CHAPITRE III
SAISIE ET CONFISCATION DES AVOIRS CRIMINELS

Article 4
(art. 324-9 du code pénal)
Possibilité de confisquer le patrimoine d'une personne morale
en cas de condamnation pour blanchiment

Le présent article a pour but de répondre à une lacune actuelle de la loi, en permettant d'appliquer aux personnes morales condamnées pour blanchiment la peine de confiscation générale de leur patrimoine.

L'article 131-21 du code pénal prévoit, dans son alinéa 6, la possibilité de confisquer tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, des biens dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis, même en l'absence de tout lien avec l'infraction, lorsque la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit.

Cette peine dite « de confiscation générale » est prévue pour les crimes contre l'humanité (articles 213-1 et 213-3 du code pénal), d'eugénisme (articles 215-1 et 215-3 du code pénal), de trafic de stupéfiants (article 222-49), de traite des êtres humains et de proxénétisme (article 225-25), de corruption de mineur et de pédopornographie (article 227-33 du code pénal), d'actes de terrorisme (article 422-6), de fausse monnaie (article 442-16), d'association de malfaiteurs (article 450-5 du code pénal) et de crimes et délits de guerre (article 462-6 du code pénal).

Dans un arrêt daté du 3 novembre 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que la confiscation générale du patrimoine était conforme à la convention européenne des droits et de l'homme et à la convention internationale des droits de l'enfant garantissant le respect de la propriété et le respect de la vie familiale, dans une espèce où l'ensemble des biens du condamné avait été confisqués, y compris le domicile familial.

En matière de blanchiment , une telle confiscation générale est également possible, mais, prévue à l'article 324-7 du code pénal, elle ne peut être prononcée qu'à l'encontre de personnes physiques .

Or, comme le relève l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués dans son rapport annuel pour 2011, « dès lors, si une personne morale s'est interposée dans un schéma de blanchiment, situation extrêmement fréquente en pratique, la totalité des biens de la personne morale condamnée ne pourra être confisquée : pour lui confisquer des biens, il faudra démontrer pour chacun d'eux qu'il s'agit du produit de l'infraction. Ainsi, les délinquants mettent à l'abri certains biens avec des montages simples » 31 ( * ) .

Le présent article propose de remédier à cette lacune de la loi, en complétant l'article 324-9 du code pénal qui définit les peines encourues par les personnes morales en cas de condamnation pour blanchiment afin de mentionner la peine de confiscation générale de leur patrimoine.

Votre commission ne peut qu'approuver cette modification qui permettra de renforcer la lutte contre le blanchiment en dissuadant les personnes qui s'en rendent coupables de faire appel à l'interposition de sociétés écran ou de montages juridiques frauduleux afin d'échapper à une sanction pénale rigoureuse.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5
(art. L. 160-9 [nouveau] du code des assurances,
art. L. 223-29 [nouveau] du code de la mutualité
et art. L. 932-23-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale)
Confiscation pénale des sommes figurant sur des contrats d'assurance-vie

Le présent article vise à clarifier les conditions de confiscation pénale des sommes ou créances figurant sur un contrat d'assurance-vie.

Le sort des sommes placées par des délinquants sur des contrats d'assurance vie soulève des difficultés spécifiques. En effet, comme le rappelle l'étude d'impact annexée au projet de loi 32 ( * ) , le mécanisme du contrat d'assurance-vie repose sur un transfert définitif de la propriété des primes et cotisations versées par le souscripteur au bénéfice de l'organisme gestionnaire, en contrepartie de l'obligation pour ce dernier de verser la prestation prévue au contrat au moment de la réalisation de l'évènement (vie ou décès du souscripteur selon le cas) : ainsi, tant que le contrat n'est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit de se faire racheter le contrat et de désigner ou de modifier le bénéficiaire de la prestation, « de sorte qu'aucun créancier du souscripteur n'est en droit de se faire attribuer ce que ce dernier ne peut recevoir » comme l'a jugé la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 2 juillet 2002.

Ce régime spécifique interdit ainsi toute mesure conservatoire civile sur la créance du souscripteur.

Afin de ne pas permettre que l'assurance-vie puisse être utilisée, en toute impunité, par des délinquants soucieux de pouvoir y placer les sommes issues d'infractions, la loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant à simplifier la saisie et la confiscation en matière pénale a, à l'initiative de votre commission des lois, inséré dans le code de procédure pénale une disposition spécifique permettant expressément la saisie des sommes figurant sur des contrats d'assurance-vie.

Aux termes du second alinéa de l'article 706-155 du code de procédure pénale, « lorsque la saisie porte sur une créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie, elle entraîne la suspension des facultés de rachat, de renonciation et de nantissement de ce contrat, dans l'attente du jugement définitif au fond. Cette saisie interdit également toute acceptation postérieure du bénéfice du contrat dans l'attente de ce jugement et l'assureur ne peut alors plus consentir d'avances au contractant. Cette saisie est notifiée au souscripteur ainsi qu'à l'assureur ou à l'organisme auprès duquel le contrat a été souscrit » : ce dispositif permet ainsi de « geler » le contrat en attendant le jugement pénal définitif.

Dans un arrêt daté du 30 octobre 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fait une interprétation stricte de ces dispositions : estimant que « la saisie d'une créance figurant sur un contrat d'assurance sur la vie ne peut qu'entraîner la suspension des facultés de rachat, de renonciation et de nantissement de ce contrat ainsi que l'interdiction de toute acceptation postérieure du bénéfice dudit contrat, l'assureur ne pouvant plus consentir d'avances au contractant », elle a censuré un arrêt qui avait retenu « qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder, en application de l'article 706-153 du code de procédure pénale, à la saisie des sommes placées sur des comptes d'assurance sur la vie, dès lors que ces sommes correspondent, au sens de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal, aux produits directs ou indirects de l'infraction poursuivie ». Cette jurisprudence a ainsi pour effet d'interdire l'appréhension directe des fonds investis entre les mains de l'organisme gestionnaire, même s'il est établi qu'ils constituent le produit direct ou indirect de l'infraction .

Or, comme l'indique l'étude d'impact annexée au projet de loi, il est à craindre que l'interprétation restrictive retenue par la chambre criminelle de la Cour de cassation en matière de saisie ne soit étendue à l'exécution elle-même des peines de confiscation portant sur des contrats d'assurance-vie, et que l'État ne soit en conséquence contraint d'attendre le dénouement de ces contrats avant de pouvoir ramener la peine à exécution.

Afin de prévenir une telle difficulté et de sécuriser dès à présent les décisions de confiscation portant sur des sommes ou créances inscrites sur des contrats d'assurance-vie, le présent article propose de prévoir que la condamnation définitive à la peine de confiscation d'un contrat d'assurance-vie entraîne sa résolution judiciaire et le transfert des fonds au profit de l'État .

Le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale seraient modifiés à cette fin.

Comme l'indique l'étude d'impact, « l'option retenue de la résolution judiciaire du contrat - et non de la résiliation - permet en effet de remettre l'ensemble des acteurs dans la situation antérieure à la constitution d'un contrat dont l'origine est illicite, d'empêcher que les actifs en résultant et revêtant eux-mêmes un caractère illicite ne puissent entrer dans le patrimoine d'un tiers désigné au contrat qui ne subira aucun préjudice du fait de cette résolution, en l'absence de tout investissement de sa part, et de délier l'organisme gestionnaire de tout engagement découlant d'un tel contrat » 33 ( * ) .

Rappelons que la résolution judiciaire, définie aux articles 1183 et 1184 du code civil, entraîne l'anéantissement rétroactif du contrat , contrairement à la résiliation qui ne vaut que pour l'avenir.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Article 6
(art. 131-21 du code pénal)
Confiscation en valeur des biens dont le condamné a la libre disposition

Le présent article tend à permettre de confisquer en valeur l'ensemble des biens dont le condamné a la libre disposition.

L'actuelle rédaction de l'article 131-21 du code pénal, qui définit les biens susceptibles de faire l'objet d'une peine de confiscation, résulte pour l'essentiel de la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui a eu pour but d'adapter le droit pénal aux obligations résultant du droit communautaire et de l'entraide judiciaire pénale.

Afin d'en renforcer l'effectivité, la loi de programmation relative à l'exécution des peines n°2012-409 du 27 mars 2012 a autorisé l'autorité judiciaire à procéder à des confiscations en valeur (ou dites aussi confiscations « par équivalent ») : de telles confiscations s'exercent sur des biens appartenant au condamné et n'ayant pas nécessairement un lien direct ou indirect avec l'infraction, mais dont la valeur correspond au montant du profit qui a été généré par cette infraction. Ce mode de confiscation est particulièrement adapté lorsque le condamné a mis en oeuvre divers stratagèmes pour dissimuler, notamment à l'étranger, le produit de l'infraction.

Corrélativement, l'article 706-41-1 du code de procédure pénale autorise la saisie en valeur des biens de la personne mise en cause.

Par ailleurs, cette même loi du 27 mars 2012 a ouvert la possibilité de confisquer, non seulement les biens dont le condamné est propriétaire, mais également ceux dont il a la libre disposition , sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi. Comme l'indique l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) dans son rapport annuel pour 2012, « cette modification a permis de limiter les parades qui consistent à mettre des biens au nom d'un tiers afin de vouloir éviter toute saisie ou confiscation (au nom de la famille, de mineurs, de prête-noms ou de personnes morales...) » 34 ( * ) .

Toutefois, l'alinéa 9 de l'article 131-21, qui dispose que « la confiscation peut être ordonnée en valeur », ne vise pas expressément les biens dont le condamné a la libre disposition.

Comme l'indique l'étude d'impact annexée au projet de loi, « la confiscation est valeur est particulièrement utilisée dans les dossiers de fraude ou d'escroquerie de grande ampleur, puisqu'un profit important a été généré dans ce type d'infractions et que le profil élaboré de l'auteur diminue les chances de pouvoir retrouver le produit de l'infraction. Si, dans le même temps, l'auteur est propriétaire de biens d'une valeur suffisante, ils pourront être confisqués en valeur. Mais si l'auteur a pris la précaution d'interposer des prête-noms ou des sociétés fictives entre lui et son patrimoine, la confiscation en valeur ne pourra pas s'exercer car elle ne peut pas porter sur des biens dont il a la libre disposition mais seulement sur des biens dont il est le propriétaire, cette notion ne figurant pas à l'alinéa 9 susvisé » 35 ( * ) .

Le présent article propose de clarifier ce point, en complétant l'alinéa 9 de l'article 131-21 du code pénal afin de prévoir que la confiscation en valeur peut être exécutée sur tous biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 6 bis
Gestion par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) de l'ensemble des sommes saisies dans le cadre d'affaires pénales en cours

Le présent article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par les députés lors de l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale en séance publique.

Reprenant une disposition insérée dans le projet de loi de finances pour 2013 mais censurée par le Conseil constitutionnel qui a jugé qu'il s'agissait d'un « cavalier » 36 ( * ) , il vise à répondre à une difficulté pratique rencontrée par les juridictions dans la gestion des sommes saisies.

Depuis la création de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) le 4 février 2011, les sommes saisies lors de procédures pénales doivent en principe être centralisées sur son compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations (2° de l'article 706-160 du code de procédure pénale). Cette centralisation des sommes permet à l'Agence d'exécuter les décisions de confiscation ou de restitution portant sur ces sommes saisies.

L'intégralité des sommes saisies dans le cadre des procédures pénales en cours avant sa création devait lui être transférée.

Toutefois, comme l'indique l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement, si certains virements ont eu lieu (le solde des sommes détenues par l'ensemble des tribunaux est passé de 234 millions d'euros au 31 décembre 2011 à 148 millions d'euros au 31 mars 2013), certains tribunaux sont en pratique dans l'incapacité de rapprocher certaines sommes des affaires en cours et donc d'en préciser le statut (saisies ou confisquées) - sachant que les sommes confisquées par décision pénale définitive doivent être reversées, quant à elles, au budget de l'État.

Afin de résoudre cette difficulté, le présent article propose de confier à l'AGRASC la gestion des sommes saisies lors de procédures pénales et pour lesquelles l'identification de leur statut - saisi ou confisqué - n'est pas établie à la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi.

Dans un délai de trois mois suivant cette promulgation, l'intégralité de ces sommes devrait être transférée depuis les comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations au nom de chaque directeur de greffe du tribunal de grande instance vers le compte de l'AGRASC.

Cette dernière assurera la gestion de ces sommes dans une comptabilité séparée de ses autres opérations.

Dès réception des fonds, l'AGRASC en reversera 80 % au budget général de l'État (soit une somme évaluée à 118 millions d'euros). Le solde sera conservé jusqu'au 1 er janvier 2016 afin de pouvoir exécuter d'éventuelles décisions de restitution rendues par les tribunaux à propos de ces sommes. En cas d'épuisement de ce solde ou de décision de restitution postérieure au 1 er janvier 2016, l'État remboursera à l'agence les sommes dues.

En revanche, le produit du placement des sommes versées sur le compte de l'agence à la Caisse des dépôts et consignations en application de cet article demeurera affecté à l'agence.

Votre commission approuve ces dispositions qui illustrent toutefois la nécessité pour les juridictions d'améliorer leurs procédures de gestion des biens saisis.

Votre commission a adopté l'article 6 bis sans modification .

Article 7
(art. 706-148, 706-150, 706-153, 706-158
et 706-154 du code de procédure pénale)
Conditions d'accès au dossier pénal en cas de recours
contre une mesure de saisie

Le présent article a pour but de préciser les conditions d'accès au dossier pénal en cas de recours contre une mesure de saisie.

La loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, qui a institué une procédure spéciale permettant la saisie de tout bien ou actif susceptible de faire l'objet d'une peine de confiscation, a organisé les conditions dans lesquelles le propriétaire du bien ainsi que tout tiers ayant des droits sur ce bien (hypothèses d'une propriété indivise, d'une saisie pratiquée entre les mains d'un tiers ou d'un créancier titulaire d'une sûreté réelle sur le bien saisi, par exemple) pourraient contester la décision de saisie ou ses modalités.

Afin de préserver le secret de l'enquête ou de l'instruction, cette loi a prévu que le propriétaire du bien et les tiers pourraient être entendus par la chambre de l'instruction, mais que les tiers ne pourraient pas prétendre à la mise à disposition de la procédure.

Comme l'indique l'étude d'impact annexée au projet de loi, « la notion de tiers, pour les besoins de l'exercice des voies de recours, est cependant source de confusion dans la mesure où les textes ne précisent pas s'il s'agit du tiers à la procédure ou du tiers par rapport au propriétaire du bien, de sorte que certaines chambres de l'instruction ont pu donner accès à des pièces de procédure à des personnes n'y ayant en principe pas droit ».

Afin de résoudre cette difficulté, le présent article propose de clarifier les conditions applicables à la contestation de la mesure de saisie, en précisant :

- d'une part, que l'appelant ne pourrait prétendre qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie contestée ;

- d'autre part, que le propriétaire du bien, le titulaire du compte ou les tiers pourraient être entendus par la chambre de l'instruction, y compris s'ils ne sont pas appelants, mais que, dans ce cas, ils ne pourraient prétendre à la mise à disposition de la procédure.

Le présent article propose de modifier à cette fin les articles du code de procédure pénale définissant les modalités de saisie de patrimoine (article 706-148), de biens immobiliers (article 706-150), de biens ou droits incorporels (article 706-153), de sommes versées sur un compte bancaire (article 706-154) ainsi que des saisies sans dépossession (article 706-158).

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants du Conseil national des barreaux ont contesté ces dispositions, faisant valoir que l'exercice des droits de la défense rendait nécessaire l'accès par le conseil du tiers à l'intégralité des pièces de la procédure, afin de pouvoir utilement contester la saisie.

Votre rapporteur rejoint toutefois sur ce point son homologue de l'Assemblée nationale pour considérer qu'ainsi rédigées, ces dispositions paraissent offrir une conciliation satisfaisante entre le respect du droit de propriété et les exigences liées à la manifestation de la vérité et à l'efficacité des enquêtes 37 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8
(art. 434-41 du code pénal)
Conditions d'exécution des décisions de confiscation des immeubles

Le présent article répond à une difficulté pratique identifiée par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) dans l'exécution des décisions de confiscation des immeubles.

Grâce à la possibilité, formalisée dans la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, de saisir des biens immobiliers afin d'en garantir la confiscation, le nombre de décisions pénales de saisies et de confiscations portant sur de tels biens est en constante augmentation : 202 saisies pénales immobilières ordonnées par les juridictions en 2011, 320 en 2012. À l'heure actuelle, l'AGRASC, qui dispose d'un monopole en la matière, gère une quarantaine de dossiers portant sur des confiscations de biens immobiliers - les premières ventes étant intervenues récemment, au début de l'année 2013.

Dans son rapport annuel pour 2012, l'AGRASC fait toutefois état de nombreuses difficultés rencontrées dans l'exécution de ces confiscations : « de nombreux biens font l'objet d'une occupation sans titre, souvent par le condamné ou l'un de ses proches, obligeant l'Agence à enjoindre la remise du bien sous peine d'encourir la sanction du délit de non remise d'un bien confisqué. Certains biens sont largement grevés par des créances hypothécaires antérieures ou par l'existence de charges de copropriété impayées. Des problèmes très pratiques sont également rencontrés comme la présence de meubles dans les lieux ou bien encore des difficultés juridiques en raison de l'existence d'indivisions. Plus généralement, il est à noter que certains biens peuvent se trouver extrêmement dégradés, en raison de la durée de la procédure et de l'absence d'entretien. A la marge, certains condamnés n'hésitent pas non plus à détruire leur bien à l'issue du prononcé de la confiscation, alors que cette attitude a pour conséquence de relancer des poursuites à leur encontre par les parquets » 38 ( * ) .

Afin de remédier à une partie de ces difficultés, le présent article propose de compléter l'article 434-41 du code pénal qui, en l'état du droit, punit de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende la violation par une personne condamnée de ses obligations ou interdictions résultant de certaines peines complémentaires.

Serait désormais passible de ces sanctions pénales le fait de détruire, de détourner ou de tenter de détruire ou de détourner, non seulement un véhicule immobilisé, un véhicule, une arme, ou un animal, mais également tout autre bien, corporel ou incorporel confisqué.

Le champ des dispositions soumettant à ces mêmes peines le fait, par une personne recevant la notification prononçant à son égard la suspension ou l'annulation du permis de conduire, le retrait du permis de chasser ou la confiscation d'un véhicule, d'une arme, de tout autre objet ou d'un animal, de refuser de remettre le permis suspendu, annulé ou retiré, la chose ou l'animal confisqué à l'agent de l'autorité chargé de l'exécution de cette décision serait également étendu à tout bien corporel ou incorporel.

Aux termes de l'étude d'impact annexée au projet de loi, cette modification devrait être de nature à clarifier le dispositif sur lequel l'AGRASC doit pouvoir s'appuyer afin de mener à bien les difficiles missions d'exécution des peines que lui confie le ministère public, particulièrement lorsque des condamnés ou des tiers tentent de faire échec à l'application d'une décision de justice.

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .

Article 9
(art. 694-10 et 694-12 du code de procédure pénale)
Simplification de l'entraide pénale internationale
en matière de saisie des avoirs

Le présent article vise à adapter la terminologie du code de procédure pénale aux besoins de l'entraide pénale internationale en matière de saisie des avoirs criminels.

Comme le rappelle l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) dans son rapport annuel pour 2012, la loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale a notamment codifié les dispositions des lois des 14 novembre 1990 et 13 mai 1996 relative à l'exécution, en France, de décisions de saisie prononcées par des juridictions étrangères (articles 694-10 à 694-13 du code de procédure pénale).

En l'état du droit, ces dispositions, dont la terminologie n'a pas été actualisée de façon cohérente avec l'évolution du droit interne et du droit conventionnel, posent des difficultés aux praticiens devant exécuter des décisions de saisie prononcées par une juridiction étrangère :

- d'une part, l'article 694-10 du code de procédure pénale dispose qu' « en l'absence de convention internationale en stipulant autrement, les articles 694-11 à 694-13 sont applicables aux demandes d'entraide émanant des autorités étrangères compétentes, tendant à la saisie, en vue de leur confiscation ultérieure, des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, qui paraissent être le produit direct ou indirect de l'infraction ainsi que de tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction » : en l'état du droit, ces dispositions excluent à la fois la saisie de l'instrument ou de l'objet de l'infraction ainsi que les saisies dites « élargies ».

Or, comme le relève l'AGRASC, « cette limitation, qui peut certes être levée en s'appuyant sur une convention internationale en stipulant autrement, n'a aujourd'hui plus aucune justification en droit français, puisque dans notre droit, les saisies élargies, celles de l'objet ou de l'instrument de l'infraction, peuvent être pratiquées sans difficulté. Il est donc indispensable de supprimer cette limitation pour permettre, en France, l'exécution de telles saisies demandées par des autorités étrangères, et qui devraient, conformément à notre droit interne, pouvoir être exécutées sur notre territoire » 39 ( * ) .

C'est pourquoi le I du présent article propose de compléter l'article 694-10 précité afin de permettre expressément la saisie, à la demande d'une juridiction étrangère, de biens ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ;

- d'autre part, l'article 694-12 du code de procédure pénale dispose que « l'exécution sur le territoire de la République de mesures conservatoires faisant l'objet d'une demande présentée par une autorité judiciaire étrangère, en application d'une convention internationale, est ordonnée, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités du présent code, par le juge d'instruction sur requête du procureur de la République , dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse ».

Le II du présent article propose de répondre à trois difficultés identifiées par l'AGRASC.

Premièrement, la référence aux « mesures conservatoires » n'est plus pertinente depuis que la loi du 9 juillet 2010 a créé une procédure spéciale de saisie pénale. Par cohérence avec le droit interne, le 1° du II propose de remplacer ces termes par celui, désormais plus approprié, de « saisies ».

Par ailleurs, la nécessité pour le juge d'instruction qui ordonne l'exécution de la saisie de statuer « sur requête du procureur de la République » ne paraît guère se justifier lorsque le juge d'instruction a été directement saisi de la demande étrangère. Le 2° du II propose de prévoir que, dans ce cas, le juge d'instruction statue « sur requête ou après avis » du procureur de la République.

Enfin, en l'état du droit, la saisie n'est possible que « si le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse ». Or, cette limitation ne se retrouve plus, ni dans les textes internationaux, ni en droit interne, et ne se justifie pas pour la saisie en valeur (qui est une saisie « par équivalent » et porte par hypothèse sur un bien qui n'a pas d'origine frauduleuse). Le 3° du II propose de supprimer cette restriction.

Votre commission a adopté l'article 9 sans modification .


* 31 AGRASC, rapport annuel pour 2011, page 25.

* 32 Étude d'impact annexée au projet de loi, pages 17-18.

* 33 Étude d'impact annexée au projet de loi, pages 17-18.

* 34 AGRASC, rapport annuel pour 2012, page 29.

* 35 Étude d'impact annexée au projet de loi, page 19.

* 36 Décision n°2012-662 DC du 29 décembre 2012, considérants n°140 à 142.

* 37 Rapport précité, page 85.

* 38 AGRASC, rapport annuel pour 2012, pages 19-20.

* 39 AGRASC, rapport annuel pour 2012, pages 27-28.

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