B. UN MONTANT DES DÉPENSES FISCALES EN DIMINUTION HORS IMPACT DU CICE

Depuis l'été 2011, et consécutivement à la remise du rapport « Guillaume » 100 ( * ) , le Gouvernement dispose d'une évaluation 101 ( * ) de l'efficacité de la plupart des dépenses fiscales et des niches sociales . Cette évaluation avait porté sur les 60 milliards d'euros de niches fiscales et les 40 milliards de niches sociales qui constituaient alors le périmètre de ce dispositif 102 ( * ) . La commission avait conclu qu'environ 40 milliards d'euros de dépenses fiscales et 15 milliards d'euros de niches sociales pouvaient être considérées comme peu ou pas efficaces, ce qui représentait les deux tiers des dépenses fiscales et près de la moitié des niches sociales .

1. Une augmentation des dépenses fiscales en 2014 imputable à la seule mise en place du CICE
a) Hors CICE, un objectif de stabilisation des dépenses fiscales atteint en 2013 et en 2014

Comme le montre le tableau ci-après détaillant la répartition et l'évolution de la dépense fiscale , celle-ci s'élèverait en 2014 à 80,02 milliards d'euros , en hausse de 8 milliards d'euros (+ 11,1 %) par rapport à 2013 (72,02 milliards d'euros au périmètre 2014).

Hors CICE et à périmètre constant 2013 , le montant des dépenses fiscales diminue en revanche de 1,8 milliard d'euros, pour s'établir à 68,9 milliards d'euros 103 ( * ) (contre 70,7 milliards d'euros en 2013) 104 ( * ) . Hors CICE, l'objectif de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2012-2017 de maintenir le montant des dépenses fiscales en-dessous de 70,8 milliards d'euros (à périmètre 2013) est donc respecté en 2013 et en 2014.

Tableau n° 49 : Évolution de la dépense fiscale de 2012 à 2014

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2014. Les coûts 2012 et 2013 sont calculés en fonction du périmètre des dépenses fiscales 2014

Sous l'effet de la mise en place du CICE, la dépense fiscale devrait se concentrer à plus des deux tiers (69,2 %) sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.

b) Une diminution significative des dépenses fiscales en 2014

Comme le détaille le tableau ci-après, le PLF 2014 propose de créer quatre nouvelles dépenses fiscales pour un montant total de 229 millions d'euros en 2014 (dont 150 millions d'euros au titre de l'abattement exceptionnel de 25 % sur les plus-values de cessions immobilières, et 75 millions d'euros résultant de l'abattement majoré sur les plus-values de titres acquis moins de dix ans après la création de PME). Il tend par ailleurs à majorer d'autres dépenses fiscales pour un montant cumulé de 370 millions d'euros, dont 355 millions d'euros au titre d'une extension de l'application du taux réduit de TVA. L'ensemble des créations et augmentations de dépenses fiscales résultant des dispositions du projet de loi de finances pour 2014 s'élève donc à 599 millions d'euros .

Tableau n° 50 : Les mesures affectant le coût des dépenses fiscales
depuis la LFI 2013

(en millions d'euros, hors mesures inférieures à 0,5 million d'euros)

2013

2014

2015

2016

Mesures intervenues depuis la LFI 2013

Suppressions et réductions

Taxation des plus-values sociétés de capital-risque

6

6

6

Abattement de 20 % en 2013 sur plus-values de cession de biens immobiliers autres que des terrains à bâtir

260

0

0


0

Réduction du taux d'imposition des plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières ou droits sociaux par contribuables domiciliés dans les départements outre-mer

2

2

2

Réduction de droits en raison du nombre d'enfants du déclarant

36

36

36

36

Réforme des taux de TVA

950

950

950

Créations et augmentations

Taxation sur option des plus-values au taux de 19 % s

-85

0

0

0

Crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi

-9 760

-15 760

-17 300

Abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de condition modeste

-23

-23

-23

-23

Réduction d'impôt au titre des cotisations versées aux organisations syndicales représentatives de salariés

-10

-10

-10

-10

Réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire de petites sociétés créées depuis moins de 5 ans

-130

-130

-130

Réduction d'impôt au titre de la souscription de parts de fonds communs de placement dans l'innovation

-25

-25

-25

Réduction d'impôt au titre de la souscription de parts de FIP

-25

-25

-25

Prorogation du crédit d'impôt remplacement pour congés de certains exploitants agricoles

-11

-11

-11

Réduction d'impôt au titre de la souscription de parts de FIP dans des entreprises corses

-11

-11

-11

Réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur de la location meublée non professionnelle du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2016

-30

-30

-30

Réduction d'impôt sur le revenu en faveur du Scellier outre-mer et Scellier intermédiaire outre-mer

-28

-28

-28

Crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique

-17

-17

0

Crédit d'impôt en faveur des maîtres-restaurateurs

0

-3

0

0

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

0

-7

0

0

Crédit d'impôt pour la production phonographique

-9

-9

-9

Réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

-1

0

0

Crédit d'impôt pour dépense de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutives

-12

-12

-12

Remboursement partiel en faveur des agriculteurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

-120

0

0

0

Dégrèvement CAP en faveur des personnes de condition modeste au titre des droits acquis

-46

-46

-46

Total mesures antérieures au PLF 2014

58

-9 154

-15 143

-16 666

Mesures du PLF 2014

Suppressions et réductions

Réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement secondaire

235

235

235

Réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement supérieur

205

205

205

Exonération du salaire différé de l'héritier d'un exploitant agricole

1

1

1

Exonération majorations de retraite des personnes ayant au moins 3 enfants

1 200

1 200

1 200

Exonération plus-values pour cessions de droits sociaux à l'intérieur d'un groupe familial

22

22

Exonération plus-values de cessions de titres jeunes entreprises innovantes ou jeunes entreprises universitaires

2

2

Exonération dans la limite de 1 550 euros des rémunérations perçues par l'ancien chef d'entreprise individuelle pour formation du repreneur

1

1

1

Imputation des déficits réalisés à l'étranger par une PME française

1

1

1

Exonération plafonnée de taxe intérieure de consommation

85

130

290

Exonération taxe intérieure de consommation sur gaz naturel des ménages et réseaux de chaleur

190

250

250

Exonération plus-values immobilières lors de la première cession de l'habitation

2

4

4

4

Exonération plus-values de cession par titulaires de pensions de vieillesse ou de carte d'invalidité dont les revenus n'excèdent pas une certaine limite

3

5

5

5

Exonération plus-values immobilières au titre de la première cession d'un logement sous condition

5

10

10

10

Taux réduit de taxe intérieure de consommation sur gazole sous condition d'emploi

60

85

85

Créations et augmentations

Abattement exceptionnel de 25 % sur plus-values de cession de biens immobiliers autres que terrains à bâtir intervenues entre 1 er septembre 2013 et 31 août 2014

-50

-150

0

0

Abattement majoré appliqué aux plus-values de cessions de titres acquis moins de 10 ans après la création d'une PME

-75

-80

-80

Amortissement accéléré des robots acquis par des PME

-4

-12

-22

Taux de TVA de 10 % dans le logement intermédiaire

-45

-45

Eco prêt à taux zéro

-16

-38

Taux de 7 % applicable aux terrains à bâtir achetés par des organismes HLM ou personnes bénéficiaires de prêts spécifiques pour la construction de logements sociaux à usage locatif

-30

-30

-47

Taux de 7 % pour certaines opérations de construction et de rénovation de logements

-310

-275

-408

Taux de 7 % (5 % à compter du 1 er janvier 2014) applicable aux logements en accession sociale à la propriété dans les quartiers en rénovation urbaine

-15

-10

-20

Exonération de taxe intérieure de consommation sur le charbon pour les entreprises de valorisation de la biomasse

-2

-7

-13

Exonération de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou combustible pour le transport de marchandises sur les voies navigables intérieures

-1

-2

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers

-76

-230

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs

-8

-24

Remboursement partiel en faveur des agriculteurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

-113

-180

Exonération TH en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste

-10

-10

-10

Total des mesures du PLF 2014

-40

1 398

1 408

1 102

Solde global

18

-7 756

-13 735

-15 564

Solde global hors TICPE

18

2 004

2 025

1 736

Mode de lecture : les montants indiqués correspondent à la variation cumulée (accroissement ou diminution) des dépenses fiscales par rapport à la première année de référence . Un signe (-) représente un coût, et un signe (+) une économie.

Source : commission des finances, d'après l'annexe "Voies et moyens" au projet de loi de finances pour 2014

En sens inverse, il est proposé de supprimer ou diminuer des dépenses fiscales pour un montant global de 1 997 millions d'euros en 2014 . Trois suppressions de dépenses fiscales atteignent un montant cumulé de 1,64 milliard d'euros : la réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement secondaire (235 millions d'euros) et supérieur (205 millions d'euros) 105 ( * ) ; l'exonération des majorations de retraites ou de pension des personnes ayant eu ou élevé au moins trois enfants (1,2 milliard d'euros).

Compte tenu des créations et augmentations d'une part, des suppressions et diminutions proposées d'autre part, les mesures nouvelles du PLF 2014 tendent ainsi à diminuer le montant des dépenses fiscales de 1,398 milliard d'euros.

Hors CICE, les mesures nouvelles antérieures au PLF 2014 ont un impact global de - 606 millions d'euros, portant le solde des mesures nouvelles sur les dépenses fiscales à - 2,004 milliards d'euros.

Hors CICE, le montant des dépenses fiscales dans le PLF s'établit à 70,255 milliards d'euros, en diminution (- 1,761 milliard d'euros) par rapport à 2013. La différence avec le solde des mesures nouvelles correspond à l'évolution spontanée des dépenses fiscales (+ 243 millions d'euros).

2. Un processus d'évaluation systématique des dépenses fiscales

L'article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 dispose que les dispositifs dérogatoires de prélèvements obligatoires doivent faire l'objet d'une évaluation régulière de leur efficience et de leur efficacité, chaque année par cinquième, ainsi que pour l'ensemble des dispositifs qui cesseront de s'appliquer dans un délai de douze mois.

En réponse au questionnaire de votre rapporteur général, le Gouvernement a apporté les précisions suivantes sur le processus d'évaluation qui a été conduit en application de ces dispositions :

« Cette procédure a pris la forme de conférences fiscales organisées en parallèle des conférences budgétaires et avec le même niveau de représentation. Ces conférences ont associé chacun des ministères responsables d'une politique publique et le ministère des finances au travers de la Direction de la législation fiscale et de la direction du budget.

« Les responsables de programme ont été invités à présenter dans ce cadre et dans le respect de l'objectif de stabilisation en valeur des dépenses fiscales, des propositions de réduction ou de suppression de dépenses fiscales relevant de leur périmètre. Ces propositions ont dû être justifiées sur la base des évaluations disponibles ou établies par le responsable de programme. Ces conférences ont ainsi été l'occasion de faire le point sur les actions menées par les responsables de programme à la suite de la publication en 2011 du rapport d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales piloté par l'Inspection générale des finances (IGF). Les responsables de programme se sont ainsi prononcés sur le maintien, la suppression ou l'aménagement des dépenses fiscales relevant de leur compétence au regard de leur efficience et de leur efficacité.

« Les éléments tirés des conférences fiscales ont vocation à documenter l'évaluation en continu de l'ensemble des dépenses fiscales, dans une logique de proportionnalité avec les enjeux soulevés par le rapport de l'IGF.

« Certaines dépenses fiscales importantes ont fait l'objet de travaux spécifiques dans le cadre du CIMAP 106 ( * ) notamment ou via le recours aux corps d'inspection. Ces travaux et ceux menés par la Cours des Comptes ont contribué à alimenter le processus d'évaluation des dépenses fiscales concernées et l'élaboration du projet de loi de finances pour 2014.

« On peut citer, comme exemple de ces travaux, la large concertation engagée par le Gouvernement sur la réforme des régimes de défiscalisation outre-mer. De la même manière le rapport Queyranne « pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité », piloté par l'IGF, a passé en revue l'ensemble des dépenses fiscales au bénéfice des entreprises ».

Lors de son audition par la commission des finances, le 1 er octobre 2013, pour présenter le PLF 2014, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué au budget a indiqué que les travaux d'évaluation seraient transmis au Parlement d'ici la fin de l'année :

« Nous avons mis en place des conférences fiscales qui ont aidé à supprimer des niches fiscales inefficaces. Nous nous livrons à un travail d'évaluation permanent. Les évaluations seront transmises à la commission et leurs résultats seront connus au plus tard à la fin de l'année ».

Votre commission prend acte du fait que le processus d'évaluation est encore en cours. Il est souhaitable que le Parlement , qui sera amené à se prononcer sur les suppressions de certaines niches fiscales à l'impact plus significatif que celles figurant à l'article 17 du PLF, puisse effectivement disposer de l'ensemble des éléments d'appréciation, et donc des évaluations conduites dans le cadre des conférences fiscales ainsi mises en place .


* 100 Henri Guillaume, rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.

* 101 Cette évaluation a été conduite en application de l'article 13 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui disposait que « dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de toute [dépense fiscale ou niche sociale], le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur au 1 er janvier 2009, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011 ».

* 102 Depuis la remise du rapport, les travaux se sont poursuivis pour identifier le périmètre exact des niches fiscales et sociales, tendant ainsi à en élargir le champ (hors CICE, les dépenses fiscales s'élèvent à 68,9 milliards d'euros dans le PLF 2014, contre l'estimation de 60 milliards d'euros alors retenue en 2011).

* 103 70,255 milliards d'euros à périmètre 2014.

* 104 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 105 Ces deux réductions d'impôt ont été supprimées lors des discussions à l'Assemblée nationale.

* 106 Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique.

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