existants et 4 173 dans les 45 « internats d'excellence » de plein exercice (dont 19 nouveaux) 14 ( * ) . S'y ajoutent plusieurs centaines de places dans les établissements privés.

A ce stade, l'ANRU a déjà engagé 265 millions d'euros et en a programmé 135 supplémentaires jusqu'en 2014. En outre, dans le cadre de la mise en place de schémas régionaux des internats, comme l'indique le ministère (dans les réponses au questionnaire budgétaire) « les collectivités locales compétentes sont sollicitées afin d'obtenir 50 % de la dépense chaque fois que l'ouverture d'un nouvel internat d'excellence est prévue ».

Sur le plan pédagogique, le ministère souligne que les résultats aux examens de la session 2012 sont particulièrement bons dans les internats d'excellence de plein exercice. Le taux de réussite au diplôme national du brevet est supérieur au taux national (90 % des candidats scolarisés dans ces internats ont réussi, contre 81 % des candidats au niveau national et 74 % en zone d'éducation prioritaire en 2011) et le taux de mentions s'élève à 28 %, soit un taux proche du taux national mais supérieur à celui de l'éducation prioritaire (21 %). Les taux de réussite aux différents baccalauréats sont également supérieurs aux taux nationaux. Le ministère précise cependant que « le vivier d'élèves n'est sûrement pas étranger à ces bons résultats ».

Le Gouvernement a fait le choix de ne pas abandonner ce dispositif. Au contraire, il considère que dorénavant tous les internats, dans leur diversité, doivent « proposer l'excellence aux élèves accueillis pour contribuer à l'égalité des chances et à la réussite de tous ». Il explique par ailleurs que « les projets éducatifs y seront améliorés en étroite collaboration avec les collectivités locales » 15 ( * ) .

Cette démarche illustre la méthode suivie par le Gouvernement, qui consiste à ne pas abandonner sans évaluation les nombreux dispositifs mis en place par le précédent Gouvernement. Vos rapporteurs spéciaux prennent acte de ce pragmatisme, tant il est vrai que tout ce qui peut contribuer à freiner le décrochage scolaire ou à garantir l'égalité des chances à tous les niveaux du parcours scolaire mérite d'être pris en compte. Ils constatent cependant le coût de ces initiatives pour la nation.


* 10 Antérieurement à la refondation, trois consultations principales ont été organisées :

- en 2009 : confiée à Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris, la mission de consultation sur la réforme du lycée débouche notamment sur la création de l'accompagnement personnalisé des élèves et des enseignements d'exploration ;

- en 2003-2004 : le grand débat national public sur l'avenir de l'école aboutit à la remise d'un rapport en octobre 2004, le « rapport Thélot », qui orientera la réforme du système éducatif menée par le ministre de l'éducation de l'époque, François Fillon. La « loi Fillon » d'avril 2005 institue notamment le socle commun de connaissances ;

- en 1999 : le sociologue François Dubet remet à Ségolène Royal un rapport intitulé « Le Collège de l'an 2000 » à la suite d'une série de consultations. La réforme entend prendre en compte la diversité des élèves, diversifier les méthodes d'enseignement et améliorer la vie au sein du collège.

* 11 Rapport n° 2012-058.

* 12 Rapport n° 2012-076, juillet 2012.

* 13 Rapport n° 2011-057.

* 14 Ces chiffres sont ceux communiqués à vos rapporteurs spéciaux en réponse au questionnaire budgétaire. Le projet annuel de performances 2013 mentionne quant à lui 18 nouveaux établissements « dont l'ouverture est programmée à la rentrée 2012 », ce qui porte à 44 le nombre de ces internats d'excellence.

* 15 Réponses au questionnaire budgétaire.

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