DEUXIÈME PARTIE : ANALYSE PAR PROGRAMME

L'analyse des programmes de la mission ne constitue pas une description exhaustive des dispositifs et des crédits qui leur sont consacrés 9 ( * ) . Elle se concentre en effet sur les questions faisant l'objet d'un suivi particulier par vos rapporteurs spéciaux et votre commission des finances .

I. LE PROGRAMME 154 « ECONOMIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L'AGRICULTURE, DE LA PÊCHE ET DES TERRITOIRES »

(Rapporteur spécial : Yannick BOTREL)

A. UN PROGRAMME QUI REPRÉSENTE LA MOITIÉ DES CRÉDITS DE LA MISSION

Le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires ». Doté de plus de la moitié des crédits de la mission, il est le support privilégié de la politique d'intervention du ministère en faveur du monde agricole . Il intervient en complément des financements du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), qui, en France, représentent respectivement de 8,5 milliards et 900 millions d'euros par an.

1. Principales évolutions constatées sur les crédits

Dépourvu de dépenses de personnel, le programme 154 est composé à 82,5 % de crédits d'intervention (1,2 milliard d'euros) et à 17,5 % de crédits de fonctionnement (254 millions d'euros).

Il voit ses crédits baisser de 18 % en AE et de 9 % en CP, pour s'établir à 1,46 milliard d'euros en AE et 1,63 milliard d'euros en CP. Plus que les moindres moyens alloués aux opérateurs du programme ou la logique interministérielle d'économie sur les dispositifs d'intervention , cette évolution s'explique surtout par l'évolution des cofinancements communautaires (299 millions d'euros d'économie sur le programme) ainsi que par le coût réduit de 30 millions d'euros en 2014 du dispositif d'exonération de cotisations sociales des TO-DE du secteur agricole 10 ( * ) . Selon le Gouvernement, ces deux éléments réduiraient donc à eux-seuls les crédits du programme 154 de 329 millions d'euros .

L' augmentation des cofinancements communautaires concerne surtout les crédits dédiés à la prime à la vache allaitante (165 millions d'euros d'économie en 2014), l' indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN, qui permet d'économiser 72 millions d'euros sur le budget national) et les aides à l'installation (62 millions d'euros d'économie en 2014).

Répartition par action et par titre des AE du programme 154

(en millions d'euros et en %)

Action

Titre 2 Personnel

Titre 3 Fonctionnement

Titre 5 Investissement

Titre 6 Intervention

Total

%

11 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés

-

0,2

-

236,09

236,29

16,21%

12 - Gestion des crises et des aléas de la production

-

-

-

29,12

29,12

2,00%

13 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles

-

-

-

133,02

133,02

9,12%

14 - Gestion équilibrée et durable des territoires

-

0,65

0,5

804,79

805,94

55,28%

15 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions

-

253,52

-

-

253,52

17,39%

Total

0

254,37

0,5

1 203,02

1 457,89

100,00%

%

0,00%

17,45%

0,03

82,52%

100,00%

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

Plus de la moitié des AE du programme (806 millions d'euros contre 880 millions d'euros en 2013) est dédié à la « Gestion équilibrée et durable des territoires » (action 14).

Cette action contient la plupart des dispositifs de soutien au maintien de l'activité en zones difficiles , en particulier l' indemnité compensatrice d'handicap naturel (ICHN). Elle vise également la promotion de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement :

- prime herbagère agro-environnementale 11 ( * ) (PHAE) ;

- mesures agro-environnementales régionales (MAER) ;

- programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) ;

- mesure rotationnelle agro-environnementale 12 ( * ) .

Les subventions pour charges de service public des opérateurs ont été regroupées sous l'action 15 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions » (254 millions d'euros et 17,4 % des AE du programme en 2014, soit un montant proche de celui de 2013, 257 millions d'euros). Ce choix, résultant probablement d'un souci de commodité en gestion, participe d'une catégorisation des dépenses par titre plutôt que par destination semble contredire l'esprit de la LOLF . Les crédits de l'action 15 correspondent ainsi à une partie des subventions pour charges de service public allouées à l'Agence de services et de paiement (97,7 millions d'euros contre 102,3 millions d'euros en 2013), à FranceAgriMer (98 millions d'euros sur cette action contre 97 millions d'euros en 2013) et à l' ODEADOM (4,3 millions d'euros contre 3,7 millions d'euros en 2013). La subvention revenant aux Haras nationaux, désormais IFCE , est fixée à 35,5 millions d'euros en 2014, contre 37 millions d'euros en 2013, confirmant une baisse engagée depuis 2010. Au total, il semble que les réformes des opérateurs du programme ont permis depuis trois ans de dégager des économies mais que les efforts fournis sont moins conséquents en 2014 . L'évolution sur plusieurs exercices du montant des subventions qui leur sont allouées est, à cet égard, assez éloquente. De tels résultats ne doivent, en tout état de cause, surtout pas se traduire par une détérioration des prestations offertes par ces établissements .

16 % des dotations sont consacrées à l'« Adaptation des filières à l'évolution des marchés » (action 11), avec 236 millions d'euros en 2014 contre 410 millions d'euros en 2013, la baisse résultant de l'abandon de la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante (PNSVA). Cette action regroupe en effet les crédits de la PNSVA 13 ( * ) , les aides aux filières de production outre-mer 14 ( * ) , ainsi que les autres aides aux filières servies par l'intermédiaire de FranceAgriMer et de l'ODEADOM. Votre rapporteur spécial s'inquiète que la réduction des moyens consacrés au soutien des exportations ces dernières années ne se traduise pas par une réforme du dispositif de promotion . Il rappelle à cette occasion que vos rapporteurs spéciaux ont conduit en 2012 et 2013 un contrôle budgétaire sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires 15 ( * ) .

L'« appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » est, en volume de crédits, la quatrième action du programme (9 % des AE, soit 133 millions d'euros, contre 196 millions d'euros en 2013). Y figurent les moyens dédiés à l'installation, à la modernisation et au départ . L'augmentation des cofinancements communautaires (pour plus de 60 millions d'euros) illustre un phénomène de stabilisation des crédits des dispositifs financés par cette action, à savoir la poursuite des dispositifs liés au soutien à l'installation , et notamment les dotations aux jeunes agriculteurs et les prêts bonifiés à l'installation (PBI).

Au sein de cette action, les crédits en faveur de la modernisation des exploitations, avec par exemple le plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) 16 ( * ) , s'élèvent en 2014 à 30 millions d'euros en AE et 46 millions d'euros en en CP.

Enfin, seuls 2 % des crédits sont dédiés à la « gestion des crises et des aléas de production ». L'action 12 n'est en effet dotée que de 29 millions d'euros d'AE en 2014, contre 35 millions d'euros en 2013, 37 millions d'euros en 2012 et 45 millions d'euros en 2011. Ils sont notamment consacrés à l'assurance récolte (25 millions d'euros en 2014 en AE=CP contre 31 millions d'euros en 2013), à la dotation du fonds d'allègement des charges (FAC) pour 2,17 millions d'euros en AE=CP (contre 2,5 millions d'euros en 2013 et 8 millions d'euros en 2012), et au mécanisme « Agridiff » pour les agriculteurs en difficulté (1,8 million d'euros en 2014, contre 2 millions d'euros en 2013 et 4 millions d'euros en 2012). Ce sujet de la gestion des crises est lui aussi abordé plus loin.

2. Les dépenses fiscales

Pour l'année 2014, le montant total des 26 dépenses fiscales rattachées au programme 154 serait d'au moins 2,7 milliards d'euros , y compris cinq dépenses sur impôts locaux prises en charge par l'Etat, soit un montant largement supérieur aux crédits proposés pour ce programme par le présent projet de loi de finances pour 2014.

Les principales dépenses fiscales du programme 154 concernent la lutte contre le réchauffement climatique, l'amélioration de la sécurité énergétique et le développement économique des filières agricoles. Peuvent être mentionnés le taux réduit de taxe intérieure de consommation applicable au fuel domestique utilisé comme carburant , d'un coût annuel estimé à 1,6 milliard d'euros, le dispositif en voie d'abandon visant le développement des biocarburants 17 ( * ) (205 millions d'euros en 2014), l'exonération de 20 % de la part communale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) (178 millions d'euros en 2014) ou, encore, les différents avantages fiscaux qui bénéficient aux sociétés coopératives agricoles (100 millions d'euros en 2014). Dans le cadre de l'examen du PLF pour 2011, votre rapporteur spécial Joël Bourdin avait réalisé un contrôle particulier sur ce thème, qui a fait l'objet d'une annexe à son rapport sur la présente mission 18 ( * ) .

L'analyse détaillée reste très incomplète dans la mesure où le coût de plusieurs dépenses fiscales importantes n'est pas renseigné.

Ainsi, en matière de soutien à l'investissement et à l'épargne en agriculture, seule la déduction pour aléa (DPA) est évaluée (7 millions d'euros en 2014), la déduction pour investissement (DPI) ne faisant pas l'objet d'un chiffrage en 2014 (il s'agissait de 230 millions d'euros en 2012). La DPA, qui vise à inciter les agriculteurs à constituer une épargne de précaution, demeure sous utilisée mais sa diffusion progresse (2 500 bénéficiaires en 2012 contre 900 en 2011).


* 9 On se reportera, pour une telle description, au projet annuel de performances de la mission APAFAR annexé au projet de loi de finances pour 2014.

* 10 Le coût du dispositif d'exonération représente une année pleine en 2014 alors que 2013 représentait un coût de cinq trimestres sur un seul exercice budgétaire.

* 11 La PHAE vise la biodiversité et le soutien de l'élevage par le maintien des surfaces herbagères. Son niveau de crédits est stable en 2014 et atteint 46 millions d'euros au lieu de 43 millions d'euros en 2013.

* 12 Issue du bilan de santé de la PAC, cette mesure rotationnelle en faveur de l'assolement est abandonnée depuis 2011. Elle a conduit à prévoir depuis de seules ouvertures en CP. C'est à nouveau 16 millions d'euros de CP qui sont prévus à ce titre pour 2014, en vue de continuer à couvrir les engagements contractés en 2010.

* 13 La PNSVA est abandonnée en 2014 en raison de la communautarisation de son financement. Seuls 66 millions d'euros de CP restent inscrits afin de solder.

* 14 86,4 millions d'euros pour la canne à sucre en 2014, soit un montant égal à celui arrêté pour 2013.

* 15 Cf . infra .

* 16 Le PMBE vise à accompagner les éleveurs dans leurs efforts d'adaptation de leur outil de production au titre des conditions de production, des conditions de travail, du bien-être des animaux ou encore du respect de l'environnement. Le montant moyen par dossier est de l'ordre de 6 000 euros.

* 17 Cf. le commentaire que votre rapporteur général a formulé s'agissant de l'article 22 du présent projet de loi de finances dans le tome II du rapport général.

* 18 Annexe 3 au Tome III du rapport général n° 111 (2010-2011).

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