II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES

A. DES RÉFORMES EN COURS POUR LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

1. Le programme 180 « Presse » : vers une refonte des dispositifs d'aide à la presse
a) Une réduction des aides à la presse stricto sensu

385,8 millions d'euros en AE et 390,3 millions d'euros en CP étaient prévus, en loi de finances initiale (LFI), pour le programme 180 « Presse », qui regroupe les crédits dévolus aux aides à la presse (72,3 % des AE consommées pour 2012) et aux abonnements de l'Etat à l'Agence France presse (27,7 % des AE consommées pour 2012).

Ces dotations ont été complétées par des reports de crédits de 2011 sur 2012, à hauteur de 12 millions d'euros en AE et 9,1 millions d'euros en CP, portant le montant des crédits disponibles à 397,8 millions d'euros en AE et 399,4 millions d'euros en CP.

Les crédits consommés ont atteint 374,9 millions d'euros en AE et 384,9 millions d'euros en CP, soit des taux de consommation des crédits disponibles de 94,2 % en AE et 96,4 % en CP.

Les reports de 2011 sur 2012 ont permis de couvrir plusieurs engagements pris à la fin de l'année 2011, concernant l'aide aux services de presse en ligne, l'aide à la modernisation de la presse, et de couvrir le reliquat de la compensation intégrale par l'Etat du moratoire sur les tarifs postaux de presse, au titre de l'aide au transport postal de la presse.

En 2012, la levée de la réserve sur les crédits du programme avait permis le financement par l'Etat du volet annuel de la restructuration de la société de distribution de presse Presstalis (10 millions d'euros)

Les crédits non consommés et reportés en 2013 (soit 22,5 millions d'euros en AE et 14,5 millions d'euros en CP) devraient couvrir notamment le second volet de l'aide exceptionnelle de l'Etat à la restructuration de Presstalis (10 millions d'euros).

Hors abonnements de l'Etat à l'AFP (117,9 millions d'euros), les aides à la presse stricto sensu (267 millions d'euros en CP) ont diminué de 10 % par rapport à 2011 et de 19 % par rapport au pic atteint en 2010 , dernière année de mise en oeuvre du plan exceptionnel d'aide au secteur qui avait conduit, en deux ans, à un doublement des aides (de 165 millions d'euros en 2008 à 329 millions d'euros en 2010).

Le montant des aides à la presse en 2012 reste toutefois supérieur de 62 % à 2008.

b) La création en 2012 du fonds stratégique

La réforme du secteur s'est poursuivie avec la parution du décret n° 2012-684 du 13 avril 2012, qui a entraîné la création du fonds stratégique fusionnant trois aides antérieures : le fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, le fonds d'aide au développement des services de presse en ligne et la deuxième section du fonds d'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger.

c) Des réformes à l'étude pour des dispositifs d'aide dont la performance n'est pas optimale

Le dispositif de performance comporte quatre objectifs et sept indicateurs, dont deux font partie des indicateurs les plus représentatifs de la mission (diffusion des titres aidés et développement du portage de la presse, dans l'objectif de « contribuer au développement de la diffusion de la presse »).

Pour s'en tenir aux principaux résultats du programme, on retiendra que :

- les performances de l'AFP en 2011, qui apparaissent mitigées et sont inférieures aux prévisions en ce qui concerne le développement provenant des produits et des marchés à forts potentiel de croissance ; le résultat net a été nul, alors que la cible du PAP prévoyait un excédent de 8,4 millions d'euros. La direction générale des médias et des industries culturelles se réfère aux résultats 2011 pour souligner, au contraire, une hausse de 11 % du chiffre d'affaires sur les marchés à fort potentiel, malgré un contexte économique peu favorable ;

- en ce qui concerne l'objectif de développement de diffusion de la presse, les deux indicateurs mesurent concrètement l'impact des aides directes à la presse à travers l'évolution de sa diffusion. On observe une nette érosion des ventes des quotidiens nationaux (- 7,25 % en 2012) tandis que la diffusion générale des titres régionaux a baissé de 1,69 %. De plus, les résultats de l'indicateur traduisent une accélération du développement du portage , bien que la cible reste inférieure aux précisions ;

- en ce qui concerne l'objectif de maintien du pluralisme de la presse, le nombre de titres d'information politique et générale (IPG) diminue légèrement (- 0,5 %), plusieurs quotidiens gratuits n'ayant pas demandé le renouvellement de leur homologation comme IPG, dans un contexte de resserrement des critères d'éligibilité ;

- sur l'objectif 4 qui vise à améliorer le ciblage et l'efficacité des dispositifs d'aide, il apparaît qu'un euro d'argent public permet de financer des projets d'un montant trois à cinq fois supérieur . Par rapport à 2011, on ne constate toutefois une amélioration de l'effet de levier que pour l'aide à la modernisation de la presse quotidienne d'information politique et générale.

Ces résultats mitigés plaident pour une amélioration de l'efficacité des aides, travail engagé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 , qui devra être poursuivi et évalué, sur la base notamment des travaux engagés par le groupe de travail après la remise, en octobre 2012, du rapport de notre collègue député Michel Françaix .

Le groupe de travail envisage de soutenir en priorité les projets technologiquement les plus innovants et de revoir les dispositifs d'aide au portage et au transport postal, dans un contexte de réduction global du montant des aides à la presse (de 394,8 millions d'euros en 2013 à 345,8 millions en 2015, soit une diminution de 12,4 %). Parallèlement, une enquête sur les aides à la presse a été demandée à la Cour des comptes par la commission des finances, en application de l'article 58-2° de la LOLF.

2. Le programme 134 « Livre et industries culturelles » : une vigilance nécessaire sur le financement de l'opération Richelieu
a) Une diminution des crédits consommés de 8 % par rapport à 2011

Les crédits ouverts en loi de finances initiale sur le programme s'élevaient à 259,4 millions d'euros en AE et 275 millions d'euros en CP, abondés par des reports de crédits de 2011 (+ 6,1 millions d'euros en AE et + 6,6 millions d'euros), diminués d'annulations de crédits dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2012 du 14 mars 2012 (- 11,2 millions d'euros en AE et en CP). Enfin, des annulations ont été opérées en fin d'année par le décret d'avance du 30 novembre 2012 (- 8,2 millions d'euros en AE et - 18,2 millions d'euros en CP), ayant porté le montant des crédits disponibles à 246,1 millions d'euros en AE et 262,3 millions d'euros en CP. Les crédits consommés se sont élevés à 233,7 millions d'euros en AE et 262,1 millions d'euros en CP, soit des taux de consommation de 95 % en AE et 99,9 % en CP.

Par rapport à 2011, les crédits consommés ont diminué de 20 % en AE et 8 % en CP .

b) L'opération de rénovation et d'aménagement du quadrilatère Richelieu : des coûts à surveiller et contre-expertiser

En 2012, les crédits d'investissement du programme (2 millions d'euros en AE, 12 millions d'euros en CP) ont porté sur la poursuite de l'opération de rénovation et d'aménagement du quadrilatère Richelieu, associant la Bibliothèque nationale de France (BNF), l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) et l'Ecole nationale des Chartes (ENC). La livraison du chantier est prévue pour 2017.

Ce projet a donné lieu à des surcoûts et à des retards, la découverte d'amiante et de poussières de plomb représentant un surcoût estimé à 4,6 millions d'euros et un retard de onze mois dans les travaux.

La Cour des comptes recommande ainsi de « s'assurer de la maîtrise des coûts de l'opération de rénovation et d'aménagement du quadrilatère Richelieu en organisant une contre-expertise des évaluations établies par le maître d'ouvrage délégué ».

c) Un contournement de la décision du Parlement concernant la « Carte musique »

Lancé en octobre 2010, le projet - abandonné en 2012 - de « Carte musique », visait à permettre le développement du marché de la musique en ligne. Il avait donné lieu à une demande de report de crédits de 2011 sur 2012, inscrite dans le projet de loi de finances initiale pour 2012, en application de l'article 15 de la LOLF et parce que les CP disponibles dépassaient 3 % des crédits initialement inscrits sur le programme. Malgré le vote d'un amendement refusant cette dérogation, le ministère de la culture a appliqué le principe de fongibilité pour verser par anticipation, en 2011, des crédits relevant de l'opération « Carte musique » en faveur de l'opération Richelieu qui auraient dû être versés en 2012.

La procédure a contourné le vote du Parlement, ayant amené la Cour des comptes à exprimer une réserve sur la régularité de l'opération .

d) Une performance satisfaisante

Le dispositif de performance comporte trois objectifs et six indicateurs.

Pour s'en tenir aux principaux indicateurs et résultats du programme, on retiendra que :

- en ce qui concerne la diffusion du patrimoine écrit et documentaire, on observe une hausse en 2012 par rapport à 2011 de la fréquentation de la Bibliothèque nationale de France (BNF), de la Bibliothèque publique d'information (BPI) et des bibliothèques municipales, respectivement de 0,2 %, de 4,5 % et de 2 %, ce qui apparaît remarquable dans un contexte où l'accès aux ressources par voie numérique peut constituer un frein à la fréquentation de ces établissements ;

- s'agissant du soutien à la création et à la diffusion du livre, les résultats sont satisfaisants, bien qu'il manque une donnée importante (réalisation 2012 de la part de marché des librairies indépendantes) ;

- au regard du soutien à la création dans le domaine des industries culturelles, la cible 2012 est atteinte et dépasse la réalisation 2011, le nombre de nouvelles productions ayant retrouvé en 2012 son niveau de 2009.

3. Le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » : les aléas du montant de la compensation à France Télévisions de la perte de recettes publicitaires
a) Une augmentation des crédits sous l'effet d'un rehaussement de la compensation de la perte de recettes publicitaires pour France Télévisions

Le programme 313 est destiné à financer :

- les pertes de ressources publicitaires de France Télévisions (action n° 1 : 435,7 millions d'euros en CP consommés en 2012) ;

- le passage à la télévision numérique terrestre (action n° 2 : - 3,5 millions d'euros en 2012, suite à une procédure de rétablissement de crédits après des erreurs d'imputation comptable dues au progiciel Chorus) ;

- les radios locales associatives de l'ancien programme 312 « Soutien à l'expression radiophonique locale » (action n° 3 : 29,3 millions d'euros consommés en 2012).

Les crédits consommés en 2012 ont progressé de 15 % par rapport à 2011, atteignant 461,5 millions d'euros . Cette hausse retrace principalement les évolutions de la dotation allouée à France Télévisions , pour compenser la baisse des recettes publicitaires attendues à la suite de la suppression de la publicité commerciale entre 20 h et 6 h du matin depuis janvier 2009. Celle-ci s'est élevée à 435,7 millions d'euros en 2012, soit un niveau supérieur à ceux de 2009 (415 millions d'euros) et 2010 (423,3 millions d'euros), après la diminution de 2011 (361,9 millions d'euros). La dotation à France Télévisions en loi de finances initiale (423,9 millions d'euros) a été complétée par des reports en 2012 de crédits 2011 (+ 28 millions d'euros), diminuée par des annulations de crédits dans le cadre des première et troisième lois de finances rectificatives pour 2012 (à hauteur de - 16 millions d'euros).

Ce montant ne peut toutefois pas être analysé indépendamment des ressources allouées à France Télévisions au titre de la redevance audiovisuelle.

Le soutien à l'expression radiophonique locale a bénéficié de reports de crédits 2011 sur 2012 (à hauteur de 0,3 million d'euros) pour faire face à l'augmentation du nombre de radios associatives éligibles.

b) Un dispositif de performance incomplet

Malgré les observations répétées de votre rapporteur spécial, la mesure de la performance de France Télévisions relève toujours exclusivement du programme 841, et ce malgré l'important effort budgétaire consenti par l'Etat en contrepartie de la suppression de la publicité . Cette absence est d'autant plus regrettable que France Télévisions est de loin le principal bénéficiaire des crédits du programme 313.

Le dispositif de performance comporte deux objectifs relatifs aux radios associatives, qui sont dépassés en ce qui concerne les subventions versées aux radios, témoignant du succès du dispositif d'aide . Ce résultat est à double tranchant, puisque, si le dispositif s'avère trop incitatif, le soutien automatique aux radios pourrait être remis en cause. En clair, le dispositif pourrait être victime de son succès. De plus, et de façon plus problématique encore, les radios rencontrent des difficultés pour diversifier leurs ressources, la part de leurs ressources propres stagnant à 60 % depuis 2009.

4. Le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » : une réorganisation en profondeur ayant entraîné l'ouverture de crédits en fin d'exercice
a) Un périmètre dédié à l'action audiovisuelle extérieure de la France

Le programme 115 regroupe les crédits de la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF) ainsi que ceux de ses filiales France 24, Radio France Internationale (RFI) et de son partenaire TV5 Monde, d'une part, et la dotation destinée au soutien de la radio franco-marocaine Médi 1 d'autre part.

Ce programme ne peut être considéré indépendamment des crédits du programme 841 de la mission « Avances à l'audiovisuel public », qu'il complète et qu'il ajuste (voir infra , B, 4).

b) Des réformes mal chiffrées ayant conduit à un besoin de financement complémentaire en fin de gestion

150,09 millions d'euros en AE et en CP étaient prévus, en LFI, pour le programme 115.

Des ouvertures de crédits, à hauteur de 8,55 millions d'euros, ont été opérées par la troisième loi de finances rectificative pour 2012, afin de financer :

- le solde du second plan de sauvegarde de l'emploi lié à la réorganisation issue la fusion de RFI et France 24 avec l'AEF,

- le retard du déménagement de RFI et Monté Carlo Doualiya (MCD) à proximité de France 24,

- le maintien des anciennes grilles de programmes dans l'attente de la nomination d'une nouvelle direction pour l'AEF.

Les crédits ouverts et consommés en 2012 se sont ainsi élevés à 158,64 millions d'euros, en baisse de 37 % par rapport à 2011 .

Cet ajustement du montant des crédits traduit la mise en oeuvre de la réforme en cours à l'AEF . Le 13 février 2012, l'AEF et ses filiales France 24, RFI et MCD ont fusionné, TV5 Monde restant pour sa part un partenaire. Des économies ont été générées par la mutualisation des compétences entre les différentes entités de l'audiovisuel extérieur de la France.

Dans un contexte social tendu, Jean-Paul Cluzel s'est vu confier une mission d'évaluation de la fusion en cours, remis le 25 juin 2012, qui a conclu à la pertinence de la fusion juridique et du rapprochement géographique, mais a en revanche jugé inopportune la fusion des rédactions de France 24 et de RFI.

La nécessité d'une ouverture de crédits en fin de gestion 2012 a confirmé les observations formulées par votre rapporteur spécial : les économies engendrées par la réforme n'ont pas été suffisamment étudiées et chiffrées en amont, ce qui a entraîné un besoin de financement complémentaire .

L'absence persistante et incompréhensible de contrat d'objectifs et de moyens (COM) , malgré les appels récurrents du Parlement en ce sens, a favorisé une telle situation . A cet égard, après la démission du Président d'AEF, qui s'opposait à une réduction de la dotation publique qu'il jugeait trop importante, il appartient à la nouvelle direction de l'AEF de finaliser le COM dans les meilleurs délais .

Par ailleurs, le regroupement des activités de l'AEF sur un même site, à Issy-les-Moulineaux, a entraîné un coût de déménagement de 45 millions d'euros, très supérieur à la prévision initiale (25 millions d'euros) et la mise en place d'un plan de départs volontaires qui a porté sur 317 personnes, pour un coût de 65,5 millions d'euros, soit un montant de 206 600 euros par salarié. Par ailleurs, pour palier ces départs, l'AEF a eu recours à des non-permanents, entraînant un surcoût de 3,5 millions d'euros par an. La gestion de cette opération a été vivement critiquée par la Cour des comptes. La direction de l'AEF a répondu à la presse que « les plans de départs volontaires n'étaient pas ciblés, ce qui peut aboutir à une désorganisation. En arrivant, j'ai constaté qu'il n'y avait pas d'annuaire interne, pas d'organigramme, pas d'accords sociaux ».

c) Une performance satisfaisante

Le dispositif de performance est composé de trois objectifs et de sept indicateurs.

Pour s'en tenir aux principaux indicateurs et résultats du programme, on retiendra que :

- sur la diffusion de la culture et des valeurs françaises dans un univers média global, on constate une hausse de la part des dépenses de programmes dans les dépenses totales entre 2011 et 2012 pour chacune des entités de l'audiovisuel extérieur français. Cela reflète l'effort des chaînes pour renforcer la qualité de leurs offres . De même, plus de 95 % des programmes de France 24 et de RFI sont accessibles en ligne, ce qui correspond à la cible pour 2012 ;

- en ce qui concerne le développement de la présence française et francophone dans le paysage audiovisuel mondial, l'évolution des audiences de France 24 poursuit une dynamique de hausse . Les résultats de RFI en la matière sont plus contrastés, selon les zones géographiques (baisse à Dakar et sur l'ensemble de l'Afrique du Nord, hausse pour l'Afrique subsaharienne, sauf le Sénégal, stabilité au Proche-Orient). Enfin, les résultats de TV5 Monde restent bons, sauf dans certains pays d'Afrique, et en Europe où ses audiences diminuent, dans un contexte très concurrentiel. Pour ce qui est de la fréquentation des sites internet, RFI et France 24 enregistrent une nette progression, mais TV5 une nouvelle baisse qui apparaît préoccupante (avec 5,9 millions de visiteurs par mois, soit 23 % de moins qu'en 2011) ;

- sur les indicateurs relatifs à l'optimisation de la gestion, on remarque la forte hausse des ressources propres de France 24 et RFI , et une stabilisation pour TV5 Monde, soit une hausse pour la nouvelle entité AEF (4,6 % de ressources propres, contre 3,7 % en 2011 et 3,1 % en 2010), mais cette part reste modeste, ce qui témoigne de marges de progression.

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