CHAPITRE III - DISPOSITIONS DE COORDINATION

Articles 4 et 4 bis(art. 6-1 [nouveau], 34, 75, 108, 206, 371-1, 601, 718 [rétabli] et 757-1 du code civil) - Égalité de traitement entre les époux ou parents de même sexe et ceux de sexe différent - Habilitation du Gouvernement pour procéder aux coordinations nécessaires, hors code civil

Ces deux articles organisaient, à l'origine, l'ensemble des coordinations au sein du code civil et de l'ensemble de la législation, rendues nécessaires par l'ouverture du mariage et de l'adoption conjointe aux couples de personnes de même sexe.

1. Le droit en vigueur

Le code civil porte en effet la marque du modèle de la famille biologique : les articles 75 et 108, sur la célébration du mariage et le domicile conjugale mentionnent le « mari » et la « femme ». Plusieurs dispositions relatives au régime juridique du mariage ou des régimes matrimoniaux, de l'adoption, de l'autorité parentale, de l'administration légale ou de la tutelle, de la protection juridique des majeurs, de l'usufruit, du droit des successions et des libéralités, et même du droit des obligations ou de la responsabilité civile, font, elles, référence au « père » et à la « mère » voire au « beau-père » et à la « belle-mère ».

De telles mentions auraient été susceptibles de fermer aux couples ou aux parents de même sexe l'accès aux droits et obligations concernés, si le législateur n'en avait pas disposé autrement.

Deux remarques s'imposent.

Le titre VII du livre premier, consacré à la filiation biologique, par opposition à la filiation adoptive, traitée au titre VIII, est en dehors du champ d'application du présent projet de loi : l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe est, comme on l'a vu précédemment, sans effet sur les modes d'établissement légaux de la filiation biologique. Par conséquent les références aux « père » et « mère », ou à la présomption de paternité dans le mariage interdisent que ces dispositions soient invoquées par le conjoint de même sexe que le premier parent, pour établir à son égard une filiation autre qu'adoptive. Le titre VII du livre premier n'a, par conséquent, pas vocation à être modifié par le présent projet de loi .

Les réformes récentes du code civil, prenant acte des évolutions sociologiques des familles et des modèles familiaux ont progressivement neutralisées les mentions qui auraient pu limiter l'accès à un droit à un sexe plutôt qu'à un autre . Ainsi le titre IX du livre premier sur l'autorité parentale évoque, la plupart du temps, les parents et place sur un strict pied d'égalité les pères et les mères. Les dispositions relatives au conjoint survivant ne distinguent pas selon le sexe de l'intéressé, ni celles relatives à l'ordonnance de protection en cas de violences conjugales. L'exigence d'égalité des droits et son corollaire, la lutte contre les discriminations, imprègnent ainsi progressivement le code civil .

2. Le projet de loi initial et les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Le Gouvernement a fait le choix, à l'article 4 du projet de loi initial, d'une substitution exhaustive, à chaque fois que nécessaire, de termes généraux aux termes sexués du code civil, lorsque ceux-ci interdisaient l'accès des époux ou des parents de même sexe à certains droits ou obligations.

Cette solution - répétée, aux articles 5 à 21 pour le reste de la législation - conduisait, dans le seul code civil, à plus de 110 substitutions de termes, « parents » remplaçant « père » et « mère », « beaux-parents », « beau-père » et « belle-mère » ; « époux » ou « conjoints », se substituant à « mari » et « femme » ; et l'expression « parents » utilisée en droit des successions pour désigner les ascendants, descendants ou collatéraux, étant remplacée, pour éviter toute confusion, par ces derniers termes.

Le dispositif ainsi retenu a alimenté un large débat à l'Assemblée nationale sur la prétendue disparition de ces termes chargés de symbole, dans le code de référence de notre droit.

Or, même si cette substitution était importante, elle n'aboutissait pas, contrairement à ce qui était parfois indûment allégué, à faire disparaître du code civil les termes de « père » et « mère » .

Ceux-ci étaient notamment intégralement conservés au sein du titre VII du livre premier du code civil sur la filiation, car ils correspondaient alors à la réalité des filiations biologiques, non remise en cause par le projet de loi.

C'est ce que Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, interrogée sur ce point par M. le député Hervé Mariton, a rappelé lors de l'examen du texte en commission, ajoutant qu'« il serait bien misérable [de la part du Gouvernement] d'ouvrir le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe et de n'en tirer aucune conséquence juridique, ce qui empêcherait dans la pratique les citoyens de jouir de leurs libertés et d'exercer leurs droits. Notre sens des responsabilités politiques nous amène donc à ne remplacer les mentions du père et de la mère que lorsque cela est strictement nécessaire. [...]

« C'est ce que j'ai dit lors de la séance des questions au Gouvernement [...] tout comme j'avais déjà dit, devant cette Commission, que nous sommes conscient de la charge symbolique des mots, et que le fait d'ouvrir le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe ne changera strictement rien à la vie des couples hétérosexuels.

« J'ai même précisé qu'à chaque fois que cela avait été possible, nous n'avions pas modifié les termes. Et j'ai cité des exemples d'articles où ceux-ci étant au pluriel, nous les y avions laissés, parce qu'il n'y avait aucun risque d'ambiguïté. » 131 ( * )

Toutefois, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a souligné que ce choix, légitime dans son principe, ne résolvait pas toutes les difficultés pratiques .

D'une part des incohérences subsistaient dans les coordinations, puisque, par exemple, l'expression « père ou mère » qui était applicable aussi aux parents de même sexe avait parfois été remplacée par celle de parents 132 ( * ) , ce qui n'était pas nécessaire.

D'autre part, la substitution en cascade du terme « parents » aux termes « père et mère », et du terme « membre de la famille » au terme « parents » en droit des successions posait en réalité plus de difficulté qu'elle n'en résolvait.

En effet, en droit des successions, la notion de « parents » renvoie aux ascendants, descendants et collatéraux, jusqu'au sixième degré. La remplacer par l'expression « membre de la famille », qui ne fait l'objet d'aucune définition juridique, introduit un élément d'incertitude : le conjoint, les beau-fils et belle-fille ou, plus généralement, les alliés sont-ils membres de la famille ?

Les représentants du conseil supérieur du notariat entendus par notre collègue député Erwann Binet ont confirmé cet inconvénient.

Afin d'y remédier, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de son rapporteur et de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, Mme Marie-Françoise Clergeau, un amendement substituant au dispositif prévu par le Gouvernement, deux dispositions générales d'application de la loi.

La première, inscrite à l'article 4, concerne le code civil. La seconde, introduite dans un nouvel article 4 bis , porte sur le reste de la législation.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale consiste à inscrire, en tête du livre premier du code civil, relatif aux personnes, ainsi qu'en tête du livre III relatif aux biens, deux nouveaux articles 6-1 et 718, précisant que les dispositions de chacun de ses livres s'appliquent également aux parents de même sexe, lorsqu'elles font référence aux père et mère ; aux aïeuls de même sexe, pour les aïeul et aïeule ; aux conjoints survivant de même sexe, pour les veuf et veuve ; ainsi qu'aux branches parentales, pour les branches paternelle et maternelle.

Il s'agit de dispositions interprétatives, qui guideront l'appréciation du juge dans la reconnaissance de l'égalité des droits entre les époux et les parents de même sexe et de sexe différent.

Le titre VII du livre premier est expressément exclu du champ d'application de ces dispositions, afin que ne soient pas remises en cause les règles régissant la filiation biologique.

La rédaction issue des travaux de l'Assemblée maintient quelques substitutions de termes nécessaires, comme celles concernant les conditions de célébration du mariage ou la définition du domicile conjugal aux articles 75 et 108 du code civil 133 ( * ) , l'obligation alimentaire des beaux-parents, à l'article 206, l'usufruit des père et mère sur les biens de leurs enfants, à l'article 601, la succession concurrente du conjoint survivant, en l'absence de descendants, avec les père et mère du défunt, à l'article 757-1.

Ce dispositif s'articule avec celui prévu à l'article 4 bis , qui impose la même règle d'interprétation 134 ( * ) pour l'ensemble de la législation, à l'exclusion du code civil, soumis à l'article 4.

Il a fait tomber, par voie de conséquence la plupart des articles de coordinations du projet de loi initial 135 ( * ) .

3. La position de votre commission : consacrer le principe de l'égalité de traitement entre les époux ou les parents de même sexe et ceux de sexe différent


La nécessité de garantir la sécurité juridique du dispositif balai

La solution de l'Assemblée nationale règle les problèmes d'exhaustivité des coordinations réalisées par les articles 4 à 22 du présent texte, grâce aux deux dispositions « balais » des articles 4 et 4 bis .

Ces deux dispositions doivent être appréciées ensemble, puisqu'elles sont complémentaires.

Or, si la disposition interprétative inscrite à l'article 4 ne paraît pas présenter de risque juridique, s'agissant du code civil, celle de l'article 4 bis , qui régit l'ensemble de la législation, n'offre pas les mêmes assurances.

En premier lieu, non codifiée, elle serait moins aisément accessible, pour les citoyens, que celle insérée au coeur du code civil, alors même qu'elle devrait être prise en considération pour l'interprétation de toute disposition faisant référence, de manière sexuée, aux parents ou aux époux. Si l'exigence constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi n'impose pas la codification d'une disposition législative, cette codification, loin d'y nuire, contribue à son respect 136 ( * ) .

En second lieu, elle reporte sur le juge le soin de décider quelle lecture il devra faire de chaque dispositif ouvert, directement ou indirectement, à des conjoints ou des parents de sexe différents, pour l'étendre ou non aux intéressés de même sexe.

Quelle serait son interprétation pour une loi postérieure au présent texte qui maintiendrait les termes de « mari » et « femme », alors que l'article 4 bis ne s'applique expressément qu'aux dispositions législatives en vigueur à la date de promulgation du présent texte ? Le juge devrait alors apprécier si la nouvelle rédaction déroge ou non à la règle générale.

De la même manière, cette disposition balai s'imposerait-elle aux textes réglementaires pris par le Gouvernement, alors qu'elle est restreinte aux seules lois ? Et comment l'exigence d'égalité s'appliquera-t-elle aux dispositions législatives de la compétence des collectivités territoriales d'outre-mer régie par le principe de la spécialité législative 137 ( * ) ?

Enfin, ne faisant référence qu'à une expression pour désigner les époux, les parents ou les conjoints survivants, elle laisserait au juge le soin d'apprécier, pour des formulations équivalentes ou partielles ou pour des termes juridiques moins précis, s'il convient de les appliquer aussi aux intéressés de même sexe, conformément à l'intention du législateur.

Votre commission a jugé nécessaire de parer à ces incertitudes juridiques, qui fragilisent la réforme engagée.

À l'initiative de son rapporteur, elle a par conséquent substitué à ces deux dispositions « balais », un nouveau dispositif, conforme au principe égalitaire qui inspire le présent texte, et qui laisse moins de champ à l'interprétation du juge .


La consécration du principe d'égalité de traitement entre les époux ou les parents de même sexe et ceux de sexe différent

Le premier amendement adopté par votre commission, sur proposition de son rapporteur, supprime, à l'article 4, les deux dispositions interprétatives, insérées en tête des livres I er et III du code civil, et les remplace par un nouvel article 6-1 placé à la fin du titre préliminaire du code civil.

Ce titre préliminaire, intitulé « De la publication, des effets et de l'application des lois en général » regroupe six articles généraux qui ont vocation à régir non seulement le code civil, mais toute la législation : l'entrée en vigueur et la publication de la loi (article 1 er ), la non rétroactivité de la loi (article 2), les conflits de lois internationales et l'ordre public (article 3), l'interdiction du déni de justice et la prohibition des arrêts de règlement (articles 4 et 5), l'interdiction faite aux contrats de déroger à l'ordre public et aux bonnes moeurs (article 6).

L'article 6-1 qui viendrait le compléter, poserait un nouveau principe général, qui s'imposerait à toutes les lois : l'égalité entre les époux ou les parents de même sexe et ceux de sexe différent, pour les effets du mariage et de la filiation adoptive reconnus par les lois .

Il ne s'agirait là que de l'expression légale de l'exigence constitutionnelle d'égalité, énoncée à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et fondement de la réforme mise en oeuvre par le présent texte.

Ce dispositif s'inspire de la solution consacrée par le droit espagnol 138 ( * ) .

Il convient de préciser que la disposition introduite à ce nouvel article 6-1 ne concernerait que les effets du mariage ou de la filiation adoptive, non les conditions d'accès au mariage ou à la parenté .

L'égalité d'accès au mariage sera assurée par l'article 1 er du présent texte. L'égalité d'accès à l'adoption, entre les époux de sexe différent et les époux de même sexe, en découle nécessairement, et elle seule.

À cet égard, le titre VII du livre premier du code civil, relatif à la filiation biologique serait expressément exclu du champ d'application du principe consacré au nouvel article 6-1, puisque le projet de loi ne consacre de liens de filiations établis à l'égard de deux personnes de même sexe que sur une base adoptive. Ni les présomptions légales de filiation, ni la possession d'état ne pourraient être invoqués par des conjoints homosexuels sur le fondement de ce nouvel article 6-1.

Votre rapporteur observe qu'une telle mention expresse d'exclusion du champ de l'article 6-1 n'est pas nécessaire s'agissant de l'assistance médicale à la procréation. En effet, l'accès à cette dernière ne dépend pas du statut marital des intéressés - des concubins peuvent y prétendre, à l'égal des époux 139 ( * ) - mais du caractère pathologique de l'infertilité, qui doit être médicalement constaté 140 ( * ) . La différence de traitement entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels repose sur une différence de situation, du point de vue la procréation, entre les couples constitués d'un homme et d'une femme et ceux constitués de deux personnes de même sexe, ce qui place ces dispositions hors du champ du nouvel article 6-1 du code civil.

En revanche, visant tous les effets, droits et obligations résultants du mariage et de la filiation, cet article s'appliquerait aussi aux aïeuls de même sexe ou aux beaux-parents de même sexe, traités à l'égal de ceux de sexe différents.

Le champ d'application de ce nouvel article 6-1 du code civil est par ailleurs général et s'étend, à l'instar des autres règles inscrites au sein de ce titre préliminaire du code civil à toute la législation, même postérieure - sauf dérogation expresse.

Consacrant légalement une égalité complète entre les époux ou les parents de même sexe et ceux de sexe différents, il devrait s'imposer aux textes réglementaires .

En effet, dans la mesure où la loi proclame une identité de statut entre les uns et les autres, les règlements, même dans le domaine de compétence exclusive du Gouvernement, ne seraient plus fondés, en vertu du principe général d'égalité, à opérer de distinction entre eux ni à refuser l'accès à un droit sur ce fondement. Ce serait, sinon, soumettre à un traitement différent, deux couples que la loi répute pourtant être dans la même situation juridique.

La même observation pourrait valoir pour les matières relevant de la compétence des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution ou de la Nouvelle-Calédonie : le maintien, dans ces législations, d'une discrimination entre les époux ou les parents de même sexe et ceux de sexe différent, alors même que le mariage d'un couple homosexuel et l'adoption par des conjoints de même sexe s'y appliquera, pourrait être interprété par le juge comme constitutive d'une rupture d'égalité.


L'habilitation conférée au Gouvernement pour procéder aux coordinations textuelles nécessaires, en dehors du code civil

En adoptant l'amendement de son rapporteur à l'article 4, votre commission a souhaité lever les incertitudes que présentait la rédaction précédente et inscrire, en tête du code civil, un principe général d'égal traitement des époux ou des parents de même sexe et de ceux de sexe différent.

Ce nouveau principe ayant vocation à régir toute la législation, la disposition balai de l'article 4 bis n'avait plus de raison d'être et aurait dû être supprimée par coordination.

Toutefois, votre commission a considéré, avec son rapporteur, que si le principe d'égal traitement retenu au nouvel article 6-1 du code civil suffit à garantir l'égalité de droits et de devoirs des époux ou des parents homosexuels avec les époux ou les parents hétérosexuels, il est aussi souhaitable d'adapter en conséquence, pour une meilleure lisibilité, les termes retenus dans les différentes lois et codes sociaux qui ouvrent des droits particuliers aux conjoints ou aux parents.

Pour cette raison, elle a adopté un amendement du Gouvernement 141 ( * ) , qui supprime la rédaction de l'article 4 bis issue des travaux de l'Assemblée nationale et la remplace par une habilitation donnée au Gouvernement pour prendre par ordonnance les mesures de coordination textuelle requises , pour confirmer que le droit ou l'obligation en cause est bien applicable sans distinction.

Le champ de cette habilitation est délimité : si elle couvre l'ensemble des codes et lois, elle ne s'étend pas au code civil, qui continuerait d'employer les termes de « père et mère » ou de « mari et femme ». L'inscription à la fin du titre préliminaire de ce code du nouvel article 6-1 apparaît une mesure suffisante pour assurer la pleine intelligibilité et clarté des droits civils reconnus aux uns comme aux autres.

Son objet est strict : procéder à des coordinations textuelles, à droit constant, conformes au principe d'égalité de traitement défini au nouvel article 6-1 du code civil.

Enfin le Parlement pourra procéder à un contrôle ex post des choix de coordination du Gouvernement, lors de l'examen du projet de loi de ratification qui devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance, qui elle-même interviendra dans un délai de six mois après la publication de loi.


Le maintien de quelques coordinations terminologiques au sein du code civil

Votre commission n'a par ailleurs conservé, à l'article 4, que les substitutions de termes proposés par l'Assemblée nationale à l'article 75 du code civil, qui dispose que l'officier d'état reçoit des époux la déclaration qu'ils se veulent prendre « pour mari et femme ». Les autres coordinations, aux articles 108, 206, 601 et 757-1 du même code, ne sont plus nécessaires compte tenu du nouvel article 6-1.

L' amendement adopté par votre commission à l'initiative de votre rapporteur en ajoute toutefois deux autres.

La première substitution de termes touche l'article 34 du code civil, qui énumère les énonciations que doivent comporter les actes d'état civil, et compte à ce nombre, pour ceux de naissance ou de reconnaissance, la date et le lieu de naissance des « père et mère ». La possibilité de l'adoption conjointe pour des époux de même sexe rend nécessaire de substituer à cette expression celle de « parents », ce qui permettra aux actes en cause de présenter la réalité de la filiation juridique de l'enfant. En revanche, aucune substitution n'est nécessaire à l'article 57, qui correspond aux énonciations reproduites dans l'acte de naissance établit lors de la déclaration de naissance qui suit l'accouchement.

La détermination du format et des modèles de livrets de famille ne relevant pas des règles concernant l'état des personnes, le législateur n'est pas compétent en la matière 142 ( * ) . Il reviendra néanmoins au Gouvernement d'en tirer les conséquences pour les mentions qui seront susceptibles d'être reproduites, en fonction de la situation filiative de l'enfant, au sein du livret de famille.

La seconde substitution de termes touche l'article 371-1 du même code, qui pose le principe de l'attribution conjointe de l'autorité parentale aux « père » et « mère ».

En effet, cet article est au nombre de ceux lus aux futurs époux, en vertu de l'article 75 du code civil, par l'officier d'état civil le jour de la célébration du mariage. Il est par conséquent pertinent de remplacer, à l'article 371-1, les termes de « père » et « mère » par celui de « parents », d'ailleurs utilisé au paragraphe suivant du même article.

Votre commission a adopté les articles 4 et 4 bis ainsi modifié .

Article 4 ter (art. L. 211-1 du code de l'action sociale et des familles) - Critères d'éligibilité au statut d'association familiale

Cet article vise à permettre aux associations représentant les familles homoparentales et à celles représentants les familles constituées autour d'un pacte civil de solidarité, de recevoir le statut d'association familiale.

Il résulte d'un amendement de Mme la députée Marie-Georges Buffet et plusieurs de ses collègues du groupe de la gauche démocrate et républicaine, adopté en séance publique avec l'avis favorable de la commission des lois, le Gouvernement s'en étant remis à la sagesse de l'Assemblée nationale.

Si les associations dont la raison sociale est la représentation de certaines familles peuvent se constituer librement, l'accès au statut particulier d'« association familiale » au sens du code de l'action sociale et des familles (CASF), est réservé à celles qui satisfont aux critères définis à l'article L. 211-1 du CASF.

Le premier critère est lié au but que se fixe l'association. Il doit s'agir, essentiellement, de la défense de l'ensemble des intérêts matériels et moraux, soit de toutes les familles, soit de certaines catégories d'entre elles.

Le second critère, qui s'ajoute au premier, intéresse les adhérents de l'association. Il doit s'agir :

- de familles constituées par le mariage et la filiation ;

- de couples mariés sans enfant ;

- de toutes personnes physiques qui ont charge légale d'enfants par filiation ou adoption ou qui exercent l'autorité parentale ou une tutelle sur un ou plusieurs enfants dont elles ont la charge effective et permanente.

L'article L. 211-2 du même code prévoit que ces associations familiales peuvent adhérer à des unions départementales des associations familiales, lesquelles sont regroupées au sein d'une fédération nationale, dite « union nationale des associations familiales » (UNAF). L'UNAF et les fédérations départementales sont des interlocuteurs reconnus des pouvoirs publics pour l'ensemble des politiques publiques qui touchent aux familles.

Rien n'interdit, au regard des exigences posées par l'article L. 211-1 du CASF, que des associations représentants les familles homoparentales puissent se voir reconnaître la qualité d'« association familiale » ni qu'elles puissent, à ce titre, adhérer à une fédération départementale.

En effet, comme l'a relevé Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, au cours des débats à l'Assemblée nationale, il suffit pour cela que les couples ou les personnes membres de cette association élèvent un ou plusieurs enfants.

Si les couples de personnes de même sexe sans enfant ne peuvent aujourd'hui y adhérer, ils le pourront demain, à l'égal des couples hétérosexuels, en se mariant.

Toutefois, aux yeux de ses auteurs, l'amendement dont résulte le présent article, serait justifié par les difficultés que rencontreraient, en fait, les familles homosexuelles à adhérer à l'union nationale des associations familiales ou aux fédérations départementales.

Afin d'y remédier, le présent article ajouterait au critère des familles constituées par le mariage et la filiation, celui des familles constituées par un partenariat civil de solidarité (Pacs) et la filiation.

Il préciserait en outre que les adhérents de l'association personnes physiques qui élèvent des enfants ne doivent être soumis à aucune distinction de sexe ou liée à l'orientation ou identité sexuelle.

La première modification, liée au Pacs, simplifiera l'adhésion des familles recomposées autour d'un couple pacsé, au sein desquels les enfants n'ont de filiation établie qu'à l'égard d'un des deux membres du couple, le second faisant office de beau-parent. Elle est pertinente et profitera aux partenaires de même sexe comme à ceux de sexe différent.

S'agissant de la seconde, Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, a rappelé au cours des débats à l'Assemblée nationale, que toute discrimination entre les associations familiales, pour l'adhésion aux structures départementales ou nationales, fondée sur l'orientation sexuelle de leurs membres serait illégale, ce critère n'étant pas pertinent aux regards des exigences posées par les articles L. 211-1 et suivants du CASF.

Votre rapporteur observe que l'adoption du présent projet de loi constituera un puissant signal, susceptible de lever les difficultés rencontrées jusqu'alors, par les associations familiales homoparentales, pour adhérer aux unions départementales et nationales.

Interrogé sur ce point par notre collègue Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. François Fondard, président de l'union nationale des associations familiales, a d'ailleurs déclaré lors de son audition par votre commission, que « quelques associations de familles homosexuelles ont fait des demandes d'adhésion ; pour l'heure, aucune n'a été agréée car leurs statuts n'étaient pas conformes au code de l'action sociale et des familles. L'association des familles homoparentales avait ainsi demandé à adhérer à l'UNAF de Paris, mais n'a pas été agréée car elle n'a pas fourni la liste de ses adhérents - ce qu'exige le code de l'action sociale et des familles. Si elle le fait, nous n'aurons aucune raison de ne pas donner suite à sa demande ».

Cet engagement, conforme à ce qu'exige la loi, est important. Le Gouvernement comme le Parlement doivent veiller à ce qu'il soit respecté.

Votre commission a adopté l'article 4 ter sans modification .

Articles 5 à 13 (suppression maintenue) - Coordinations dans divers codes

À l'origine, ces articles du projet de loi initial procédaient aux coordinations terminologiques nécessaires pour garantir l'égalité de droits entre les époux ou les parents de même sexe et ceux de sexe différent, s'agissant des dispositions insérées dans le code général des impôts, et dans les codes de l'action sociale et des familles, de la défense, de l'environnement, de l'expropriation pour cause d'utilité publique, de justice militaire, des pensions civiles et militaires de retraite, des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, de procédure pénale.

L'adoption, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, des deux dispositions balais inscrites aux articles 4 et 4 bis , a rendu ces coordinations inutiles. À l'initiative conjointe de M. Erwann Binet, rapporteur pour la commission des lois, et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, ces articles ont donc été supprimés par les députés.

L'égalité de traitement serait à présent garantie par le nouveau dispositif adopté par votre commission à l'article 4. En outre, le Gouvernement pourra procéder aux coordinations nécessaires pour assurer pour une meilleure lisibilité de la loi, sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 4 bis : il n'est donc pas utile de rétablir ces articles.

Votre commission a maintenu la suppression des articles 5 à 13.

Article 13 bis (art. L. 732-10, L. 732-10-1 [nouveau], L. 732-11, L. 732-12 et L. 732-12-1 du code rural et de la pêche maritime) - Ouverture du congé d'adoption du régime des exploitants agricoles

Cet article qui résulte d'un amendement de Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, étend aux hommes le bénéfice de l'indemnisation du congé d'adoption du régime des exploitants agricoles, aujourd'hui réservé aux femmes.

L'article L. 732-10 du code rural et de la pêche maritime permet en effet aux femmes exploitantes agricoles, épouse ou aide familiale non salariée d'un exploitant agricole, d'être indemnisée pendant la durée de leur congé de maternité ou d'accueil d'un enfant en vue de son adoption.

Les intéressées perçoivent alors, à la condition d'être remplacées dans les travaux de l'exploitation agricole, une allocation de remplacement justement destinée à rémunérer cet emploi salarié particulier.

L'article L. 732-10 traitant simultanément le congé de maternité et celui d'adoption, il réserve l'un et l'autre aux seules femmes 143 ( * ) , ce qui est contraire à l'égalité de traitement entre les adoptants de même sexe et ceux de sexe différent.

Le présent article procède à une réécriture de cette disposition pour la consacrer exclusivement au cas de la maternité.

Il crée, par coordination, un nouvel article L. 732-10-1, consacré au congé d'adoption, qu'il étend aux hommes, et rend susceptible d'être partagé entre les adoptants. Enfin, il procède aux coordinations textuelles nécessaires.

Votre commission a adopté l'article 13 bis sans modification .

Article 14 (art. L. 331-7, L. 351-4, L. 613-19 à L. 613-19-2, L. 722-8 à L. 722-8-3 du code de la sécurité sociale) - Coordinations dans le code de la sécurité sociale

Cet article procède à certaines coordinations nécessaires, dans le code de la sécurité sociale, pour garantir l'égalité de droits sociaux, en matière d'adoption et d'accueil de l'enfant, entre les couples de même sexe et ceux de sexe différent.


Les dispositions relatives au congé d'adoption

Le code de la sécurité prévoit l'indemnisation du congé d'adoption que peuvent prendre les salariés à l'article L. 331-7. Cependant, l'indemnisation de ce congé, conçu sur le modèle de l'assurance maternité, est réservée à la femme assurée, qui peut en céder tout ou partie au père adoptant.

Le présent article, qui n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles sur ce point, étend, sans distinction de sexe le bénéfice de cette indemnisation aux adoptants d'un enfant. De la même manière, il en autorise le partage entre les deux parents de même sexe, par moitié.

Les femmes travailleurs indépendants non salariés peuvent, pour leur part, être indemnisées de leur cessation d'activité en cas d'adoption. Cette indemnisation n'est en revanche pas partagée avec le père adoptant, lequel peut bénéficier d'un congé d'adoption calqué sur le congé de paternité. Lorsque l'épouse adoptante est la collaboratrice du travailleur indépendant, elle peut bénéficier d'une allocation forfaitaire de remplacement en cas d'embauche d'un salarié pour pourvoir à son emploi. Les conditions d'accès à ces congés sont définies aux articles L. 613-19 et L. 613-19-1 du code la sécurité sociale pour le régime social des indépendants et L. 722-8 et L. 722-8-1 pour celui des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, assimilés aux premiers.

Le présent article, qui n'a fait l'objet, sur ce point, que de modifications rédactionnelles, adapte ces dispositions à l'adoption par des conjoints de même sexe, en en ouvrant le bénéfice sans distinction de sexe aux couples adoptants et en autorisant le partage du congé d'adoption entre les deux époux.


Les dispositions relatives à la majoration de la durée d'assurance vieillesse des salariés au titre de l'adoption ou de l'éducation d'un enfant adopté

L'article L. 351-4 du code de la sécurité sociale institue, au bénéficie du père ou de la mère, une majoration de la durée d'assurance vieillesse de quatre trimestre, pour chaque enfant mineur, au titre de son adoption pendant sa minorité ou de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption.

En principe, les parents choisissent celui des deux qui en bénéficiera, ou s'accordent sur la répartition entre eux de cet avantage.

En cas de désaccord, la majoration profite à celui qui s'en est occupé le plus longtemps et, en cas d'égalité, elle est partagée par moitié.

En revanche, à défaut d'accord ou de désaccord, seule la mère bénéficie de cet avantage.

Le présent article rend ces dispositions applicables au cas des parents de même sexe : la majoration profiterait à l'un des deux, à moins qu'ils décident de la partager entre eux. À défaut d'option ou de désaccord, elle serait partagée par moitié.


La suppression de certaines coordinations

L'article 14, dans sa version d'origine, procédait à un certain nombre de coordinations terminologiques afin de rendre les dispositions du code de la sécurité sociale applicables, sans distinction, aux époux ou aux parents de même sexe 144 ( * ) . L'adoption, par les députés, des deux dispositions balais des articles 4 et 4 bis ont rendu ces coordinations inutiles. Elles ont été supprimées à l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Erwann Binet.

Du fait du dispositif adopté par votre commission aux articles 4 et 4 bis , il n'est pas nécessaire de les rétablir.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .

Articles 15 et 16 (suppression maintenue) - Coordinations dans les codes des transports et du travail

À l'origine, ces articles du projet de loi initial procédaient, comme les précédents, aux coordinations terminologiques requises pour garantir l'égal accès aux droits sociaux reconnus par le code du travail et celui des transports aux époux ou aux parents de même sexe et à ceux de sexe différent.

Ces coordinations, nombreuses dans le code du travail, n'avaient plus de raison d'être du fait de l'adoption, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, des deux dispositions balais inscrites aux articles 4 et 4 bis . Les députés les avaient donc supprimées.

Votre commission ayant adopté un nouveau dispositif aux articles 4 et 4 bis , qui garantit l'égalité de traitement et autorise le Gouvernement à procéder aux coordinations nécessaires par ordonnance, il n'est pas utile de rétablir ces articles supprimés.

Votre commission a maintenu la suppression des articles 15 et 16.

Article 16 bis (art. L. 1132-3-2 [nouveau] du code du travail) - Protection du salarié homosexuel refusant une mutation dans un pays incriminant l'homosexualité

Cet article, qui résulte d'un amendement de Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, vise à protéger les salariés mariés ou pacsés avec une personne de même sexe, qui refuseraient une mutation dans un État incriminant l'homosexualité.

Les clauses de mobilité, incluses dans le contrat de travail sont licites. Elles obligent le salarié à accepter sa mutation, si celle-ci leur est conforme. Le refus illégitime du salarié, qui ne constitue pas une faute grave, suffit à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Or, l'application de cette règle, dans toute sa rigueur, au cas d'un salarié marié à une personne de même sexe risquerait, selon l'auteur de l'amendement à l'origine du présent article, de lui porter un grave préjudice.

En effet, comme le rappelle notre collègue député Erwann Binet dans son rapport, « de nos jours, les actes homosexuels sont encore passibles de peine de mort dans sept pays : Afghanistan, Arabie saoudite, Iran, Nord du Nigeria, Mauritanie, Soudan et Yémen. En outre, l'homosexualité est toujours pénalement sanctionnée - emprisonnement, sévices corporels, travaux forcés - dans une soixantaine de pays » 145 ( * ) .

Le présent article vise donc à garantir au salarié marié ou lié par un pacte civil de solidarité (Pacs) à une autre personne de même sexe 146 ( * ) le droit de refuser toute mutation dans un pays incriminant l'homosexualité, en interdisant qu'il puisse être licencié pour ce motif ou faire l'objet d'une sanction ou de toute mesure discriminatoire 147 ( * ) .

Seules les personnes mariées ou liées par un Pacs seraient concernées, dans la mesure où la mention de la personne qui leur est liée dans leurs actes d'état civil révèle leur orientation sexuelle.

Votre rapporteur partage l'objectif de protection poursuivi par l'auteur de l'amendement dont est issu le présent article : il serait trop grave qu'un salarié soit ainsi exposé à de graves dangers, en raison de son homosexualité, parce qu'il n'aurait pu refuser la mutation que lui proposait son employeur.

Toutefois, votre rapporteur constate que le droit en vigueur garantit d'ores et déjà cette protection, laquelle risque d'être au contraire diminuée par le dispositif proposé .

En effet, l'employeur ne peut imposer au salarié le respect d'une clause de mobilité sans considération des circonstances. Et, inversement, le refus que ce dernier lui oppose est parfois reconnu comme légitime par le juge.

La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle ainsi, au visa de l'article 1134 du code civil, qui fait notamment référence à la bonne foi dans l'exécution du contrat, que la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne doit pas porter atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale et qu'une telle atteinte doit être justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché 148 ( * ) .

Or, il est manifeste que la mutation d'un salarié marié à une personne de même sexe dans un pays incriminant l'homosexualité serait constitutive d'une telle atteinte excessive aux droits du salarié : le risque que cette mutation lui ferait courir est en effet insusceptible d'être ni proportionné à l'objet économique de la mutation ni justifié par cet objet.

Cette jurisprudence n'est que la traduction, en matière de droit à la vie personnelle et familiale, de l'article L. 1121-1 du code du travail, aux termes duquel, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

En outre, comme l'a d'ailleurs relevé le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Erwann Binet, l'interdiction, posée à l'article L. 1132-1 du code du travail, de toute sanction ou mesure discriminatoire à l'encontre d'un salarié en raison de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle ou de son identité sexuelle, devrait jouer en faveur du salarié placé dans cette situation : le licenciement ou la sanction décidé par l'employeur serait illégal, car discriminatoire, puisque indirectement fondé sur son orientation sexuelle, un salarié hétérosexuel n'étant pas placé dans la même situation de danger.

Enfin, en ne visant spécifiquement que les salariés mariés ou pacsés avec une personne du même sexe, le présent article laisse hors de sa protection tous ceux qui, homosexuels, ne vivent pas sous l'un ou l'autre de ces régimes. Il crée, sans que cela soit d'ailleurs l'intention de ses auteurs, le risque d'un raisonnement a contrario , qui déroberait aux intéressés la protection efficace que leur assure aujourd'hui le droit en vigueur.

Des employeurs pourraient ainsi tirer argument de la disposition introduite par le présent article, pour dénier à des salariés homosexuels ni mariés, ni pacsés, tout droit à refuser la mutation proposée .

Votre rapporteur rappelle, à cet égard, qu'on affaiblit la norme à lui faire répéter, imparfaitement ou partiellement, ce qu'elle impose déjà.

La suppression de cet article n'est pas souhaitable, car la raison qui l'anime est importante et qu'il ne faudrait pas que cette suppression soit interprétée comme un désaveu.

Il apparaît donc nécessaire de concevoir un dispositif qui satisfasse le même objectif, sans présenter les mêmes lacunes.

Votre rapporteur a par conséquent proposé à Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales d'examiner l'opportunité de déposer un amendement en séance publique susceptible de remédier aux difficultés soulignées .

Au bénéfice de ces observations , votre commission a adopté l'article 16 bis sans modification .

Articles 17 à 20 (suppression maintenue) - Coordinations dans les lois relatives aux fonctions publiques et dans l'ordonnance relative à l'enfance délinquante

À l'origine, les articles 17 à 19 procédaient aux coordinations nécessaires pour étendre aux couples de personnes de même sexe le bénéfice du congé d'adoption reconnu aux fonctionnaires des trois fonctions publiques.

L'article 20 procédait à une unique coordination au sein de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Pour la même raison qu'aux articles 5 à 13, 15 et 16 précédents, l'adoption, par les députés, des deux dispositions balais des articles 4 et 4 bis , a eu pour conséquence la suppression de ces articles de coordination, devenus inutiles.

Compte tenu du nouveau dispositif adopté par votre commission aux mêmes articles 4 et 4 bis , il n'est pas nécessaire de rétablir les articles 17 à 20.

Votre commission a maintenu la suppression des articles 17 à 20.

Article 21 (art. 6 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte) - Coordinations dans la législation relative aux prestations familiales à Mayotte

Cet article rend les dispositions relatives aux prestations familiales à Mayotte applicable à la situation de parents de même sexe.

En effet, l'article 6 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 prévoit que les prestations familiales sont dues à la personne qui a la charge effective de l'enfant. Il présume qu'il s'agit de la mère et précise qu'à défaut, il s'agit du père ou de toute personne qui assume cette charge par décision de justice.

Le présent article prévoit que, dans le cas d'un couple de personne de même sexe dont les deux membres assument à leur foyer la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire de cette prestation familiale serait celui des deux qu'ils désigneront d'un commun accord. À défaut, la qualité d'allocataire serait attribuée à celui qui en ferait la demande le premier.

Votre commission a adopté l'article 21 sans modification .


* 131 Rapport AN n° 628 (XIV e législature), fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par M. Erwann Binet, tome 1, p. 353.

* 132 Notamment aux articles 211 du code civil sur l'obligation d'aliment des parents, 373 sur le parent privé de l'exercice de l'autorité parentale et 395 en matière de tutelle.

* 133 Ces textes visent en effet le « mari » et la « femme ».

* 134 À l'exclusion des aïeuls et des branches parentales.

* 135 Sur ce point , cf. infra , les commentaires des articles 5 à 13, 15 à 16 et 17 à 20.

* 136 CC, n° 99-421 DC, 16 décembre 1999, Rec. p. 136.

* 137 Le II. du de l'article 4 bis , dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, prévoit en effet l'application de l'article 4 bis dans les seules matières relevant des compétences de l'État.

* 138 La loi 13/2005 du 1 er mars 2005 qui a ouvert le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe a en effet ajouté à l'article 44 du code civil espagnol, un deuxième alinéa disposant que : « le mariage comportera les mêmes obligations et les même effets lorsque les deux contractants seront du même sexe ou de sexe différent » ( cf. , sur ce point, Ana Quiñones Escamez, « Conjugalité, parenté et parentalité : la famille homosexuelle en droit espagnol comparé », in , Homoparentalité ? Approche comparative , Société de Législation comparé, 2012, p. 47).

* 139 En effet, la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a supprimé toute référence au couple marié ou en union stable depuis au moins deux ans.

* 140 Article L. 2141-2 du code de la santé publique.

* 141 Conformément à l'article 38 de la Constitution, une telle demande d'habilitation ne peut émaner que du Gouvernement.

* 142 Conseil d'État, 25 juillet 1975, Lebon 1049.

* 143 Le père adoptif, ainsi que, le cas échéant, le conjoint de la mère ou la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle peuvent prétendre, en cas d'adoption au versement d'une allocation de remplacement pendant une durée équivalente à celle du congé de paternité ou d'accueil de l'enfant.

* 144 Aux articles L. 434-10, L. 434-11, L. 521-2, L. 523-1, L. 523-3.

* 145 Rapport AN n° 628 (XIV e législature), fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par M. Erwann Binet, tome 1, p. 399.

* 146 Cette mention a été ajoutée, à l'initiative de Mme Clergeau et plusieurs de ses collègues, lors de l'examen en séance publique du texte à l'Assemblée nationale, afin d'étendre le champ de la protection apportée exclusivement, à l'origine au salarié marié à une personne de même sexe.

* 147 Au sens de l'article L. 1132-1, il s'agit pour un candidat à l'embauche d'être écarté « d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise », et pour un salarié d'« être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat ».

* 148 Cour de cassation, chambre sociale, 14 octobre 2008, n° 07-40523. Cette jurisprudence s'inscrit dans le droit fil de décisions condamnant l'abus de droit de l'employeur dans l'usage de la clause de mobilité, qui avait muté sur d'autres chantiers une salariée ne bénéficiant pas de moyen de transport individuel ou collectif (Soc., 10 févr. 2001, Juris-Data n° 2001-007702) ou qui, par légèreté blâmable, avait imposé à une salariée une mutation alors même qu'il était conscient que la salariée devait s'occuper de son enfant handicapé durant le déjeuner, et que son poste initial était resté libre (Soc., 18 mai 1999, Juris-Data n° 1999-002121).

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