Rapport n° 55 (2013-2014) de M. Jean-Jacques FILLEUL , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 9 octobre 2013

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N° 55

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 octobre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur la proposition de résolution européenne de M. Roland Ries, présentée en application de l'article 73 quater du Règlement, sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire ,

Par M. Jean-Jacques FILLEUL,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre , secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

839 (2012-2013)

Mesdames, Messieurs,

A l'initiative de notre collègue Roland Ries, la commission des affaires européennes a adopté, le 17 juillet 2013, une proposition de résolution européenne portant sur six propositions d'actes européens, communément désignés sous le terme de « quatrième paquet ferroviaire » :

- la proposition de règlement COM (2013) 26 du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) n° 1192/69 du Conseil relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer 1 ( * ) ,

- la proposition de règlement COM (2013) 27 du Parlement européen et du Conseil relative à l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) n° 881/2004,

- la proposition de règlement COM (2013) 28 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1370/2007 en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer,

- la proposition de directive COM (2013) 29 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire,

- la proposition de directive COM (2013) 30 du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l'Union européenne (refonte),

- la proposition de directive COM (2013) 31 du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité ferroviaire (refonte).

Ces propositions traduisent la préoccupation de la Commission européenne de lever les dernières entraves à la concurrence dans le domaine du transport ferroviaire, que ce soit en renforçant l'interopérabilité des réseaux et l'harmonisation les règles de sécurité, en prévoyant une séparation plus stricte entre gestionnaires d'infrastructures et opérateurs de transport, ou en encadrant davantage le recours aux contrats de service public, ou encore et surtout la libéralisation du transport national de voyageurs.

Elles font aujourd'hui l'objet de débats au sein du Conseil et du Parlement européen, qui doit les examiner en commission à la fin du mois de novembre. Il appartient dès lors au Sénat de faire valoir sa position.

Votre commission a souscrit à la philosophie de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes. Cette dernière rappelle que la concurrence n'a de sens que si elle est régulée. Elle appelle au maintien d'une péréquation entre lignes rentables et déficitaires, en pleine adéquation avec la conception de l'aménagement du territoire défendue par votre commission. Elle rejette également les règles spécifiques imaginées par la Commission pour les entreprises verticalement intégrées.

Votre commission a toutefois cherché à préciser et à compléter cette proposition de résolution, par dix amendements adoptés à l'initiative de votre rapporteur.

Elle a notamment souhaité rappeler que l'objectif d'ouverture à la concurrence ne devait en aucun cas aboutir à un affaiblissement des exigences de sécurité, qu'elles concernent les installations fixes comme le matériel roulant. Elle a aussi voulu appeler à l'adoption d'un calendrier raisonnable pour la mise en oeuvre de ces réformes, afin de laisser aux acteurs concernés le temps d'en préparer le volet social.

I. UN QUATRIÈME PAQUET FERROVIAIRE RÉSOLUMENT TOURNÉ VERS L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE

Le quatrième paquet ferroviaire est un ensemble de six propositions législatives adoptées par la Commission européenne le 30 janvier 2013, dont l'objectif principal est de lever les dernières entraves à la concurrence. Il se traduit :

- par un renforcement de l'interopérabilité et une harmonisation accrue de la sécurité du réseau ferroviaire ;

- par un ensemble de nouvelles règles relatives à la gouvernance du système ferroviaire ;

- par des mesures d'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs.

A. LE VOLET RELATIF À L'INTEROPÉRABILITÉ ET À LA SÉCURITÉ DU RÉSEAU FERROVIAIRE

L'objectif de la Commission est de réduire les coûts administratifs des entreprises de transport ferroviaire et ainsi, de faciliter l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché.

Dans cette optique, l'agence ferroviaire européenne serait érigée en « guichet unique », responsable pour l'ensemble de l'Union européenne de la délivrance des autorisations de mise sur le marché de véhicules et des certifications relatives à la sécurité. D'après la Commission, il s'agit de réduire de 20 % les délais d'accès au marché pour les nouvelles entreprises ferroviaires et de 20 % le coût et la durée de la procédure requise pour l'utilisation du matériel roulant.

Ce volet est composé de trois propositions d'actes européens :

- une proposition de refonte de la directive 2004/49/CE relative à la sécurité des chemins de fer communautaires ;

- une proposition de refonte de la directive 2008/57/CE relative à l' interopérabilité du système ferroviaire ;

- une proposition de remplacement du règlement 881/2004 par un nouveau règlement sur l' agence ferroviaire européenne, qui serait renommée « agence de l'Union européenne pour les chemins de fer ».

1. Le volet relatif à la sécurité
a) Le droit actuel : la directive 2004/49/CE relative à la sécurité des chemins de fer communautaires

La directive 2004/49/CE établit un cadre destiné à harmoniser les règles de sécurité. Elle met en place des objectifs de sécurité communs (OSC), qui représentent les niveaux de sécurité minimum que doivent atteindre les différentes parties du système ferroviaire et le système dans son ensemble, des méthodes de sécurité communes (MSC), permettant d'évaluer la réalisation des OSC et des autres exigences en matière de sécurité, ainsi que des indicateurs de sécurité communs (ISC).

Elle introduit un contrôle de la Commission sur l'édiction de nouvelles règles de sécurité nationales , afin de limiter au maximum l'introduction de nouvelles règles nationales spécifiques et, partant, prévenir la création de nouveaux obstacles à l'harmonisation progressive des règles de sécurité.

Elle impose aux gestionnaires de l'infrastructure et aux entreprises de transport ferroviaire l'adoption d'un système de gestion de la sécurité dont elle fixe le contenu obligatoire, à son annexe III.

Elle établit un certificat de sécurité , sans lequel les entreprises de transport ferroviaire ne peuvent avoir accès à l'infrastructure. Il est divisé en deux composantes :

- une certification relative au système de gestion de sécurité de l'entreprise ; accordée par le premier Etat membre dans lequel l'entreprise ferroviaire établit ses activités, elle est valable dans toute l'Union ;

- une certification relative aux dispositions prises par l'entreprise pour répondre aux exigences nécessaires pour la fourniture de services sur le réseau concerné en toute sécurité. Il peut s'agir des spécifications techniques d'interopérabilité (STI) et des règles de sécurité nationales. C'est l'autorité de sécurité nationale de l'Etat membre concerné qui l'accorde. En France, ce rôle est assuré par l 'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF).

Le gestionnaire de l'infrastructure doit quant à lui disposer d'un agrément de sécurité à double composante, l'une relative à son système de gestion de la sécurité, l'autre confirmant l'acceptation de dispositions particulières.

b) La proposition de la Commission

La proposition de la Commission élargit le champ des méthodes de sécurité communes aux méthodes de surveillance à appliquer par les autorités nationales de sécurité et aux méthodes de contrôle à appliquer par les entreprises de transport ferroviaire, les gestionnaires de l'infrastructure et les entités chargées de l'entretien.

Elle énumère de façon limitative les cas dans lesquels les États membres peuvent établir de nouvelles règles nationales de sécurité , qui sont au nombre de deux :

- lorsque les règles concernant des méthodes de sécurité existantes ne sont pas couvertes par une méthode de sécurité commune ;

- lorsque la règle concernée constitue une mesure préventive d'urgence, notamment à la suite d'un accident.

Elle confie par ailleurs à l'agence de l'Union européenne pour les chemins de fer, et non plus à la Commission, la mission de contrôle de l'édiction de règles nationales de sécurité par les Etats membres .

Elle remplace le certificat à double composante par un certificat de sécurité unique , désormais délivré par l'agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et non plus par les autorités de sécurité nationales . Cette mesure était déjà envisagée lors de la rédaction de la directive actuelle, puisque cette dernière prévoit que l'agence ferroviaire européenne soumet, avant le 30 avril 2009, un rapport assorti de recommandations pour une stratégie de migration vers un certificat de sécurité communautaire unique.

Le transfert de la délivrance de ce certificat à l'agence européenne s'explique par la volonté de renforcer l'impartialité et l'efficience de cette procédure. D'après la Commission, « certaines entreprises ferroviaires qui ont demandé un certificat de sécurité aux autorités nationales compétentes ont été confrontées à différents problèmes, allant de procédures prolongées et de coûts excessifs à des traitements inéquitables, notamment en ce qui concerne les nouveaux entrants. Les certificats délivrés dans un Etat membre n'ont pas toujours été reconnus sans conditions dans les autres Etats membres, au détriment de l'espace ferroviaire unique européen 2 ( * ) . »

Ce certificat unique est accordé lorsque l'entreprise a établi son système de gestion de la sécurité et qu'elle respecte les exigences des spécifications techniques d'interopérabilité (STI) définies dans la directive « interopérabilité ».

Par ailleurs, trois mois avant le début de l'exploitation d'un nouveau service, l'entreprise ferroviaire doit fournir à l'autorité nationale de sécurité la documentation confirmant qu'elle applique les règles d'exploitation, y compris nationales, qu'elle a établi les arrangements nécessaires pour coopérer et coordonner les tâches avec le ou les gestionnaire(s) d'infrastructure du ou des réseaux sur lesquels elles propose d'exercer ses activités et qu'elle dispose d'une licence conformément à la directive 95/18/CE.

Si l'autorité nationale trouve des preuves du non-respect d'une ou plusieurs de ces conditions, elle doit saisir l'agence européenne, qui prend les mesures appropriées, y compris le retrait du certificat. Il y a donc une inversion des rôles entre l'agence européenne et les autorités de sécurité nationales : alors qu'aujourd'hui, ces dernières ont la possibilité de retirer l'une ou l'autre composante du certificat de sécurité, avant de le notifier à l'agence ferroviaire européenne, c'est désormais l'agence européenne qui aura cette capacité et en informera les autorités de sécurité nationales.

La Commission suggère également une adaptation de la directive à l'évolution du marché ferroviaire. Ce dernier a notamment vu l'apparition ou le renforcement du rôle de certains acteurs, qui peuvent exercer des responsabilités importantes en matière de sécurité. Par exemple, le recours à des sous-traitants, soumis à une pression économique croissante, a augmenté. La Commission considère donc indispensable d'établir de nouvelles formes de contrôle.

La proposition de modification de la directive vise ainsi à obliger un certain nombre d'acteurs à mettre en oeuvre des mesures de maîtrise des risques : les entités chargées de l'entretien des véhicules, les expéditeurs, à savoir les entreprises qui expédient les marchandises pour leur compte ou pour un tiers, les chargeurs, définis comme les entreprises qui chargent des marchandises emballées, y compris dangereuses, des conteneurs ou citernes, sur un wagon, les remplisseurs, entendus comme les entreprises qui chargent les marchandises, y compris dangereuses, dans une citerne ou un conteneur, les fabricants de constituants d'interopérabilité.

Elle impose à chaque entreprise ferroviaire, gestionnaire d'infrastructure ou entité chargée de l'entretien de veiller à ce que les sous-traitants mettent en oeuvre des mesures de maîtrise des risques.

2. Le volet relatif à l'interopérabilité
a) Le droit actuel : la directive 2008/57/CE relative à l'interopérabilité du système ferroviaire

La directive 2008/57/CE vise à promouvoir l'interopérabilité des composantes du système ferroviaire. Les États membres peuvent exclure de son champ d'application les métros, tramways et autres systèmes ferroviaires légers ainsi que les réseaux réservés à un usage strictement local.

Elle établit des spécifications techniques d'interopérabilité (STI) pour les éléments du système ferroviaire.

Elle prévoit une procédure d'autorisation de mise en service s'appliquant aux matériels roulants neufs ou existants, que ces matériels soient conformes ou non aux STI. Une seule autorisation suffit pour l'ensemble du réseau ferroviaire de l'Union.

La directive impose l'attribution à tout véhicule mis en service sur le système ferroviaire de l'Union d'un numéro de véhicule européen (NVE). Elle prévoit la création de registres nationaux d'immatriculation des véhicules ferroviaires dans chaque État membre et d'un registre européen pour les types de véhicules autorisés afin de faciliter le recensement des types de véhicules ayant déjà été autorisés dans des États membres.

b) La proposition de la Commission

La Commission propose « une mise à jour 3 ( * ) » du contenu de la directive en tirant les leçons des travaux de développement menés dans le domaine de l'interopérabilité. Elle introduit par exemple la notion d'autorisation de mise sur le marché d'un véhicule, délivrée par l'agence de l'Union européenne pour les chemins de fer. La mise en service des véhicules relève quant à elle de la responsabilité des entreprises de transport ferroviaire.

3. Le volet relatif à l'agence ferroviaire européenne
a) Le droit actuel : le règlement 881/2004 relatif à l'agence ferroviaire européenne

L'agence ferroviaire européenne a été créée en 2004 , afin de contribuer à la traduction des objectifs de l'Union en matière d'interopérabilité et de sécurité.

Elle est chargée, en s'appuyant sur des groupes d'experts du secteur placés sous sa responsabilité, et après consultation des partenaires sociaux et des organisations d'usagers (passagers et clients de fret), de préparer et proposer les méthodes et les objectifs de sécurité communs (MSC et OSC) et d'assurer un suivi continu des performances de sécurité, en tenant une base de données relative à la sécurité ferroviaire. Elle assure la mise en réseau et la coopération des autorités nationales de sécurité ferroviaire et des organismes d'enquête visant à favoriser les échanges d'expérience et le développement d'une culture commune de la sécurité ferroviaire. En ce qui concerne l'interopérabilité, elle organise et dirige les travaux visant à créer et mettre à jour les spécifications techniques d'interopérabilité (STI) et suit les progrès réalisés dans ce domaine.

L'agence ne dispose pas de pouvoirs de décision en tant que tels, mais est en mesure de présenter des avis, des recommandations et des propositions à la Commission.

b) La proposition de la Commission

La Commission propose de remplacer le règlement 881/2004 par un nouveau règlement « relatif à l'agence de l'Union européenne pour les chemins de fer ».

Ce nouveau règlement élargit les missions de l'agence ferroviaire européenne, en lui confiant la délivrance des certificats de sécurité définis dans la directive sur la sécurité, des autorisations de mise sur le marché de véhicules ferroviaires et des autorisations de mise en service des installations fixes définies dans la directive « interopérabilité ». L'agence ferroviaire européenne peut facturer aux candidats la délivrance de ces certificats et autorisations, sans que le niveau de redevance dépasse la moyenne constatée des redevances aujourd'hui perçues par les autorités nationales dans l'Union.

L'agence européenne ne se substitue toutefois pas aux agences nationales, sur lesquelles elle continue à s'appuyer pour effectuer certaines activités au sein des Etats membres. Ces activités sont réalisées à la demande de l'agence européenne et sous sa direction.

L'agence européenne exerce aussi un rôle de soutien et de contrôle vis-à-vis de ces autorités nationales de sécurité , comme des organismes d'évaluation de la conformité notifiés 4 ( * ) régis par la directive « interopérabilité ».

Cet élargissement des missions de l'agence ferroviaire européenne doit s'accompagner d'une adaptation de ses moyens budgétaires et humains.

B. LE VOLET RELATIF À LA GOUVERNANCE DU SYSTÈME FERROVIAIRE

1. L'état du droit : la directive 2012/34 établissant un espace ferroviaire unique européen

La directive 2012/34 est issue de la refonte des trois directives du premier paquet ferroviaire. Elle établit :

- les règles applicables à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et aux activités de transport par chemin de fer des entreprises ferroviaires , à son chapitre II ;

- les critères applicables à la délivrance, à la prorogation ou à la modification, par un État membre, des licences destinées aux entreprises ferroviaires , à son chapitre III ;

- les principes et les procédures applicables à la fixation et à la perception de redevances d'utilisation de l'infrastructure ferroviaire ainsi qu'à la répartition des capacités de cette infrastructure , à son chapitre IV.

Les propositions de modification de cette directive dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire concernent la gouvernance du système ferroviaire ainsi que l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs 5 ( * ) . Elles se rattachent essentiellement à son chapitre II, qui aborde les questions relatives à l'indépendance des gestionnaires d'infrastructure par rapport aux entreprises de transport ferroviaire, à la situation financière des gestionnaires d'infrastructure, et à l'accès à l'infrastructure et aux services ferroviaires.

a) Une exigence d'indépendance du gestionnaire d'infrastructure concentrée sur les « fonctions essentielles » de gestion du réseau

Dans sa version actuelle, la directive impose une séparation comptable entre la gestion de l'infrastructure et l'exploitation des services de transport et, au sein de cette dernière, entre la gestion des activités de transport de voyageurs et celle du fret. Les subventions publiques destinées à l'une ou l'autre de ces activités ne peuvent être utilisées pour une autre activité.

La directive détermine, à son article 7, des fonctions essentielles liées à la gestion de l'infrastructure , qui ne peuvent être confiées qu'à des entités qui ne fournissent pas elles-mêmes des services de transport . Il s'agit de la répartition des sillons et de la tarification de l'infrastructure .

Les entités chargées d'assumer ces missions doivent être indépendantes des entreprises de transport ferroviaire « sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel. » Le respect de ces exigences laisse aux Etats membres la faculté de conserver une entreprise intégrée.

Les autres missions relatives à la gestion de l'infrastructure peuvent être confiées aux entreprises de transport ferroviaire ou à toute autre entité.

b) Un objectif de gestion financière saine

Le gestionnaire de l'infrastructure est tenu d'adopter un plan d'entreprise incluant des plans d'investissement et de financement, dont l'objectif est « d'assurer une utilisation, une mise à disposition et un développement optimaux et efficaces de l'infrastructure, tout en permettant d'atteindre l'équilibre financier et en prévoyant les moyens nécessaires pour réaliser ces objectifs ».

Les Etats membres peuvent accorder un financement au gestionnaire de l'infrastructure. Ils doivent toutefois veiller à ce que, dans des conditions normales d'activité et sur une période raisonnable qui ne dépasse pas cinq ans, un équilibre soit atteint entre, d'une part, les recettes tirées des redevances d'utilisation de l'infrastructure, les excédents dégagés d'autres activités commerciales, les revenus non remboursables de sources privées et le financement par l'État, y compris, le cas échéant, les avances de l'État, et, d'autre part, les dépenses d'infrastructure.

Les Etats membres doivent mettre en place des mécanismes adéquats pour « contribuer à réduire l'endettement des entreprises ferroviaires publiques jusqu'à un niveau qui n'entrave pas une gestion financière saine et qui réalise l'assainissement de la situation financière de celles-ci. »

c) Les règles relatives à l'accès et à la tarification de l'infrastructure et des services

Le gestionnaire de l'infrastructure publie un document de référence du réseau détaillant ses principales caractéristiques et fournissant des informations sur ses conditions d'accès, au plus tard quatre mois avant la date limite pour l'introduction des demandes de sillons. Il est disponible gratuitement en ligne.

Tout en respectant l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure, qui détermine et perçoit la redevance pour l'utilisation de l'infrastructure, les Etats membres encadrent cette tarification. Le gestionnaire d'infrastructure doit veiller à ce que les prestations de service de nature équivalente soient soumises à des redevances équivalentes et non discriminatoires.

La directive énonce aussi que le gestionnaire de l'infrastructure, tout en respectant les exigences en matière de sécurité et en maintenant et améliorant la qualité de service de l'infrastructure, est encouragé par des mesures d'incitation à réduire les coûts de fourniture de l'infrastructure et le niveau des redevances d'accès.

La directive rend obligatoire la conclusion d'un contrat entre l'autorité compétente et le gestionnaire d'infrastructure, d'une durée d'au moins cinq ans , dont elle fixe les dispositions minimales, qui comprennent par exemple la structure des versements ou des fonds alloués aux différents services d'infrastructure, à l'entretien et au renouvellement ou encore les objectifs de performance tournés vers l'utilisateur.

La directive détermine des principes qui encadrent la tarification. Les redevances perçues pour les prestations minimales et pour l'accès à l'infrastructure reliant les installations de service doivent être égales au coût directement imputable à l'exploitation du service ferroviaire . Elles peuvent toutefois inclure une redevance au titre de la rareté des capacités de la section pendant les périodes de saturation. Elles peuvent aussi tenir compte du coût des effets sur l'environnement de l'exploitation des trains , en particulier le bruit .

Elle énumère ensuite les exceptions à ces principes. Un Etat membre peut par exemple percevoir des majorations afin de recouvrer l'ensemble des coûts encourus par le gestionnaire d'infrastructure, lorsque le marché s'y prête. Pour financer des projets d'investissement spécifiques , le gestionnaire d'infrastructure peut fixer des redevances plus élevées fondées sur leur coût à long terme. Enfin, les redevances perçues pour l'utilisation de corridors ferroviaires 6 ( * ) sont différenciées de manière à encourager l'équipement des trains avec le système de contrôle des trains ETCS 7 ( * ) . Des réductions peuvent aussi être octroyées, par exemple pour encourager le développement de nouveaux services ferroviaires. Enfin, un système de compensation des coûts environnementaux, des coûts liés aux accidents et des coûts d'infrastructure non couverts dans les autres modes de transport concurrents peut être instauré pour une période de temps limitée, au profit du transport ferroviaire.

Les systèmes de tarification de l'infrastructure doivent enfin encourager les entreprises de transport ferroviaire et le gestionnaire d'infrastructure à réduire au maximum les défaillances et à améliorer les performances du système ferroviaire, au moyen d'un système d'amélioration des performances . Il peut comporter des sanctions en cas d'actes à l'origine de la défaillance du réseau, des compensations pour les entreprises victimes de ces défaillances et des primes en cas de bonnes performances dépassant les prévisions.

2. La proposition de modification de la Commission
a) Un renforcement de la séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et les entreprises de transport ferroviaire

Dans le régime actuel, seules les deux fonctions essentielles énumérées par la directive doivent être assumées par des autorités indépendantes de tout fournisseur de service de transport. Or, d'après le considérant 9 de la proposition de modification de la directive, « d'autres fonctions pouvant également être utilisées pour opérer des discriminations à l'encontre des concurrents, il est nécessaire que toutes les fonctions soient exercées d'une manière indépendante. C'est notamment le cas des décisions en matière d'investissement ou d'entretien, qui peuvent être prises de manière à privilégier des parties du réseau qui sont principalement utilisées par les opérateurs de transport de l'entreprise intégrée. Les décisions relatives à la programmation des travaux d'entretien peuvent influer sur la disponibilité des sillons pour les concurrents. »

La Commission propose dès lors de supprimer la notion de « fonctions essentielles » et d'élargir le champ des missions incombant au gestionnaire indépendant à un ensemble de missions :

- le développement du réseau, qui inclut sa planification et la programmation des investissements, la construction et la modernisation de l'infrastructure ;

- l'exploitation, qui comprend tous les éléments du processus de répartition des sillons, y compris la définition et l'évaluation de la disponibilité et l'attribution des sillons individuels, la gestion du trafic et la tarification de l'infrastructure, dont la détermination et la perception des redevances;

- l'entretien, entendu comme les travaux de renouvellement de l'infrastructure et les autres activités de gestion des actifs.

La proposition de modification de la directive détaille ensuite un certain nombre de dispositions visant à renforcer les exigences d'indépendance du gestionnaire d'infrastructure.

La Commission considère en effet que l'indépendance décisionnelle peut être mise à mal dans les entreprises intégrées, dans lesquelles il subsiste un risque de subvention croisée, « ou du moins est-il très difficile aux organismes de contrôle de vérifier et de garantir le respect des mesures de sauvegarde mises en place pour empêcher les subventions croisées 8 ( * ) . » Ainsi, une séparation institutionnelle entre la gestion de l'infrastructure et l'exercice des activités de transport est à ses yeux « la mesure la plus efficace pour résoudre ces problèmes. »

C'est la raison pour laquelle la Commission propose qu'une telle séparation devienne la règle « de droit commun ». Le gestionnaire d'infrastructures devra ainsi être organisé en une entité juridique distincte de toute entreprise de transport ferroviaire. La proposition de modification de la directive interdit aussi à une même personne morale ou physique de détenir le droit de contrôler ou d'influencer simultanément un gestionnaire de l'infrastructure et une entreprise de transport ferroviaire.

Elle prévoit que le gestionnaire d'infrastructure peut sous-traiter des travaux spécifiques de développement, de renouvellement et d'entretien, sur lesquels il conserve le pouvoir de décision , à des entreprises de transport ferroviaire ou à toute autre entité agissant sous le contrôle du gestionnaire de l'infrastructure, à condition qu'aucun conflit d'intérêt ne se présente et que la confidentialité des informations sensibles sur le plan commercial soit garantie.

La Commission admet toutefois que les entreprises intégrées déjà constituées à la date d'entrée en vigueur de la directive puissent conserver cette forme , à condition d'établir des mesures de sauvegarde strictes, communément appelées « muraille de Chine », entre les services chargés de la gestion de l'infrastructure et les autres services. Ces exigences sont inscrites aux articles 7 bis et 7 ter exposés ci-après.

L'article 7 quinquies vise à instaurer un comité de coordination pour chaque réseau , ouvert au gestionnaire de l'infrastructure, aux candidats à son accès, à leurs organisations représentatives, aux représentants des utilisateurs de fret et de transport de voyageurs, et, le cas échéant, aux autorités régionales et locales concernées. Les représentants de l'Etat et de l'organisme de contrôle y sont également présents en tant qu'observateurs.

Ce comité de coordination formule des recommandations sur les besoins des candidats en matière d'entretien et de capacités de l'infrastructure , les objectifs de performance centrés sur l'utilisateur, la teneur et la mise en oeuvre du document de référence du réseau, le cadre et les règles de tarification fixés par l'État et le système de tarification établi par le gestionnaire de l'infrastructure, les modalités de répartition des capacités de l'infrastructure , notamment les règles de priorité pour l'attribution des capacités entre les différentes catégories d'utilisateurs de l'infrastructure, etc.

L'article 7 sexties crée un réseau européen des gestionnaires d'infrastructure , destiné à assurer la mise en oeuvre du réseau transeuropéen de transport, qui comprend les corridors du réseau central, les corridors de fret ferroviaire et la mise en oeuvre du plan de déploiement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS). Il participe aux activités de suivi du marché et assure l'évaluation comparative de l'efficience des gestionnaires de l'infrastructure sur la base d'indicateurs et de critères de qualité communs.

b) Le cas particulier des entreprises intégrées à la date d'entrée en vigueur de la proposition de modification de la directive

L'entreprise verticalement intégrée est définie comme « une entreprise dans laquelle:

- une ou plusieurs entreprises ferroviaires sont détenues, en tout ou en partie, par la même entreprise en qualité de gestionnaire de l'infrastructure (société holding), ou

- un gestionnaire de l'infrastructure est détenu, en tout ou en partie, par une ou plusieurs entreprises ferroviaires, ou

- une ou plusieurs entreprises ferroviaires sont détenues, en tout ou en partie, par un gestionnaire de l'infrastructure ».

Lorsque le gestionnaire d'infrastructure appartient, à la date d'entrée en vigueur de la proposition de modification de la directive, à une entreprise verticalement intégrée, les Etats membres peuvent décider de ne pas appliquer les règles précitées, à condition que l'infrastructure jouisse d'une indépendance organisationnelle et décisionnelle effective par rapport à toute entreprise de transport ferroviaire , conformément aux articles 7 bis et 7 ter que la proposition de modification de la directive introduit.

Les nouveaux articles 7 bis et 7 ter contenus dans la proposition de la Commission

Article 7 bis

Indépendance effective du gestionnaire de l'infrastructure au sein d'une entreprise verticalement intégrée

1. Les États membres veillent à ce que le gestionnaire de l'infrastructure soit organisé sous la forme d'un organisme qui est juridiquement distinct de toute entreprise de transport ferroviaire ou société holding qui contrôle de telles entreprises et de toute autre entité juridique au sein d'une entreprise verticalement intégrée.

2. Les entités juridiques qui, au sein de l'entreprise verticalement intégrée, exercent des activités sur les marchés des services de transport ferroviaire, ne détiennent pas de participation directe ou indirecte dans le gestionnaire de l'infrastructure. Le gestionnaire de l'infrastructure ne détient pas non plus de participation directe ou indirecte dans aucune entité juridique au sein de l'entreprise verticalement intégrée exerçant des activités sur les marchés des services de transport ferroviaire.

3. Les revenus du gestionnaire de l'infrastructure ne peuvent pas être utilisés pour financer d'autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée mais uniquement pour financer les activités du gestionnaire de l'infrastructure et verser des dividendes au propriétaire ultime de l'entreprise verticalement intégrée. Le gestionnaire de l'infrastructure ne peut accorder de prêts à aucune autre entité juridique au sein de l'entreprise verticalement intégrée, et aucune autre entité juridique au sein de l'entreprise verticalement intégrée ne peut accorder de prêts au gestionnaire de l'infrastructure. Les services éventuels offerts par d'autres entités juridiques au gestionnaire de l'infrastructure sont effectués par contrat et rémunérés aux prix du marché. La dette attribuée au gestionnaire de l'infrastructure est clairement séparée de la dette attribuée aux autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée, et le service de ces dettes est assuré séparément. Les comptes du gestionnaire de l'infrastructure et des autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée sont tenus de façon à garantir le respect de ces dispositions et de permettre la séparation des circuits financiers du gestionnaire de l'infrastructure par rapport aux autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée.

4. [...] le gestionnaire de l'infrastructure lève des fonds sur les marchés des capitaux en toute indépendance, et non par l'intermédiaire d'autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée. Les autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée ne lèvent pas de fonds par l'intermédiaire du gestionnaire de l'infrastructure.

5. Le gestionnaire de l'infrastructure tient des registres détaillés de toutes les relations commerciales et financières avec les autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée et les met à la disposition de l'organisme de contrôle à sa demande [...].

Article 7 ter

Indépendance effective du personnel et de la gestion du gestionnaire de l'infrastructure au sein d'une entreprise verticalement intégrée

1. [...] le gestionnaire de l'infrastructure dispose de pouvoirs de décision effectifs, indépendants des autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée, en ce qui concerne toutes les fonctions [relevant du gestionnaire de l'infrastructure]. La structure de gestion globale et les statuts du gestionnaire de l'infrastructure garantissent qu'aucune des autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée ne détermine, directement ou indirectement, le comportement du gestionnaire de l'infrastructure quant à ces fonctions.

2. Les membres du conseil d'administration et les hauts responsables du gestionnaire de l'infrastructure ne siègent pas dans les conseils d'administration ou de surveillance et ne font pas partie des hauts responsables d'autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée.

Les membres des conseils d'administration ou de surveillance et les hauts responsables des autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée ne siègent pas dans le conseil d'administration et ne font pas partie des hauts responsables du gestionnaire de l'infrastructure.

3. Le gestionnaire de l'infrastructure possède un conseil de surveillance qui est composé de représentants des propriétaires ultimes de l'entreprise verticalement intégrée.

Le conseil de surveillance peut consulter le comité de coordination visé à l'article 7 quinquies sur les questions relevant de sa compétence.

Les décisions concernant la nomination et le renouvellement des membres du conseil d'administration du gestionnaire de l'infrastructure, ainsi que leurs conditions de travail, y compris leur rémunération et la cessation de leur mandat, sont prises par le conseil de surveillance. L'identité et les conditions régissant la durée et la cessation du mandat des personnes désignées par le conseil de surveillance pour être nommées ou reconduites en tant que membres du conseil d'administration du gestionnaire de l'infrastructure, ainsi que les raisons qui motivent toute proposition de décision de cessation du mandat, sont notifiées à l'organisme de contrôle [...]. Ces conditions et les décisions visées au présent paragraphe ne deviennent contraignantes que si l'organe de contrôle les a expressément approuvées. L'organisme de contrôle peut s'opposer à ces décisions en cas de doute quant à l'indépendance professionnelle d'une personne désignée pour siéger au conseil d'administration ou en cas de cessation prématurée du mandat d'un membre du conseil d'administration du gestionnaire de l'infrastructure.

Des droits effectifs de recours auprès de l'organisme de contrôle sont accordés aux membres du conseil d'administration qui souhaitent introduire une plainte contre la cessation prématurée de leur mandat.

4. Pendant une période de trois ans après avoir quitté le gestionnaire de l'infrastructure, les membres du conseil de surveillance ou du conseil d'administration et les hauts responsables du gestionnaire de l'infrastructure ne sont pas autorisés à occuper un poste à haut niveau dans d'autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée. Pendant une période de trois ans après avoir quitté ces autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée, les membres de leurs conseils de surveillance ou d'administration et leurs hauts responsables ne sont pas autorisés à occuper un poste à haut niveau dans le gestionnaire de l'infrastructure.

5. Le gestionnaire de l'infrastructure dispose de son propre personnel et de locaux séparés des autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée. L'accès aux systèmes d'information est protégé de manière à assurer l'indépendance du gestionnaire de l'infrastructure. Dans les règles internes ou les contrats signés avec le personnel, les contacts avec les autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée sont clairement limités aux communications officielles liées à l'exercice des fonctions du gestionnaire de l'infrastructure qui sont également exercées à l'égard des autres entreprises ferroviaires en dehors de l'entreprise verticalement intégrée. Les transferts de personnel autre que le personnel visé au point c) entre le gestionnaire de l'infrastructure et les autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée ne sont possibles que s'il peut être garanti que les informations sensibles ne seront pas transmises entre eux.

6. Le gestionnaire de l'infrastructure dispose des capacités organisationnelles nécessaires pour exécuter toutes ses fonctions de façon indépendante par rapport aux autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée et n'est pas autorisé à déléguer à ces entités juridiques l'exercice de ces fonctions ou des activités s'y rapportant.

7. Les membres des conseils de surveillance ou d'administration et les hauts responsables du gestionnaire de l'infrastructure ne détiennent aucune participation dans d'autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée ni n'en reçoivent directement ou indirectement aucun avantage financier. Les éléments de leur rémunération fondés sur les performances ne dépendent pas des résultats d'activité d'autres entités juridiques au sein de l'entreprise verticalement intégrée ou d'entités juridiques qu'elle contrôle, mais exclusivement de ceux du gestionnaire de l'infrastructure.

Un nouvel article 7 quater vise à instaurer une procédure de vérification de la conformité des entreprises verticalement intégrées à ces dispositions . A la demande d'un Etat membre ou de sa propre initiative, la Commission effectue cette démarche et peut réclamer toutes les informations nécessaires à cet effet.

Par ailleurs, les Etats membres peuvent limiter les droits d'accès à leur infrastructure ferroviaire des entreprises ferroviaires qui appartiennent à une entreprise verticale intégrée, tant que la Commission n'a pas eu la possibilité de confirmer le respect de ces dispositions, ce qui est le cas :

- en l'absence de dépôt d'une demande de vérification de la conformité aux articles 7 bis et 7 ter auprès de la Commission ;

- en attendant que la Commission examine cette demande ;

- ou si la Commission considère :

o que ses demandes d'informations n'ont pas reçu de réponse satisfaisante, ou

o que le gestionnaire d'infrastructure concerné ne répond pas aux exigences des articles 7 bis et 7 ter , ou

o que la mise en oeuvre de ces exigences est insuffisante pour garantir des conditions de concurrence équitables à toutes les entreprises ferroviaires et l'absence de distorsions de concurrence dans l'État membre dans lequel le gestionnaire de l'infrastructure concerné est établi.

L'Etat membre concerné peut demander à la Commission d'abroger sa décision lorsqu'il est en mesure de démontrer que les motifs de la décision n'existent plus.

L'organisme de contrôle de chaque Etat membre veille de façon constante au respect de ces dispositions.

C. LE VOLET RELATIF À L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE DU TRANSPORT DE VOYAGEURS

90 % des transports ferroviaires de voyageurs de l'Union sont effectués sous la forme de contrats de service public . Ils couvrent, pour la plupart, des services locaux et régionaux, ainsi que plusieurs services de longue distance. Ils peuvent être attribués directement ou après une procédure de mise en concurrence.

Partant du constat que 47 % des voyageurs-kilomètres sont exploités dans l'Union dans le cadre d'obligations de service public après une attribution directe aux opérateurs historiques, assortie de droits exclusifs, la Commission propose de rendre systématique la procédure de mise en concurrence dans le domaine des contrats de service public de transport ferroviaire. C'est l'objet de la proposition de modification du règlement 1370/2007.

Elle propose par ailleurs d'ouvrir à la concurrence le transport national de voyageurs qui n'est pas régi par ce type de contrats de service public, comme cela a été réalisé pour le fret en 2007 9 ( * ) et pour les services de transport international de voyageurs en 2010 10 ( * ) . C'est l'un des objectifs poursuivis par la proposition de modification de la directive 2012/34.

1. La proposition d'ouverture des contrats de service public ferroviaires à la concurrence
a) Le droit actuel applicable aux contrats de service public : le règlement 1370/2007

Comme l'expose l'article premier du règlement 1370/2007 qui les encadre, l'objectif des contrats de service public est de « garantir la fourniture de services d'intérêt général qui soient notamment plus nombreux, plus sûrs, de meilleure qualité ou meilleur marché que ceux que le simple jeu du marché aurait permis de fournir. »

Par ces contrats, les Etats membres imposent des obligations de service public (OSP) , destinées à « garantir des services d'intérêt général de transports de voyageurs qu'un opérateur, s'il considérait son propre intérêt commercial, n'assumerait pas ou n'assumerait pas dans la même mesure ou dans les mêmes conditions sans contrepartie. » Cette contrepartie prend la forme d'une compensation et/ou de l'octroi de droits exclusifs.

Le règlement 1370/2007 fixe le contenu obligatoire des contrats de service public. Il inclut une définition précise des obligations de service public et des zones géographiques concernées, ainsi que les paramètres servant de calcul à la compensation, s'il y a lieu, ou la nature et l'ampleur des droits exclusifs accordés, les modalités de répartition des coûts liés à la fourniture des services et les modalités de répartition des recettes. Le règlement précise que la compensation ou les droits exclusifs ne doivent pas conduire à une surcompensation.

Il limite la durée de ces contrats de service public à dix ans pour les services d'autobus et d'autocar , quinze ans pour les services de transport de voyageurs par chemin de fer ou autres modes ferroviaires , ces périodes pouvant être allongées de moitié dans certains cas particuliers, en raison d'un investissement exceptionnel par exemple.

Il impose à chaque autorité compétente de publier, une fois par an, un rapport global sur les obligations de service public relevant de sa compétence, les opérateurs de service public retenus ainsi que les compensations et les droits exclusifs qui leur sont octroyés en contrepartie, afin de permettre le contrôle et l'évaluation de l'efficacité, de la qualité et du financement du réseau de transport public.

Le règlement énonce les règles relatives à l'attribution des contrats de service public.

Sauf interdiction en vertu du droit national, une autorité locale compétente (en France, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales) peut fournir elle-même des services publics de transport de voyageurs ou les attribuer directement à une entité sur laquelle elle exerce un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services . Lorsque l'autorité locale décide en revanche de recourir à un tiers, elle doit le faire par voie de mise en concurrence. Une période transitoire a néanmoins été prévue et laisse aux Etats membres jusqu'au 3 décembre 2019 pour se mettre en conformité avec cette obligation.

Il existe plusieurs exceptions à cette règle. En dessous d'un certain seuil, les contrats de service public peuvent être attribués directement, sauf si le droit national en dispose autrement . C'est le cas lorsque leur valeur annuelle moyenne est estimée à moins d'un million d'euros, ou lorsqu'ils ont pour objet la fourniture annuelle de moins de 300 000 kilomètres de service public de transport de voyageurs. Ces plafonds sont portés respectivement à deux millions d'euros et 600 000 kilomètres lorsque le contrat est attribué directement à une petite ou moyenne entreprise n'exploitant pas plus de vingt-trois véhicules.

Le règlement exonère aussi les contrats de service public de transport par chemin de fer 11 ( * ) de la procédure de mise en concurrence, sauf si le droit national en dispose autrement. Dans ce cas, la durée du contrat est limitée à dix ans 12 ( * ) .

La France n'a pas attendu ce règlement pour ouvrir à la concurrence les prestations de service public de transport à l'échelon local. Hors région Ile-de-France qui est soumise à un statut particulier, les prestations de transport public local peuvent être exercées soit en régie, soit par une entreprise avec qui l'autorité compétente a passé un marché public, relevant du code des marchés publics, ou une délégation de service public, relevant de la loi Sapin du 29 janvier 1993 13 ( * ) . Dans ce cas, seules les prestations dont la valeur est inférieure à 106 000 euros pour toute la durée de la convention ou 68 000 euros par an pour une durée inférieure ou égale à trois ans en sont exemptées 14 ( * ) . Ces seuils sont inférieurs à ceux du règlement 1370/2007.

b) La proposition de modification de la Commission

D'après la Commission, les obstacles à l'amélioration de la qualité du service et de l'efficacité opérationnelle des entreprises de transport ferroviaire « sont d'abord liés à la difficulté d'accéder au marché des services nationaux de transport de voyageurs et à l'absence de pression concurrentielle 15 ( * ) . »

Dans la mesure où les services nationaux de transport de voyageurs sont essentiellement fournis dans le cadre de contrats de service public, la proposition de modification du règlement vise à renforcer le dispositif de mise en concurrence des contrats de service public et à supprimer les entraves à la concurrence par des mesures d'accompagnement.

(1) Un renforcement de la concurrence

Un encadrement supplémentaire de la procédure

La proposition de règlement prévoit l'adoption, par les autorités compétentes, de plans pour le transport public de voyageurs couvrant tous les modes de transport concernés . Ils incluent des indications sur la structure du réseau ou des lignes, les exigences de base que doit satisfaire l'offre de transport public, en termes d'accessibilité, de sûreté, etc., les normes de qualité, les principes de la politique tarifaire et les exigences opérationnelles concernant le transport de bicyclettes, la gestion du trafic ou le plan d'urgence en cas de perturbation. Ils sont adoptés après consultation des parties intéressées (opérateurs de transport, gestionnaires de l'infrastructure, associations de voyageurs et syndicats représentatifs).

La fixation des obligations de service public et l'attribution des contrats de service publics doivent être conformes à ces plans. Outre cet impératif, les obligations de service public doivent être nécessaires et proportionnées pour atteindre les objectifs de ces plans.

Les obligations de service public et les compensations qui leur sont liées doivent aussi être fixées de façon à atteindre ces objectifs de la manière la plus efficace possible par rapport aux coûts , et à soutenir financièrement à long terme la fourniture de services publics de transport de voyageurs. Les parties intéressées doivent être consultées sur la détermination des spécifications des obligations de services publics.

L'autorité de régulation des activités ferroviaires est chargée du contrôle de l'application de ces dispositions.

La fin de l'exception pour les contrats de service public ferroviaire

Cette proposition vise à rendre obligatoire la procédure de mise en concurrence des contrats de service public ferroviaire à compter du 3 décembre 2019, alors qu'ils en étaient jusqu'à présent exonérés.

La proposition de modification du règlement précise que les autorités compétentes peuvent décider d'attribuer à des entreprises ferroviaires différentes les contrats de transport public de voyageurs par chemin de fer couvrant les différentes parties d'un même réseau ou d'un ensemble de lignes. Dans cette perspective, elles ont la possibilité de décider , avant de lancer la procédure d'appel d'offres, de limiter le nombre de contrats pouvant être attribués à une même entreprise de transport ferroviaire.

La proposition de la Commission tend également à limiter le volume annuel de tout contrat de service public ferroviaire à 10 millions de trains-km ou un tiers du volume total du transport public national de voyageurs par chemin de fer géré par contrat de service public , la valeur la plus élevée des deux étant retenue. La constitution de lots d'un volume excessif pourrait en effet avoir pour conséquence d'empêcher l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché.

Les seuils en-deçà duquel il n'est pas nécessaire de procéder par appel d'offres, actuellement d'un million d'euros de valeur annuelle ou 300 000 kilomètres de transport annuel, sont adaptés aux spécificités du fer, puisqu'ils sont portés à respectivement cinq millions d'euros et 150 000 kilomètres.

Des dispositions transitoires sont prévues : les contrats de service public ferroviaire attribués directement entre le 1 er janvier 2013 et le 2 décembre 2019 peuvent se poursuivre jusqu'à leur date d'expiration, sauf si celle-ci est postérieure au 31 décembre 2022. Dans ce dernier cas, le contrat doit s'interrompre à cette date.

(2) Les mesures d'accompagnement

Une mesure pour faciliter l'accès au matériel roulant

Afin de lever un obstacle majeur à l'exercice d'une concurrence effective pour les contrats de service public, la proposition de modification du règlement vise à obliger les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir aux opérateurs qui le souhaitent un accès effectif et non discriminatoire à du matériel roulant adapté.

Elle propose à cet effet plusieurs manières de procéder. Lorsqu'il n'existe pas de société de location de matériel roulant exerçant son activité dans des conditions non discriminatoires et commercialement viables pour tous les opérateurs concernés, l'autorité compétente doit supporter le risque lié à la valeur résiduelle du matériel roulant 16 ( * ) , si un opérateur qui envisage de participer à la procédure de mise en concurrence (et en a la capacité) en fait la demande. Elle peut le faire selon l'une des modalités suivantes :

- en acquérant elle-même le matériel roulant pour le mettre à disposition de l'opérateur retenu pour l'exécution du contrat ;

- en fournissant une garantie pour le financement du matériel roulant ;

- en s'engageant, dans le contrat de service public, à reprendre le matériel roulant au prix du marché à son terme.

Un accès à l'information renforcé

La proposition de modification du règlement vise à obliger les autorités compétentes à mettre à la disposition des parties intéressées une liste d'informations utiles pour préparer une offre : le nombre de voyageurs, les tarifs, les coûts et les recettes, des précisions sur les spécifications de l'infrastructure pertinentes pour l'exploitation des véhicules ou du matériel roulant requis.

Elle suggère aussi d' ajouter la date de début des contrats de service public et leur durée à la liste des informations devant figurer dans le rapport publié chaque année par l'autorité compétente ainsi qu'à l'avis de préinformation sur les procédures de mise en concurrence envisagées, afin d'aider les opérateurs à se préparer aux futures procédures de mise en concurrence. La proposition de règlement précise également que les Etats membres facilitent l'accès centralisé à ces rapports, par exemple au moyen d'un portail internet commun.

2. La proposition d'ouverture du transport national de voyageurs a la concurrence
a) Le droit actuel : la directive 2012/34

La directive 2012/34 prévoit à son article 10 l'accès des entreprises ferroviaires aux infrastructures de tous les Etats membres pour des opérations de fret ou de transport international de voyageurs.

Au cours d'un service international de transport, les entreprises ferroviaires sont autorisées à prendre et à déposer des voyageurs dans toute gare située sur le trajet international, y compris dans des gares situées dans un même État membre

Selon l'article 11 de la directive, les Etats membres peuvent limiter cet accès sur des itinéraires déterminés lorsqu'ils font l'objet d'un ou plusieurs contrats de service public conformes au droit de l'Union, dont l'équilibre économique serait compromis par l'exercice de ce droit d'accès.

C'est à l'organisme de contrôle désigné à l'article 55 de la directive (en France, l'autorité de régulation des activités ferroviaires), qu'il incombe de déterminer une éventuelle atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public.

S'agissant du transport national de voyageurs, les Etats membres ont le choix de l'ouvrir ou non à la concurrence. Des États membres tels que le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suède et l'Italie ont ouvert leurs marchés nationaux unilatéralement.

b) La proposition de modification de la Commission
(1) La libéralisation du transport national de voyageurs

La proposition de modification de la directive tend à ouvrir le transport national de voyageurs à la concurrence , comme l'ont été le fret et le transport international de voyageurs.

D'après la Commission, les services nationaux de transport de voyageurs représentent plus de 94 % du marché du transport ferroviaire de voyageurs dans l'Union européenne.

Les Etats membres conservent la possibilité de limiter le droit d'accès sur des itinéraires déterminés si un tel droit compromet l'équilibre économique d'un ou plusieurs contrats de service public couvrant la même liaison ou une liaison alternative. C'est l'organisme de contrôle qui détermine ce cas de figure, en s'appuyant sur une analyse économique objective réalisée à partir de critères préétablis, à la demande :

- de l'autorité ou des autorités compétentes qui ont attribué le contrat de service public,

- du gestionnaire de l'infrastructure ;

- ou de l'entreprise ferroviaire qui exécute le contrat de service public.

Si un organisme de contrôle considère qu'un service de transport compromet l'équilibre économique d'un contrat, il indique les changements pouvant être apportés à ce service afin que les conditions d'octroi du droit d'accès à l'infrastructure soient remplies.

Pour faciliter cet exercice d'évaluation, la proposition de modification de la directive prévoit que tout candidat ayant l'intention de demander des capacités d'infrastructures en informe les gestionnaires et les organismes de contrôle concernés au plus tard 18 mois avant l'entrée en vigueur de l'horaire de service auquel la demande de capacité se rapporte. Les organismes de contrôle en informent sans délai et au maximum dans les cinq jours les entités susceptibles de faire la demande d'une telle analyse économique.

(2) Les mesures d'accompagnement

La proposition de modification de la directive donne la possibilité aux Etats membres d'exiger la participation des entreprises ferroviaires effectuant des services nationaux de transport de voyageurs à un système d'information et de billetterie intégrée commun pour la fourniture de billets et de réservations . Ils peuvent aussi habiliter les autorités compétentes à mettre en place un tel système. Les Etats membres veillent à ce que ces systèmes ne créent pas de distorsion de concurrence.

La Commission a en effet constaté que « les systèmes de billetterie nationaux obligatoires exploités par un opérateur historique, par exemple en Allemagne et en République tchèque, ont des effets discriminatoires, avec la possibilité de prélever des commissions allant jusqu'à 25 % sur toutes les ventes de billets. » Dans certains États membres, les remboursements aux nouveaux arrivants prennent jusqu'à deux ans, alors que dans d'autres pays, les paiements sont effectués dans les 8 jours, avec une commission de 1,5 %. Si chaque opérateur exploitait son propre système de billetterie, cela nuirait à l'offre de service dont bénéficient les voyageurs en détournant, au profit du paiement de commissions sur la vente de billets, des moyens financiers qui auraient pu servir à améliorer le service, et en réduisant l'attractivité globale du transport ferroviaire par rapport à d'autres modes de transport.

Les Etats membres doivent aussi imposer aux entreprises ferroviaires la mise en place de plans d'urgence afin de prêter assistance aux voyageurs.

La proposition de modification de la directive refond également l'article 63 consacré au rapport de la Commission sur le secteur ferroviaire, en prévoyant la remise par la Commission d'un rapport évaluant l'impact de la directive sur le secteur ferroviaire et sa mise en oeuvre, au plus tard le 31 décembre 2024. L'article dispose qu' « au plus tard à la même date, la Commission évalue s'il subsiste des pratiques discriminatoires ou d'autres types de distorsions de concurrence par rapport aux gestionnaires de l'infrastructure faisant partie d'une structure verticalement intégrée. Elle propose, le cas échéant, de nouvelles mesures législatives.».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. UN ACCORD AVEC LES GRANDES LIGNES DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Adoptée le 17 juillet 2013, la proposition de résolution de la commission des affaires européennes, présentée par notre collègue Roland Ries, a l'intérêt de rappeler plusieurs éléments fondamentaux pour notre système ferroviaire.

Constatant les limites de la libéralisation du fret ferroviaire, elle affirme que l'ouverture à la concurrence n'a de sens que si elle est régulée. C'est pourquoi la commission des affaires européennes rejette l'application au système ferroviaire de la théorie de la concurrence dite « pure et parfaite » et qu'elle appelle à lui substituer la référence aux marchés dits « contestables » . Dans ces marchés, il existe un monopole, mais celui-ci peut être mis en cause par un concurrent. Il subit donc de fait une pression concurrentielle.

La proposition de résolution énonce l'attachement du Sénat au libre choix, par les autorités organisatrices de transport, du mode d'attribution de leurs obligations de service public , entre régie, attribution directe ou mise en concurrence. Il peut en effet être utile, pour certains réseaux très denses et complexes à organiser, de préserver des modalités d'attribution directe des contrats de service public.

Elle pose aussi le principe d'une nécessaire péréquation entre les lignes réputées rentables et les lignes réputées déficitaires . Votre commission considère, elle aussi, qu'il s'agit là d'une condition sine qua non de la pérennité des secondes, dont le maintien est indispensable au titre de la politique d'aménagement du territoire.

Elle prévoit les modalités de reprise du personnel , en cas de délégation de service public, dans des conditions salariales et statutaires identiques à celles applicables au moment de la délégation.

Elle s'oppose à l'adoption de règles spécifiques concernant les entreprises verticalement intégrées, qu'il s'agisse de leur présence sur les marchés des autres Etats membres ou des mouvements de personnel, sans toutefois remettre en cause le principe d'une répartition claire des compétences entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur historique de transports.

Elle confie au ministre des transports une mission de surveillance à l'égard du gestionnaire d'infrastructure et des opérateurs de transport . Elle émet aussi le voeu d'une participation des autorités organisatrices de transport clairement reconnue au sein des structures de gouvernance des chemins de fer des Etats membres.

Enfin, elle souligne la nécessité de laisser en permanence à chaque Etat membre le choix d'avoir ou non une entreprise verticalement intégrée, le choix opéré n'étant pas juridiquement réversible. Il s'agit là d'une exigence évidente au regard du principe de subsidiarité.

B. LES APPORTS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission a adopté dix amendements à l'initiative de votre rapporteur, afin de préciser et de compléter la proposition de résolution de la commission des affaires européennes.

Elle a ajouté quatre alinéas. Le premier reprend une idée également contenue dans un amendement présenté par notre collègue Evelyne Didier, en invitant les autorités européennes à fixer des objectifs clairs d'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées et à mettre en oeuvre une évaluation régulière de la qualité de service des prestations de transport ferroviaire .

Le deuxième rappelle que l'objectif d'ouverture à la concurrence ne doit en aucun cas se traduire par un affaiblissement des exigences de sécurité, qu'elles concernent les installations fixes ou le matériel roulant. Cet amendement a été adopté à l'unanimité par votre commission.

Le troisième appelle à l'adoption d'un calendrier raisonnable pour l'entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire, afin de laisser aux acteurs le temps nécessaire à la préparation du volet social de ces mesures, qui ne saurait en être dissocié.

Le quatrième souligne qu'en vertu du principe de subsidiarité, les autorités compétentes doivent garder la pleine maîtrise de la définition des obligations de service public. En particulier, l'adoption de plans pour le transport public de voyageurs ne saurait avoir pour effet de contraindre les choix de ces autorités dans ce domaine. Cette demande était également contenue dans un amendement présenté par Evelyne Didier.

Par ailleurs, votre commission a procédé à plusieurs modifications du texte de la commission des affaires européennes.

Elle a tempéré l'affirmation suivant laquelle l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire n'a pas contribué à son essor, en rappelant les difficultés propres au fret ferroviaire en France, en particulier les insuffisances de l'offre de wagon isolé. Cet amendement a été adopté à l'unanimité par votre commission.

A l'alinéa relatif à la couverture des charges de service public inhérentes aux lignes déficitaires par les liaisons rentables, votre commission a supprimé la référence au dispositif d'enchères et au mécanisme de réaffectation des bénéfices d'exploitation . Si votre commission est très favorable au mécanisme de péréquation mentionné dans la première partie de cet alinéa, il ne lui a en effet pas semblé opportun de préciser ses modalités au stade actuel, ces dernières devant être évaluées de façon approfondie. La mise en oeuvre du dispositif d'enchères pourrait par exemple poser des difficultés pour la détermination a priori des lignes rentables et non rentables. Quant au mécanisme de réaffectation des bénéfices d'exploitation, il est déjà possible en vertu de l'article 12 de la directive 2012/34 dans sa version actuelle.

A l'alinéa sur la répartition des compétences entre le gestionnaire d'infrastructure et les opérateurs de transport, elle a supprimé la mention suivant laquelle ces deux entités assument leurs tâches de façon directe, afin de ne pas exclure les possibilités de délégation de certaines missions.

Votre commission a aussi précisé que l'interdiction de subvention croisée concerne toute subvention d'un gestionnaire d'infrastructure vers un opérateur de transport, quel qu'il soit. En conséquence, elle a supprimé l'alinéa qui créait une exception pour les opérateurs ferroviaires de proximité.

Enfin, à l'alinéa concernant le rôle du ministre en charge des transports à l'égard du système ferroviaire dans son ensemble, c'est-à-dire vis-à-vis du gestionnaire d'infrastructure et de tous les opérateurs de transport, elle a remplacé le terme « surveiller » par celui de « suivre », qui lui a paru plus adapté.

*

* *

Réunie le 9 octobre 2013, sous la présidence de Raymond Vall, la commission a adopté la proposition de résolution européenne dans la rédaction reproduite ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR LES ENJEUX DU QUATRIÈME PAQUET FERROVIAIRE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication COM (2013) 25 de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au quatrième paquet ferroviaire « Achever l'espace ferroviaire unique européen pour stimuler la compétitivité et la croissance européennes »,

Vu la proposition de règlement COM (2013) 26 du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) n° 1192/69 du Conseil relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer,

Vu la proposition de règlement COM (2013) 27 du Parlement européen et du Conseil relative à l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) n° 881/2004,

Vu la proposition de règlement COM (2013) 28 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1370/2007 en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer,

Vu la proposition de directive COM (2013) 29 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire,

Vu la proposition de directive COM (2013) 30 du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire au sein de l'Union européenne (refonte),

Vu la proposition de directive COM (2013) 31 du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité ferroviaire (refonte),

Vu le rapport de la Commission COM (2013) 32 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur les progrès réalisés dans la voie de l'interopérabilité du système ferroviaire,

Vu le rapport de la Commission COM (2013) 33 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur le profil et les taches des autres personnels de bord des trains,

Vu le rapport de la Commission COM (2013) 34 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en oeuvre des dispositions de la directive 2007/58/CE relative à l'ouverture du marché des services internationaux de transport de voyageurs par chemin de fer accompagnant la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur le quatrième paquet ferroviaire,

- Sur l'orientation de la politique en matière de transports ferroviaires :

Approuve l'objectif de faciliter concrètement la circulation des personnes et de privilégier la modalité ferroviaire au sein de l'espace européen dans les meilleures conditions de sécurité ;

Invite les autorités européennes à fixer des objectifs clairs d'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées et à mettre en oeuvre une évaluation régulière de la qualité de service des prestations de transport ferroviaire ;

Estime que l'ouverture à la concurrence, telle qu'elle a été pratiquée pour le fret ferroviaire, n'a pas contribué à l'essor de ce mode de transport au sein de l'Union européenne, sans méconnaître les difficultés propres au fret ferroviaire en France, parmi lesquelles les insuffisances de l'offre de wagon isolé ;

Invite en conséquence le Parlement européen, la Commission et le Conseil à ne pas appliquer aux chemins de fer la construction intellectuelle de la concurrence dite « pure et parfaite », caractérisée par une offre atomisée sur un marché aux rendements décroissants, pour lui substituer la référence aux marchés dits « contestables », mieux adaptée aux caractéristiques des transports ferroviaires ;

Affirme que l'objectif d'ouverture à la concurrence ne doit en aucun cas se traduire par un affaiblissement des exigences de sécurité, qu'elles concernent les installations fixes comme le matériel roulant ;

Approuve l'accroissement du rôle dévolu à l'Agence ferroviaire européenne en matière de sécurité ;

Appelle à l'adoption d'un calendrier raisonnable pour l'entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire, afin de laisser aux acteurs le temps nécessaire à la préparation du volet social de ces mesures, qui ne saurait en être dissocié ;

- Sur l'ouverture à la concurrence des transports nationaux de voyageurs :

Affirme que les États membres doivent avoir la maîtrise du processus de libéralisation, notamment pour préserver la pérennité de liaisons déficitaires qu'ils estiment nécessaire de conserver pour des raisons de service public ;

Considère qu'en vertu du principe de subsidiarité, les autorités compétentes doivent garder la pleine maîtrise de la définition des obligations de service public ; en conséquence, l'adoption de plans pour le transport public de voyageurs ne saurait avoir pour effet de contraindre les choix de ces autorités dans ce domaine ;

Rappelle son attachement au libre choix par les autorités organisatrices du mode d'attribution de leurs obligations de service public ;

Estime que les périmètres des marchés de délégation de service public doivent pouvoir inclure, dans une perspective d'aménagement du territoire, des liaisons déficitaires et des liaisons rentables de telle sorte que leur exploitation globale soit équilibrée au moment de la passation du marché ;

Demande que la reprise du personnel en fonction fasse systématiquement partie du cahier des charges en cas de délégation de service public, dans des conditions salariales et statutaires identiques à celles applicables au moment de ladite délégation ;

Propose que l'ouverture à la concurrence de liaisons rentables permette de couvrir au moins en grande partie les charges de service public inhérentes aux lignes déficitaires ;

S'oppose à ce que les opérateurs ferroviaires faisant partie d'une entreprise verticalement intégrée subissent des restrictions spécifiques au moment d'offrir leurs services hors des frontières d'origine dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des transports internes de passagers ;

- Sur la gouvernance des chemins de fer :

Déplore la méfiance de la Commission européenne envers toute entreprise ferroviaire verticalement intégrée ;

Approuve la nécessité d'une répartition claire des compétences entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur historique de transports ferroviaires ;

Estime en outre indispensable d'interdire toute subvention du gestionnaire de l'infrastructure vers un opérateur de transport, quel qu'il soit ;

Demande que les mouvements de personnel entre opérateur historique de transports et gestionnaire d'infrastructures puissent avoir lieu sans qu'aucune entrave spécifique ne soit introduite lorsque ces deux entités font partie d'une même structure verticalement intégrée ;

Souhaite que le ministre en charge des transports ait la responsabilité de suivre l'activité du gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et celle de tous les opérateurs de transport ;

Souhaite que la participation des autorités organisatrices de transport soit clairement reconnue au sein des structures de gouvernance des chemins de fer des États membres ;

Insiste pour que chaque État membre reste en permanence libre d'avoir ou non une entreprise verticalement intégrée, le choix opéré n'étant pas juridiquement irréversible ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 9 octobre 2013, la commission a procédé à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 839 (2012-2013), sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire.

M. Raymond Vall, président . - Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne relative au quatrième paquet ferroviaire européen, proposée par Roland Ries, et dont Jean-Jacques Filleul est rapporteur pour notre commission.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Le 17 juillet dernier, la commission des affaires européennes a adopté une proposition de résolution sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire. Comme vous le savez, depuis 1992, l'Assemblée nationale et le Sénat donnent un avis, à travers les propositions de résolution européenne prévues à l'article 88-4 de la Constitution, sur les projets ou propositions d'actes européens qui leur sont transmis. Au bout d'un mois, la proposition de résolution de la commission des affaires européennes devient la position du Sénat, sauf si la commission au fond s'en saisit et parvient à un accord pour la modifier. Je remercie la commission des affaires européennes d'avoir attendu le 12 septembre pour enregistrer le dépôt de sa proposition de résolution, afin de nous laisser la possibilité de nous en saisir dans des conditions raisonnables.

La Commission européenne a présenté le 30 janvier dernier six propositions législatives qui composent le quatrième paquet ferroviaire. Ces six propositions législatives interviennent après la libéralisation du fret ferroviaire, international puis national, ainsi que celle du transport international de voyageurs. Répondant à la volonté de la Commission de lever les dernières entraves à la concurrence, elles couvrent trois thématiques. La sécurité et l'interopérabilité du système ferroviaire, d'abord : les règles sont harmonisées afin de réduire les coûts administratifs des entreprises ferroviaires et de faciliter l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché. Ce volet est composé de propositions de refonte des directives « Sécurité » et « Interopérabilité », ainsi que du règlement relatif à l'Agence ferroviaire européenne.

Le deuxième volet concerne la gouvernance des systèmes ferroviaires. La Commission entend renforcer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructures à l'égard des opérateurs de transport, en particulier l'opérateur historique, en modifiant la directive 2012-34 établissant un espace ferroviaire unique européen. La Commission élargit notamment les missions obligatoirement exercées de façon indépendante par le gestionnaire d'infrastructures, afin d'éviter qu'il ne délègue une part trop importante de ses missions aux opérateurs de transport. La constitution de toute nouvelle entreprise verticalement intégrée, rassemblant en son sein le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur historique de transport, est également interdite. Seules les sociétés de ce type déjà constituées à la date d'entrée en vigueur du quatrième paquet pourront continuer à exister, à la condition de respecter des règles d'indépendance très strictes - par exemple, interdiction leur est faite d'être regroupées géographiquement dans les mêmes locaux...

Dernier volet du quatrième paquet ferroviaire : l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. En matière de transport conventionné sous contrat, la proposition de modification du règlement n° 1370-2007 encadre la définition des obligations de service public par les autorités compétentes, ainsi que la généralisation de l'ouverture à la concurrence comme mode d'attribution des contrats de service public. En matière de transport non conventionné, la proposition de modification de la directive 2012-34 libéralise le transport national de voyageurs, dès lors que ce dernier n'est pas susceptible de porter atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public.

A ce stade, ce ne sont que des propositions de la Commission européenne. Elles restent débattues au sein du Conseil et du Parlement européen, où leur examen en commission devrait intervenir le 26 novembre. Personne ne peut préjuger de ce qu'il adviendra de ces textes et il revient à chaque acteur de faire valoir ses positions.

Simultanément, un projet de loi de réforme ferroviaire, dont l'objectif est de réunir à nouveau Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF au sein d'une même entité, devrait être bientôt présenté en Conseil des ministres.

Dans ce contexte, la proposition de résolution de Roland Ries affirme opportunément un certain nombre de principes fondamentaux pour notre système ferroviaire : elle rappelle d'abord que la concurrence n'est pas une fin en soi, et qu'elle n'a de sens que si elle est régulée, compte tenu des particularités du système ferroviaire ; elle affirme ensuite notre attachement au libre choix par les autorités organisatrices du mode d'attribution des obligations de service public ; elle pose le principe d'une péréquation entre lignes rentables et lignes déficitaires ; elle prévoit les modalités de reprise du personnel dans des conditions identiques en cas de délégation du service public ; elle adhère enfin au principe d'une répartition claire des tâches entre le gestionnaire d'infrastructures et les opérateurs ferroviaires, tout en déplorant les contraintes excessives applicables aux entreprises verticalement intégrées.

Cette proposition est satisfaisante, car elle souligne nombre d'exigences auxquelles nous ne saurions renoncer.

Après avoir rencontré les syndicats et consulté les services du ministère, je vous propose plusieurs amendements afin de la préciser et de la compléter, mais sans revenir sur sa philosophie. Ainsi, en aucun cas l'objectif d'ouverture à la concurrence ne devrait conduire à un affaiblissement des exigences de sécurité du système ferroviaire.

M. Charles Revet . - Naturellement !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Les récents événements ont tristement rappelé l'importance de cette exigence. J'ai aussi souhaité signaler la nécessité de prendre le temps nécessaire pour la mise en place de ces réformes, compte tenu de la préparation qu'elles exigent, sur le plan social en particulier. La précipitation ne peut que conduire à l'apparition des mêmes difficultés que celles qui ont été constatées au moment de la libéralisation du fret. J'ai enfin voulu préciser l'importance de laisser aux autorités compétentes la liberté de déterminer les contours des obligations de service public, compte tenu des velléités d'encadrement fortes de cet exercice par la Commission.

Ce faisant, j'ai repris certaines des propositions contenues dans les amendements que vous aviez déposés sur ce texte. Notre position aura d'autant plus de force que nous serons réunis sur les grandes lignes directrices que je viens de vous exposer.

M. Roland Ries, rapporteur de la commission des affaires européennes . - Je partage l'analyse de votre rapporteur, mais les amendements proposés par M. Nègre dénatureraient mon texte. Inscrite dans les textes européens, la concurrence est, à terme, inévitable. Au fond, nous nous opposons sur la force de la régulation à laquelle il convient de la soumettre. Vous estimez que la concurrence doit porter sur les éléments les plus rentables du système ferroviaire, les autres relevant du service public. Je pense au contraire que les lignes rentables doivent aider à équilibrer celles qui ne le sont pas - nous ne raisonnons pas sur le même périmètre.

Second point de divergence : la gouvernance du système. Nous pensons qu'on ne saurait séparer radicalement l'opérateur historique du gestionnaire d'infrastructures et défendons le principe d'une structure verticalement intégrée, selon le jargon bruxellois - une holding , en somme. Frédéric Cuvillier a reconnu que la SNCF n'était pas n'importe quel opérateur : elle fait partie de notre patrimoine. En outre, le transfert de personnels vers le gestionnaire d'infrastructures doit être strictement encadré, leurs statuts maintenus et leurs avantages acquis protégés.

M. Louis Nègre . - Le cadre de cette discussion a été posé par les remarquables rapports de Jean-Jacques Filleul et Roland Ries. Le problème est loin d'être simple, mais nos différences sont essentiellement de nature philosophique, ce qui le simplifie dans une certaine mesure. Nous pouvons néanmoins cheminer les uns vers les autres sur un certain nombre de points.

La préparation du quatrième paquet ferroviaire a été agitée. Le commissaire Siim Kallas a déclaré avoir subi des pressions, ce qui est assez rare pour être signalé. Ce paquet se compose d'un ensemble de textes approuvés par le collège des commissaires, de nature technique, d'une part, et relatifs à la gouvernance des systèmes, d'autre part. Sur le plan technique, des progrès essentiels ont été accomplis. Un compromis a été trouvé sur l'Agence ferroviaire européenne et, en attendant de consacrer sa prééminence, sur l'articulation de son travail avec celui des agences de sécurité nationales. Enfin, l'Europe a finalement accepté l'existence d'entreprises verticalement intégrées. En somme, la Commission européenne a cheminé vers les positions française et allemande.

Nous divergeons sur les conditions posées à l'indépendance du gestionnaire d'infrastructures. La Commission européenne souhaite lui conférer une forme juridique distincte, assurer une autonomie participative et financière - les dividendes ne pouvant être versés qu'à son propriétaire ultime, c'est-à-dire à l'État -, bref édifier une muraille de Chine entre celui-ci et les entreprises ferroviaires.

Voyez l'Allemagne : elle s'est débrouillée pour que son gestionnaire d'infrastructures, DB Netz, finance la Deutsche Bahn nationale, qui n'en est pas séparée par une muraille de Chine, en lui transférant des recettes provenant des redevances d'accès aux voies exigées à ses concurrents... La ficelle est grosse. Nous défendons à l'inverse une totale étanchéité et une pleine autonomie du gestionnaire d'infrastructures, ainsi que l'incompatibilité entre les fonctions dirigeantes des différentes entités afin de prévenir les conflits d'intérêts.

L'article 7 quater décrit les limitations au droit d'accès aux infrastructures des entreprises ferroviaires faisant partie d'une entreprise verticale intégrée si l'étanchéité n'est pas effective. Si le quatrième paquet ferroviaire passe avant notre réforme ferroviaire...

M. Michel Teston . - Il faut la voter !

M. Louis Nègre . - Si nous ne convergeons pas sur le principe de la muraille de Chine, je ne pourrai pas la voter. Nous pouvons toutefois nous retrouver sur un certain nombre de points. La sécurité du système d'abord. Nous y sommes tous attachés. Le Royaume-Uni avait dans un premier temps confié ses infrastructures à des fonds de pension soucieux de récupérer leur argent : le manque d'entretien a provoqué des morts ! La conséquence du libéralisme total, c'est la catastrophe. Avec pragmatisme, l'État britannique a ensuite récupéré les infrastructures - un État stratège, voilà ce que nous défendons, car les infrastructures ferroviaires font partie de notre patrimoine.

Mme Évelyne Didier . - Enfin ! Magnifique !

M. Rémy Pointereau . - C'est gaulliste !

M. Louis Nègre . - La refondation totale du système opérée par les Britanniques les place aujourd'hui au niveau de sécurité le plus élevé en Europe. En quinze ans, ils sont passés d'un extrême à l'autre. Voyez ce à quoi a conduit le monopole chez nous : à Brétigny, il manquait des boulons ! Comment appelez-vous cela ?

Mme Évelyne Didier . - Un défaut d'entretien, certes, mais à qui la faute ?

M. Louis Nègre . - Au monopole !

Mme Évelyne Didier . - Un raccourci spécieux !

M. Louis Nègre . - Avons-nous atteint le niveau de sécurité maximal en régime de monopole ?

Nous pourrions nous retrouver ensuite sur le principe d'une concurrence régulée. Il n'est pas question de faire comme le Royaume-Uni dans les années 1980. Une concurrence régulée certes, à condition que la régulation n'étouffe pas la concurrence ! La SNCF, qui fait partie du patrimoine national, est une entreprise prestigieuse, reconnue à l'étranger. Nous voulons avant tout sauver le soldat SNCF. Or sans concurrence régulée, elle s'endort, rien ne la stimule. Il faut donner du temps au temps, entend-on souvent. Mais le premier paquet ferroviaire a été adopté en 1991 et depuis, nous faisons tout pour bloquer l'ouverture à la concurrence.

La philosophie que vous défendez a trois conséquences négatives : politique d'abord, puisque le Parlement européen soutiendra sans doute la proposition de la Commission européenne. Nous aurions intérêt à ne pas nous éloigner de l'Europe, et à ne pas nous comporter en mauvais élève. Juridique ensuite, car la Cour de justice ne manquera pas de condamner la SNCF et la Deutsche Bahn. Économique enfin, parce que des entreprises non stimulées sont des entreprises moins compétitives. Notre activité de fret s'effondre - et s'effondrait dès avant l'arrivée d'entreprises concurrentes - alors qu'elle progresse là où la concurrence a été instaurée.

M. Ronan Dantec . - Parce que la concurrence est faussée !

M. Louis Nègre . - Mais non. À nouveau, nous poursuivons tous le même but : sauver le ferroviaire français. Comme Deng Xiaoping, il m'importe peu que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu'il attrape des souris. Je veux que la SNCF acquière des parts de marché et cesse de se faire tailler des croupières par nos amis allemands !

M. Michel Teston . - Au risque de choquer les libéraux, je crois que l'adoption du quatrième paquet ferroviaire par la Commission européenne et le Parlement européen n'est ni nécessaire ni opportune. Là où la concurrence a été instaurée, dans le fret ferroviaire par exemple, l'activité n'a nullement progressé : en Allemagne, elle s'est stabilisée ; en France, le fret ferroviaire de proximité a été quasiment abandonné. Par surcroît, aucun bilan précis des conséquences des trois premiers paquets ferroviaires n'a été établi à ce jour.

Mme Évelyne Didier . - Exactement !

M. Michel Teston . - Il ne faut toutefois pas se faire d'illusions : le quatrième paquet ferroviaire sera adopté après les élections européennes. Dans ce contexte, la proposition de résolution européenne de Roland Ries témoigne avec force d'une volonté d'encadrer l'ouverture à la concurrence du ferroviaire, afin que ni les usagers, ni les contribuables, ni les personnels ne soient lésés. Je vous renvoie à la théorie des marchés contestables, qui s'applique bien plus efficacement au secteur ferroviaire que celle de la concurrence pure et parfaite.

Les propositions d'encadrement de la concurrence figurent dans le rapport de Roland Ries : laisser aux États-membres la liberté d'opter ou non pour une structure verticalement intégrée, sous réserve que les sillons soient attribués de manière impartiale ; affirmer le principe de réversibilité de ce choix ; maintenir l'étanchéité des flux financier du gestionnaire d'infrastructures à destination des opérateurs de transport, sans interdire les mouvements de cheminots ; autoriser le ministre des transports à superviser le fonctionnement du gestionnaire d'infrastructures et des opérateurs, quel que soit le mode d'organisation retenu.

Chaque État membre devrait en outre avoir la faculté d'ouvrir un marché de délégation de service public, incluant réseaux rentables et déficitaires - ce qui n'est pas possible dans le schéma retenu à Bruxelles. Sixième proposition : autoriser les États membres à organiser des enchères pour l'ouverture d'une ligne commerciale à la concurrence, et des enchères négatives pour les réseaux dont le maintien est motivé par des nécessités de service public. Enfin, maintenir la faculté ouverte aux autorités organisatrices d'organiser les transports ferroviaires en régie et imposer systématiquement la reprise du personnel en fonction des entreprises non retenues au terme des procédures de délégation de service public.

Les dispositions complémentaires de notre rapporteur sont bienvenues : elles mettent l'accent sur la sécurité, sur le volet social, et sur la liberté laissée aux autorités nationales de fixer des obligations de service public, en vertu du principe essentiel de subsidiarité. Il propose en outre d'affirmer la place du wagon isolé dans le système ferroviaire. Mireille Schurch et moi-même avons jadis envisagé de faire reconnaître par l'Europe que le wagon isolé était une mission d'intérêt général, ce qui le rendrait éligible à des financements publics.

Si la Commission européenne et le Parlement européen persistent dans leur volonté d'adopter le quatrième paquet ferroviaire, la proposition de résolution européenne de Roland Ries telle qu'amendée par Jean-Jacques Filleul fera valoir l'absolue nécessité d'encadrer fortement l'ouverture à la concurrence : si elle advient, l'encadrer est le seul moyen de nous prémunir des excès de l'ultralibéralisme.

M. Charles Revet . - L'objectif d'une résolution européenne est de faire l'état des lieux sur une question, des problèmes qu'elle pose et des solutions qu'il convient d'y apporter. Ce quatrième paquet sera vraisemblablement adopté : quelle est alors notre responsabilité ? Par-dessus tout : renforcer la SNCF pour qu'elle continue d'assurer ses missions. Ménager la chèvre et le chou n'est pas une solution. Souvenez-vous des rapports de l'école polytechnique fédérale de Lausanne et de la Cour des comptes. Hors TGV, plus aucun train n'arrive à l'heure, le réseau n'est plus en état et nos matériels vieillissent. Si nous choisissons de faire le dos rond, le jour où le quatrième paquet nous sera pour ainsi dire imposé, nous ne serons pas prêts !

En l'état, nous ne voterons pas cette résolution. Nous partageons l'objectif de faciliter la circulation et de développer notre système ferroviaire. Le fret ferroviaire ne s'est pas développé, rappelle le paragraphe 15 de la résolution : ancien rapporteur du projet de loi relatif aux grands ports, je suis bien placé pour le savoir. Tout est fait pour freiner son essor. Au-delà du vote que nous allons émettre sur cette résolution, regardons plus sérieusement, à partir notamment du rapport de la Cour des comptes, quel est l'état de la situation. Allons véritablement au fond des choses pour diagnostiquer les faiblesses de la SNCF et y apporter des remèdes.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je suis venu en RER B : après quelques semaines d'amélioration, il semble victime d'une nouvelle rechute...

À la lecture de la proposition de résolution, je ne peux m'empêcher de nous voir comme d'irréductibles Gaulois : notre modèle est formidable, nous ne voulons pas le faire évoluer... C'est risqué. Soyons lucides, admettons que notre système n'a que trop tardé à évoluer. Cette proposition de résolution anticipe sur les débats que nous aurons dans le cadre de la réforme ferroviaire. Elle semble même en dresser le cahier des charges, précis jusqu'à la mobilité des personnels... Je doute que cela soit vraiment productif.

Nous commettons une erreur d'analyse si nous contestons les objectifs défendus par l'Union européenne, plutôt que de discuter ses modalités d'application. Les Allemands, bons élèves, ne s'y sont pas trompés. Arrêtons de mener des guerres picrocholines sur les objectifs généraux de la réforme : le système actuel n'est optimal pour personne, et nous avons besoin de la concurrence. Soyons moins frileux. Nous devons convaincre la Commission européenne de prendre en compte la spécificité française et nous n'y arriverons pas en nous opposant frontalement. Montrons-nous ouverts à la réforme, puis négocions finement ses modalités d'application au lieu d'écrire noir sur blanc que la SNCF sera la seule en mesure de répondre à l'ouverture à la concurrence.

Tout relier sur la gouvernance au projet de loi fantôme est cousu de fil blanc. Nourrissons le débat plutôt que d'adopter un texte qui pourrait être pris pour une provocation. Ce n'est pas un service à rendre aux cheminots, qui doivent être accompagnés dans une situation difficile vers une SNCF plus à même d'affronter la concurrence.

Mme Évelyne Didier . - Pour ma part, je suis fière d'être française, et de l'héritage en infrastructures de notre pays. Présenter la France comme un mauvais élève est dévalorisant, je ne l'accepte pas. Les infrastructures sont des outils au service du pays, des gens, des entreprises. Voilà la différence philosophique entre nous. Notre position n'est pas jusqu'au-boutiste ; elle se borne à reprendre celle du Comité économique et social européen. Nous ne sommes pas seuls, ni outrageusement révolutionnaires.

L'Allemagne se débrouillerait mieux que nous en contournant les règles pour les tourner à son avantage ? Pourquoi valoriser ce modèle-là ? Pourquoi avoir honte de défendre des infrastructures au service du pays, qui souffrent d'abord de la concurrence déloyale d'un transport routier qui, lui, ne paie pas les routes. Tant qu'on ne dit pas cela, tout est biaisé ! Les enjeux de ce quatrième paquet ferroviaire, ce sont les parts de marché respectives des différents opérateurs, et non l'intérêt du pays. S'il est adopté, il sera inutile d'aborder le transport ferroviaire lors de la conférence environnementale en septembre 2014 !

M. Ronan Dantec . - Usons de logique pour démonter les sophismes. La concurrence entre le rail et la route est faussée, puisque cette dernière ne paie pas ses externalités. Cela devrait déplaire à des libéraux assumés ! L'écotaxe sur les poids lourds en Allemagne a rapporté 25 milliards d'euros. Je regrette à cet égard - et c'est une pierre dans le jardin socialiste - que mon amendement favorisant la mise en place d'une vraie écotaxe ait été retoqué. On est resté au milieu du gué, et c'est dommage.

Nous manquons de sillons ferroviaires. Dès lors, les trains n'arrivent pas dans des temps raisonnables et la route conquiert des parts de marché. Un État qui investit massivement dans une infrastructure, doit s'assurer qu'un exploitant l'utilise. Les autres problèmes sont secondaires. La vraie question est celle-ci : le choix de préférer le transport routier est-il raisonnable ? Je partage la position du rapporteur et de Roland Ries.

M. Francis Grignon . - La sécurité implique une indépendance totale de Réseau ferré de France (RFF) avec une intégration complète de la direction de la circulation ferroviaire et de SNCF Infra. Tant que la SNCF garde la main, cela ne marche pas.

M. Charles Revet . - En effet.

M. Francis Grignon . - L'usager des trains express régionaux (TER) paie 30 % ; le reste est assumé par le contribuable : cela ne peut pas durer. D'autres pays ont montré que cela pouvait être 30 % moins cher, pour peu qu'il y ait de la concurrence. Pour y parvenir, il faut respecter le personnel - sous peine de bloquer le pays - et assurer la pérennité de l'opérateur.

Les deux sujets de fond sont les suivants : nous pâtissons de cet héritage de Vichy chargeant le ministre des transports de définir par décret les conditions de travail des cheminots. Or il faut les faire coïncider avec le code du travail. Le statut, quant à lui, doit être conservé pour les personnels qui en bénéficient, mais ne doit pas perdurer car la différence de coûts atteint 12 %. En Allemagne, Keolis, qui n'y est pas soumis, taille ainsi des croupières à la Deutsche Bahn. Tant que cela n'est pas résolu, le reste n'est que bavardage.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Alinéa 15

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - L'amendement n° COM-17 ajoute à l'alinéa 15 les mots « sans méconnaître les difficultés propres au fret ferroviaire en France, parmi lesquelles les insuffisances de l'offre de wagon isolé. » Ne pas suffisamment développer cette offre a été une grave erreur.

M. Rémy Pointereau . - Nous souscrivons à cet amendement. La SNCF sait faire des trains complets de céréales, par exemple, mais il est difficile de travailler sous le mode du wagon isolé.

L'amendement n° COM-17 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-8 présenté par Louis Nègre, qui affirme que l'ouverture à la concurrence dans le fret en France a produit des effets intéressants, dont la mise en évidence de l'impréparation de la SNCF et ses difficultés à gérer le trafic des wagons isolés. Cela me semble difficile de dire pareille chose, alors qu'elle a fait reculer la part modale du train dans le fret.

M. Charles Revet . - Ce n'est pas la concurrence qui est responsable de cela, c'est la situation dans laquelle se trouvait la SNCF.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je ne nie pas la part des opérateurs de fret, notamment concernant le wagon isolé. Mais ce texte ne pas être intégré dans la résolution.

M. Louis Nègre . - Le fret ferroviaire s'effondre avant l'arrivée de la concurrence. On assiste en France à un découplage entre fret ferroviaire et PIB, qu'on ne retrouve pas dans d'autres pays européens. Relisons le rapport d'information sénatorial rédigé sous la direction de Francis Grignon, et auquel j'ai participé : le fret ne fonctionne pas en France à cause de l'insuffisance de services afférents.

M. Francis Grignon . - Le problème est que la SNCF n'était pas directement représentée lors de la négociation. Pourquoi ne pas dire que la concurrence « a mis en évidence quelques failles dans notre organisation ferroviaire » ?

M. Raymond Vall, président . - Le libellé de cet amendement donne des arguments aux adversaires de notre pays. Ne condamnons pas la SNCF.

M. Michel Teston . - Lorsque j'ai participé aux travaux du rapport Grignon, Mireille Schurch et moi-même avions une position différente quant aux sources de ces problèmes.

M. Vincent Capo-Canellas . - La formulation de l'amendement est un peu vive, mais c'est qu'elle vient remplacer un jugement négatif sur l'ouverture du fret ferroviaire à la concurrence. L'idéal serait de l'enlever ou de le rédiger autrement.

M. Jean-Jacques Filleul . - Mon amendement n° COM-17, adopté précédemment, tient compte des difficultés spécifiques de la France en ce qui concerne le fret.

L'amendement n° COM-8 est rejeté.

Alinéa 16

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - L'amendement n° COM-9 présenté par Louis Nègre supprime l'alinéa 16. Je n'en vois pas la raison.

M. Louis Nègre . - M. Capo-Canellas l'a bien expliqué, une opposition frontale nous ferait aller droit dans le mur. Négocions, sinon, nous reculerons en rase campagne.

M. Roland Ries . - Nous sommes là au coeur du débat : pour notre part, nous considérons que le rail n'est pas le lieu d'une concurrence pure et parfaite, mais d'une concurrence contestable.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - La rédaction de l'alinéa est euro-compatible.

L'amendement n° COM-9 est rejeté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Mon amendement n° COM-18 rappelle que l'ouverture à la concurrence « ne doit en aucun cas se traduire par un affaiblissement des exigences de sécurité. »

M. Raymond Vall, président . - On peut se rejoindre sur ce point, je pense.

M. Vincent Capo-Canellas . - Il vaut mieux qu'il fasse beau, c'est sûr !

L'amendement n° COM-18 est adopté.

Alinéas 17 et 21

L'amendement rédactionnel n° COM-16 est adopté.

Alinéa 17

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - L'amendement n° COM-19 que je présente ajoute l'idée d'un calendrier raisonnable pour l'entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire, afin de laisser le temps au volet social d'être mis en place. Il faut respecter les personnels.

M. Francis Grignon . - Démarrons tout de suite ! Il faut trois ans pour s'y préparer.

Mme Évelyne Didier . - Je salue les préoccupations de cet amendement, mais, en désaccord avec ce quatrième paquet, je m'abstiendrai.

L'amendement n° COM-19 est adopté.

Alinéas 19 et 20

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - L'amendement n° COM-1 d'Evelyne Didier et des membres du groupe CRC s'oppose à toute ouverture à la concurrence : j'y suis défavorable. Une telle position est contreproductive. Il est plus raisonnable de travailler sur un modèle de concurrence régulée, qui réserve une certaine marge de manoeuvre.

L'amendement n° COM-1 est rejeté.

Alinéa 19

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-10 présenté par Louis Nègre qui instaure une séparation stricte, trop libérale, entre lignes rentables et lignes déficitaires, ce qui est contraire à notre conception de l'aménagement du territoire et du service public.

L'amendement n° COM-10 est rejeté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Mon amendement n° COM-20 apporte une précision sur la responsabilité des autorités compétentes pour la définition des obligations de service public.

M. Louis Nègre . - Il y a là une différence philosophique entre vous et nous.

L'amendement n° COM-20 est adopté.

Alinéas 14 et 15

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Mon amendement n° COM-25 reprend des préoccupations d'Evelyne Didier pour inviter « les autorités européennes à fixer des objectifs clairs d'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées et à mettre en oeuvre une évaluation régulière de la qualité de service des prestations de transport ferroviaire » ; il supprime également le mot « néanmoins » à l'alinéa 15.

M. Louis Nègre . - Nous sommes d'accord pour ce qui concerne l'alinéa 14.

L'amendement n° COM-25 est adopté.

Alinéa 21

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - L'amendement n° COM-2 présenté par Evelyne Didier et les membres du groupe CRC est satisfait par mes amendements n° COM-20 et n° COM-25. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-2 est rejeté.

Alinéa 20

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - L'amendement n° COM-11 présenté par Louis Nègre, qui supprime l'alinéa 20, est contraire à la position que nous défendons.

L'amendement n° COM-11 est rejeté.

Alinéa 22

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je comprends le souci exprimé par l'amendement n° COM-3 d'Evelyne Didier et des membres du groupe CRC ; mais il ne peut pas être adopté en l'état. La rédaction actuelle de l'alinéa 22 convient au cadre de cette résolution.

Mme Évelyne Didier . - L'amendement ne fait pourtant que reprendre les mots du Comité économique et social européen !

L'amendement n° COM-3 est rejeté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-12 de Louis Nègre. On ne peut pas accepter que l'alinéa soit ainsi tronqué. Il faut tenir compte des statuts des personnels.

M. Louis Nègre . - Je rappelle sur ce sujet les explications de Francis Grignon.

L'amendement n° COM-12 est rejeté.

Alinéa 23

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Mon amendement n° COM-21 supprime la fin de la phrase après « déficitaires » ; il n'est pas opportun de préciser les modalités de la péréquation entre lignes rentables et déficitaires. La mise en oeuvre du dispositif d'enchères pourrait par exemple poser des difficultés pour déterminer a priori les lignes rentables et les lignes non-rentables.

M. Louis Nègre . - Nous sommes d'accord pour évaluer les lignes afin de déterminer celle qui sont déficitaires. Mais pour quoi faire ? Actuellement, le déficit est couvert par le contribuable ; or il existe d'autres solutions, comme de remplacer la ligne par une liaison par autocar. Mélanger lignes rentables et non rentables évite de traiter les problèmes au fond. C'est du bonneteau !

M. Roland Ries . - Il y a un désaccord entre nous sur ce point : il faut ouvrir à la concurrence des réseaux cohérents, faits de lignes bénéficiaires et déficitaires, globalement. La solution apportée à une ligne non rentable relève d'un autre débat. Louis Nègre veut construire une muraille de Chine entre les lignes qui font gagner de l'argent aux opérateurs et les autres ; or les unes peuvent compenser les autres.

Mme Évelyne Didier . - Je ne parlerai pas de muraille, mais de fossé. Vous voulez réserver les bénéfices au privé et les déficits au public ! C'est la cohérence du réseau qui fait sa richesse. Si une ligne est nécessaire à l'aménagement du territoire, il faut la conserver dans un réseau cohérent.

M. Francis Grignon . - Pas à n'importe quel prix. Le faire avec 70 % de financement public est excessif.

Mme Évelyne Didier . - Pourquoi laisser les bénéfices au privé ?

M. Raymond Vall, président . - Nous sommes tous d'accord pour une régulation sans préjudice des solutions choisies ultérieurement. Maintenir le texte tel qu'il est ne laisse même pas l'espoir d'avoir des autocars ! Ne proposons pas nous-même des solutions radicales.

M. Rémy Pointereau . - Il faut une péréquation. Il est inadmissible que la liaison entre les gares de Vierzon et de Montluçon soit assurée par autocar. La ligne Paris-Lyon est excédentaire et compense des lignes déficitaires.

M. Louis Nègre . - Pour ma part, je veux faire apparaître clairement ce qui est déficitaire et ce qui ne l'est pas.

L'amendement n° COM-21 est adopté.

L'amendement n° COM-13 présenté par Louis Nègre devient sans objet.

Alinéa 24

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement de Louis Nègre n° COM-14. La proposition de confier à la Commission européenne des pouvoirs exorbitants sur les entreprises verticalement intégrées sans passer par une juridiction est contraire à l'esprit et à la pratique de l'Union européenne.

L'amendement n° COM-14 est rejeté.

Alinéa 26

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je suis évidemment défavorable à l'amendement n° COM-15 de Louis Nègre qui supprime l'alinéa 26.

L'amendement n° COM-15 est rejeté.

Alinéa 27

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Mon amendement n° COM-22 supprime la fin de la phrase après le mot « ferroviaire », redondante.

L'amendement n° COM-22 est adopté

Alinéas 28 à 30

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Mon amendement n° COM-23 précise l'interdiction des subventions du gestionnaire de l'infrastructure vers un opérateur de transport, quel qu'il soit, et modifie en conséquence les alinéas suivants.

L'amendement n° COM-23 est adopté

L'amendement n° COM-4 présenté par Louis Nègre devient sans objet.

Alinéa 30

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-5 de Louis Nègre, qui supprime l'alinéa 30. Ce dernier ne s'oppose pas à l'adoption de règles de déontologie, mais énonce simplement que celles-ci ne doivent pas être réservées aux EVI.

L'amendement n° COM-5 est rejeté.

Alinéa 31

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Le ministre des transports ayant un rôle de stratège, mon amendement n° COM-24, supprime l'alinéa 31, qui lui donne une fonction de surveillance, laquelle sera assumée par l'Agence ferroviaire européenne et les agences de sécurité nationales.

M. Louis Nègre . - Nous allons finir par tomber d'accord.

M. Francis Grignon . - Il faut être moins dirigiste.

M. Roland Ries . - Il faut pourtant être cohérent avec l'idée de l'État stratège.

Mme Évelyne Didier . - Tout à fait !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Ce n'est pas son rôle de surveiller.

M. Michel Teston . - Dans la future réforme ferroviaire, il devrait y avoir un conseil de surveillance chargé de veiller au fonctionnement général du système ferroviaire.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Ce qui me gêne, c'est ce mot de surveillance, qui n'est pas adéquat pour définir le rôle de l'État stratège.

M. Roland Ries . - Disons « suivre », dans ce cas.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Suivre me paraît bien. Je rectifie mon amendement en conséquence.

M. Raymond Vall, président . - C'est moins fort que surveiller.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - C'est plus adéquat que cette surveillance caporaliste.

Mme Évelyne Didier . - Je m'abstiendrai.

L'amendement n° COM-24 rectifié est adopté.

L'amendement n° COM-6 rectifié présenté par Louis Nègre devient sans objet.

Alinéa 33

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-7 de Louis Nègre qui supprime l'alinéa 33.

L'amendement n° COM-7 est rejeté.

La résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 1 er octobre 2013

Table ronde avec les organisations syndicales représentatives de la SNCF et de RFF

- Fédération CGT des Cheminots : MM. Henri Wacsin et Hervé Giudici ;

- UNSA Cheminots : MM. Eric Tourneboeuf et Roger Dillenseger ;

- Union Fédérale CFDT Cheminots et Activités complémentaires (UFCAC) : MM. Rémi Aufrere et Pascal Descamps ;

- Fédération SUD-Rail : MM. Alain Cambi et David Wehrli ;

- CFE/CGC - RFF : M. Daniel Godard ;

- CFDT - RFF : MM. Thomas Clavel et Sébastien Mariani ;

- UNSA - RFF : MM. Thomas Le Gouezigou et Etienne Picher .

Mercredi 2 octobre 2013

- M. Roland Ries , sénateur du Bas-Rhin ;

- Ministère délégué chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche : MM. Raphaël Chambon , directeur adjoint de cabinet, Raphaël Crinier , chef du bureau de l'ouverture des marchés ferroviaires, Julien Matabon , conseiller services de transports collectifs et ferroviaires, et Mme Nancy Canoves Fuster , conseillère technique en charge des relations avec le Parlement et les élus.


* 1 Cette proposition abroge un règlement qui n'a jamais été applicable en France ; elle n'est pas examinée en tant que telle dans ce rapport, dans la mesure où son adoption ne semble soulever aucune objection.

* 2 Considérant 10 de la proposition de règlement relatif à l'agence de l'Union européenne pour les chemins de fer.

* 3 Termes employés dans l'exposé des motifs de la proposition de modification de la Commission.

* 4 Il s'agit des organismes chargés d'établir la déclaration « CE » de conformité ou d'aptitude à l'emploi d'un constituant d'interopérabilité.

* 5 Détaillée infra.

* 6 Définis dans la décision 2009/561/CE de la Commission.

* 7 European Train Control System.

* 8 Considérant 10 de la proposition.

* 9 Par la ddirective 2004/51/CE modifiant la directive 91/440/CEE.

* 10 Par la directive 2007/58/CE modifiant la directive 91/440/CEE.

* 11 Exclusivement ; le métro et le tramway ne sont pas concernés par cette exonération.

* 12 Sauf si l'opérateur de service public fournit des actifs significatifs au regard de l'ensemble des actifs nécessaires à la fourniture des services de transport de voyageurs qui font l'objet du contrat.

* 13 Codifiées à l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales.

* 14 En vertu de l'article L. 1411-12 du code général des collectivités territoriales.

* 15 Exposé des motifs accompagnant la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n°1370/2007.

* 16 En conformité avec les règles relatives aux aides d'Etat.

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