II. UNE SORTIE DE CRISE EN VUE : LE PROJET D'UN NOUVEAU DISPOSITIF EUROPÉEN D'ENCADREMENT DES DROITS DE PLANTATION PEUT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ.

A. LES ORIENTATIONS POSITIVES DU GROUPE DE HAUT NIVEAU.

1. La prise de conscience de la fragilité des équilibres économiques du secteur viticole.

Principal producteur de vin au monde, avec 163 millions d'hectolitres produits en 2011-2012 sur un total d'environ 265 millions par an (selon l'Organisation Internationale du Vin), l'Union européenne perd cependant année après année des parts de marché, mais aussi des surfaces de vigne, ainsi que des consommateurs sur le marché intérieur, avec une consommation passée de 140 millions d'hectolitres en 2006-2007 à 135 millions en 2010-2011. Cette baisse tendancielle traduit une mutation des habitudes de consommation à laquelle l'ensemble de la filière viticole européenne répond par une stratégie de montée en gamme.

Les principaux producteurs de vins européens, France, Italie et Espagne, assurent une grande part du commerce international des vins. Les États membres de l'Union européenne assurent les deux tiers des exportations de vin dans un marché de plus en plus internationalisé, où les producteurs du Nouveau monde : Argentine, Chili, Australie, Afrique du Sud, jouent un rôle de plus en plus grand.

Dans un contexte international changeant, le régime des droits de plantation a pu paraître comme un carcan empêchant de pousser à la hausse la production européenne de vin, mais il a aussi permis de bénéficier de prix stables, de visibilité sur les marchés, et fait échapper les viticulteurs européens à la surproduction et aux effondrements de prix qui en sont la conséquence, comme le connaît depuis 2009-2010 l'Australie.

Car la viticulture constitue un secteur fragile, sensible au climat comme toute l'activité agricole, sensible aux maladies de la vigne, mais aussi aux variations conjoncturelles.

Dans ces conditions, une régulation économique du secteur de la viticulture s'avère nécessaire. Elle l'est d'autant plus que la viticulture a une place importante en Europe. Dans son discours au GHN le 19 avril 2012, le commissaire Dacian Ciolos ne disait d'ailleurs pas autre chose, en déclarant « je crois que nous sommes tous conscients de la valeur économique, culturelle, sociale, environnementale, et j'ai envie de dire également patrimoniale de la filière viticole européenne ».

2. Un nouveau système d'encadrement des droits de plantation est proposé.

Une note présentée par la France au nom de 11 États membres 8 ( * ) avait été soumise au GHN, proposant de maintenir les droits de plantations pour les trois segments du marché : vins sous appellation d'origine (AOP), vins sous indication géographique protégée (IGP) et vins sans indication géographique (VSIG), avec des flexibilités possibles dans l'application nationale des règles.

La Commission européenne, pour sa part, considérait comme inconcevable d'entrer en contradiction frontale avec la décision prise par le Conseil en 2008 dans le cadre de la réforme de l'OCM vitivinicole.

Lors de son ultime réunion du 14 décembre 2012, le GHN, prenant acte du souhait d'un grand nombre d'États membres de l'Union européenne et d'acteurs économiques du secteur viticole de prolonger le système des droits de plantation au-delà du 31 décembre 2015, a proposé non pas une reconduction à l'identique mais un nouveau dispositif qui en partagerait l'esprit . C'est une solution de compromis qui a été choisie, mais qui penche fortement du côté des thèses défendues par la France.

Les propositions constituent ainsi une réelle avancée, qui laisse entrevoir une sortie par le haut pour le secteur viticole :

- Le nouveau régime s'appliquerait à tous les États membres , à l'exception des très petits producteurs de vin 9 ( * ) , qui seraient exemptés du nouveau régime, en application de la clause « de minimis ». Les États n'auraient pas le choix d'appliquer ou pas l'encadrement des droits de plantation. Ainsi, le dispositif d'encadrement des plantations de vigne resterait un dispositif européen.

- Toutes les productions seraient concernées : celles destinées à la production de vin sous signe de qualité, appellation d'origine ou indication géographique protégée, mais aussi celles destinées à la production de vin sans indication géographique. C'était là aussi une cause d'inquiétude majeure des professionnels, qui ne souhaitaient pas dans une même zone d'appellation voir se multiplier des plantations libres de vigne destinées à produire du vin sans indication géographique mais qui auraient pu se prévaloir des mêmes qualités que le vin sous signe de qualité.

- Les autorisations administratives de plantations de vignes seraient attribuées gratuitement et non transférables entre exploitations . Elles seraient valables trois ans.

- Un plafond de plantations nouvelles serait défini au niveau communautaire . Qualifié de « mécanisme de sauvegarde » par le GHN, ce nouvel encadrement prendrait la forme d'un pourcentage maximum annuel de croissance des surfaces plantées de vignes en Europe.

- Les États membres ne pourraient pas dépasser ce plafond, mais ils auraient la possibilité de définir un pourcentage plus faible , sur la base de critères « objectifs et non-discriminatoires ».

- Il leur reviendrait aussi de gérer le système de délivrance des autorisations au niveau national ou régional, en prenant l'avis des organisations professionnelles reconnues et représentatives. Les autorités nationales pourraient aussi définir des critères d'attribution des droits au niveau national qui compléteraient les critères européens. On pense ici à la priorité qui pourrait être données aux jeunes agriculteurs, ou aux territoires soumis à des contraintes naturelles fortes.

- Le nouveau dispositif aurait une durée de 6 ans, à compter du 1er janvier 2016 .

Les conclusions du GHN dessinent donc un nouveau dispositif de régulation des plantations de vigne en Europe assez proche de ce qui existe actuellement. L'évolution est donc notable entre sa mise en place début 2012 et la fin de ses travaux, et très positive.


* 8 France, Italie, Espagne, Allemagne, Portugal, Grèce, Hongrie, Autriche, Slovénie, République tchèque et Bulgarie.

* 9 États membres où le régime communautaire des droits de plantation n'était pas en vigueur à la date du 31 décembre 2007 : il s'agit de ceux produisant moins de 25 000 hl de vin à cette date : Pologne, Belgique, Lituanie, Lettonie, Estonie, Finlande, Suède, Pays-Bas, Danemark, Irlande, Royaume-Uni.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page