SECTION 2 - DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION DES PERSONNELS DE LA DÉFENSE

Article 23 - La pension afférente au grade supérieur

L'article 23 crée un dispositif qui concerne les colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière titulaires d'un droit à pension à jouissance immédiate alors qu'ils se trouvent à plus de cinq ans de la limite d'âge de leur grade.

Le dispositif vise à permettre à cette population de quitter l'institution militaire en échange d'une pension revalorisée.

Le code des pensions civiles et militaires prévoit que les personnels des armées peuvent percevoir une pension s'ils quittent les armées après un nombre d'années de service minimal sans pour autant atteindre l'âge légal de départ à la retraite.

Cette possibilité dont disposent les militaires de quitter le métier des armes encore jeunes répond, en effet, à une triple problématique :

- une problématique de gestion des effectifs et des carrières en vue de maintenir un taux de renouvellement suffisant afin de préserver l'indispensable jeunesse des unités militaires ;

- une problématique de reconversion en permettant à ces militaires effectuant des carrières courtes de réaliser leur reconversion ;

- une problématique de condition militaire, en instituant des contreparties aux contraintes liées à l'état militaire (disponibilité, subordination, discipline, pénibilité,...). La pension militaire est donc au coeur du dispositif de réduction des effectifs car la gestion des flux est la seule garantie de la réalisation du contrat opérationnel.

Sont attribués, en contrepartie de la mise en retraite des militaires en surnombre, des avantages exorbitants du droit commun tels que des bonifications de service visant à reconnaître les périodes d'activités spécifiques, telles que les opérations extérieures, et qui se caractérisent par un accroissement du montant de la pension perçue par les intéressés.

Dans le contexte actuel de déflation des effectifs, la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a augmenté la limite d'âge des grades de deux ans, a encouragé les militaires de carrière à demeurer dans l'institution jusqu'à la limite d'âge pour maximiser le niveau de leur pension : un mouvement contraire à celui souhaité par la précédente LPM et conduisant à un repyramidage des effectifs évoqué dans l'exposé général.

Dans ce contexte, la pension afférente au grade supérieur (PAGS) prévue par le présent article consiste à offrir la possibilité aux colonels, lieutenants-colonels, commandants, capitaines, adjudants-chefs et adjudants de carrière de quitter l'institution militaire de façon prématurée en échange d'une pension à liquidation immédiate revalorisée.

Le I de cet article prévoit que : « Les officiers de carrière servant dans les grades de colonel, de lieutenant-colonel, de commandant, de capitaine ou dans un grade équivalent et les sous-officiers de carrière servant dans les grades d'adjudant-chef, d'adjudant ou dans un grade équivalent qui ont accompli, à la date de leur radiation des cadres, survenue entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2019, la durée de services effectifs prévue respectivement au 1° ou au 2° du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et qui se trouvent à plus de cinq ans de la limite d'âge applicable à leur grade avant l'entrée en vigueur de la présente loi peuvent, sur demande agréée par le ministre de la défense, bénéficier de la liquidation immédiate d'une pension ».

Cette mesure sera en conséquence effective pendant 6 ans, de 2014 à 2019, afin d'inciter les populations visées à bénéficier d'un dispositif qu'elles sauront, par avance, temporaire.

Pour pouvoir bénéficier de cette PAGS, il convient :

- d'être militaire de carrière ;

- d'avoir un grade de colonel, de lieutenant-colonel, de commandant, de capitaine, d'adjudant-chef ou d'adjudant ;

- d'avoir une ancienneté de service supérieure ou égale à celle exigée pour la liquidation immédiate de la pension par le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- d'avoir été promu dans son grade depuis au moins cinq ans ;

- d'avoir un âge inférieur à la limite d'âge du grade diminuée de cinq années.

S'ils réunissent ces conditions, les militaires de carrière concernés pourraient alors, sur demande agréée par l'administration, bénéficier de la PAGS.

Le II de cet article prévoit que « le montant de la pension est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite par la solde afférente à l'indice correspondant à l'échelon unique, pour les colonels, au deuxième échelon, pour les autres officiers, ou au troisième échelon, pour les sous-officiers, du grade immédiatement supérieur au grade détenu, depuis cinq ans au moins, par l'intéressé » 84 ( * ) .

Cette disposition permet, tout à la fois, aux militaires de bénéficier d'une pension revalorisée par rapport à celle qu'ils auraient perçue en quittant présentement l'institution, et au ministère de la défense de réaliser des économies de masse salariale.

En effet, la pension perçue par le militaire demeure inférieure à sa solde, du fait de la non-prise en compte des primes et indemnités dans la pension et du différentiel existant entre la pension et la solde de base à partir de laquelle elle est calculée. Cette différence explique l'économie budgétaire immédiate réalisée par le ministère de la défense.

Le dispositif proposé vise à déroger aux règles de droit commun définies dans la partie législative du code des pensions civiles et militaires de retraite puisqu'il permet de bénéficier d'une pension calculée sur la solde afférente au grade immédiatement supérieur au grade détenu par l'intéressé.

L'étude d'impact de la loi synthèse qui procède à une estimation du résultat de cette mesure, calculée par grade et par ancienneté de services, est fournie dans le tableau suivant :

Pension moyenne actuelle

Colonel

37 179 €

Lieutenant-Colonel

30 909 €

Commandant

26 612 €

Capitaine

22 477 €

Adjudant-Chef

16 344 €

Adjudant

12 075 €

Pension Majorée au Grade Supérieur

Condition d'âge

Condition
d'ancienneté

Colonel

49 563 €

< 53

27

Lieutenant-Colonel

39 161 €

< 53

27

Commandant

33 605 €

< 53

27

Capitaine

29 249 €

< 53

27

Adjudant-Chef

22 003 €

< 52

17

Adjudant

20 581 €

< 46

17

A titre d'illustration, selon l'estimation fournie, comparativement à la situation actuelle, la pension afférente au grade supérieur correspondrait à une revalorisation des pensions des colonels de plus de 25%.

Ce dispositif constituerait également un dispositif financièrement favorable pour l'Etat.

En effet, s'il verse une pension plus élevée à l'intéressé jusqu'à son décès, il économise le versement de sa solde jusqu'à la limite d'âge de son grade. L'économie porte également sur les cotisations sociales « employeurs » et des crédits de fonctionnement liés à l'emploi d'un militaire.

L'économie globale nette a été estimée en tenant compte de ce ciblage et en considérant qu'annuellement un peu plus de 500 militaires (parmi les 21 000 potentiels bénéficiaires du dispositif) demanderaient à recourir à ce nouveau dispositif de départ à 10,8 M€ la première année (en année pleine). Les gains sont d'autant plus accentués que les contingentements visent le grade cible de la mesure, à savoir les lieutenants-colonels.

L'objectif étant de diminuer le nombre de colonels, de lieutenants-colonels, de commandants, de capitaines, d'adjudants-chefs et d'adjudants, des contingentements par grade devront être établis afin de cibler effectivement et efficacement les militaires qu'il est judicieux, pour le ministère de la défense, d'inciter à quitter l'institution.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, les prévisions de contingents d'attribution pour la PAGS sur la période 2014-2019 seraient les suivantes :

Annuité

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PAGS OFF

200

280

280

280

280

280

COL

30

42

42

42

42

42

LCL

70

98

98

98

98

98

CDT

40

56

56

56

56

56

CNE

60

84

84

84

84

84

PAGS S/OFF

200

300

300

300

300

300

ADC

70

105

105

105

105

105

ADJ

130

195

195

195

195

195

TOTAL PAGS

400

580

580

580

580

580

Le III de cet article prévoit que «  Le bénéficiaire de la pension qui reprend une activité dans un organisme mentionné à l'article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite perd le bénéfice de cette pension à compter du premier jour du mois au cours duquel débute cette activité » et que « La pension prévue au présent article est exclusive du bénéfice des dispositifs d'incitation au départ prévus par les articles 24 et 25 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité prévue à l'article L. 4139-9 du code de la défense »

Autrement dit, la pension afférente au grade supérieur sera exclusive d'un emploi public. Le bénéfice de cette pension sera supprimé si le militaire reprend un emploi, comme fonctionnaire ou contractuel, dans tout organisme public.

Ce dispositif sera également exclusif des autres mesures temporaires d'incitation au départ (pécule d'incitation à une seconde carrière, promotion fonctionnelle...) durant la période 2014-2019.

Le IV de cet article prévoit que « Chaque année, un arrêté conjoint du ministre de la défense, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget détermine le nombre de militaires, par grade et par corps, pouvant bénéficier des dispositions du présent article ».

Le dispositif sera donc contingenté et piloté par grade et par corps conformément au tableau indicatif ci-avant.

Bien qu'à contrecourant de la réforme des retraites qui a reporté l'âge de la retraite, cette mesure semble justifiée par les objectifs ambitieux fixés en matière de déflation, notamment pour les officiers.

Cette mesure a été préférée à une harmonisation de la possibilité d'une jouissance immédiate de la retraite à 17 ou 20 ans qui aurait sans doute eu des effets plus massifs, notamment sur les officiers.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 24 - Promotion fonctionnelle

L'article 24 fait revivre, en l'instituant par la loi, un mécanisme dit de promotion fonctionnelle ou de conditionnalat qui permet au ministère de promouvoir certains militaires dont les capacités et les compétences leur permettent d'occuper de nouvelles responsabilités mais pas d'envisager une évolution continue sur le long terme.

En contrepartie de la promotion accordée, le militaire s'engage donc à quitter les rangs de l'armée après une durée comprise entre vingt-quatre et trente-six mois, avant leur radiation des cadres ou leur admission en deuxième section.

Avant 2005, le conditionnalat constituait une pratique de gestion des effectifs qui proposait à certains militaires d'être promus au grade supérieur pour une durée déterminée d'au moins six mois en échange de leur départ au terme de cette durée avec une pension afférente à l'indice atteint dans ce nouveau grade.

Ce dispositif a permis le départ de très nombreux cadres.

Pour autant, l'engagement à quitter le service avant la limite d'âge ne reposait sur un fondement légal contestable. Il a donné lieu à quelques contentieux tranchés en dernier ressort par le Conseil d'Etat en faveur des militaires requérants.

L'article 24 propose en reprenant un dispositif similaire d'instituer le dispositif de promotion fonctionnelle. Ce dispositif permettra au ministère de la défense de dynamiser les départs de militaires tout en garantissant la préservation de compétences particulières.

Le I de cet article dispose que « Jusqu'au 31 décembre 2019, les officiers et les sous-officiers de carrière en position d'activité peuvent, sur leur demande écrite, bénéficier d'une promotion dénommée ci-après « promotion fonctionnelle », dans les conditions et pour les motifs prévus au présent article. »

Il précise que « La promotion fonctionnelle consiste, au vu de leurs mérites et de leurs compétences, à promouvoir au grade supérieur des officiers et des sous-officiers de carrière afin de leur permettre d'exercer une fonction déterminée avant leur radiation des cadres ou, s'agissant des officiers généraux, leur admission dans la deuxième section. »

Pour bénéficier d'une promotion fonctionnelle, les officiers et les sous-officiers de carrière doivent avoir acquis des droits à la liquidation de leur pension dans les conditions fixées au II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou pouvoir bénéficier d'une solde de réserve au titre de l'article L. 51 du même code.

Il est précisé qu'un décret en Conseil d'État détermine, pour chaque grade, les conditions requises pour être promu en application du présent article. Ces conditions tiennent à l'ancienneté de l'intéressé dans le grade détenu et à l'intervalle le séparant de la limite d'âge applicable à ce grade avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, en application de ce dispositif, pourront être promus, avec leur accord préalable :

- les adjudants ou premiers maîtres ayant servi au moins sept ans dans ce grade et se trouvant à plus de sept ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les adjudants-chefs ou maîtres principaux ayant servi au moins sept ans dans ce grade et se trouvant à plus de six ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les commandants, ou les officiers d'un grade équivalent, ayant servi au moins six ans dans ce grade et se trouvant à plus de sept ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les lieutenants-colonels, ou les officiers d'un grade équivalent, ayant servi au moins six ans dans ce grade et se trouvant à plus de sept ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les colonels ou les officiers d'un grade équivalent ayant servi au moins six ans dans ce grade et se trouvant à plus de six ans de la limite d'âge applicable à ce grade ou, pour les colonels appartenant au corps des officiers de l'air, se trouvant à plus de quatre ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes chefs des services de classe normale ayant servi au moins deux ans et six mois dans ce grade et se trouvant à plus de quatre ans de la limite d'âge applicable à ce grade ;

- les généraux de brigade et officiers généraux d'un grade équivalent ayant servi au moins deux ans et six mois dans ce grade et se trouvant à plus de quatre ans de la limite d'âge applicable au grade de colonel.

Les objectifs assignés au dispositif de promotion fonctionnelle ne concernent que certains grades de la hiérarchie militaire, sur lesquels repose la réussite de la manoeuvre de déflation des effectifs, conformément à l'objectif de ciblage de la déflation énoncé par le projet de loi. Chaque année, un arrêté interministériel fixera, par grade et par corps, le nombre d'officiers et de sous-officiers appelés à bénéficier des dispositions du présent article.

Ainsi le II de cet article dispose que «  Nul ne peut être promu en application du présent article à un grade autre que ceux d'officiers généraux s'il n'est inscrit sur un tableau d'avancement spécial établi, au moins une fois par an, par corps. »

D'après l'étude d'impact, ce nombre ne pourra excéder, par corps et par grade, le tiers, arrondi à l'unité supérieure, du nombre d'officiers ou de sous-officiers inscrits aux tableaux d'avancement.

Les premières promotions devraient concerner le tableau d'avancement 2015. Les derniers départs s'opéreront en 2022 (promotion en 2019 pour 3 ans).

Délimité dans le temps, la promotion fonctionnelle ayant vocation à être appliquée au cours de la période 2014-2019, ce dispositif devrait contribuer à l'effort de dépyramidage tendant à réduire le pourcentage d'officiers dans la population à statut militaire.

Ce dispositif exigera un travail d'identification des postes susceptibles de recevoir un candidat à la promotion fonctionnelle.

La clause de revoyure permettra d'en mesurer l'efficacité.

Votre rapporteur s'est interrogé sur le fait de savoir si ce dispositif n'encourait les mêmes critiques que le conditionnalat au regard de l'égalité de traitement des fonctionnaires.

A première lecture, la jurisprudence du Conseil d'Etat semble peu favorable au mécanisme de promotion dite fonctionnelle ; le Conseil juge en effet que l'égalité de traitement à laquelle ont droit les fonctionnaires d'un même corps fait obstacle à l'institution de règles d'avancement distinctes pour certaines catégories d'entre eux (Assemblée, 21 juillet 1975, Union interfédérale des syndicats de police, au recueil, n°75225 ou 28 juin 1989, Ministre de l'intérieur c/ Donnadieu et autres, aux tables, n°85193).

Le dispositif de l'article 24 semble toutefois pouvoir échapper à la censure à un double titre : d'abord parce que, précisément, la loi a pour objet de donner à l'avancement, au moins temporairement, un objectif secondaire qui rend pertinent le critère du départ volontaire et d'autre part parce qu'il entre dans la réserve des « circonstances exceptionnelles » prévue par cette même jurisprudence du Conseil d'Etat.

Dans les deux décisions de 1972 et 1989 précitées, comme dans les décisions Bavoil du 8 novembre 2000, n°209105, ou du 28 mai 2003, n°222687, qui portaient spécifiquement sur ce mécanisme de promotion fonctionnelle des militaires, le Conseil d'Etat s'est prononcé au regard du présupposé de départ selon lequel l'avancement au choix des agents publics a pour seul objet de récompenser des mérites et interdit dès lors la prise en compte de tout autre critère, tel celui de l'engagement qu'auraient pris les agents de quitter rapidement le service de l'Etat.

Or, précisément, l'objet des dispositions de l'article 24 consiste à ouvrir, au côté de la voie d'avancement classique, une autre voie, offerte cette fois aux militaires qui, habituellement, ne sont pas promus faute de présenter un fort potentiel d'évolution, mais qui ont des capacités et des compétences - des mérites donc - qui justifient qu'ils soient promus au prochain grade pour exercer des fonctions correspondant à un niveau de responsabilité qu'ils peuvent assumer mais sans que leur soit assurée une évolution ultérieure de carrière qui excéderait leurs compétences.

On notera d'ailleurs que, dans ses conclusions sur la seconde décision Bavoil précitée, Denis Piveteau ne critiquait pas le bien-fondé du dispositif de promotion fonctionnelle mais bien son manque de base légale, manque que la disposition législative proposée aurait pour objet de combler.

Par ailleurs, les deux voies d'avancement ainsi temporairement ouvertes sont toutes deux offertes à tous ceux qui le souhaitent (sous réserve de remplir les conditions d'ancienneté). Le fait que la candidature de certains soit appréciée non pas exclusivement au regard de leurs mérites mais également au regard de l'engagement qu'ils ont pris de quitter le service résulte donc d'un choix volontaire, qui rend moins convaincante l'invocation du principe d'égalité.

Enfin on soulignera qu'il n'existe pas de droit à la promotion ni d'obligation pour les employeurs publics de promouvoir un certain nombre de leurs agents tous les ans si bien que le fait que les militaires promus dans le cadre de la promotion fonctionnelle puisent évincer de l'avancement d'autres militaires qui prétendaient pour leur part à un avancement "classique" n'est pas en soi critiquable.

Pour éviter toute critique sur le risque de mélange de deux populations jugées à deux aunes différentes, il pourrait néanmoins être préférable de prévoir deux tableaux d'avancement distincts répondant donc chacun à leurs règles propres d'établissement.

La deuxième raison pour laquelle le dispositif proposé paraît devoir échapper à la censure tient à la réserve des "circonstances exceptionnelles" que retient la jurisprudence du Conseil d'Etat. Le Conseil reconnaît en effet que ce type de circonstances puisse justifier que des agents d'un même corps fassent l'objet de règles d'avancement distinctes.

Or il paraît très raisonnable de considérer, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles et de la nécessité de respecter nos engagements européens en matière de limitation du déficit public, que la nécessité de réduire les effectifs s'assimile à des circonstances exceptionnelles qui justifient des entorses au principe de l'égalité de traitement.

Il existe donc des considérations d'intérêt général fortes pour justifier que la différence de traitement appliquée aux agents selon qu'ils s'engagent ou non à quitter l'armée, à supposer qu'elle constitue réellement une différence non justifiée par une différence de situation, soit en tout cas juridiquement justifiée par des considérations d'intérêt général.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 25 - Prolongation du pécule d'incitation à quitter l'armée

L'article 25 prévoit, dans le prolongement du dispositif applicable au cours de la précédente loi de programmation militaire, l'attribution aux militaires de pécules d'incitation à quitter l'armée. Ces pécules sont attribués en tenant compte des nécessités du service et font l'objet d'un contingentement annuel fixé au niveau interministériel. Ils sont exclus de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

Le dispositif proposé reprend des dispositions existant à ce jour, mais modifie les montants de pécules susceptibles d'être accordés. Globalement, les indemnités versées seront calculées sur la base d'une assiette réduite de -10% (par exemple, la catégorie indemnisée sur la base de 40 mois de solde budgétaire le sera désormais sur 36 mois).

Cet article prolonge, le dispositif mis en place par la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 qui a instauré un pécule modulable d'incitation à une seconde carrière au profit des militaires.

Actuellement, le pécule, attribué sur demande agréée par le gestionnaire et exonéré d'impôt sur le revenu, est versé en deux fractions :

- le premier versement intervient au moment de la radiation des cadres ou des contrôles ;

- le second versement s'effectue dès justification d'une activité professionnelle au moins égale à douze mois dans les vingt-quatre mois suivant la radiation des services.

Nombre de pécules attribués et la dépense afférente sur la période 2010-2012.

2010

2011

2012

Nbre

Dépense 1

Nbre

Dépense 1

Nbre

Dépense 1

Officiers

389

90 M€

333

109 M€

484

117 M€

Sous-officiers

931

828

694

TOTAL

1 320

1 161

1 178

1 La dépense affichée intègre le paiement de la 1 ère fraction des pécules accordés au titre de l'année ainsi qu'une partie des 2 èmes fractions des pécules accordés antérieurement .

En loi de finance initiale (LFI) pour 2013, il est prévu d'attribuer 1 280 pécules. La prévision de dépense est de près de  111  M€, intégrant le paiement de la 1 ère fraction des pécules accordés au titre de l'année ainsi qu'une partie des 2 èmes fractions des pécules accordés antérieurement.

La prorogation du pécule modulable d'incitation au départ constitue une mesure conjoncturelle emblématique de rationalisation et de dépyramidage des effectifs militaires.

Il est donc proposé, d'une part, de créer un article spécifique non codifié précisant le régime du pécule, et d'autre part, de modifier l'article 80 du code général des impôts afin de prévoir la prorogation de la défiscalisation du pécule modulable d'incitation au départ.

Le I de cet article dispose que « Peuvent prétendre, à compter du 1 er janvier 2014 et jusqu'au 31 décembre 2019, sur demande agréée par le ministre de la défense et dans la limite d'un contingent annuel fixé par arrêté conjoint du ministre de la défense, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ».

La mesure proposée s'appliquera donc sur la période comprise entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2019.

Sont concernés : « Le militaire de carrière en position d'activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge de son grade pouvant bénéficier d'une solde de réserve en application de l'article L. 51 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'une pension de retraite liquidée dans les conditions fixées aux articles L. 24 et L. 25 du même code ; le militaire engagé en position d'activité rayé des contrôles avant quinze ans de services ; par dérogation, le maître ouvrier des armées en position d'activité se trouvant à plus de trois ans de la limite d'âge qui lui est applicable. »

Le dispositif prévoit qu'un décret détermine, pour chaque catégorie de militaires, les conditions d'attribution ainsi que les modalités de calcul, de versement et, le cas échéant, de remboursement du pécule.

D'après, l'étude d'impact, ce décret prévoira notamment que le pécule sera versé en deux fractions : la première, lors de la radiation des cadres ou des contrôles, et la seconde, un an après cette radiation.

Les militaires concernés bénéficieront du versement d'un pécule dont le montant, fixé par décret, sera inférieur de 10 % à celui versé au cours de la période 2009/2014.

Sur la période 2009-2012, le coût constaté est de 386,19 M€ pour un volume global de 7 159 indemnisations versées (1 ère et 2 ème fraction) soit 53 000 euros par personne.

Sur la période 2014-2019, le coût unitaire de cette mesure devrait être inférieur à celui de la précédente LPM.

Contrairement au dispositif en vigueur sur la période 2009/2014, le versement de la seconde fraction du pécule modulable d'incitation au départ n'est plus conditionné à l'exercice d'une activité professionnelle.

La fin de l'obligation d'exercice d'une activité professionnelle s'appuie sur le bilan de quatre campagnes de pécule d'incitation à une seconde carrière. Ce bilan a montré le caractère peu social du dispositif. En effet, la contrainte, inhérente à cette obligation d'activité, concernait les anciens militaires qui éprouvaient des difficultés de reconversion et qui, de fait, avaient le plus besoin de cette deuxième fraction.

En outre, le pilotage budgétaire de cette part conditionnelle s'est révélé extrêmement difficile à anticiper en raison de multiples causes (non-retour à l'emploi, conditions non remplies, non demandé par l'ancien militaire, etc.) et des délais de prescription quadriennale qui permettent au bénéficiaire de demander la deuxième fraction jusqu'à six ans après l'année d'obtention de la 1 ère fraction.

Naturellement, le pécule modulable d'incitation au départ des militaires est exclusif du bénéfice des dispositifs d'incitation au départ prévus par les articles 23 et 24 de la présente loi ainsi que du bénéfice de la disponibilité.

Le II de cet article insère dans le code général des impôts la référence au présent article afin qu'il continue de bénéficier du régime de l'article 81 du code général des impôts qui exonère le pécule de l'impôt sur le revenu.

Votre commission est favorable à ce dispositif tout en soulignant que l'examen de la période 2009-2012 a montré que ce levier, malgré l'effort consenti pour offrir des montant attractifs, était insuffisant à lui seul pour permettre la déflation et le dépyramidage des effectifs militaires.

Or globalement, les indemnités versées seront calculées sur la base d'une assiette réduite de -10 %. Par exemple, la catégorie indemnisée sur la base de 40 mois de solde budgétaire le sera désormais sur 36 mois. Ce dispositif représente un montant prévisionnel de 71,7M€ au profit des nouveaux pécules accordés pour 2014 contre 111,06 M€ pour 2013.

Dès lors il sera difficile d'attendre de ce dispositif des résultats supérieurs à ceux précédemment obtenus.

La clause de revoyure permettra d'en mesurer l'efficacité.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 26 - Position de disponibilité

L'article 26 permet de placer en position de disponibilité, dans le respect d'un contingent, les officiers de carrière qui en font la demande agréée et qui ont effectué plus de quinze années de service dont six en qualité d'officier.

L'article L. 4139-9 du code de la défense prévoit actuellement parmi les outils de contingentement et d'aide au départ une mesure dite de disponibilité qui concerne une trentaine de personne par an. Cette mesure permet à des personnes d'entreprendre un projet de reconversion avec la possibilité éventuelle en cas d'échec de revenir.

Le I du présent article modifie et rénove cet article L. 4139-9 du code de la défense en disposant que « La disponibilité est la situation de l'officier de carrière qui, ayant accompli plus de quinze ans de services dont six au moins en qualité d'officier et, le cas échéant, satisfait aux obligations de la formation spécialisée prévue à l'article L. 4139-13, a été admis, sur demande agréée, à cesser temporairement de servir dans les armées. ».

Cette disponibilité « est prononcée pour une période d'une durée maximale de cinq années, non renouvelable, pendant laquelle l'officier perçoit, la première année, 50% de la dernière solde perçue avant la cessation du service, 40% de cette solde la deuxième année et 30% les trois années suivantes. »

Le projet de disponibilité rénovée prévoit ainsi que les militaires qui auront effectué plus de quinze années de service dont six au moins en qualité d'officier pourront être placés dans cette position de non-activité sur demande agréée du gestionnaire et dans le strict respect du contingentement de cette mesure. Celle-ci, d'une durée de 5 ans, sera dorénavant non renouvelable alors que, dans le dispositif en vigueur, elle est renouvelable une fois pour une durée totale de 10 ans.

En comparaison du dispositif de disponibilité actuellement applicable, celui prévu par le projet de loi est donc marqué par un raccourcissement de la durée du congé, cinq années au lieu de dix, mais une augmentation de sa rémunération.

Les militaires seront, en effet, mieux rémunérés (la première année ils recevront 50% de la dernière solde perçue avant la cessation du service, 40% de cette solde la deuxième année et 30% les trois années suivantes (au lieu des deux tiers pendant toute la disponibilité actuellement).

Les I et II de cet article prévoient que la disponibilité est exclusive du bénéfice des autres dispositifs d'incitation au départ et que les disponibilités accordées en application de l'article L. 4139-9 du code de la défense avant le 1 er janvier 2014 demeurent régies par les dispositions de cet article dans sa rédaction antérieure à cette date.

La clause de revoyure permettra de mesurer l'efficacité d'une disposition qui touche une population en nombre limité.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 27 - Les limites d'âge

L'article 27 permet de tenir compte, dans l'article L. 4139-16 du code de la défense relatif aux limites d'âge applicables aux différents corps, de la suppression du cadre spécial de l'armée de terre et de la création de deux corps d'officiers à vocation technique.

Le 2° du I de l'article L. 4139-16 du code de la défense définit, par corps, les limites d'âge associées à chaque grade.

Or, dans le cadre de la modernisation du ministère de la défense, il a été décidé de rationaliser le paysage statutaire des différents corps militaires d'officiers exerçant à titre principal, au sein de ce ministère, l'administration générale et le soutien commun (AGSC) des armées.

Le premier volet de cette réforme a vu la création, le 1 er janvier 2013, d'un corps unique des commissaires des armées. Constitué à partir des trois corps des commissaires de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air, ce corps offrira, entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2015, une passerelle d'accès à d'autres officiers administratifs, au vu de leur expérience et de leur mérite.

Cette passerelle sera ouverte aux officiers administratifs des corps techniques et administratifs (CTA) de l'armement (DGA), de l'armée de terre, de la marine, du service de santé des armées (SSA) et du service des essences des armées (SEA), ainsi qu'aux officiers des bases de l'air et aux officiers du cadre spécial.

Dans ce cadre, deux corps d'officiers à vocation technique seront créés afin d'accueillir, d'une part, les officiers du cadre spécial et du CTA de l'armée de terre et, d'autre part, les officiers du CTA du SEA : les officiers spécialistes de l'armée de terre (OSAT) et les officiers logisticiens des essences (OLE), corps dont les limites d'âge reprennent celles aujourd'hui en vigueur au sein des différents CTA.

Le 1 er janvier 2016, les officiers du CTA de la DGA et du SSA, tous administratifs, intégreront d'office le corps des commissaires des armées.

En conséquence, il est nécessaire de modifier la liste des corps cités au sein du tableau inscrit au 2° du I de l'article L. 4139-16 du code de la défense et de prévoir les limites d'âge des nouveaux corps des OSAT et OLE.

Aux termes de cet article 27, l'article L. 4139-16 du code de la défense ainsi modifié permettra aux officiers du Cadre spécial et du CTA de l'armée de terre qui rejoindront le corps des OSAT d'intégrer un corps dont les limites d'âge sont identiques à celles des corps supprimés et aux officiers du CTA du SEA qui rejoindront le corps des OLE d'intégrer un corps dont les limites d'âge sont identiques à celles du CTA du SEA.

Avec ce dispositif, le ministère de la défense pourra achever la rationalisation du paysage statutaire des corps d'officiers en charge de l'AGSC, initiée avec la création, le 1 er janvier 2013, d'un corps unique des commissaires des armées.

Quelle que soit l'hypothèse de changement de corps considérée, les officiers qui en feront l'objet ne connaîtront pas de changement de leur limite d'âge. En effet le corps des officiers spécialistes de l'armée de terre reprend les limites d'âge aujourd'hui en vigueur au sein des corps des officiers du cadre spécial de l'armée de terre, d'une part, des officiers du corps technique et administratif de l'armée de terre, d'autre part, et le corps des officiers logisticiens des essences reprend les limites d'âge aujourd'hui en vigueur au sein du corps technique et administratif du service des essences des armées.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 28 - L'indemnité de départ volontaire pour les ouvriers d'État

L'article 28 permet la prorogation d'un dispositif d'indemnités de départ volontaire pour les ouvriers d'État. Comme le pécule attribué aux militaires, cette indemnité est exclue de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

L'article 150 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 prévoit qu'« une indemnité de départ volontaire peut être attribuée, à compter du 1 er janvier 2009 et jusqu'au 31 décembre 2014, dans des conditions définies par décret, aux ouvriers de l'Etat du ministère de la défense, lorsqu'ils quittent le service dans le cadre d'une restructuration ou d'une réorganisation. ». Il introduit cette indemnité dans l'article 81 du code général des impôts qui l'exonère de l'impôt sur le revenu et précise enfin que l'octroi de l'indemnité de départ volontaire ouvre droit à une indemnisation au titre du chômage.

Le présent article vise à proroger jusqu'au 31 décembre 2019, terme de la prochaine loi de programmation militaire, ce dispositif actuellement applicable jusqu'au 31 décembre 2014.

L'indemnité de départ volontaire accordée aux personnels ouvriers de l'Etat a permis de réaliser, au titre de la précédente réforme, une réduction d'effectifs de 2 349 ouvriers de l'Etat pour la période 2009-2012.

Dans le cadre de la nouvelle LPM, les effectifs d'ouvriers de l'Etat supporteront la moitié (3 700 emplois) de la réduction de l'ensemble du personnel civil sur un effectif total des ouvriers d'Etat d'environ 20 000 postes.

Pour ces raisons votre commission estime utile que la mesure soit reconduite à l'identique.

Votre commission a adopté cet article sans modification.


* 84 L'article 13 du Code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que :

I.- La durée des services et bonifications admissibles en liquidation s'exprime en trimestres. Le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension civile ou militaire est fixé à cent soixante trimestres. Ce pourcentage maximum est fixé à 75% du traitement ou de la solde mentionné à l'article L. 15. Chaque trimestre est rémunéré en rapportant le pourcentage maximum défini au deuxième alinéa au nombre de trimestres mentionné au premier alinéa.

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