EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Richard Yung et Roland du Luart, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État » et a entendu une communication sur leurs contrôles budgétaires relatifs aux modalités de recrutement et aux conditions d'exercice des enseignants à l'étranger, et aux projets de regroupement immobilier des représentations diplomatiques.

M. Richard Yung, rapporteur spécial . - 2014 sera une année de réduction de crédits pour de nombreuses missions. La mission « Action extérieure de l'État » ne fait pas exception.

Le budget global de la mission, de l'ordre de 3 milliards d'euros, est en baisse de 0,7 %, à périmètre constant et en euros courants. Les crédits sont ainsi légèrement inférieurs à l'annuité 2014 prévue par la dernière loi de programmation des finances publiques.

Les emplois diminuent également, d'environ 2 %, avec une perte de 290 équivalents temps plein (ETP) pour un plafond de 14 505 ETP en 2014.

Le ministère des affaires étrangères (MAE) a donc dû faire des choix, qu'on imagine parfois difficiles, en préparant ce budget et ce sont ces arbitrages que je me propose de mettre en lumière pour deux des trois programmes de la mission (tandis que Roland du Luart nous présentera le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde »).

Tout d'abord, les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » augmentent de 5 % par rapport à 2013, en net contraste avec les deux autres programmes.

Certes, une partie de l'augmentation est « subie » par le MAE : d'une part, sur ce programme comme ailleurs, les charges de personnel augmentent alors même que les effectifs diminuent, sous l'effet de facteurs inflationnistes propres aux personnels basés à l'étranger ; d'autre part, 2014 sera une année électorale et 6 millions d'euros seront budgétés à ce titre (4 millions pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger et 2 millions pour les élections européennes).

Mais deux véritables choix du Gouvernement sont à souligner - et même, de mon point de vue à saluer.

Je pense à la préservation des crédits d'aide sociale à destination de nos compatriotes établis hors de France. La ligne budgétaire correspondante (19,8 millions d'euros) est intégralement maintenue dans ce projet de loi de finances.

Je pense surtout à l'aide à la scolarité des élèves français étudiant dans des établissements français du premier ou du second degré situés à l'étranger. Vous vous souvenez probablement des débats que nous avons eus pendant plusieurs années autour de l'ancienne prise en charge des frais de scolarité (PEC) des lycéens. Quand l'actuel Gouvernement a décidé la suppression de la PEC, dans le cadre du collectif budgétaire de l'été 2012, il a promis d'étendre les bourses scolaires à caractère social dans le but de « rattraper » budgétairement la fin de la prise en charge entre 2013 et 2015. Aujourd'hui, je suis heureux de constater que, même dans un contexte budgétaire difficile, le Gouvernement tient son engagement : les crédits affectés aux bourses progresseront ainsi sensiblement, passant de 110,3 millions d'euros à 118,8 millions.

Pour ce qui concerne le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », la baisse des crédits s'élève à 3 %.

Cela peut se comprendre, dès lors qu'une large part des crédits est destinée à des opérateurs de l'Etat, lesquels sont désormais invités à participer aux nécessaires efforts financiers à fournir. L'Institut français, Campus France et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) verront donc chacun leurs crédits diminuer en 2014.

Un simple mot sur l'AEFE, dont les crédits diminueront de 8,5 millions d'euros pour s'établir à 420 millions d'euros : le Gouvernement m'a indiqué que l'essentiel de la baisse sera, en fait, « absorbée » par la stabilisation du taux de cotisation patronale au CAS pensions - alors qu'une augmentation de 1,34 % était initialement programmée. Je prends acte de ces explications. Pour autant, il me semble important de préserver pleinement les moyens d'action de l'AEFE, en cohérence avec la priorité donnée par le Président de la République à l'éducation et à la jeunesse. Un volet de l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure a pour objet de marquer symboliquement cette préoccupation.

Ces considérations m'amènent à évoquer mes travaux de contrôle, qui ont justement porté sur les conditions de recrutement et d'emploi des enseignants français à l'étranger.

Le décret du 4 janvier 2002 prévoit deux catégories de fonctionnaires détachés au sein des établissements d'enseignement français à l'étranger :

- d'une part, les personnels expatriés, au nombre de 1 126 au 31 décembre 2012, qui sont recrutés par un contrat d'une durée de trois ans, renouvelable expressément deux fois pour une durée d'un an. Ces postes sont avant tout destinés aux missions d'encadrement, de formation et de contrôle. Une lettre de mission est jointe à leur contrat. Outre leur rémunération indiciaire, les personnels concernés perçoivent une prime d'expatriation ;

- d'autre part, les personnels résidents. Au nombre de 5 372 fin 2012, ils sont censés être « établis dans le pays depuis trois mois au moins à la date d'effet du contrat ». Sont également considérés comme résidents les fonctionnaires qui, pour suivre leur conjoint expatrié, résident dans le pays d'exercice ou de résidence de ce conjoint. Les résidents perçoivent, outre leur rémunération indiciaire, une indemnité spécifique de vie locale (ISVL) en fonction du pays où ils exercent ainsi qu'un avantage familial. Les contrats, d'une durée de trois ans, sont renouvelables tacitement sans limitation dans le temps. Cela est regrettable car des enseignants qui ne rentrent pas ne peuvent faire profiter l'éducation nationale de leur expérience et, comme nous le verrons, cela n'incite pas tous les recteurs à se montrer à autoriser les détachements demandés.

Si, globalement, le système fonctionne correctement (ce que montre l'attractivité de notre réseau d'établissements), mon attention a été attirée sur plusieurs types de problèmes.

Des problèmes d'effectifs : le nombre d'élèves scolarisés à l'étranger, parmi lesquels on compte environ 60 % de non-Français bien utiles pour le financement des établissements et pour l'influence de notre pays, croît. Par exemple, à la rentrée 2011, une progression de 3,8 % du nombre d'élèves a été enregistrée. Or le plafond d'emplois de l'AEFE n'augmente pas, ce qui pourrait, à terme, créer des tensions.

Des problèmes de recrutement : il ressort des auditions que j'ai menées que, quelle que soit la nature des postes visés (expatriés ou résidents), les recteurs, qui ne sont pas partie prenante du processus de sélection, disposent en pratique d'un droit de veto sur le détachement envisagé. Or ces refus deviendraient plus fréquents, notamment dans certaines académies qui connaissent elles-mêmes des tensions en termes d'effectifs, surtout dans les disciplines scientifiques.

Des problèmes liés à la répartition des effectifs : la proportion de personnels détachés dans le corps enseignant est très variable d'un établissement à l'autre, allant de moins de 10 % à plus de 80 %. De plus, la situation actuelle est bien davantage le reflet de situations « historiques » que liée aux réels besoins de chaque établissement. Si les écarts devaient se maintenir ou se creuser, l'image du réseau pourrait en être affectée.

Enfin, des organisations représentatives du personnel soulignent certaines difficultés statutaires, concernant, en particulier, le vide juridique dans lequel les futurs résidents se trouvent pendant les trois mois au cours desquels ils ne peuvent justement pas être considérés comme résidents, ou encore la situation de certains conjoints de résidents qui souhaiteraient eux-mêmes bénéficier de ce statut.

Face à cela, plusieurs types de solutions peuvent être envisagés.

Tout d'abord, il me semblerait équitable que l'AEFE soit pleinement incluse dans la priorité donnée à l'éducation nationale par le Gouvernement. Je vous rappelle, à cet égard, que la première mission que l'article L. 452-2 du code de l'éducation assigne à l'AEFE est « d'assurer, en faveur des enfants français établis hors de France, les missions de service public relatives à l'éducation ». Dès lors il n'y a pas de raison d'exclure l'agence du périmètre de la création de 60 000 emplois dans l'enseignement sur la durée de la législature fixée la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. La création de 100 à 150 postes par an d'ici à 2017 correspondrait à la « quote-part » de l'AEFE au sein du système éducatif et permettrait de répondre aux besoins.

Pour autant, un accroissement des emplois devrait être envisagé dans un cadre pleinement optimisé. A cet égard, il est indispensable d'introduire de la souplesse au sein du système, la direction de l'AEFE devant être capable de répartir les effectifs sous statut en fonction des besoins. Cela n'est pas facile et nécessitera une forte volonté politique.

S'agissant des vetos opposés par certains recteurs à des détachements, je considère qu'ils peuvent se comprendre dès lors qu'un départ sous statut de résident se traduit par un départ éventuellement définitif de la personne détachée. Afin de remédier à cela, une piste pourrait être la limitation du nombre de renouvellement des contrats de résidents, au moins pour les contrats futurs. Accessoirement, une meilleure connaissance mutuelle de deux univers qui s'ignorent trop souvent pourrait passer par des opérations de type « jumelage » entre les établissements d'un pays et une académie.

Enfin, à plus long terme, au sujet des statuts, la piste de l'élaboration d'un statut unique ou au moins d'un rapprochement des statuts pourrait être avancée, d'autant que la différence entre expatriés et résidents est souvent assez artificielle.

À l'issue de cet examen et de cette communication, et avant que Roland du Luart n'évoque le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », modifiés par un amendement co-signé des deux rapporteurs et que je vous présenterai tout à l'heure de manière plus détaillée.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial . - Les crédits du programme 105 diminuent de 1 % à périmètre constant.

Néanmoins, cette diminution a été favorisée par la baisse tout à fait notable des contributions internationales de la France : les crédits alloués au MAE à cet effet seront en retrait de 42,5 millions d'euros par rapport à 2013. Dans ce total, ce sont les opérations de maintien de la paix (OMP) qui évoluent le plus favorablement (- 26,5 millions d'euros) mais l'ensemble des contributions du système des Nations Unies diminueront.

A ce stade, je n'ai pas d'observation particulière à formuler quant à la sincérité de cette ligne, qui est une dépense « de constatation ». Nous devrons néanmoins nous montrer très attentifs sur son exécution, tant il serait dommageable d'en revenir à la pratique passée de sous-budgétisation délibérée des contributions qu'Adrien Gouteyron avait si souvent dénoncée.

En termes de choix opéré par le Gouvernement, la priorité du programme concerne la sécurisation des postes situés à l'étranger.

Cette priorité trouve une traduction concrète dans ce budget, avec une augmentation de plus de 10 millions d'euros de cette ligne, qui passe de 31,1 millions d'euros à 41,8 millions. De plus, hors budget, ces dépenses de sécurisation bénéficieront de l'apport de 10 autres millions d'euros en provenance du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui porte le produit des cessions effectuées par le MAE à l'étranger.

Je ne peux, bien sûr, qu'approuver cette orientation, tant les tensions se sont accrues dans certaines parties du monde et tant l'actualité a montré, ces dernières années, que des ambassades ou des consulats pouvaient être la cible d'opérations terroristes.

Quant au fait de solliciter le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » à cet effet pour 10 millions d'euros, je n'ai pas d'opposition particulière à formuler, la dépense n'étant pas sans relation avec l'objet du CAS dont je rappelle qu'il finance les acquisitions mais aussi, en grande partie, l'entretien immobilier lourd du MAE à l'étranger.

En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur la ponction « exceptionnelle » de 22 millions d'euros que doit subir le CAS au titre du désendettement de l'Etat. Cette dernière dépense apparaît beaucoup plus discutable au vu des réels besoins d'entretien du propriétaire que j'ai pu observer dans de nombreux postes diplomatiques ou consulaires. À cet égard, je voudrais juste rappeler que, jusqu'à fin 2014, les immeubles situés à l'étranger font exception au principe d'affectation de 30 % du produit des cessions au désendettement. Néanmoins, les lois de finances successives ont largement utilisé ce « privilège » du MAE afin de réduire, voire parfois d'annuler purement et simplement, les crédits budgétaires dévolus à l'entretien du propriétaire de ses immeubles de l'étranger. Ainsi, pour 2014, seuls 2,2 millions d'euros seront affectés à cet usage, alors que le besoin annuel est de l'ordre de 12 millions d'euros.

De ce point de vue, la « contribution exceptionnelle » de 2014 constitue une entorse au contrat.

Mais, au-delà de l'enjeu immédiat, la véritable question est celle de l'avenir de ce système après 2014. Pour ma part, je serai très attentif au caractère réaliste de la solution pérenne qui devra être trouvée d'ici un an, tant il serait de courte vue de réaliser des « économies » qui se traduiront, à plus ou moins long terme, par une dévalorisation du patrimoine de l'État. Est-il ainsi normal que, faute de réfection de la toiture, il pleuve dans la villa Bonaparte, à Rome, qui abrite notre ambassade près le Saint-Siège ?

À titre beaucoup plus ponctuel, je tiens à me féliciter du déblocage du dossier des locaux des anciennes archives du Quai d'Orsay, vides depuis plusieurs années, dont je vous avais parlé l'année dernière. Selon les informations transmises par le MAE, ce ministère devrait bénéficier d'un financement de 24 millions d'euros sur les 30 millions nécessaires à l'importante opération de réaménagement qui s'impose. Le solde devrait être obtenu, notamment, au moyen de la cession de deux immeubles en France, pour lesquels le MAE devrait bénéficier de la totalité du produit.

Je vais à présent vous faire une brève restitution de mes travaux de contrôle, qui ont porté sur les possibilités d'optimisation du parc immobilier national dans les villes où nous disposons de plusieurs représentations.

Ces travaux m'ont conduit à Rome et à Bruxelles.

Le rapport écrit expose, de manière synthétique, le patrimoine immobilier de l'État dans ces deux villes. La richesse et la diversité de ce patrimoine à Rome apparaît bien, entre le palais Farnese, où se situe l'ambassade près la République italienne, où l'État dispose d'un bail emphytéotique jusqu'en 2035, à la grande satisfaction des autorités italiennes, la villa Bonaparte, où est logée notre ambassade près le Saint-Siège, dont la République est propriétaire et les locaux de la représentation permanente auprès de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA, en anglais FAO), dont nous sommes locataires.

Il détaille également le patrimoine bruxellois, assez riche lui aussi puisque la France est représentée à Bruxelles par pas moins de quatre ambassadeurs ou représentants permanents. La chancellerie bilatérale, la résidence de l'ambassadeur et le consulat général forment un ensemble d'un seul tenant dont la République est propriétaire - sans en avoir pourtant la pleine jouissance, la cession de l'immeuble semblant proscrite car il a été légué à la France sous condition qu'elle y situe son ambassade auprès du roi des Belges. La représentation auprès des différentes instances communautaires forme un autre bloc dont la République est également propriétaire. Les deux représentations permanentes y sont logées. S'agissant des résidences des représentants permanents, il s'agit d'appartements loués par la France. La représentation auprès de l'OTAN forme un univers à part, d'ailleurs éclaté. La représentation permanente a ses bureaux au sein même du siège de l'Alliance, alors que l'ambassadeur est logé dans une vaste maison possédée par le MAE mais qui se situe à environ une heure de route de la représentation.

Lors de mes déplacements, j'ai constaté un véritable souci d'optimisation de ces importants parcs immobiliers.

Cela se retrouve tout d'abord dans les organigrammes des représentations. Ainsi, à Bruxelles comme à Rome, un service commun de gestion a été créé. Dans un cas comme dans l'autre, ces services, qui dépendent formellement de l'ambassadeur bilatéral mais servent l'ensemble des représentations, ont compétence dans la gestion de la totalité du parc immobilier de la ville, et même du pays où ils sont implantés. Ils agissent, de ce point de vue, en liaison avec la direction des immeubles et de la logistique du MAE.

Il s'agit d'un point fondamental car seule une telle organisation offre la vision globale qui permet d'entrer dans de réelles démarches d'optimisation et de mutualisation.

En outre, d'importantes opérations ont été menées ou sont en cours. Je me limiterai à l'exemple de la Belgique, où on relève :

- la vente récente des deux consulats généraux à Liège et à Anvers afin de regrouper l'ensemble des services au seul consulat général à Bruxelles ;

- la cession en cours de la résidence du représentant permanent auprès de l'OTAN. Celui-ci sera relogé dans une résidence moins grande et moins onéreuse, par ailleurs plus près du siège de l'OTAN. Mais il pourra, lorsque cela sera nécessaire, utiliser les capacités de réception de la résidence de l'ambassade bilatérale ;

- la fin de la location d'une résidence pour le représentant permanent adjoint auprès de l'Union européenne. Celui-ci peut utiliser les capacités de la représentation permanente elle-même.

Pour autant, des marges de progression demeurent.

D'une part, paradoxalement et sauf exception, les pays dans lesquels sont situés les villes où la France dispose de plusieurs représentations ne font pas l'objet d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI). Il me semble au contraire nécessaire que les SPSI du ministère des affaires étrangères concernent prioritairement ces pays, à commencer par l'Italie, où les immeubles dont dispose la France sont d'une particulière importance. Ces schémas devront bien entendu aborder toutes les questions sans tabou afin d'être pleinement efficaces. Pour en revenir à l'exemple de Rome, il conviendra de se demander s'il est bien raisonnable qu'un tiers du Palais Farnese soit occupé par une bibliothèque, celle de l'École française de Rome, alors que certains services sont excentrées ou même que la représentation permanente auprès de l'OAA pourrait aisément y trouver sa place - d'autant que l'École française de Rome a eu récemment les moyens d'acquérir des locaux relativement vastes situés piazza Navona pour plus de 5,5 millions d'euros sans qu'au demeurant on puisse y faire venir des livres. On y loge donc plutôt des chercheurs pour un prix modique. La bibliothèque de cet établissement serait sans doute plus à sa place au sein de la Villa Médicis, endroit de prestige au sein duquel des espaces sont encore disponibles.

D'autre part, j'ai pu constater que, dans certains endroits, notamment à Bruxelles, des projets immobiliers tout à fait pertinents sont arrêtés au milieu du gué. C'est ainsi que la rénovation de la résidence de l'ambassadeur de France en Belgique n'a pas concerné le dernier étage, où l'eau de pluie s'écoule en certains endroits, rendant les lieux impropres à accueillir des personnalités en visite sur place ainsi que leurs collaborateurs. Ce n'est pas de la bonne gestion. En outre, faute de disponibilité d'un budget d'environ 28 000 euros, le consulat général à Bruxelles, qui est l'un des plus importants du monde, n'a pas deux sas séparés pour les entrées et les sorties, ce qui pose d'évidents problèmes en termes d'accueil du public et de sécurité.

Il m'apparaît tout à fait dommageable de ne pas octroyer aux postes concernés les moyens financiers permettant d'achever ce genre d'opérations. Cela renforce mes interrogations sur l'opportunité de ponctionner le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » de 22 millions d'euros alors même que les besoins de base du ministère ne peuvent être satisfaits en certains endroits.

Sous le bénéfice de ces observations, à l'issue de cet examen, je ne m'opposerai pas à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » car le MAE a donné des signaux de rigueur budgétaire. En outre, je soutiendrai l'adoption de l'amendement que Richard Yung nous présentera et que j'ai co-signé car j'approuve son action relative aux ambassadeurs thématiques.

M. François Marc, rapporteur général . - Je n'ai rien à ajouter à la très bonne présentation du budget de cette mission par les rapporteurs spéciaux.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangère, de la défense et des forces armées . - Je suis inquiet pour ce qui concerne la sécurité de nos postes à l'étranger. J'avais ainsi exprimé des craintes s'agissant de notre ambassade à Tripoli, qui a, depuis lors, été la cible d'un grave attentat en avril dernier. Il est du devoir de la France d'assurer la sécurité des personnels qu'elle envoie la représenter partout dans le monde.

M. François Trucy . - Les années passent mais les documents budgétaires restent difficiles à lire... Je voudrais simplement revenir sur le sujet des ambassades européennes. Nous avions imaginé qu'au fil du temps, des représentations de l'Union pourraient parfois se substituer à celles de pays membres. Or ce sujet n'avance visiblement pas. Que peuvent dire les rapporteurs spéciaux là-dessus ?

M. Albéric de Montgolfier . - J'approuve, moi aussi, l'augmentation des crédits destinés à la sécurisation de nos postes.

Sur la question immobilière en général, je me souviens avoir entendu Yves Saint-Geours, directeur général de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères, se réjouir de certaines belles opérations de cession passées lors de son audition par notre commission, le 5 juin dernier. Mais si le produit de ces cessions n'est pas utilisé convenablement, c'est-à-dire à l'achat de nouveaux biens ou à la rénovation de notre parc, je pense que nous menons une politique à courte vue.

M. Joël Bourdin . - Pour revenir sur le sujet des ambassadeurs, j'ai rencontré, lors d'un déplacement à Ouagadougou avec l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) notre ambassadeur bilatéral, ce qui est normal, mais aussi un représentant de l'Union européenne également francophone et un « ambassadeur délégué pour le Sahel ». Je me demande si cela ne fait pas un peu trop.

Monsieur Yung, vous avez évoqué l'AEFE, mais vous n'avez pas parlé du centre national d'enseignement à distance (CNED), dont les services sont pourtant utilisés par de nombreux jeunes à l'étranger. Il s'agit vraiment d'un bel outil.

M. Vincent Delahaye . - Je prends acte de la réduction des crédits de la mission. Pour autant, nous n'avons pas de vision d'une véritable réforme des implantations par le ministère des affaires étrangères.

Par ailleurs, je rejoins François Trucy dans sa critique des documents budgétaires, que je trouve, moi aussi, difficiles à lire. Ne pourrait-on avoir un tableau dressant la liste des postes et mettant, en face de chacun d'eux, ses emplois, ses moyens immobiliers, son budget, etc. ?

A propos de l'immobilier, là encore, je trouve qu'une réflexion d'ensemble fait défaut. De plus, Monsieur du Luart, je suis surpris du montant des travaux que vous avez annoncés pour la rénovation de l'ancien local des archives du ministère.

M. André Ferrand . - Je rejoins sur de nombreux points les constats formulés par les rapporteurs spéciaux, qu'il s'agisse de l'immobilier à Bruxelles ou des enseignants à l'étranger. Richard Yung a raison d'insister sur les difficultés de recrutement de l'AEFE et sur la nécessité d'assouplir son plafond d'emplois. Il n'y a pas de raisons pour que l'enseignement français à l'étranger n'entre pas dans le plan de création de 60 000 postes au cours du quinquennat. Je m'interroge simplement sur le statut des personnels embauchés dans le réseau de la mission laïque française (MLF), opérateur privé qui oeuvre également en matière d'enseignement hors de France.

D'autre part, quand j'observe que, d'un côté, on augmente de 8,5 millions d'euros les bourses scolaires mais qu'en parallèle, on diminue de la même somme les crédits budgétaires de l'AEFE, je me dis que la hausse des bourses n'est qu'un trompe-l'oeil et que la suppression de la PEC sera financée, en réalité, par les familles.

M. Philippe Dominati . - J'ai apprécié la présentation des rapporteurs. Néanmoins, je suis frustré quand j'entends qu'une partie significative de la baisse des crédits de 2014 viendra de la diminution des contributions internationales. Dès lors, le MAE n'aurait-il pas pu aller plus loin dans ses efforts ?

Pour ma part, je soutiens l'abondement de 22 millions du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » au désendettement en me disant que, de toute façon, en cas de nécessité absolue, les crédits d'État ne feront pas défaut.

D'ailleurs, quand j'entends Roland du Luart décrire l'état de certains postes, je me demande si, à Bruxelles par exemple, nous ne ferions pas mieux d'avoir une belle ambassade plutôt que trois postes en mauvais état. Comment font nos voisins ?

M. Francis Delattre . - Une seule question, portant sur les représentants spéciaux mandatés par le ministre pour développer nos relations économiques avec certains pays. Comment fonctionne ce système ? Les missions de certains services du MAE ne font-elles pas doublon avec celles d'Ubifrance, au risque que les uns et les autres se marchent sur les pieds ?

M. Philippe Marini, président . - Je relève que, dans la note de présentation, Richard Yung évoque l'hypothèse d'utiliser des directeurs d'Ubifrance comme consuls honoraires.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial . - Le problème de fond qui affleure sous les questions d'un grand nombre d'intervenants est celle de l'universalité du réseau. Vous savez que celui-ci est vaste : 163 ambassades bilatérales et 16 représentations permanentes. Le choix du ministre Laurent Fabius est de conserver ce système, quitte à réduire sensiblement le format de certains postes, les « postes de présence diplomatique ». J'avoue avoir moi-même évolué sur cette question : mieux vaut sans doute être présents, fût-ce de manière légère, plutôt qu'être absents.

S'agissant de l'ancien local des archives, la somme de 30 millions d'euros peut impressionner mais les travaux à effectuer sont considérables. De plus, ils nécessitent l'intervention des architectes des bâtiments de France.

Sur le plan immobilier, le conseil de l'immobilier de l'État, au sein duquel je siège en compagnie d'Albéric de Montgolfier, voit passer les dossiers du ministère. Aujourd'hui, l'essentiel des « bijoux de famille » a été vendu, hormis la résidence de notre représentant auprès de l'Organisation des Nations Unies (ONU) à New-York.

Dans les villes où nous disposons de plusieurs postes, mes travaux m'ont montré qu'il est, en pratique, très compliqué de supprimer une ambassade. Nos voisins font d'ailleurs la même chose que nous, le Royaume-Uni ayant désormais, lui aussi, un poste dédié près le Saint-Siège.

Les « ambassadeurs économiques » sont encore relativement nouveaux et je ne connais pas en détail la manière dont ils travaillent.

M. Richard Yung, rapporteur spécial . - Sur le réseau, je compléterai la réponse de Roland du Luart en incluant dans l'inventaire des postes nos 190 consulats ou consulats généraux ainsi que nos quelque 500 consuls honoraires. Je vous renvoie, sur ce sujet, aux conclusions du très bon rapport que la Cour des comptes a récemment publié.

Sur la sécurité, les 20 millions d'euros de cette année représentent déjà un effort conséquent. Il est vrai qu'un tel poste peut constituer un puits sans fond...

M. Roland du Luart, rapporteur spécial . - D'où mon regret réitéré de la ponction de 22 millions d'euros sur le CAS en faveur du désendettement...

M. Richard Yung, rapporteur spécial . - A propos de la mutualisation de nos postes, c'est avant tout la résidence qui est concernée dans une ville où nous avons plusieurs représentations, et non l'ambassade. En revanche, un sujet sur lequel nous n'avançons pas, c'est bien celui de la mutualisation avec nos partenaires européens. Je plaide ainsi vainement depuis plusieurs années pour la création de bureaux communs d'octroi de visas Schengen, ce qui devrait être l'évidence, mais on trouve toujours d'excellentes raisons juridico-économico-diplomatiques pour ne rien faire.

Sur les ambassadeurs thématiques, vous verrez que je ne les choie pas particulièrement. Néanmoins, Monsieur Bourdin, je dois reconnaître que notre représentant sur le Sahel est réellement utile. D'autre part, nous ne pouvons que nous féliciter que le représentant de l'Union européenne à Ouagadougou soit francophone.

S'agissant du CNED, il a fait la preuve de son utilité, notamment auprès des élèves isolés n'ayant pas un établissement français près de chez eux. Mais le centre ne bénéficie pas de crédits de la mission et n'entre donc pas dans mon champ de compétence.

Pour ce qui concerne la MLF, les 562 titulaires de l'éducation nationale qu'elle emploie actuellement n'ont ni un statut d'expatrié ni un statut de résident au sens de ce mot dans le réseau de l'AEFE. Ces agents peuvent être soit détachés auprès de la MLF, qui les affecte ensuite dans les établissements, en particulier pour les postes au siège de la mission ou auprès d'établissements d'entreprises, soit détachés directement auprès des établissements. Cette dernière formule concerne les deux tiers des effectifs.

M. Philippe Marini, président . - J'ai moi-même pu voir les difficultés liées à des co-localisations de postes avec nos partenaires européens. Quand on construit un tel poste sur une parcelle vierge, comme au Koweït avec l'Allemagne, les choses peuvent bien se passer. Mais, au centre culturel de Ramallah, on peut observer les difficultés de gestion au jour le jour, la moquette propre du côté du pays où on a eu le budget et pas de l'autre, etc.

Merci, en tout cas, aux deux rapporteurs spéciaux pour leur présentation et leurs réponses. Avant que nous ne passions passer au vote sur les crédits la mission, Richard Yung pourrait nous présenter l'amendement dont il est le premier signataire et qui porte sur les ambassadeurs thématiques. Cher collègue, vos recommandations de l'année dernière ont-elles été prises en compte par le ministère des affaires étrangères ?

M. Richard Yung, rapporteur spécial . - Pas du tout, Monsieur le président. Je vous rappelle que nous avions souhaité une diminution du nombre d'ambassadeurs thématiques car, d'une part, le nombre de vingt-huit nous est apparu excessif et, d'autre part, les conditions de nomination de la majorité d'entre eux, parfois par simple note de service, nous ont semblé très discutables au regard des dispositions constitutionnelles qui imposent une nomination en Conseil des ministres. Or non seulement le ministère n'a pas fait le ménage mais il continue de créer de nouveaux postes - comme en matière sportive, par exemple.

Certes, mes travaux de l'an dernier ont montré que l'enjeu budgétaire est faible, seuls 750 000 euros étant affectés à ces ambassadeurs d'un genre particulier.

L'amendement est donc proportionné à cet enjeu et propose de réduire de 150 000 euros les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » afin de manifester notre vigilance sur le sujet et afin d'éviter toute dérive future.

La somme correspondante pourra utilement abonder les crédits de l'AEFE, au sein du programme « Diplomatie culturelle et d'influence ».

La commission a adopté l'amendement proposé par MM. Richard Yung et Roland du Luart, rapporteurs spéciaux puis a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », ainsi modifiés.

*

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a décidé de confirmer sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par son amendement.

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