B. DES CONSÉQUENCES JURIDIQUES LIMITÉES EN DROIT INTERNE

En droit interne, le présent accord suppose un transfert de compétence pour le seul contentieux de la partie nationale des brevets européens, qui relève à ce stade de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance de Paris.

En effet, les juridictions nationales resteront compétentes s'agissant des brevets nationaux et du volet pénal, tandis que le titre de brevet européen à effet unitaire, qui n'existait pas encore, n'a, par définition, jamais relevé de la compétence des juridictions nationales.

L'article 149 bis de la Convention sur le brevet européen (CBE) du 5 octobre 1973, modifié par la Convention sur le brevet européen (CBE 2000) du 29 novembre 2000 2 ( * ) , prévoit la possibilité de créer une juridiction commune pour le contentieux des demandes de brevets européens et des brevets européens.

Le présent accord met ainsi en oeuvre un transfert de compétences déjà consenti par la France par la loi n° 2007-1475 autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens. Par suite, ce transfert de compétences ne saurait être regardé comme portant atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Dès lors que cet accord ne comporte aucune clause contraire à la Constitution ni ne remet en cause des droits et libertés constitutionnellement garantis, l'autorisation de le ratifier ne nécessite pas une révision préalable de la Constitution.

Au-delà, les stipulations relatives à la création et au fonctionnement de la Cour n'auront pas à figurer dans le Code de l'organisation judiciaire. Ce code régit en effet l'organisation et le fonctionnement des juridictions judiciaires de l'ordre interne à l'exclusion des juridictions internationales, européennes ou de l'Union européenne car elles n'émanent pas de l'administration d'État, mais d'autres organisations internationales (Union européenne, Conseil de l'Europe, Nations Unies...). La juridiction unifiée du brevet étant une juridiction commune aux États membres de l'Union européenne, elle sera régie par l'accord qui l'institue et par l'annexe I à cet accord qui fixe ses statuts.

En revanche, les stipulations relatives à la compétence de la juridiction unifiée auront des conséquences sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle (CPI).

En effet, les articles 32 et 33 de l'accord fixent la compétence matérielle et territoriale des divisions du Tribunal de première instance pour connaître des litiges civils relatifs à la validité et à la contrefaçon des brevets européens et des brevets européens à effet unitaire. L'article 83 prévoit par ailleurs une période de transition d'une durée de sept ans, renouvelable, à compter de l'entrée en vigueur de l'accord, pendant laquelle les actions en contrefaçon ou en nullité d'un brevet européen pourront être portées, à la demande du titulaire du brevet, devant les juridictions nationales compétentes.

Or, le code de la propriété intellectuelle et le code de l'organisation judiciaire prévoient que les actions portant sur des brevets français et européens relèvent de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance de Paris.

L'article L. 615-175 3 ( * ) du code de la propriété intellectuelle prévoit en effet que : « les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d'invention, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire, à l'exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative ».

L'article D. 631-2 du même code dispose que « le siège et le ressort des tribunaux de grande instance ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs en application des articles L. 611-2, L. 615-17 et L. 622-7 du code de la propriété intellectuelle sont fixés conformément à l'article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire».

L'article D. 211-6 du code de l'organisation judicaire précise que « le tribunal de grande instance ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection et de topographies de produits semi-conducteurs, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, est celui de Paris ».

Par conséquent, les articles L. 615-17 et L. 615-19 du code de la propriété intellectuelle ont vocation à être modifiés. En outre, le chapitre IV intitulé « Application de conventions internationales » situé au sein du Titre I « Brevets d'invention » du Livre VI « protection des inventions et des connaissances techniques » (articles L. 614-1 et suivants) pourrait être modifié et complété pour ajouter des dispositions spécifiques sur les règles de compétence communes aux brevets européens et aux brevets européens à effet unitaire pour les faire échapper à la compétence du Tribunal de grande instance de Paris.


* 2 La Convention a été ratifiée par la France par la loi n° 2007-1475 du 17 octobre 2007

* 3 L'article L. 615-19 redondant avec l'article L. 615-17 du CPI prévoit également que : « les actions en contrefaçon de brevet sont de la compétence exclusive du tribunal de grande instance. Toutes les actions mettant en jeu une contrefaçon de brevet et une question de concurrence déloyale connexe sont portées exclusivement devant le tribunal de grande instance ».

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