EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 3 juillet 2013, la commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution n° 645 (2012-2013), présentée par Mme Fabienne Keller au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la circulation des mégacamions et le fret routier européen (texte E 8284).

M. Ronan Dantec, rapporteur . - Monsieur le Président, Mes chers collègues, le 5 juin dernier, la commission des affaires européennes a adopté une proposition de résolution sur la circulation des mégacamions et le fret routier européen. Les propositions de résolution européennes, ou PPRE, permettent, depuis 1992, à l'Assemblée nationale comme au Sénat de donner un avis sur les projets ou propositions d'actes européens qui leur sont transmis. Ce dispositif répond à la volonté de ne pas écarter les parlements nationaux des sujets traités à l'échelle européenne.

Cette PPRE nous a été adressée le 10 juin et il nous revenait de faire le choix de nous en saisir ou non. Sans intervention de notre part, la PPRE de la commission des affaires européennes devient, au bout d'un mois, la position du Sénat dans son ensemble.

La présence dans cette proposition de résolution d'une disposition sur l'autorisation de la circulation des camions de 25,25 mètres, aussi appelés « mégacamions » a cependant justifié notre saisine. En effet, cette disposition ne correspond nullement à une obligation imposée par l'Union européenne qui ne fait que tolérer la circulation de ces véhicules, à titre dérogatoire, pour des opérations de transport national.

Cette mention d'une éventuelle autorisation de la circulation des mégacamions a en fait été introduite lors de la réunion de la commission des affaires européennes, par un amendement de notre collègue Jean Bizet, qui, vous vous en souvenez peut-être, avait déjà formulé une telle proposition lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions sur les transports, amendement que le Sénat avait alors rejeté.

La commission m'a donc chargé, en tant que rapporteur budgétaire pour avis du transport routier, d'étudier cette question. Je me suis efforcé de le faire de façon peut être plus sereine qu'au cours de l'examen d'un amendement à un projet de loi, mais dans des délais qui restent néanmoins contraints. J'ai tout de même eu le temps de procéder à quelques auditions.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais commencer par vous présenter brièvement les deux propositions d'actes européens qui sont à l'origine de la proposition de résolution européenne.

Il s'agit, en premier lieu, de la proposition de modification des règlements relatifs au tachygraphe, d'une part, et au temps de travail des conducteurs routiers, d'autre part. Cette dimension sociale de la proposition de résolution est très importante, et la rapporteure de la commission des affaires européennes, Fabienne Keller, a fait sur ce point un travail considérable. La proposition remonte à juillet 2011, et sa procédure de discussion est quasiment achevée, puisque le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord informel sur son contenu le 14 mai dernier.

L'objet de la révision est de remplacer les tachygraphes actuels, qui sont les appareils de contrôle de la réglementation relative au temps de travail, par des « tachygraphes intelligents ». Ces derniers pourront enregistrer de façon automatique la localisation précise du véhicule et communiquer certaines données aux autorités chargées du contrôle, comme la vitesse du véhicule, les distances parcourues, ou encore les temps de conduite.

Un ensemble de mesures seront déployées pour garantir la fiabilité des tachygraphes et empêcher les fraudes.

Dans la discussion entre le Parlement européen et le Conseil, l'un des principaux désaccords a concerné les délais de mise en oeuvre de ce dispositif. Le Parlement européen souhaitait que les véhicules neufs en soient dotés dans un délai de deux ans après la définition des spécifications techniques nécessaires à leur développement, quand le Conseil penchait pour un délai supérieur à trois ans. Un compromis a été trouvé sur la durée de trois ans.

Mais le Parlement européen souhaitait également une généralisation du recours au tachygraphe intelligent dans l'ensemble des véhicules, neufs et anciens, d'ici 2020. Sur ce point, le compromis a été trouvé sur un délai de 18 ans après la définition des spécifications techniques. Cela semble bien lointain, et correspond en pratique à la date naturelle de mise à la casse de la plupart des camions concernés, mais l'achèvement récent du processus de négociation entre le Parlement et le Conseil ne nous permet pas de demander une réelle évolution à ce sujet.

Le deuxième acte européen qui est à l'origine de la PPRE est la proposition de modification de la directive fixant, d'une part, les dimensions maximales autorisées pour la circulation des poids lourds à l'intérieur et entre les Etats membres, d'autre part, les poids maximaux autorisés pour la circulation entre Etats membres. Notre marge de manoeuvre est ici plus importante, puisqu'il s'agit d'une simple proposition d'acte européen, publiée le 15 avril dernier. Elle vise à adapter la réglementation européenne aux évolutions technologiques, avec un double objectif : améliorer la sécurité routière et réduire la consommation de carburant liée à la circulation des camions.

Pour mémoire, la longueur maximale autorisée des trains routiers est aujourd'hui de 18,75 mètres. Les Etats membres peuvent toutefois accorder des dérogations sur leur territoire pour des opérations de transport strictement nationales, dans des conditions bien précises.

La proposition de révision de la directive autorise un allongement de cette longueur maximale, pour permettre une modification du profilage des cabines, de façon à renforcer le champ de vision du conducteur, et à intégrer un dispositif d'absorption des chocs - sans parler de l'amélioration du confort des cabines. Cet allongement permettra également d'ajouter un dispositif aérodynamique rétractable à l'arrière des véhicules, afin de réduire la consommation de carburant. Dans la même perspective, le poids maximal autorisé pourra être supérieur d'une tonne à ce qui est prévu actuellement pour les véhicules à moteur électrique ou hybride, compte tenu du poids que représentent ces moteurs par rapport aux moteurs classiques.

Un allongement de la longueur du véhicule, limité - de quinze centimètres exactement -, est par ailleurs prévu pour faciliter le transport par véhicule routier des conteneurs de 45 pieds, qui remplacent de plus en plus souvent les conteneurs de 40 pieds, dans le cadre d'opérations de transport combiné. Ces modifications de dimensions à caractère technique ne posent pas de questions particulières.

Enfin, la proposition de modification de la directive renforce considérablement le dispositif de contrôle des dimensions et du poids des véhicules. Elle comble ainsi une lacune du droit actuel, qui rend ce contrôle peu effectif, et crée les conditions d'une concurrence déloyale entre ceux qui respectent la réglementation et les autres. Il serait aussi intéressant de faire une étude d'accidentologie pour évaluer les risques accrus qui sont liés à la méconnaissance de cette réglementation. La directive impose par exemple à chaque Etat la mise en place d'un dispositif de présélection des véhicules à contrôler au moyen de systèmes électroniques installés sur les infrastructures ou dans les véhicules.

Sur tous ces objectifs, la directive est donc défendable, puisqu'elle répond à une volonté de rendre nos routes plus sûres et nos transports routiers moins polluants...

Par contre, une disposition a plus particulièrement retenu mon attention : l'autorisation donnée aux mégacamions de franchir la frontière entre deux Etats membres, dès lors que ces deux Etats permettent leur circulation. Il s'agit dans les faits de dispenser l'ensemble articulé de 25,25 mètres, composé de deux ensembles traditionnels qui sont également transportables par des poids lourds classiques, de se démembrer pour le seul passage de la frontière. En pratique, cette possibilité intéresse essentiellement les pays scandinaves, qui recourent aux mégacamions pour le transport de bois sur des routes immenses, désertes et rectilignes, même si des expérimentations - d'ailleurs peu concluantes - sont aussi en cours en Allemagne et aux Pays-Bas. Avec cette disposition, nous sommes loin d'une généralisation du dispositif, ce qui est plutôt rassurant, mais nous devons veiller à ne pas paraître disposés à aller plus loin dans cette voie.

Et à cet égard, le paragraphe de la résolution ajouté à l'initiative de notre collègue Jean Bizet, qui « demande au Gouvernement, dans une perspective d'harmonisation européenne évitant les distorsions de concurrence, de ne pas s'opposer à une expérimentation de ces poids lourds par la profession sur des itinéraires dédiés et pour un laps de temps limité » , est beaucoup moins rassurant. Cela me semble être la voie ouverte aux mégacamions sur les routes françaises !

Le précédent Gouvernement avait lancé une réflexion à ce sujet, à l'initiative du ministre des transports Dominique Bussereau. Mais le projet avait été abandonné, car il suscitait de vives critiques : plus de 80 % des Français n'en veulent pas. Je crois pour ma part qu'ils ont raison.

Les défenseurs d'une telle mesure ont un argument simple : en autorisant ces mégacamions, on réduirait le nombre de camions sur les routes, et partant, les risques d'accident, la quantité de carburant consommée, etc. Mais un tel raisonnement ne repose que sur du très court terme. Car cette mesure engendrerait à coup sûr un report modal du fret ferroviaire et fluvial sur le fret routier - comme si cela était nécessaire ! -, et une augmentation de la demande de transport routier de marchandises, puisque son coût diminuerait. Ce serait un signal politique catastrophique ! L'impact positif sur les émissions de CO 2 est donc loin d'être évident, ni démontré. Pour affirmer cela devant vous, je m'appuie sur l'étude réalisée à la demande de Dominique Bussereau par l'Observatoire Energie Environnement des Transports. J'ai également consulté d'autres études réalisées en Europe, ainsi que la synthèse publiée par l'OCDE.

Au-delà même de l'argument écologique, il est impératif de prendre en compte les impacts qu'aurait une telle mesure sur les infrastructures routières, qui ne sont, en l'état, pas adaptées à la circulation de tels véhicules. Des investissements considérables seraient donc nécessaires, pour préserver la sécurité des ouvrages d'art notamment, et il me semble qu'à l'heure actuelle, l'Etat, mais aussi et surtout les collectivités, ont d'autres priorités.

Enfin, les risques pour la sécurité routière doivent être évoqués, même s'ils mériteraient d'être évalués de façon plus approfondie. Il me paraît important de ne pas revenir à l'année 1922, date à laquelle a pris fin l'utilisation en France du « train Renard ». Le brevet déposé en 1903 par Charles Renard portait sur un type de camion basé sur un tracteur emportant un train routier de un à trois wagons dotés de cardans pour la distribution des roues. Je ne suis pas certain qu'il soit opportun de remettre sur les routes, au début du XXI ème siècle, cette invention du début du XX ème .

C'est l'ensemble de ces considérations qui me conduisent à vouloir supprimer cette disposition. Je vous propose de la remplacer par trois alinéas : le premier traduit notre opposition à toute perspective de généralisation de la circulation de ces mégacamions en Europe ; le deuxième exprime notre refus d'une expérimentation de leur circulation en France, d'autant plus que nous n'avons sur la table aucune proposition d'expérimentation qui s'engagerait à utiliser les mégacamions pour faire du transport combiné ; le troisième signifie notre attachement à une évolution plus marquée de la réglementation européenne vers des objectifs de développement durable.

Certes, Jean Bizet présente la mesure comme une expérimentation « sur des itinéraires dédiés et pour un laps de temps limité » . Ne soyons pas dupes : en France, une expérimentation est très souvent le prélude à une généralisation. Prenons l'exemple des 44 tonnes : leur circulation a d'abord été autorisée sous la forme de dérogations ciblées pour favoriser l'intermodalité, puis pour le transport de denrées agricoles. Elle a ensuite été envisagée pour les ensembles de six essieux, après la réalisation d'une étude du Conseil général de l'environnement et du développement durable qui concluait qu'elle aurait peu d'impact sur les infrastructures. Le décret de décembre 2012 a fini par l'autoriser pour les véhicules à cinq essieux respectant certaines caractéristiques techniques. Quand on met le doigt dans l'expérimentation, on sait déjà où l'on va aboutir.

Je voudrais aussi rappeler que peu d'Etats en Europe ont autorisé ces véhicules de façon pérenne. Seules la Suède et la Finlande l'ont fait, mais la configuration de leurs routes comme de leur espace est très différente de la nôtre. Quant aux Etats qui ont instauré des expérimentations, tous ne semblent pas confirmer l'intérêt d'une telle mesure. En Allemagne, par exemple, elle semble avoir peu de succès.

L'argument de compétitivité qui a été avancé par notre collègue Jean Bizet me conduit néanmoins à aborder un autre point développé par Fabienne Keller dans sa proposition de résolution européenne, que je vous propose cette-fois de conserver. Il s'agit des alinéas relatifs au dumping social.

Récemment en effet, des propositions ont été formulées à l'échelle européenne par un groupe d'experts, afin de desserrer la réglementation actuelle sur le cabotage routier. Elles ne semblent plus d'actualité, tant les réactions qu'elles ont suscitées ont été vives. Mais cette proposition de résolution est l'occasion de rappeler notre attachement à une concurrence non faussée du transport routier de marchandises, tant que des efforts significatifs n'auront pas été réalisés en matière d'harmonisation sociale et fiscale.

Dans son rapport, Fabienne Keller expose les difficultés résultant de cette insuffisante harmonisation, et pas seulement pour le transport routier : elle y détaille le régime européen des travailleurs détachés, et le contournement dont il fait l'objet de la part des entreprises, au moyen de filiales implantées à l'étranger. Par exemple, une entreprise française peut créer une filiale dans un pays d'Europe centrale, y recruter des chauffeurs locaux, et les mettre à disposition de la maison-mère pour des opérations de transport en France ou à partir de la France. Dans ce cas, le chauffeur est rémunéré au salaire minimum français - lorsque cette règle est respectée -, mais avec le régime de cotisations sociales du pays d'origine. Je vous renvoie sur ce point au rapport de Fabienne Keller, qui est très documenté. Il comporte par exemple des éléments de comparaison des coûts horaires de conduite entre les pays européens et de la rémunération annuelle des conducteurs, qui parlent d'eux-mêmes.

Ce contournement du droit est regrettable à deux égards au moins : premièrement, il contribue à « évincer » les conducteurs français du marché du travail ; deuxièmement, il constitue un manque à gagner pour l'Etat et la sécurité sociale, les impôts et cotisations sociales étant perçus par l'Etat dans lequel la filiale est implantée.

C'est un sujet sur lequel je vous propose d'inviter le Gouvernement à réfléchir de façon plus approfondie en introduisant un alinéa à cet effet. La question des travailleurs très mobiles en Europe est un enjeu majeur. Nous devons attirer l'attention du Gouvernement, car il faut absolument que ça bouge. Sinon, nous allons vers de graves difficultés pour le transport routier en France.

M. Michel Teston . - Notre rapporteur nous propose d'amender la proposition de résolution adoptée le 5 juin par nos collègues de la commission des affaires européennes. Les principales modifications consisteraient à exprimer notre opposition à toute perspective de généralisation de la circulation de mégacamions sur notre territoire, et à considérer également qu'il n'est pas opportun d'expérimenter cette circulation en France. J'adhère pleinement à cette argumentation.

Les mégacamions sont synonymes d'un affaiblissement du fret ferroviaire. Certains disent qu'un mégacamion est l'équivalent de trois camions. Cela ne tient pas : un institut de recherche allemand a étudié ces questions et a conclu que 35 % du fret ferroviaire retrouverait la route si les camions de 44 tonnes et plus pouvaient circuler librement dans l'espace européen. Cela signifierait donc beaucoup plus de camions sur les routes et un effondrement du fret ferroviaire, qui n'a pas besoin de cela.

Les mégacamions vont diminuer l'intérêt du transport combiné. Quel que soit le système retenu, il y aura des problèmes. En France, nous avons retenu le wagon Modalor, wagon avec de grandes roues, pour l'autoroute ferroviaire alpine et l'autoroute Perpignan-Luxembourg. C'est ce modèle qui devrait être retenu aussi pour la future autoroute ferroviaire de l'Ouest de la France. Il est probable que les mégacamions ne puissent pas rentrer dans ces wagons Modalor. Je ne suis pas certain que les wagons à petites roues, retenus par les autres États de l'Union européenne, soient plus adaptés pour recevoir ce type de véhicules. Je suis convaincu que le fret ferroviaire et le fret fluvial seront fortement affaiblis.

Les mégacamions représentent un coût pour l'État et les collectivités. Si on devait autoriser et généraliser les mégacamions, il faudrait aménager la plupart des ronds-points, très nombreux dans notre pays. Il faudrait également aménager ou reconstruire des ponts. Tant pour l'État que pour les collectivités, le coût n'est pas évalué mais doit être très important.

Enfin, les mégacamions présentent des risques accrus. Une étude réalisée par la Fédération européenne Transport et Environnement indique que pour chaque kilomètre parcouru, les poids lourds actuels sont responsables de deux fois plus de décès sur les routes que les voitures. Si on ajoute à cela les mégacamions, le risque sera encore plus grand.

J'adhère donc entièrement aux conclusions du rapporteur et à ses propositions d'amendements. Il faut marquer un coup d'arrêt à la généralisation des mégacamions.

M. Vincent Capo-Canellas . - Il nous faut rester très prudents sur la circulation des mégacamions. L'équilibre consistant à dire que quand deux États membres l'autorisent, il est possible de franchir la frontière entre ces deux Etats, me paraît acceptable, mais il ne faut pas aller au-delà. Je ne suis donc pas favorable à l'amendement adopté par la commission des affaires européennes demandant au Gouvernement de ne pas s'opposer à une telle expérimentation.

À titre local, je vis avec une nationale déclassée au milieu de ma ville. Il m'arrive d'accompagner des familles sur les lieux d'accidents, avec régulièrement des camions en cause. Je comprends pourtant les enjeux de compétitivité qui sont avancés. Le risque est que si d'autres pays vont sur la voie du mégacamion et que sa circulation est généralisée, nous ayons un problème. Mais nous pouvons privilégier l'option du report modal. J'aurais aimé avoir le retour de la profession sur cette question, puisqu'il y a des enjeux d'emploi.

Je ne suis donc pas favorable à l'exploitation des mégacamions aujourd'hui. Je trouve toutefois que la rédaction de l'amendement affaiblit le propos. L'équilibre existant dans le texte sorti de la commission des affaires européennes est un peu rompu. Je regrette la formulation choisie, certes plus efficace politiquement, mais plus faible juridiquement.

M. Charles Revet . - Je suis très favorable au développement du fret ferroviaire et du fret fluvial. Je l'avais dit lorsque j'ai été rapporteur de la loi sur les grands ports maritimes et je le répète. L'inadaptation du réseau de fret peut bloquer le développement des ports, comme avec la liaison entre la Seine et le Havre. Ce projet de liaison ne coûterait pourtant qu'une centaine de millions d'euros, somme très faible par rapport à l'intérêt de cet outil. Nous avons trop de camions sur les routes parce que le réseau ferroviaire n'est pas adapté. Il faudrait encourager le transport fluvial. En Allemagne, dès lors qu'on dépasse 50 kilomètres de transport, la moitié se fait en ferroviaire. Les enjeux économiques et l'impact sur l'emploi sont considérables. Aujourd'hui, les plus gros porte-containers ne sont acceptés qu'à Rotterdam et au Havre. On pourrait développer encore plus ce port si on améliorait les moyens d'acheminement.

Je ne suis pas un technicien, mais interrogeons-nous : à force de vouloir être les meilleurs du monde, ne sommes-nous pas en train de perdre des marchés extraordinaires ? Je ferais un parallèle : dans le domaine de l'élevage et de l'abattage de porcs, on est en train de supprimer nos abattoirs pour aller abattre les bêtes en Allemagne.

M. Michel Teston . - Parce qu'il n'y a pas de smic en Allemagne...

M. Charles Revet . - Nous avons un problème de compétitivité. Cela ne veut pas dire qu'il faut accepter les conditions de travail imposées ailleurs, mais c'est un sujet sur lequel il faut réfléchir.

Je pense que la proposition d'expérimentation de Jean Bizet est très nuancée. Il s'agit d'une expérimentation, dans un délai limité, sur des zones très définies. Si les mégacamions circulent dans le reste de l'Europe, nous finirons par nous les faire imposer. Cette expérimentation permet une ouverture encadrée.

Mme Évelyne Didier . - Je suis d'accord avec le rapporteur. J'ai apprécié également le travail de Fabienne Keller. Je fais partie depuis longtemps des personnes qui se sont élevées contre les 44 tonnes. Une route nationale déclassée traverse ma commune. Je connais le « ballet » des camions, avec un passage de 19 000 à 25 000 véhicules par jour dont une part élevée de camions. Je partage donc aussi les propos de Michel Teston.

Tant que nous ne nous battrons pas tous ensemble, non pour mettre des mégacamions en circulation, mais pour lutter contre le dumping social, nous ne gagnerons pas en compétitivité. Les mégacamions sont contraires au report modal que nous souhaitons pour le fret ferroviaire. J'attire votre attention sur les infrastructures, les ouvrages d'art, les routes, le bâti : ils souffrent du passage de ce type de véhicules. Les collectivités et l'État doivent ensuite payer. Au moment où nous sommes en train de nous plaindre de la dette des collectivités et de la dette de l'État, on veut rajouter ici des coûts. Nous ne pouvons, enfin, nous exonérer de la question de la sécurité.

M. Philippe Esnol . - Je partage les arguments développés par Evelyne Didier et Michel Teston. Nous ne pouvons vouloir tout et son contraire. Il a été très bien démontré que si on veut développer sérieusement le fret ferroviaire, très malmené depuis de longues années, et le fret fluvial, qui sont beaucoup moins polluants, il faut s'opposer à un développement supplémentaire des mégacamions et du fret routier. Soyons cohérents.

Mme Hélène Masson-Maret . - Je m'intéresse depuis des années au problème des camions, pour avoir longtemps fait la route de Nice à Lyon. Les camions sont souvent à l'origine d'accidents graves. Je suis favorable à l'expérimentation proposée. Je pense que cette expérimentation permettra une nouvelle réflexion sur l'usage des camions sur les autoroutes, et sur la façon dont ils sont ou non convoyés. L'expérimentation est en outre contenue dans des zones délimitées.

Je suis par ailleurs d'accord avec tout ce que vous avez dit sur le fret. Mais cette expérimentation pourrait ouvrir le champ d'une nouvelle réflexion.

M. Ronan Dantec . - Pour répondre à Vincent Capo-Canellas, nous avons modifié un alinéa pour des raisons techniques. La formulation était améliorable. Comme nous avons créé le cadre juridique, il a fallu réécrire le reste.

J'en profite pour dire mon regret qu'au moment du débat sur l'écotaxe poids lourds dans l'hémicycle n'ait pas été reprise la possibilité de moduler les péages autoroutiers en fonction de la classe d'émissions de polluants des véhicules.

Le rapport Duron identifie comme prioritaire la liaison que Charles Revet mentionne. La revendication a été entendue.

Quant à l'intervention d'Hélène Masson-Maret, je ne suis pas favorable à la politique du pire. N'autorisons pas les mégacamions.

M. Raymond Vall, président . - Passons au vote. Qui est en faveur de l'amendement de réécriture de la proposition de résolution, présenté rapporteur ? La proposition de résolution ainsi rédigée est donc adoptée.

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