Rapport n° 286 (2013-2014) de Mme Catherine TASCA , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 janvier 2014

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N° 286

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 janvier 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de Mme Catherine TASCA et plusieurs de ses collègues modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté ,

Par Mme Catherine TASCA,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendlé, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

210 et 287 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission des lois, réunie le mercredi 15 janvier 2014 sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur , président, a examiné le rapport de Mme Catherine Tasca sur la proposition de loi n° 210 (2013-2014) modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté .

La création, par la loi du 30 octobre 2007, d'une autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté a répondu à une demande ancienne du Sénat, soutenue par toutes les sensibilités politiques.

Au terme de cinq ans et demi d'activité, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut se prévaloir d'un bilan très positif, avec plus de 800 établissements visités et un nombre de saisines en augmentation continue.

La proposition de loi tire les leçons des difficultés rencontrées ponctuellement au cours de ces cinq années et demie en renforçant sur plusieurs points les prérogatives du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Elle comporte en particulier plusieurs mesures destinées à protéger les interlocuteurs du Contrôleur général - qu'il s'agisse de personnes privées de liberté ou de personnels travaillant dans ces lieux - contre les pressions ou menaces dont ils pourraient faire l'objet pour s'être adressés au Contrôleur général. La proposition de loi autorise également ce dernier à accéder, sous des conditions strictement définies, à des informations couvertes par le secret médical pour les besoins du contrôle.

La commission des lois a adopté cette proposition de loi après avoir voté cinq amendements (quatre de Mme Catherine Tasca, rapporteure, et un de Mme Esther Benbassa). En particulier, elle a donné compétence au Contrôleur général des lieux de liberté pour contrôler l'ensemble des mesures d'éloignement forcé d'étrangers en situation irrégulière. Afin de prévoir toutes les garanties nécessaires, elle a également précisé que seuls les médecins membres de l'équipe du Contrôleur général pourront accéder à des informations couvertes par le secret médical.

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est invité à examiner la proposition de loi n° 210 (2013-2014) déposée par votre rapporteure et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à modifier la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

L'inscription à l'ordre du jour du Sénat de cette proposition de loi marque une nouvelle fois l'attention toute particulière que notre assemblée, toutes sensibilités confondues, accorde à la situation des personnes privées de liberté et au nécessaire respect de leurs droits fondamentaux. C'est ainsi qu'en avril 2001, un an après la publication du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires 1 ( * ) , notre assemblée avait adopté en première lecture une proposition de loi de notre collègue Jean-Jacques Hyest et de notre ancien collègue Guy-Pierre Cabanel visant à améliorer la situation dans les établissements pénitentiaires et à instaurer un Contrôle général des prisons 2 ( * ) . Plus récemment, le Sénat a joué tout son rôle en apportant des modifications substantielles à des textes importants comme la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 par exemple.

Accédant ainsi à une demande ancienne de notre assemblée, la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 a institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité indépendante à laquelle a été confié le soin de « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux ».

Ce faisant, le législateur n'a pas souhaité limiter le champ de ce contrôle aux seuls établissements pénitentiaires, mais, donnant leur pleine application aux engagements internationaux souscrits par la France, a étendu le champ de compétence de ce dernier à l'ensemble des lieux susceptibles d'accueillir des personnes privées de liberté par décision d'une autorité publique (locaux de garde à vue, zones d'attente et centres de rétention administrative, dépôts des palais de justice, etc.) ainsi qu'aux établissements de santé habilités à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement.

Un décret du 12 mars 2008 a défini les modalités de fonctionnement de cette nouvelle institution et, après avoir été entendu par les commissions des lois du Sénat et de l'Assemblée nationale, M. Jean-Marie Delarue, conseiller d'État, a été nommé Contrôleur général des lieux de privation de liberté par décret du 13 juin 2008.

Au terme de cinq ans et demi d'activité, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) peut se prévaloir d'un bilan remarquable : plus de 800 établissements accueillant des personnes privées de liberté ont été visités et, grâce à la personnalité de son titulaire et à la qualité de ses collaborateurs, le CGLPL a largement contribué à faire progresser la situation des personnes privées de liberté dans notre pays.

L'arrivée prochaine à son terme du mandat (non renouvelable) de M. Jean-Marie Delarue est l'occasion de dresser un bilan des points forts mais également des faiblesses de l'institution, et de prendre les mesures nécessaires pour conforter sa place et son rôle dans le paysage de la défense des libertés publiques.

À cette fin, la présente proposition de loi propose d'apporter à la loi du 30 octobre 2007 un certain nombre de modifications destinées :

- à remédier, par un renforcement du cadre légal de son action, aux difficultés rencontrées par le Contrôleur général dans l'exercice de ses missions ;

- à aligner un certain nombre de ses prérogatives sur celles dont se dont vues dotées, postérieurement à sa création, certaines autorités indépendantes, en particulier le Défenseur des droits ;

- enfin, à consacrer dans la loi un certain nombre de bonnes pratiques mises en place par le Contrôleur général depuis sa prise de fonctions afin de les pérenniser.

I. LE CGLPL : UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE RÉCENTE, QUI S'EST RAPIDEMENT IMPOSÉE COMME UN ACTEUR INCONTOURNABLE DE LA DÉFENSE DES DROITS FONDAMENTAUX

A. UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE DONT L'EXISTENCE EST CONFORTÉE PAR LES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE

1. Les mécanismes internationaux de prévention de la torture

Née du constat, il y a une quinzaine d'années, des carences du dispositif français en matière de protection des droits des personnes détenues 3 ( * ) , l'institution d'une autorité chargée de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté a également été rendue nécessaire par les engagements internationaux souscrits par la France au cours des années 2000.

La loi n° 2008-739 du 28 juillet 2008 a ainsi autorisé le Gouvernement français à approuver le protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, adopté par l'Assemblée générale des Nations-Unies le 18 décembre 2002 .

Ce texte, qui a pour objectif « l'établissement d'un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », demande en particulier à chaque État partie de « mettre en place, désigner ou administrer, à l'échelon national, un ou plusieurs organes de visite chargés de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », qui doivent être autorisés « à effectuer des visites [...] dans tout lieu placé sous [leur] juridiction ou sous [leur] contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l'ordre d'une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite (ci-après dénommé lieu de détention). Ces visites sont effectuées afin de renforcer, s'il y a lieu, la protection desdites personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Aux termes de l'article 18 de ce protocole, ce mécanisme national de prévention doit en particulier présenter des garanties d'indépendance et ses experts posséder les compétences et les connaissances professionnelles requises.

Ce protocole institue parallèlement un sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du Comité contre la torture, qui est chargé d'effectuer des visites dans les États parties et d'épauler si besoin le mécanisme national de protection.

Les missions de ce sous-comité rejoignent ainsi celles exercées dans les États membres du Conseil de l'Europe par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) , institué par la convention européenne du 26 juin 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui a pour mission de veiller au respect de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme 4 ( * ) et de visiter, à cette fin, les lieux de détention placés sous la responsabilité d'une autorité publique, judiciaire ou administrative (y compris les hôpitaux psychiatriques).

Le CPT a effectué à ce titre plusieurs visites en France, la dernière s'étant déroulée en novembre-décembre 2010 5 ( * ) .

2. L'institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du 30 octobre 2007

La loi du 30 octobre 2007, qui a institué le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a doté cette autorité d'un champ de compétences et de prérogatives étendues, manifestant par là la volonté du législateur de mettre en place un mécanisme de protection des droits des personnes privées de liberté ambitieux et effectif :

- le champ de compétences de ce dernier ne se limite pas aux lieux accueillant des personnes détenues, mais, comme l'exige le protocole facultatif précité, il couvre l'ensemble des lieux où se trouvent des personnes privées de leur liberté par décision d'une autorité publique (ce qui inclut les locaux de garde à vue, mais également les zones d'attente, les centres de rétention administrative ou encore les locaux de rétention douanière), ainsi que les établissements de santé accueillant des patients hospitalisés sans leur consentement ;

- le législateur n'a pas souhaité limiter ses compétences à la seule prévention de la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants comme l'exigent les instruments internationaux auxquels la France est partie, mais lui a confié le soin de veiller au respect de l'ensemble des « droits fondamentaux » des personnes privées de liberté ;

- le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « nommé en raison de ses compétences et connaissances professionnelles », bénéficie de garanties d'indépendance . Son mandat de six ans n'est pas renouvelable ;

- il peut être saisi par le Premier ministre, les membres du Gouvernement, les membres du Parlement, le Défenseur des droits, mais également par « toute personne physique, ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux ». Il peut également se saisir de sa propre initiative ;

- soumis au secret professionnel, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des rapports, recommandations et avis qu'il formule, il peut visiter à tout moment, y compris de façon inopinée, tout lieu relevant de son champ de compétence et obtenir à cette occasion, sous certaines réserves limitativement énumérées, la plupart des documents nécessaires à l'exercice de sa mission de contrôle (voir infra ) ;

- enfin, il dispose de plusieurs moyens d'alerter les autorités responsables et les pouvoirs publics sur les atteintes aux droits fondamentaux et sur les carences constatées à l'occasion de l'exercice de sa mission.

B. UN BILAN QUI EN FAIT UN ACTEUR INCONTOURNABLE DE LA DÉFENSE DES DROITS FONDAMENTAUX EN FRANCE

Institution récente - il a débuté ses visites en septembre 2008 -, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) présente au terme de cinq ans et demi d'exercice un bilan quantitatif et qualitatif extrêmement positif, qui a fait de lui une autorité reconnue dans la défense des droits fondamentaux.

1. Un bilan quantitatif et qualitatif très positif

Lors de sa prise de fonctions, M. Jean-Marie Delarue s'était engagé à effectuer 150 visites d'établissements par an. Cet engagement a été tenu, puisqu'au 31 décembre 2013, 807 visites avaient été effectuées par ses équipes dans des établissements accueillant des personnes privées de liberté.

Comme le résumait de façon imagée son rapport annuel l'année dernière, « on peut dresser un temps approximatif passé collectivement par les contrôleurs dans les différents lieux visités : deux ans en garde à vue, neuf ans en détention, trois ans et demi en hospitalisation, dix mois en centre éducatif fermé, un an et trois mois en rétention » 6 ( * ) .

Au total, les données disponibles fin 2012 (les services du CGLPL ne disposaient pas encore des données agrégées pour 2013 lors de la préparation du présent rapport) montraient qu'à cette date, le CGLPL avait été en mesure de visiter, depuis son entrée en fonctions :

- 237 des 4 095 locaux de garde à vue ;

- 18 des 236 locaux de rétention douanière ;

- 49 des 182 dépôts ou geôles des tribunaux ;

- 150 des 191 établissements pénitentiaires ;

- 70 des 102 centres et lieux de rétention administrative ou zones d'attente ;

- 106 des 369 établissements de santé relevant de sa compétence ;

- enfin, 34 des 44 centres éducatifs fermés.

Malgré une dotation budgétaire contrainte, le Contrôleur général s'est attaché à procéder régulièrement à des visites dans les établissements accueillant des personnes privées de liberté situés dans les départements et collectivités d'outre-mer, ce qui doit être souligné, compte tenu, comme votre commission des lois a maintes fois eu l'occasion de le déplorer, de la situation souvent alarmante de nombre de ces lieux 7 ( * ) .

Les moyens du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le budget total du contrôle général s'élève à 4,3 millions d'euros par an, inscrits au programme n° 308 : « protection des droits et libertés ». 80 % de cette dotation est affectée aux charges de personnel.

Le CGLPL dispose actuellement de 28 ETP qui sont répartis, outre le Contrôleur général et le secrétaire général, entre 17 postes de contrôleurs, 5 postes de chargés d'enquête et quatre postes administratifs.

Ses locaux sont situés 16/18 quai de la Loire, dans le 19 ème arrondissement de Paris.

La réalisation, depuis quelques années, de « contre-visites » (retours dans des établissements déjà visités) permet par ailleurs de mesurer les transformations effectuées postérieurement aux recommandations du contrôle général et d'enrichir la mission de celui-ci.

Parallèlement à ces visites, le CGLPL a été saisi d'un nombre sans cesse croissant de courriers, la loi du 30 octobre 2007 permettant à toute personne physique ainsi qu'aux personnes morales ayant pour objet social le respect des droits fondamentaux de le saisir de toute atteinte estimée aux droits fondamentaux d'une personne privée de liberté.

Nombre de lettres adressées au Contrôleur général

2008
(4 mois)

2009

2010

2011

2012

2013 (estimation)

Nombre de lettres de saisine reçues par le CGLPL

192

1 272

3 276

3 788

4 107

4 116

Source : CGLPL

En 2012, les trois quarts de ces lettres émanaient de la personne concernée, 11 % de la famille ou de proches, 3 % d'un avocat, 3 % d'une association. Dans 93 % des cas, elles se rapportaient à des faits s'étant produits dans un établissement pénitentiaire.

Dans le silence de la loi, le Contrôleur général a développé une pratique, formalisée dans son Règlement de service 8 ( * ) , relative aux suites à donner à ces courriers. Il a en effet souhaité que, même en l'absence d'obligation légale, toute lettre qui lui est adressée reçoive une réponse et que, le cas échéant, des vérifications soient entreprises par ses équipes pour vérifier la véracité des faits allégués. À cette fin, il a mis en place au sein du CGLP un « pôle saisines » auquel ont été affectés cinq collaborateurs dénommés « chargés d'enquête ».

Enfin, le CGLPL a fait pleinement usage des dispositions de la loi l'autorisant à émettre des avis, à formuler des recommandations ou à proposer toute modification des dispositions législatives ou réglementaires applicables. L'ensemble de ses rapports et prises de position peut être consulté sur le site Internet de l'institution. Le CGLPL a ainsi été conduit récemment, par exemple, à émettre des avis sur la question des séjours injustifiés en unités pour malades difficiles (UMD), des documents personnels des personnes détenues ou la présence de jeunes enfants auprès de leur mère détenue, ou encore à formuler des recommandations concernant l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, les centres pénitentiaires de Nouméa ou des Baumettes à Marseille ou, très récemment, les centres éducatifs fermés d'Hendaye et de Pionsat.

Le Contrôleur général contribue ainsi à faire évoluer la situation des personnes privées de liberté en France, en portant dans le débat public des questions trop rarement évoquées auparavant. Il joue également un rôle essentiel d'accompagnement des administrations dans l'évolution des conditions d'exercice de leurs missions. À de nombreuses reprises, le Parlement s'est appuyé sur ses constats et ses analyses pour faire évoluer la loi.

2. Un magistère moral reconnu

Lors de l'examen de la loi du 30 octobre 2007, notre collègue Jean-Jacques Hyest, rapporteur de ce texte pour le Sénat, relevait que « le choix de la première personnalité appelée à exercer les fonctions de Contrôleur général revêtira une importance essentielle pour asseoir le magistère moral de cette autorité.

« Cette personnalité devra en effet réunir la compétence et l'expérience nécessaires pour bénéficier d'un crédit incontestable auprès de l'opinion publique tout en suscitant la confiance des administrations et des personnels responsables des lieux soumis à son contrôle » 9 ( * ) .

À cet égard, M. Jean-Marie Delarue s'est sans conteste montré à la hauteur des enjeux et de la difficile tâche confiée par le législateur.

Comme l'ont souligné l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteure, il a su allier une intransigeance sur les principes avec un souci permanent du dialogue, de l'écoute des responsables et des personnels exerçant dans les lieux de privation de liberté et une exigence de rigueur imposée à ses équipes.

Votre rapporteure a notamment pu constater à l'occasion de l'audition des représentants des directeurs et des personnels de l'administration pénitentiaire que si ces derniers recevaient parfois avec amertume certaines observations du Contrôleur général, la légitimité de l'action de ce dernier ne souffrait aujourd'hui d'aucune contestation.

Enfin, M. Jean-Marie Delarue a su donner à la loi du 30 octobre 2007 toute sa portée, en mettant en place des pratiques, dans le silence ou le caractère incomplet des textes (voir infra ), conformes à une conception exigeante et ambitieuse de sa mission.

Alors que son mandat approche de son terme, votre commission sera vigilante à ce que son successeur manifeste la volonté de conforter dans la durée l'institution qu'il a contribué à façonner.

3. Quelles perspectives pour le Contrôleur général ?

L'instauration, en mars 2011, d'un Défenseur des droits, autorité constitutionnelle qui a « absorbé » en son sein les missions des anciens Médiateur de la République, Haute autorité de lutte contre les discriminations, Défenseur des enfants et Commission nationale de déontologie de la sécurité, a relancé le débat sur le maintien d'une autorité autonome chargée du contrôle des droits des personnes privées de liberté.

Article 71-1 de la Constitution
(introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008)

« Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.

« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public ou d'un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d'office.

« La loi organique définit les attributions et les modalités d'intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions.

« Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.

« Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement ».

L'Assemblée nationale avait en effet voté en première lecture l'intégration du CGLPL au sein du Défenseur des droits, cette intégration prenant effet au 1 er juillet 2014, à la fin du mandat de M. Jean-Marie Delarue.

Le Sénat s'y est opposé. Dans son rapport, notre collègue Patrice Gélard, rapporteur de la loi organique et de la loi ordinaire relatives au Défenseur des droits, avait ainsi souligné qu'« une intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au sein du Défenseur des droits ne pourrait être décidée qu'au regard du premier bilan d'activité de cette autorité, créée par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007.

« Ce premier bilan permettra de mesurer si un Contrôleur distinct du Défenseur des droits doit poursuivre son action, en raison des difficultés identifiées, ou s'il peut être intégré au Défenseur des droits.

« Décider aujourd'hui une intégration qui ne prendrait effet que dans trois ans, ce serait en outre affaiblir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorité qui depuis sa récente installation, en juin 2008, a seulement commencé à porter un regard indépendant, critique et informé sur des établissements qui ne connaissaient pas ce type de contrôle.

« Enfin, la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté s'inscrit avant tout dans une démarche de contrôle et de prévention, au moyen de nombreuses visites sur place, et se distingue fortement de celle du Défenseur des droits, que l'article 71-1 de la Constitution définit comme une autorité que peuvent saisir les personnes s'estimant lésées dans leurs droits » 10 ( * ) .

La pratique a en outre mis en évidence la complémentarité des missions du Défenseur des droits et celles du CGLPL : si des délégués du Défenseur des droits sont présents dans un certain nombre de lieux de détention ou peuvent être saisis de faits s'étant commis dans des lieux de privation de liberté (en matière de déontologie des forces de sécurité notamment), il leur revient avant tout de rechercher une solution à un litige particulier et d'exercer à cette fin une mission de médiation.

Le CGLPL, pour sa part, exerce une mission de contrôle et de prévention et, à travers des visites d'établissements qui se déroulent sur plusieurs jours et, le cas échéant, des enquêtes portant sur des faits particuliers, il lui appartient de dégager des constats et de formuler des recommandations propres à améliorer la gestion et le fonctionnement des établissements entrant dans son champ de compétence et à accompagner les personnels dans l'évolution de leurs pratiques.

Comme le CGLPL le note d'ailleurs dans son dernier rapport d'activité, « les échanges de dossiers avec le Défenseur des droits sont réguliers et ne posent pas de difficulté particulière : ou bien le Défenseur est saisi d'un litige mettant en cause en tout ou partie le fonctionnement d'un lieu privatif de liberté ; ou bien le contrôleur général a à connaître d'une affaire mettant en cause - c'est le cas le plus fréquent - la déontologie des fonctionnaires. Les lettres de saisine sont transmises à la bonne autorité, leurs auteurs systématiquement informés et l'issue de la saisine est communiqué à l'autorité initialement saisie. Des contacts entre les responsables des deux maisons ont eu lieu pour envisager s'il y avait matière à des actions communes. Ils n'ont pas prospéré jusqu'alors » 11 ( * ) .

Au regard de ces constats, mais également du bilan très positif rappelé ci-dessus, votre commission des lois ne peut que réaffirmer son profond attachement au maintien d'une autorité indépendante autonome chargée de contrôler, en France, le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

II. LES OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE LOI : RENFORCER LES PRÉROGATIVES DU CGLPL ET CONFORTER SON AUTORITÉ

La présente proposition de loi s'appuie sur le premier bilan du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et tire les conséquences d'un certain nombre de pratiques, difficultés ou résistances rencontrées au cours des cinq années écoulées.

A. PROTÉGER LES INTERLOCUTEURS DU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL

Dans l'ensemble, M. Jean-Marie Delarue a fréquemment eu l'occasion de souligner la qualité du dialogue instauré avec les responsables des lieux de privation de liberté et, dans la grande majorité des situations, ses équipes ont pu accéder aux documents dont ils avaient besoin pour l'exercice du contrôle. Les difficultés un temps rencontrées dans certains commissariats de police de l'agglomération parisienne ont été levées en 2013 à la faveur de nouvelles instructions données par le préfet de police.

Des incertitudes ont pu toutefois apparaître lors d'enquêtes réalisées par les collaborateurs du CGLPL à la suite d'une saisine portant sur des faits précis.

Surtout, le Contrôleur général a maintes fois souligné la qualité et le délai très variables des réponses apportées par les différentes autorités sollicitées.

Mais, plus que ces difficultés ponctuelles, le principal obstacle à la mission du Contrôleur général des lieux de privation réside aujourd'hui dans les risques de « représailles » ou de pressions dont font l'objet, dans certains établissements, celles et ceux - personnes privées de liberté mais également membres du personnel - qui s'adressent au Contrôleur général ou acceptent de s'entretenir avec ses équipes.

Comme le note le rapport d'activité du CGLPL pour 2012, « dans ses précédents rapports annuels, le Contrôleur général a appelé l'attention des autorités sur les représailles qui pouvaient atteindre ceux qui auraient demandé à être entendus par les contrôleurs, ceux qui auraient été entendus par lui qu'ils l'aient ou non sollicité, ceux enfin qui pourraient correspondre avec lui, de manière régulière ou non. Il a signalé devant les commissions parlementaires compétentes l'importance du phénomène : à la fois qualitative, dès lors que, à la mesure du développement du phénomène, s'affadit le droit de saisir le contrôle, par conséquent, l'étendue des informations dont celui-ci dispose, donc sa capacité d'intervention ; mais aussi quantitative puisqu'une action de représailles non réprimée constitue un encouragement à d'autres actions de même nature, aggravant évidemment leurs effets.

« Les informations qui sont parvenues de manière indirecte, mais véridique, au contrôle général ne laissent aucun doute sur la réalité de telles menées, même si elles sont minoritaires : lettres ouvertes ou prélevées au passage pour qu'elles n'arrivent pas ; menaces de déclassement ou déclassement de postes de travail ; significations de ce qui arriverait si contact était pris... Les formes sont multiples et variées ; elles sont parfaitement réelles et des personnes indiquent très précisément (par des voies détournées) pourquoi elles ont fui les contrôleurs à leur venue ou pourquoi elles ont renoncé à lui écrire ou lui téléphoner » 12 ( * ) .

De tels comportements sont inacceptables. Ils relèvent dans l'immense majorité des cas d'initiatives individuelles, ignorées des responsables d'établissements. Ils expliquent sans doute, d'après M. Jean-Marie Delarue, la relative stagnation, en 2013, des courriers adressés au CGLPL.

Lors de leur audition par votre rapporteure, les représentants des personnels de l'administration pénitentiaire ont fermement condamné ces agissements auxquels peuvent également être confrontés les personnels qui exercent leurs fonctions dans les lieux visités par le Contrôleur général. Ils ont à cet égard souhaité que ces personnels soient expressément protégés de tout risque de représailles à leur encontre en raison des entretiens qu'ils auraient eus avec les équipes du CGLPL ou des éléments qu'ils leur auraient fait parvenir.

Face à ces constats, la proposition de loi comporte diverses dispositions destinées à protéger les différentes personnes qui entrent en relation avec le Contrôleur général :

- son article 2 introduit dans la loi du 30 octobre 2007 une disposition prévoyant qu'aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations qui lui auront été données se rapportant à l'exercice de sa fonction. Cette disposition permettrait au juge, le cas échéant, de constater rapidement et sans ambiguïté l'illégalité de toute mesure prise dans le but d'empêcher une personne d'entrer en relation avec le CGLPL ou en « représailles » de tels contacts. Naturellement, cette protection concerne tout autant les personnes privées de liberté que les personnels exerçant dans les établissements relevant du contrôle du CGLPL ;

- son article 6 crée par ailleurs un délit d'entrave à son action, qui punirait d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de s'opposer au déroulement des visites, de refuser de communiquer les éléments demandés ou de prendre les mesures destinées à faire obstacle aux relations que toute personne a le droit d'avoir avec le CGLPL en vertu de la loi du 30 octobre 2007 ;

- enfin, son article 7 renforce les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 relatives à la protection des correspondances entre les personnes détenues et le CGLPL, en en étendant le champ et en rendant leur méconnaissance passible de sanctions pénales .

B. PERMETTRE AU CONTRÔLEUR GÉNÉRAL D'ACCÉDER À UN NOMBRE PLUS IMPORTANT D'INFORMATIONS

Par ailleurs, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté continue à se voir opposer un certain nombre de restrictions, légales ou pratiques, en particulier lorsque celui-ci s'efforce d'établir la véracité de faits précis.

Plusieurs dispositions de la proposition de loi visent à remédier à ces difficultés :

- l'article 1 er lève de façon encadrée l'interdiction faite jusqu'à présent au Contrôleur général d'accéder à des informations couvertes par le secret médical . Si le CGLPL a à plusieurs reprises attiré l'attention sur la nécessaire protection du secret médical dans les lieux de privation de liberté, l'interdiction qui s'impose à ses équipes, pourtant soumises au secret professionnel, de prendre connaissance de certaines informations à caractère médical limite dans certains cas la portée de son contrôle. Tel est notamment le cas en matière de contrôle de la nécessité des mesures de contention en hôpitaux psychiatriques ou d'allégations de mauvais traitements dans des locaux de garde à vue ou en établissement pénitentiaire, par exemple.

Prenant modèle sur les dispositions applicables au Défenseur des droits, la proposition de loi propose de lever partiellement cette restriction en autorisant le CGLPL à accéder à des informations couvertes par le secret médical à la demande expresse de la personne concernée . Ce consentement ne serait toutefois pas requis lorsque ces informations sont relatives à des privations, des sévices ou des violences commis sur un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;

- l'article 1 er de la proposition de loi reconnaît par ailleurs expressément au Contrôleur général des lieux de privation de liberté le droit de prendre connaissance des procès-verbaux de garde à vue qui ne sont pas relatifs aux auditions des personnes. En pratique, ces dispositions visent les procès-verbaux de déroulement de garde à vue sur lesquels sont retracées les conditions dans lesquelles la personne gardée à vue a été informée de ses droits et mise en mesure de les faire valoir ;

- en outre, ce même article prévoit la possibilité pour le Contrôleur général de solliciter « toute personne susceptible de l'éclairer » et de « recueillir toute information qui lui paraît utile » dans l'exercice de sa mission ;

- enfin, l'article 5 de la proposition de loi ouvre la possibilité au CGLPL, lorsque ses demandes de documents, d'informations ou d'observations ne sont pas suivies d'effet, de mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'il fixe.

Le refus de communiquer des renseignements et documents serait également désormais passible de sanctions pénales en vertu de l'article 6 de la proposition de loi (voir supra ).

C. CLARIFIER LE CADRE LÉGAL DE L'ACTION DU CGLPL ET DONNER UNE ASSISE LÉGISLATIVE AUX BONNES PRATIQUES

Enfin, plusieurs dispositions de la proposition de loi tirent les conséquences de pratiques mises en place au cours de son mandat par M. Jean-Marie Delarue ou apportent des précisions utiles au cadre légal de son action :

- l'article 1 er de la proposition de loi tend à reconnaître dans la loi l'existence des « chargés d'enquête », auxquels le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a confié le soin de répondre aux saisines, et précise la procédure applicable à ces enquêtes ;

- l'article 3 de la proposition de loi précise les conditions du dialogue entre le CGLPL et les différentes autorités responsables. Il précise en particulier que, lorsqu'il adresse ses observations aux ministres concernés, le CGLPL tient compte de l'évolution de la situation depuis sa visite. Les ministres seraient désormais systématiquement tenus de lui répondre, et ce dans un délai déterminé par le CGLPL (ce délai ne pouvant en tout état de cause être inférieur à un mois). Enfin, la proposition de loi prévoit l'obligation pour le procureur de la République ou pour l'autorité disciplinaire de tenir le CGLPL informé des suites données à ses démarches ;

- enfin, l'article 4 de la proposition de loi propose de consacrer dans la loi la pratique, mise en place par le Contrôleur général, tendant à publier systématiquement les avis, recommandations et propositions qu'il formule.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UNE APPROBATION SANS RÉSERVES DE LA PROPOSITION DE LOI

Votre commission des lois, qui a maintes fois affirmé son attachement à l'existence et au rôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne peut qu'approuver sans réserves la présente proposition de loi, qui permettra de consolider l'action de cette institution qui a su faire la preuve de son utilité et de sa légitimité.

À l'issue des auditions conduites par votre rapporteure, quelques évolutions du texte sont toutefois apparues nécessaires. Sur sa proposition, votre commission a adopté quatre amendements , ainsi qu' un amendement de Mme Esther Benbassa.

• Tout d'abord, votre commission des lois a introduit dans la proposition de loi un nouvel article 1 er A afin d'étendre la compétence du Contrôleur général à l'exécution des mesures d'éloignement forcé d'étrangers en situation irrégulière .

À l'heure actuelle, le Contrôleur général est compétent pour contrôler le respect des droits fondamentaux des personnes placées en zones d'attente ou en centres de rétention administrative, mais sa compétence s'arrête aux portes de ces établissements.

Or, la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite « directive retour » impose aux États membres de « prévoir un système efficace de contrôle du retour forcé », incluant l'ensemble des phases de transferts forcés vers le pays de destination.

Le nouvel article 1 er A remédie à cette lacune, en confiant au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, déjà compétent pour contrôler le respect des droits fondamentaux dans les centres de rétention administrative, le contrôle de l'exécution de l'ensemble de la mesure d'éloignement, jusqu'à la remise de l'intéressé aux autorités de l'État de destination.

Concrètement, lorsque le retour s'effectue par voie aérienne, les équipes du Contrôleur général auront la possibilité d'être présentes dans l'avion ou d'enquêter sur des faits s'y étant éventuellement déroulés.

Dans un souci de cohérence et d'efficacité du contrôle, votre commission n'a pas souhaité limiter le champ de cette extension aux éloignements vers les seuls pays tiers à l'Union européenne, comme l'aurait conduit à le faire une interprétation stricte de la directive « retour », mais a prévu l'extension de la compétence du CGLPL à l'ensemble des mesures d'éloignement exécutées par les autorités françaises , y compris vers des pays membres de l'Union européenne.

• Par ailleurs, votre commission a souhaité préciser les dispositions de la proposition de loi permettant au Contrôleur général de prendre connaissance, dans certaines conditions, d'informations couvertes par le secret médical .

L'interdiction faite à l'heure actuelle au Contrôleur général de prendre connaissance de telles informations constitue dans certains cas un réel frein à l'exercice de son contrôle. Comme l'ont notamment rappelé lors de leur audition M. Xavier Ronsin, membre français du CPT, et Mme Catherine Paulet, expert auprès de ce comité, il est dans l'intérêt même des personnes privées de liberté que le secret médical, « institué dans l'intérêt des patients » (article R. 4127-4 du code de la santé publique), ne soit pas opposable au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, par ailleurs lui-même soumis au secret professionnel en vertu de l'article 5 de la loi du 30 octobre 2007.

Les avancées en ce domaine suscitent toutefois l'inquiétude d'une partie des professionnels de santé exerçant dans les établissements relevant du contrôle du CGLPL, qui y voient un risque de dérives possibles, en particulier dans le cas où ces informations seraient communiquées à des professionnels n'appartenant pas au corps médical.

Sans doute le secret médical connaît-il des limites, justifiées notamment par la nécessité, pour les pouvoirs publics, de pouvoir exercer un contrôle sur les structures de soins. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a par exemple prévu que les membres de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) titulaires d'un diplôme de médecin pourraient avoir accès aux informations, couvertes par le secret médical, nécessaires à l'exercice de leur mission 13 ( * ) .

Les professionnels de santé jouent un rôle essentiel dans les lieux de privation de liberté et contribuent à la préservation des droits des personnes qui y sont détenues ou retenues. Il est à cet égard indispensable de préserver la qualité des relations que le Contrôleur général peut avoir avec eux.

C'est la raison pour laquelle, sur proposition de votre rapporteure, votre commission a souhaité préciser, sur le modèle des dispositions introduites par la loi du 4 mars 2002 précitée, que seuls les collaborateurs du Contrôleur général titulaires d'un diplôme de médecin auraient la faculté de prendre connaissance d'informations couvertes par le secret médical, à charge pour eux d'en extraire les éléments nécessaires à l'exercice du contrôle.

À l'heure actuelle, l'équipe du Contrôleur général compte trois praticiens hospitaliers.

En l'état de la réflexion, votre commission n'a toutefois pas souhaité aller plus loin que le dispositif applicable au Défenseur des droits et a maintenu le principe de l'accord de la personne concernée à la communication de son dossier médical au CGLPL - ce consentement n'étant toutefois pas requis lorsque les faits concernent des sévices infligés à un mineur ou une personne incapable de se protéger.

• Par ailleurs, votre commission a supprimé de la proposition de loi les dispositions reconnaissant expressément l'existence des chargés d'enquête dans la loi du 30 octobre 2007.

En l'état du droit, cette loi mentionne certes l'existence de « contrôleurs » et ponctuellement de « collaborateurs », mais pour l'essentiel, les modalités d'organisation interne des services du CGLPL, le statut de ses personnels, leurs obligations et les modalités de leur rémunération sont définies par le décret n° 2008-246 du 12 mars 2008 ainsi que par le Règlement de service du CGLPL pris pour son application.

En outre, le fait de mentionner concomitamment dans la loi l'existence de « contrôleurs » et de « chargés d'enquête » sans davantage de précisions semble indiquer que leur statut, leurs prérogatives et leurs obligations respectives pourraient être différents.

Enfin, M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a craint que l'introduction d'une distinction, dans la loi, entre contrôleurs et chargés d'enquête ne conduise à rigidifier excessivement le fonctionnement du CGLPL, alors qu'aujourd'hui, des contrôleurs peuvent se voir confier la réalisation d'enquêtes et qu'inversement des chargés d'enquête peuvent être amenés à effectuer des visites dans le cadre d'un contrôle.

Au total, estimant qu'en tout état de cause les modalités d'organisation interne du CGLPL relèvent du pouvoir réglementaire , votre commission des lois a supprimé, sur proposition conjointe de votre rapporteure et de Mme Esther Benbassa, les dispositions de la proposition de loi introduisant dans la loi l'existence des « chargés d'enquête ».

• Enfin, votre commission a adopté un amendement de sa rapporteure tendant à permettre l'application de la proposition de loi dans les collectivités d'outre-mer soumises au principe de spécialité législative.

Au-delà, votre commission souhaite appeler l'attention sur deux points essentiels :

- d'une part, votre rapporteure a pu mesurer lors de l'audition des représentants des directeurs et des personnels de l'administration pénitentiaire l'extrême sensibilité de ces derniers à certaines prises de position du CGLPL, certains d'entre eux ressentant les critiques formulées sur le fonctionnement d'un établissement comme une mise en cause de leur travail. Ce sentiment d'amertume ne doit pas être négligé, car le bon fonctionnement des établissements recevant des personnes privées de liberté repose avant tout sur les personnels qui y travaillent, et dont une grande majorité s'acquitte de ses fonctions avec conscience professionnelle et probité ;

- d'autre part, il paraît essentiel de mieux faire connaître les fonctions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en particulier auprès des auxiliaires de justice. Dans son rapport d'activité pour 2012, le Contrôleur général regrette ainsi la faible part des avocats, des associations et des autorités administratives indépendantes dans les saisines qui lui sont adressées 14 ( * ) , alors que ces différents acteurs pourraient sans doute faire parvenir au Contrôle des éléments d'information fort utiles à l'exercice de sa mission. Une évolution de cet état de fait paraît souhaitable.

*

* *

Votre commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau) (art. 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté) - Compétence du Contrôleur général pour contrôler les conditions de déroulement des mesures d'éloignement forcé d'étrangers jusqu'à l'État de destination

Le présent article, issu d'un amendement de votre rapporteure adopté par votre commission des lois, vise à étendre le champ de compétence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au contrôle du déroulement des mesures d'éloignement d'étrangers, et ce jusqu'à l'État de destination.

En l'état du droit, l'article 1 er de la loi du 30 octobre 2007 confie au Contrôleur général le soin de « contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux ».

S'agissant en particulier de la situation des étrangers en situation irrégulière, le CGLPL est compétent pour contrôler les zones d'attente des ports et des aéroports ainsi que les centres de rétention administrative 15 ( * ) .

Sa mission s'arrête toutefois aux portes de ces établissements (il peut toutefois être présent lors des opérations d'embarquement), le terme de « transfèrement » utilisé par la loi ne s'appliquant qu'aux personnes détenues.

Il paraît aujourd'hui nécessaire de faire évoluer cet état du droit. En effet, si la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a transposé la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite « directive retour », elle n'a toutefois pas donné leur pleine mesure aux dispositions de l'article 8 de cette dernière, qui demande aux États membres de « prévoir un système efficace de contrôle du retour forcé ».

Ainsi, à l'heure actuelle, il n'existe pas de contrôle indépendant du respect des droits fondamentaux des personnes pendant les phases de transferts forcés vers le pays de destination, une fois passées les portes du centre de rétention administrative.

Le présent article vise à remédier à cette lacune, en confiant au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, déjà compétent pour contrôler le respect des droits fondamentaux dans les centres de rétention administrative, le contrôle de l'exécution de l'ensemble de la mesure d'éloignement, jusqu'à la remise de l'intéressé aux autorités de l'État de destination.

Concrètement, lorsque le retour s'effectue par voie aérienne, il s'agit de permettre aux équipes du Contrôleur général d'être présentes dans l'avion ou d'enquêter sur des faits s'y étant éventuellement déroulés.

En l'état du droit, la directive « retour » du 16 décembre 2008 n'impose un tel contrôle que pour les mesures d'éloignement vers des pays tiers à l'Union européenne. Il a toutefois paru souhaitable à votre commission de ne pas limiter le champ de cette extension de la compétence du CGLPL aux éloignements vers ces seuls pays tiers, ce qui aurait conduit à exclure les éloignements vers des pays membres de l'Union européenne.

Le présent article prévoit donc l'extension de la compétence du CGLPL à l'exécution par l'administration des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre d'étrangers jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination, que ce dernier soit un État membre de l'Union européenne ou un État tiers.

Votre commission a adopté l'article 1 er A (nouveau) ainsi rédigé .

Article 1er (art. 4, 5, 6-1 [nouveau] et 8 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté) - Clarification des conditions d'enquête et élargissement du champ des personnes susceptibles d'être sollicitées et des informations susceptibles d'être consultées par le Contrôleur général

Le présent article poursuit quatre objectifs :

- il clarifie la procédure applicable aux enquêtes réalisées par les services du Contrôleur général des lieux de privation de liberté lorsque celui-ci a été saisi de faits ou de situations susceptibles de relever de sa compétence ;

- il élargit le champ des personnes susceptibles d'être sollicitées par ces derniers et des documents susceptibles de lui être communiqués ;

- il autorise le Contrôleur général à accéder, sous certaines conditions, à des informations couvertes par le secret médical ;

- enfin, il lui rend communicables les procès-verbaux de garde à vue qui ne sont pas relatifs aux auditions des personnes.

1 - Clarification de la procédure applicable aux enquêtes réalisées par les services du Contrôleur général

Les I, II et III du présent article visent à préciser la procédure applicable aux enquêtes réalisées par les services du Contrôleur général lorsque celui-ci a été saisi de faits ou de situations susceptibles de relever de sa compétence. Pour l'essentiel, ces dispositions tendent à inscrire dans la loi la pratique mise en place, dans le silence des textes, par le Contrôleur général.

- La pratique actuelle

Chargé « de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux » (article 1 er de la loi du 30 octobre 2007), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) « peut visiter à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement » (article 8 de cette même loi). La procédure applicable à ces visites est définie aux articles 8 et 9 de la loi du 30 octobre 2007.

En revanche, si l'article 6 de cette loi autorise « toute personne physique ainsi que toute personne morale s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux » à « porter à sa connaissance [...] des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence », la procédure applicable aux suites éventuelles données par le Contrôleur général à ces saisines ne fait pas l'objet de dispositions législatives particulières.

Pourtant, l'activité que suscite l'examen de ces saisines représente une part croissante du travail des équipes du Contrôleur général (voir tableau).

2008
(4 mois)

2009

2010

2011

2012

2013 (estimation)

Nombre de lettres de saisine reçues par le CGLPL

192

1 272

3 276

3 788

4 107

4 116

Source : CGLPL

En 2012, les trois quarts des lettres adressées au Contrôleur général émanaient de la personne concernée, 11 % de la famille ou de proches, 3 % d'un avocat, 3 % d'une association. Dans 93 % des cas, elles se rapportaient à des faits s'étant produits dans un établissement pénitentiaire.

Dans le silence de la loi, le Contrôleur général a développé une pratique, formalisée dans son Règlement de service 16 ( * ) , relative aux suites à donner à ces courriers. Il a également créé en son sein un « pôle saisines » auquel ont été affectés cinq collaborateurs dénommés « chargés d'enquête ».

Le CGLPL s'efforce ainsi d'apporter une réponse à chacune de ces lettres, que celles-ci fassent état d'une situation individuelle ou qu'elles contiennent un témoignage plus général sur les conditions de détention, d'hospitalisation ou de retenue. Près de 7 000 courriers ont été envoyés dans ce cadre par le CGLPL en 2012.

Lorsque les éléments communiqués entrent dans son champ de compétence, le Contrôleur général saisit l'autorité compétente afin de recueillir son point de vue et lui demander la transmission de toute pièce utile, l'objectif étant de lui permettre de porter l'appréciation la plus objective possible sur la situation qui lui est soumise.

Lorsque les échanges écrits entre le Contrôleur général, les personnes concernées et l'autorité sollicitée ne lui permettent pas d'avoir une vue précise des faits, il donne délégation aux chargés d'enquête pour effectuer des vérifications sur pièces et sur place.

À la différence des visites de contrôle, qui portent sur l'ensemble du fonctionnement d'un établissement, ces enquêtes sur place ont un objet circonscrit (accès à l'informatique, conditions de prise en charge des personnes détenues souffrant d'un handicap, place des enfants en détention, etc.).

Néanmoins, si elles s'en distinguent par leur objet, les enquêtes sur place se réalisent en principe dans les mêmes conditions et en vertu des mêmes prérogatives que celles exercées dans le cadre des contrôles, conformément à l'intention du législateur de 2007, qui n'a pas entendu traiter différemment ces deux démarches.

Ainsi, comme le précise le rapport d'activité du CGLPL pour 2012, « ces enquêtes peuvent être inopinées ou bien annoncées quelques jours auparavant (quatre annoncées et deux inopinées en 2012) ; les chargés d'enquête ont accès à tout document, peuvent se rendre en tout lieu et mener des entretiens confidentiels avec toute personne, détenue, membre du personnel ou autre, qu'elles jugent utiles de rencontrer. Les enquêtes sur place sont réalisées par deux, parfois trois chargés d'enquête présents dans l'établissement en moyenne deux à trois jours, en tout état de cause le temps nécessaire pour effectuer les vérifications indispensables.

« Le nombre d'entretiens menés étant moindre que dans le cadre d'une visite de contrôle, une attention encore plus grande est portée à la protection des personnes entendues contre toutes représailles ultérieures, sous quelque forme que ce soit [...].

« À l'issue de l'enquête, un rapport qui relate les constats effectués et contient des recommandations est adressé au chef d'établissement, à charge pour lui de le transmettre aux autres interlocuteurs concernés (UCSA 17 ( * ) , SMPR 18 ( * ) , SPIP 19 ( * ) , RLE 20 ( * ) ...). En retour, il fait valoir leurs observations.

« Le rapport est également transmis à la ou aux personnes à l'origine de la saisine en supprimant au besoin les précisions relatives à la sécurité de l'établissement » 21 ( * ) .

Des difficultés pratiques ou des incertitudes ont toutefois pu être soulevées et justifient une clarification du cadre juridique dans lequel se déroulent ces enquêtes.

- Les dispositions de la proposition de loi (I, II et III du présent article)

Les I, II et III du présent article proposent de donner une assise législative à la pratique mise en place par le Contrôleur général, en faisant évoluer la loi du 30 octobre 2007 de deux façons :

- d'une part, en consacrant dans la loi l'existence des « chargés d'enquête » auxquels le Contrôleur général confie le soin de répondre aux saisines et de leur donner les suites nécessaires ;

- d'autre part, en précisant la procédure applicable aux enquêtes réalisées dans ce cadre.

En particulier, les dispositions proposées autoriseraient les collaborateurs du CGLPL à procéder à toute vérification nécessaire, au besoin sur place, sans que les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne puissent s'y opposer pour des motifs autres que ceux prévus à l'article 8 de la loi du 30 octobre 2007, qui encadre le déroulement des visites.

En outre, sous les mêmes réserves, toute personne sollicitée serait tenue d'apporter toute information en sa possession.

À l'issue de l'enquête, après avoir recueilli les observations de toute personne intéressée, le Contrôleur général pourrait faire parvenir à la personne responsable du lieu de privation de liberté des recommandations, qu'il pourrait décider de rendre publiques, à condition de n'y faire figurer aucune information couverte par le secret professionnel ni aucune mention permettant l'identification des personnes concernées.

- La position de votre commission des lois

Votre commission des lois salue ces dispositions qui permettront de donner un ancrage législatif à la pratique mise en place par le Contrôleur général depuis 2008.

Dans le silence de la loi, la réalisation d'enquêtes par les services de ce dernier a en effet reposé jusqu'à présent, d'une part, sur la volonté du Contrôleur général de ne pas laisser sans réponse un courrier portant à sa connaissance des faits susceptibles de relever de sa compétence, et, d'autre part, sur la pleine coopération des services concernés, qui ont en règle générale accepté de répondre, parfois même dans l'urgence, à ses demandes.

Toutefois, en l'état du droit, aucune autorité ni aucune personne sollicitée n'est formellement tenue de répondre aux demandes d'information du Contrôleur général ou d'autoriser l'accès de ses collaborateurs à un lieu privatif de liberté lorsque celui-ci enquête sur des faits précis dont il a été saisi.

Les dispositions de la proposition de loi permettront donc de clarifier le cadre juridique applicable à ces enquêtes, au bénéfice des personnes privées de liberté. Cette clarification a été unanimement saluée par l'ensemble des personnes entendues par votre rapporteure dans le cadre de la préparation du présent rapport.

Une interrogation a toutefois porté sur l'opportunité de consacrer, dans la loi, l'existence des « chargés d'enquête » auxquels le Contrôleur général a confié le soin de répondre aux saisines.

En l'état du droit, la loi du 30 octobre 2007 mentionne l'existence de « contrôleurs » et ponctuellement de « collaborateurs », mais pour l'essentiel, les modalités d'organisation interne des services du CGLPL, le statut de ses personnels, leurs obligations et les modalités de leur rémunération sont définies par le décret n° 2008-246 du 12 mars 2008 ainsi que par le Règlement de service du CGLPL pris pour son application.

En outre, le fait de mentionner concomitamment dans la loi l'existence de « contrôleurs » et de « chargés d'enquête » sans davantage de précisions semble indiquer que leur statut, leurs prérogatives et leurs obligations respectives pourraient être différents.

Enfin, M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a craint que l'introduction d'une distinction, dans la loi, entre contrôleurs et chargés d'enquête ne conduise à rigidifier excessivement le fonctionnement du CGLPL, alors qu'aujourd'hui, des contrôleurs peuvent se voir confier la réalisation d'enquêtes et qu'inversement des chargés d'enquête peuvent être amenés à participer à des visites dans le cadre d'un contrôle.

Pour ces différentes raisons, estimant qu'en tout état de cause les modalités d'organisation interne du CGLPL relèvent du pouvoir réglementaire, votre commission des lois a adopté deux amendements identiques de sa rapporteure et de Mme Esther Benbassa tendant à supprimer les dispositions de la proposition de loi relative à l'existence des « chargés d'enquête ».

2 - Élargissement du champ des personnes susceptibles d'être sollicitées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

En l'état du droit, l'article 8 de la loi du 30 octobre 2007 autorise le Contrôleur général des lieux de privation de liberté à visiter « à tout moment, sur le territoire de la République, tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté par décision d'une autorité publique, ainsi que tout établissement de santé habilité à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement ».

Dans le cadre de ces visites, le CGLPL dispose de larges prérogatives :

- les autorités responsables du lieu de privation de liberté ne peuvent s'opposer à cette visite que pour des « motifs graves et impérieux » limitativement énumérés (motifs liés à la défense nationale, à la sécurité publique, etc.) ;

- le CGLPL peut obtenir de ces autorités « toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission » et s'entretenir de façon confidentielle avec « toute personne dont le concours lui paraît nécessaire » ;

- enfin, le caractère secret des informations et pièces dont il demande communication ne peut lui être opposé, « sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'État, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client » - étant rappelé que le Contrôleur général et ses collaborateurs sont eux-mêmes astreints au secret professionnel (article 5 de la loi du 30 octobre 2007).

Le 1° du IV du présent article propose d'étendre ces dispositions :

- d'une part, en permettant au CGLPL d'obtenir toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission, non seulement des autorités responsables du lieu de privation de liberté, mais également de « toute personne susceptible de l'éclairer » ;

- d'autre part, en l'autorisant, lors des visites, non seulement à s'entretenir avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire, mais également à « recueillir toute information qui lui paraît utile » .

Ces améliorations du texte se justifient par les conditions de fonctionnement de certains lieux de privation de liberté, auquel participent un certain nombre d'acteurs susceptibles d'être en mesure d'apporter de précieux éléments d'information au CGLPL. Tel est par exemple le cas des gestionnaires privés qui, dans une cinquantaine d'établissements pénitentiaires en gestion déléguée, sont responsables des fonctions d'intendance et de logistique telles que la restauration, l'hôtellerie, la cantine, le transport, la maintenance, le nettoyage, l'accueil des familles, la restauration du personnel ainsi que les missions de travail et de formation professionnelle.

Il importe également qu'à l'occasion des visites, le Contrôleur général puisse accéder à toute information utile à sa mission, comme, par exemple, aux images du système de vidéosurveillance installé dans le lieu visité ou encore aux données de fichiers informatiques . Or, comme l'a indiqué à votre rapporteure lors de son audition M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, si, jusqu'à présent, les services ont la plupart du temps fait droit aux demandes des contrôleurs du CGLPL, des réticences ont pu apparaître ponctuellement : il importe donc de clarifier la loi afin que le Contrôleur général soit pleinement en mesure d'exercer la mission que lui a confiée le législateur.

3 - Possibilité pour le Contrôleur général d'accéder, sous certaines conditions, à des informations couvertes par le secret médical

En l'état du droit, les informations couvertes par le secret médical ne peuvent pas être communiquées au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Comme l'ont souligné les représentants de l'association des professionnels de santé exerçant en prison entendus par votre rapporteure, le secret médical joue un rôle central dans la relation de confiance qui se noue entre un patient et son médecin, et cette relation de confiance est d'autant plus essentielle dans le cas de personnes fragilisées par la mesure de privation de liberté dont elles font l'objet.

Toutefois, cette restriction soulève des difficultés particulières au regard de la mission confiée par la loi au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont le rôle est notamment de s'assurer de l'absence de mauvais traitements contre les personnes privées de liberté. Cette difficulté est notamment prégnante dans le cas du contrôle d'établissements psychiatriques dans lesquels sont hospitalisées des personnes sans leur consentement.

Cette question de l'opposabilité du secret médical s'est posée dans les mêmes termes au Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), organe chargé de contrôler l'application dans les États parties de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l'Europe, signée à Strasbourg le 26 novembre 1987 et entrée en vigueur en 1989.

Dans plusieurs rapports établis à la suite d'une visite en France (2003, 2004, 2010), le CPT a regretté de ne pas avoir pu accéder directement à certaines informations à caractère médical, alors que de telles informations lui paraissaient directement nécessaires à l'exercice de sa mission et que l'article 8 de la Convention de Strasbourg ne prévoit pas une telle restriction.

Afin de répondre à cette difficulté, le Gouvernement français a mis en place un dispositif permettant aux membres du CPT d'accéder aux informations sollicitées par l'intermédiaire d'un médecin inspecteur de santé publique de l'Agence régionale de santé. Toutefois, comme l'ont respectivement souligné lors de leur audition M. Xavier Ronsin, membre français du CPT, et Mme Catherine Paulet, responsable du SMPR de Marseille et expert auprès de ce même comité, cette procédure est lourde et complexe.

Secret médical : que dit la loi ?

L'article L1110-4 du code de la santé publique dispose que :

« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

« Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

« Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe.

« Les informations concernant une personne prise en charge par un professionnel de santé au sein d'une maison ou d'un centre de santé sont réputées confiées par la personne aux autres professionnels de santé de la structure qui la prennent en charge, sous réserve :

« 1° Du recueil de son consentement exprès, par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Ce consentement est valable tant qu'il n'a pas été retiré selon les mêmes formes ;

« 2° De l'adhésion des professionnels concernés au projet de santé mentionné aux articles L. 6323-1 et L. 6323-3.

« La personne, dûment informée, peut refuser à tout moment que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé.

« Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d'État pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisation de la carte de professionnel de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33 du code de la sécurité sociale ou un dispositif équivalent agréé par l'organisme chargé d'émettre la carte de professionnel de santé est obligatoire. La carte de professionnel de santé et les dispositifs équivalents agréés sont utilisés par les professionnels de santé, les établissements de santé, les réseaux de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins.

« Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

« En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.

« Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ».

Dans le cadre de l'examen de la loi du 30 octobre 2007 relative au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, notre collègue Jean-Jacques Hyest, rapporteur de ce texte, avait souligné les difficultés que pourrait susciter l'opposabilité du secret médical au CGLPL :

« Le secret médical soulève des difficultés. Il pourrait limiter la portée du contrôle, notamment dans le cadre de la visite des établissements psychiatriques. Le comité européen de prévention de la torture a souvent considéré dans ses rapports d'inspection que le secret médical ne devait pas lui être opposable, au motif que l'accès au dossier médical et aux données à caractère médical lui était nécessaire pour constater voire prévenir tout mauvais traitement. Néanmoins, comme l'a signalé M. Xavier Ronsin à votre rapporteur, il semble que les difficultés relevées lors des visites antérieures aient été aplanies à la suite de l'intervention de l'IGAS. Sans doute pourra-t-on mieux mesurer à l'expérience si les restrictions liées au secret médical entravent de manière excessive la mission du Contrôleur général et s'il convient en conséquence de les assouplir » 22 ( * ) .

Au terme de plus de cinq années d'expérience, il paraît nécessaire d'évoluer sur cette question. En effet, si M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a fréquemment eu l'occasion d'affirmer son attachement à ce principe et de dénoncer les atteintes qui pouvaient y être portées dans certains lieux de privation de liberté 23 ( * ) , l'opposabilité du secret médical à ses équipes - pourtant tenues, en vertu de l'article 5 de la loi du 30 octobre 2007, au secret professionnel - soulève des difficultés, en particulier dans deux situations :

- d'une part, dans les établissements hébergeant des malades en souffrance mentale, la mise à l'isolement, éventuellement accompagnée de mesures de contention, peut être un moyen nécessaire de prise en charge du patient. En pratique, l'impossibilité pour les contrôleurs d'accéder à des informations couvertes par le secret médical empêche ces derniers de s'assurer qu'une telle mesure a été prise en adéquation avec l'état de santé du malade et pour la seule durée nécessaire ;

- d'autre part, lorsqu'une personne placée en garde à vue ou en quartier disciplinaire, par exemple, fait état de violences commises à son encontre, l'impossibilité de consulter le dossier médical de l'intéressé interdit aux contrôleurs de vérifier la réalité des faits allégués, alors même qu'un médecin intervient sur demande en garde à vue ou que les cellules disciplinaires sont visitées deux fois par semaine par un praticien.

Au-delà de l'examen de cas particuliers, Mme Catherine Paulet a également observé lors de son audition que les dossiers médicaux, les listings de traitements, les registres divers, les rapports d'autopsie le cas échéant, permettaient d'examiner un type d'organisation ou de prise en charge, s'agissant par exemple de la délicate question du traitement de la maladie mentale en prison.

Au demeurant, la question de l'opposabilité du secret médical à l'autorité indépendante chargée de prévenir les mauvais traitements et les atteintes aux droits fondamentaux ne se pose pas dans les États européens qui se sont dotés d'une telle autorité. En Suisse, par exemple, la commission nationale de prévention de la torture a accès à l'ensemble des informations nécessaires au bon accomplissement de son mandat, « données sensibles » inclues. Selon la législation suisse, les données médicales font partie de ces données sensibles et comprennent également les rapports d'autopsies.

Une évolution de la loi française apparaît d'autant plus nécessaire que, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 29 mars 2011, le Défenseur des droits a, pour sa part, la possibilité d'obtenir communication d'informations couvertes par le secret médical à la demande expresse de la personne concernée. Le consentement de cette dernière n'est toutefois pas requis lorsque les informations demandées sont relatives à des privations, des sévices et des violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

Prenant modèle sur les dispositions de l'article 20 de cette loi organique du 29 mars 2011, le 3° du IV du présent article propose d'aligner, sur ce point, les prérogatives du CGLPL sur celles reconnues au Défenseur des droits :

- les informations couvertes par le secret médical ne pourraient lui être communiquées qu'à la demande expresse de la personne concernée ;

- toutefois, les informations couvertes par le secret médical pourraient lui être communiquées sans le consentement de la personne concernée lorsqu'elles sont relatives à des privations, sévices et violences psychiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou son incapacité physique ou psychique.

Les professionnels de santé entendus par votre rapporteure lui ont fait part de leurs réticences face à ces dispositions qui ouvriraient à des personnes n'appartenant pas au corps médical la possibilité d'accéder à certaines informations couvertes par le secret médical. Ils ont souligné les difficultés de positionnement qui pourraient en résulter pour le Contrôleur général et les risques d'une rupture de confiance entre ses équipes et les personnels médicaux intervenant dans les lieux de privation de liberté.

Votre commission des lois, attachée au rôle essentiel joué par les professionnels de santé dans les lieux de privation de liberté, a souhaité apaiser ces craintes en précisant le dispositif proposé par la proposition de loi.

Sur proposition de sa rapporteure, elle a adopté un amendement tendant à préciser que seuls les collaborateurs du CGLPL titulaires d'un diplôme de médecin pourraient prendre connaissance d'informations couvertes par le secret médical, à charge pour eux d'en extraire les éléments nécessaires au contrôle.

À l'heure actuelle, l'équipe du CGLPL inclut trois praticiens hospitaliers.

Parallèlement, il a semblé à votre commission que l'exigence d'une « demande expresse » de la personne présentait sans doute un risque de rigidité excessive et, dans certains lieux de privation de liberté, pourrait attirer inutilement l'attention sur les démarches entreprises par l'intéressé auprès du Contrôleur général. Sur proposition de votre rapporteure, votre commission a souhaité assouplir la formulation proposée en n'exigeant plus que « l'accord » de la personne intéressée.

4 - Possibilité pour le CGLPL de prendre connaissance de certains procès-verbaux de garde à vue

Enfin, le dernier alinéa de l'article 1 er ouvre au CGLPL la possibilité de se faire communiquer les procès-verbaux de garde à vue qui ne sont pas relatifs aux auditions des personnes.

Le déroulement des mesures de garde à vue est en effet strictement encadré par le code de procédure pénale et doit être retracé dans un procès-verbal spécifique, ainsi que dans un registre spécial tenu dans l'ensemble des locaux de police et de gendarmerie susceptibles d'accueillir des personnes gardées à vue.

L'article 64 du code de procédure pénale prévoit ainsi que « l'officier de police judiciaire établit un procès-verbal mentionnant :

« 1° Les motifs justifiant le placement en garde à vue [...];

« 2° La durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions, les heures auxquelles elle a pu s'alimenter, le jour et l'heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l'heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent ;

« 3° Le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue effectuées dans une autre procédure pendant la durée de la garde à vue ;

« 4° Les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2 à 63-3-1 [droit de faire prévenir un proche, droit d'être examiné par un médecin, droit d'être assisté par un avocat] et les suites qui leur ont été données ;

« 5° S'il a été procédé à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes.

« Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en est fait mention ».

Comme l'ont notamment souligné les représentants de la commission nationale consultative des droits de l'homme et du Syndicat de la magistrature, ces informations sont essentielles pour permettre au CGLPL d'exercer son contrôle sur les locaux de garde à vue.

Or des refus de communication ont ponctuellement pu être rencontrés par les équipes du Contrôleur général 24 ( * ) .

La possibilité d'accéder à de tels documents est d'autant plus importante que, comme a eu plusieurs fois à le déplorer le Contrôleur général, les registres spéciaux tenus dans les locaux de police ou de gendarmerie sont souvent incomplets 25 ( * ) .

La modification proposée par la proposition de loi est donc la bienvenue et permettra de préciser le champ de la loi sur ce point.

Naturellement, seraient exclus du champ de cette disposition les procès-verbaux relatifs aux faits ayant motivé le placement en garde à vue, de façon cohérente avec l'article 8 de la loi du 30 octobre 2007 qui exclut la possibilité pour le CGLPL de prendre connaissance d'informations couvertes par le secret de l'enquête et de l'instruction.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (art. 8 bis [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté) - Protection des personnes en relation avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Le présent article vise à répondre au risque de « représailles » auquel sont parfois confrontées les personnes entrant en relation avec le Contrôleur général.

De ce point de vue, il tend à assurer la conformité du droit français avec le protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2002.

Lors de l'examen de la loi du 30 octobre 2007 qui a institué le CGLPL, le législateur n'a pas donné de traduction législative aux stipulations de l'article 21 de ce protocole, qui prévoit qu' « aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire n'ordonnera, n'appliquera, n'autorisera ou ne tolérera de sanction à l'encontre d'une personne ou d'une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux, au mécanisme national de prévention, et ladite personne ou organisation ne subira de préjudice d'aucune autre manière ».

Or, comme M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, a souvent eu l'occasion de le déplorer, les personnes privées de liberté sont parfois exposées à des intimidations, des menaces ou des chantages d'ordres divers du seul fait des liens qu'elles ont cherché à établir avec le Contrôleur général ou des informations qu'elles lui ont communiquées. Si de tels agissements relèvent dans la grande majorité de cas d'initiatives individuelles, ils ne sauraient être tolérés par les responsables des lieux de privation de liberté.

Par ailleurs, comme l'ont souligné les représentants des personnels pénitentiaires entendus par votre rapporteure, de tels agissements sont également susceptibles de concerner des personnels exerçant dans les lieux de privation de liberté, qu'il importe également de protéger contre toute éventuelle mesure de rétorsion de la part de leurs collègues ou, le cas échéant, de leur hiérarchie.

Une telle protection est essentielle pour donner sa pleine effectivité à la loi du 30 octobre 2007, notamment son article 6 qui permet à toute personne physique de porter à la connaissance du Contrôleur général des faits ou situations susceptibles de relever de sa compétence.

À cette fin, le présent article propose d'introduire dans la loi du 30 octobre 2007 un nouvel article 8 bis , aux termes duquel il serait précisé qu'aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général ou des informations qui lui auront été données se rapportant à l'exercice de sa fonction.

Cette protection ne pourrait toutefois pas être invoquée par une personne ayant communiqué au Contrôleur général des éléments volontairement faux afin de nuire à autrui : de tels faits continueraient à ouvrir la voie à d'éventuelles poursuites pour dénonciation calomnieuse 26 ( * ) .

Cette dernière précision paraît nécessaire pour traduire dans la loi les termes de la réserve formulée par la France au moment de la signature du protocole facultatif précité du 18 décembre 2002 : à cette occasion, le Gouvernement français avait fait savoir que la France se conformerait aux articles 15 et 21 de ce protocole « pour autant que, s'agissant des renseignements faux, la personne ou l'organisation en question n'ait pas eu connaissance du caractère fallacieux des faits au moment de leur dénonciation et, d'autre part, sans préjudice des voies de droit dont pourraient faire usage les personnes mises en cause en raison du dommage subi pour dénonciation de faits inexacts à leur encontre ».

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 3 (art. 9 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté) - Dialogue entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les autorités compétentes

Le présent article propose d'apporter plusieurs précisions aux modalités de dialogue entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les différentes autorités compétentes.

En l'état du droit, l'article 9 de la loi du 30 octobre 2007 prévoit :

- qu'à l'issue de chaque visite, le Contrôleur général fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité, ainsi que la condition des personnes privées de liberté. Les ministres formulent des observations en réponse chaque fois qu'ils le jugent utile ou lorsque le CGLPL l'a expressément demandé. Dans ce cas, les observations en réponse sont annexées au rapport de visite établi par le Contrôleur général ;

- en outre, afin de donner sa pleine effectivité à la mission que lui a confiée le législateur, le CGLPL, s'il constate une violation grave des droits fondamentaux d'une personne privée de liberté, est tenu de communiquer sans délai aux autorités compétentes ses observations, de leur impartir un délai pour y répondre et, à l'issue de ce délai, de constater s'il a été mis fin à la violation signalée. S'il l'estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues ;

- par ailleurs, si le CGLPL a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il est tenu de les porter sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale. Depuis 2008, le Contrôleur général a été conduit à faire usage de ces dispositions à une quinzaine de reprises ;

- enfin, il est tenu de porter sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Les personnes entendues par votre rapporteure à l'occasion des auditions ont souligné la qualité du dialogue que M. Jean-Marie Delarue s'était attaché à instaurer avec les autorités responsables des lieux de privation de liberté.

Le présent article tend à apporter quelques modifications à la loi du 30 octobre 2007, afin de remédier à des difficultés mises en évidence par l'expérience.

Le 1° du présent article propose d'adapter la loi afin de tenir compte des contraintes de fonctionnement du CGLPL : en effet, du fait de l'objectif de 150 visites annuelles qu'il s'est engagé à effectuer et du nombre croissant de lettres qui lui sont adressées, le Contrôleur général est soumis à une charge de travail importante qui le conduit malheureusement, souvent, à n'être en mesure d'adresser ses observations aux ministres intéressés que plusieurs mois après la visite de son équipe.

Ceci est également la conséquence d'une pratique qu'il a souhaité instaurer, tendant, avant toute transmission d'observations aux ministres, à faire parvenir un projet de rapport au responsable de l'établissement visité afin de confronter les points de vue et le cas échéant corriger les erreurs factuelles commises dans le recueil des faits lors de la visite.

Afin d'éviter que, à l'issue d'un délai trop long, ses observations perdent une partie de leur intérêt, le 1° du présent article propose de prévoir que les observations qu'il transmet aux ministres intéressés tiennent compte de l'évolution de la situation depuis sa visite , ce qui permettra aux ministres de prendre connaissance d'éléments correspondant à la situation actuelle et, le cas échéant, d'apprécier la pertinence des réponses apportées par les autorités responsables du lieu de privation de liberté aux constats effectués par le CGLPL.

Le 2° du présent article tend à encadrer de façon plus précise le sort devant être réservé par les ministres à ces observations.

En l'état du droit, ces derniers ne sont tenus d'y répondre que s'ils l'estiment utile ou si le CGLPL le leur a expressément demandé. En pratique, le Contrôleur général a pris pour habitude de demander de manière systématique aux ministres des observations en réponse aux rapports qui leur étaient envoyés, considérant que toutes les visites permettaient de mettre en lumière des données - positives ou négatives - de portée générale.

À cet égard, si des réponses sont la plupart du temps adressées au Contrôleur général, leur qualité et le délai dans lequel elles lui parviennent peuvent être variables. En 2012, le Contrôleur général a reçu 69 réponses ministérielles faisant suite à des visites (28 du ministre de l'intérieur, 25 du ministre de la santé, 15 du ministre de la justice et une du ministre de l'économie et des finances) 27 ( * ) .

Au regard de cette expérience, le 2° du présent article propose :

- d'une part, de rendre systématiques les réponses des ministres concernés aux observations adressées par le CGLPL, à l'exception des cas dans lesquels ce dernier les en dispense ;

- d'autre part, de permettre au CGLPL de leur imposer un délai pour l'envoi de ces réponses - délai qui ne saurait en tout état de cause être inférieur à un mois.

De telles dispositions paraissent nécessaires pour donner sa pleine effectivité à la mission du Contrôleur général.

Pour mémoire, on rappellera que d'autres autorités dotées d'un pouvoir de contrôle de l'action de l'administration disposent également du pouvoir de demander au Gouvernement de répondre à leurs observations, le cas échéant dans un délai contraint : tel est par exemple le cas de la Cour des comptes (articles R. 143-1 et R. 143-2 du code des juridictions financières) ou de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (article L. 243-8 du code de la sécurité intérieure). De même, l'article 25 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits dispose que « les autorités ou personnes intéressées informent le Défenseur des droits, dans le délai qu'il fixe, des suites données à ses recommandations ».

Lors de leur audition par votre rapporteure, les représentants de l'administration pénitentiaire ont souligné que le délai d'un mois imparti par le CGLPL pouvait être mal ressenti par les services chargés de préparer les projets de réponse lorsque ses propres observations étaient envoyées de longs mois après sa visite de l'établissement concerné. Dans ce cas, en effet, la situation de l'établissement peut avoir évolué et ses responsables changé, et des investigations supplémentaires peuvent allonger le temps de préparation des éléments de réponse.

Sensible à cet argument, votre commission observe néanmoins que le délai d'un mois prévu par la proposition de loi ne constitue qu'un « plancher » et qu'il sera loisible au Contrôleur général de fixer aux ministres un délai de réponse plus long. À cet égard, il paraît souhaitable que ce délai soit fixé en adéquation avec le délai dans lequel il a lui-même fait parvenir ses observations aux ministres intéressés.

Enfin, le 3° du présent article tend à permettre au Contrôleur général d'être informé par le procureur de la République ou l'autorité disciplinaire des suites données aux faits qu'il a portés à leur connaissance.

Comme l'a indiqué à votre rapporteure M. Jean-Marie Delarue, le Contrôleur général n'est qu'exceptionnellement tenu informé des suites données aux faits qu'il porte à la connaissance de la justice, ce qui est regrettable et ne permet pas au Contrôleur général d'avoir une vue d'ensemble de l'efficacité de ses démarches.

Le 3° du présent article y remédie en prévoyant l'information systématique du CGLPL sur les suites judiciaires ou disciplinaires données aux faits qu'il aurait signalés, comme cela est d'ores et déjà le cas pour le Défenseur des droits (articles 29 et 33 de la loi organique du 29 mars 2011).

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4 (art. 10 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté) - Publication systématique des avis, recommandations et propositions du Contrôleur général

Le présent article tend à rendre systématique la publication des avis, recommandations et propositions formulées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

En l'état du droit, l'article 10 de la loi du 30 octobre 2007 prévoit que, dans son domaine de compétence, le Contrôleur général peut émettre des avis, formuler des recommandations aux autorités publiques et proposer au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables. Après en avoir informé les autorités responsables, il peut décider de rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, accompagnés des observations de ces autorités.

Au cours des années récentes, le Parlement a ainsi tiré grand profit des observations du CGLPL dans le cadre de l'examen de projets de loi portant sur des lieux de privation de liberté, comme la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue par exemple 28 ( * ) .

En pratique, le Contrôleur général a pris l'habitude, au cours de son mandat, de publier systématiquement ses avis ou recommandations, contribuant ainsi à faire des conditions de privation de liberté un élément de débat public (comme cela a été le cas par exemple à la suite de ses recommandations en urgence du 12 novembre 2012 concernant le centre pénitentiaire des Baumettes).

Le présent article propose de donner une assise législative à cette pratique en faisant désormais de la publication des avis, recommandations et propositions du Contrôleur général une obligation.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 (art. 9 bis [nouveau] de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 207 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté) - Possibilité pour le Contrôleur général de mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai déterminé

Le présent article ouvre au Contrôleur général des lieux de privation de liberté la possibilité de mettre en demeure toute personne intéressée de lui répondre dans un délai déterminé.

Comme M. Jean-Marie Delarue l'a indiqué à votre rapporteure, les responsables d'établissements et les différentes administrations concernées se sont dans l'ensemble toujours montrés coopératifs avec les équipes du Contrôleur général, qui ont la plupart du temps pu accéder aux pièces et documents nécessaires à l'exercice de leur mission.

Des difficultés ponctuelles, en particulier à l'occasion d'enquêtes portant sur des faits précis ou dans certains services réticents, ont toutefois pu survenir. Or le Contrôleur général est largement démuni face à l'inertie de certains comportements.

Une évolution du droit apparaît d'autant plus justifiée que le Défenseur des droits dispose, quant à lui, du pouvoir d'enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires (article 25 de la loi organique du 29 mars 2011).

Le champ du texte proposé par la proposition de loi est plus circonscrit : il serait en l'espèce sans doute peu réaliste, compte tenu de la complexité de la gestion des lieux de privation de liberté, d'octroyer au CGLPL le pouvoir d'enjoindre à l'administration de prendre les mesures nécessaires pour répondre aux difficultés mises en évidence à l'occasion d'une visite ou d'une enquête.

En revanche, il est essentiel que le Contrôleur général puisse accéder à l'ensemble des éléments nécessaires à l'exercice de sa mission et que ses demandes d'informations, de documents ou d'observations ne demeurent pas lettre morte.

Tel est l'objet du présent article, qui introduit dans la loi du 30 octobre 2007 un nouvel article 9 bis aux termes duquel, lorsque ses demandes de documents, d'informations ou d'observations n'ont pas été suivies d'effet, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'il fixe.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Article 6 (art. 13 bis [nouveau] de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté) - Création d'un délit d'entrave à l'action du Contrôleur général

Le présent article vise à créer un délit d'entrave à l'action du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

En l'état du droit, aucune disposition pénale ne permet de sanctionner spécifiquement les comportements de ceux qui s'opposent volontairement aux contrôles et enquêtes conduits par les équipes du Contrôleur général, ce qui risque de priver d'effet les prérogatives reconnues par la loi à ce dernier.

À l'inverse, la loi a instauré au bénéfice d'un certain nombre d'autorités chargées d'une mission de contrôle des dispositions pénales sanctionnant de tels comportements.

Tel est par exemple le cas du Défenseur des droits : l'article 12 de la loi du 29 mars 2011 punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de ne pas déférer aux convocations du Défenseur des droits, de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission ou de l'empêcher d'accéder à des locaux administratifs ou privés.

Des dispositions comparables existent également pour préserver l'efficacité de l'action de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) (article 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978), de l'Autorité des marchés financiers (article L. 642-2 du code monétaire et financier) ou encore de celle des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) (article L. 217-10 du code de la consommation), par exemple.

Dans les faits, ces dispositions ont une fonction essentiellement dissuasive : le nombre de condamnations prononcées chaque année pour de tels faits est modeste et les quantums de peine prononcés relativement faibles (voir tableau).

Entrave à l'action de la CNIL

Obstacle à une mission de contrôle ou d'enquête de l'AMF

Obstacle à l'exercice des fonctions des agents de la répression des fraudes

Nombre d'infractions ayant donné lieu à condamnation

Montant moyen d'amende ferme prononcée

Nombre d'infractions ayant donné lieu à condamnation

Montant moyen d'amende ferme prononcée

Nombre d'infractions ayant donné lieu à condamnation

Montant moyen d'amende ferme prononcée

2008

1

300 euros

-

-

32

1 279 euros

2009

-

-

2

-

36

1 041 euros

2010

1

1 000 euros

-

-

25

892 euros

2011

-

-

-

-

31

1 982 euros

2012

-

-

-

-

21

1 350 euros

Source : ministère de la justice

Jusqu'à présent, le Contrôleur général n'a pas rencontré de difficultés majeures dans l'exercice de ses missions, mais des difficultés et des résistances ponctuelles ont pu se faire jour, que le dialogue n'a pas toujours permis de résoudre.

Surtout, les nombreuses visites et enquêtes réalisées en l'espace de cinq ans lui ont permis de mesurer l'ampleur des pressions et intimidations qui pouvaient se manifester, dans certains établissements, pour dissuader des personnes de s'adresser à lui.

Il importe donc de combler sur ce point une lacune de la loi du 30 octobre 2007 et de rendre passibles de poursuites pénales les comportements de ceux qui s'efforcent de faire obstacle aux missions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Tel est l'objet du présent article, qui crée un nouveau délit, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, visant le fait de faire obstacle à la mission du Contrôleur général de trois façons différentes :

- soit en s'opposant au déroulement des visites ;

- soit en refusant de lui communiquer les renseignements et documents nécessaires aux enquêtes ou aux visites, en dissimulant ou en faisant disparaître de tels documents ou renseignements ou en altérant leur contenu ;

- soit, enfin, en prenant des mesures destinées à faire obstacle, par menace ou voie de fait, aux relations que toute personne peut avoir avec le Contrôleur général en vertu des articles 6 et 8 la loi du 30 octobre 2007, qui prévoient en particulier que le Contrôleur peut être saisi par toute personne et qu'il peut s'entretenir confidentiellement, lors des visites, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire.

L'attention de votre rapporteure a été attirée lors des auditions sur l'utilisation des termes « voie de fait », susceptibles d'introduire une ambiguïté selon qu'ils seraient interprétés dans leur sens pénal ou dans l'acception que leur donne la jurisprudence administrative.

Votre commission observe toutefois que les termes de « voie de fait » figurent d'ores et déjà dans la rédaction d'un certain nombre d'incriminations - telles que le délit d'entrave à l'exercice des libertés d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation défini à l'article 431-1 du code pénal par exemple -, et qu'ils font l'objet d'une jurisprudence suffisamment ancienne et établie pour ne pas risquer d'introduire de confusion dans l'application des dispositions pénales introduites par la proposition de loi 29 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .

Article 7 (art. 4 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009) - Respect du secret des correspondances entre les personnes détenues et le Contrôleur général

Le présent article propose de renforcer les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 tendant à préserver le secret des correspondances entre les personnes détenues et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

L'article 40 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit que, si les personnes condamnées (et sous certaines conditions les personnes prévenues) peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix, le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut toutefois être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.

Lorsque l'administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d'une personne détenue, elle lui notifie sa décision.

Des exceptions sont toutefois prévues : ne peuvent ainsi être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur, certaines autorités administratives et judiciaires françaises et internationales, et les aumôniers agréés auprès de l'établissement.

En outre, l'article 4 de la loi pénitentiaire prévoit que la possibilité de contrôler et de retenir les correspondances ne s'applique pas aux correspondances échangées entre le CGLPL et les personnes détenues .

La pratique a toutefois montré que, dans les faits, ces dispositions ne sont pas toujours respectées : le Contrôleur général a maintes fois appelé l'attention sur les « représailles » qui peuvent atteindre les personnes qui demandent à être entendues par les contrôleurs ou qui s'adressent au CGLPL.

Cet état de fait, qui résulte davantage d'initiatives individuelles vraisemblablement ignorées de l'administration pénitentiaire, n'est pas acceptable.

Afin d'y remédier, la proposition de loi propose d'apporter deux modifications à l'article 4 de la loi pénitentiaire précitée :

- d'une part, le champ de la protection serait élargi à l'ensemble des communications téléphoniques, aux correspondances et à « tout autre moyen de communication » entre le CGLPL et les personnes détenues ;

- d'autre part, la méconnaissance de cette protection des correspondances serait désormais passible de sanctions pénales , la proposition de loi renvoyant à ce titre aux peines prévues par l'article 432-9 du code pénal - qui réprime les atteintes au secret des correspondances -, soit trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende 30 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 7 sans modification .

Article 8 (nouveau) - Application outre-mer

Le présent article, qui résulte d'un amendement de votre rapporteure adopté par votre commission, vise à permettre l'application de la proposition de loi dans les collectivités d'outre-mer soumises au principe de spécialité législative.

L'article 6-2 de la loi organique n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie et l'article 7 de la loi organique 2004-192 portant statut d'autonomie de la Polynésie française prévoient que « les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives à la composition, l'organisation, le fonctionnement et les attributions [...] du Contrôleur général des lieux de privation de liberté » sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Tel n'est en revanche pas le cas du droit applicable à Wallis et Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises, pour lesquelles une mention expresse est nécessaire.

En outre, une mention expresse est nécessaire pour permettre l'application en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française des dispositions pénales introduites par la présente proposition de loi.

Tel est l'objet du présent article.

Votre commission a adopté l'article 8 (nouveau) ainsi rédigé .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - La proposition de loi que j'ai eu l'honneur de déposer, avec les membres du groupe socialiste et apparentés, modifie la loi du 30 octobre 2007 instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Son inscription à l'ordre du jour du Sénat est une nouvelle marque de l'attention particulière que notre assemblée accorde à la situation des personnes privées de liberté et de notre attachement à l'existence d'une autorité de contrôle indépendante chargée de veiller au respect de leurs droits fondamentaux. Le Sénat avait voté dès avril 2001 une proposition de loi de M. Jean-Jacques Hyest instaurant un Contrôle général des prisons. Il y a trois ans, lors du débat sur le Défenseur des droits, le Sénat s'est opposé à l'absorption du Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans la nouvelle institution. M. Patrice Gélard, rapporteur de ce texte, avait fait valoir que les missions étaient différentes, et qu'il convenait de dresser le bilan de l'action du Contrôleur général avant toute nouvelle évolution institutionnelle.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été créé par la loi du 30 octobre 2007. M. Jean-Marie Delarue a été nommé à cette fonction le 13 juin 2008 et l'institution a commencé à fonctionner en septembre 2008. Pour respecter nos engagements internationaux, sa compétence n'est pas limitée aux seuls établissements pénitentiaires mais a été étendue à l'ensemble des lieux susceptibles d'accueillir des personnes privées de liberté par décision d'une autorité publique : locaux de garde à vue, centres de rétention administrative, hôpitaux psychiatriques accueillant des malades hospitalisés sans leur consentement, etc... Aux termes de la loi, il est compétent pour veiller au respect de l'ensemble des droits fondamentaux des personnes, et pas seulement pour éviter les risques de torture, comme le prévoient nos engagements internationaux. Il bénéficie de garanties d'indépendance, peut être saisi très largement, et peut également s'autosaisir. Il dispose de larges prérogatives, comme la faculté de procéder à des visites d'établissements, y compris de façon inopinée.

Après cinq ans et demi, le bilan est remarquable : plus de 800 établissements visités - conformément à l'engagement pris par M. Delarue d'effectuer 150 visites par an - dont la quasi-totalité des établissements pénitentiaires d'ici cet été. Malgré des moyens budgétaires modestes, le Contrôleur s'est rendu à plusieurs reprises dans des départements et collectivités d'outre-mer, où certains établissements fonctionnent dans des conditions bien dégradées - c'est un euphémisme - comme notre commission s'en est souvent émue.

Le Contrôleur général peut être saisi par toute personne intéressée. Dans le silence de la loi, Jean-Marie Delarue a pris la décision de répondre à tout courrier qui lui était adressé et, le cas échéant, d'envisager les suites à leur donner en effectuant des enquêtes et en vérifiant, sur place, la réalité des allégations. Les saisines représentent depuis 2012 environ 4 000 courriers par an : il s'agit d'une charge de travail très importante.

Enfin, le Contrôleur général a pleinement fait usage de la faculté de publier des avis ou des recommandations, ce qui a parfois été mal ressenti par les membres de l'administration pénitentiaire, qui y ont vu une remise en cause de leur travail, comme aux Baumettes. Ces personnels exercent leurs fonctions dans des conditions difficiles et sont confrontés à des manques de moyens. On peut toutefois se réjouir de cette publicité qui a contribué à porter dans le débat public des questions rarement évoquées auparavant. Son expertise a en outre été utile au législateur, par exemple lors de la réforme de la garde à vue.

Ce bilan très positif est largement à mettre au crédit de la personnalité de Jean-Marie Delarue. En 2007, le rapporteur Jean-Jacques Hyest estimait que le premier titulaire des fonctions de Contrôleur général « devrait réunir la compétence et l'expérience nécessaires pour bénéficier d'un crédit incontestable auprès de l'opinion publique tout en suscitant la confiance des administrations et des responsables des lieux soumis à son contrôle ». M. Delarue a pleinement répondu à cette feuille de route, alliant une intransigeance sur les principes et un souci permanent de l'écoute et du dialogue, en particulier avec les responsables et le personnel. Il a su donner à la loi du 30 octobre 2007 toute sa portée. Il a mis en place, dans le silence de la loi, des pratiques conformes à une conception exigeante et ambitieuse de sa mission. Son mandat arrivera à son terme en juin 2014 et n'est pas renouvelable. L'examen de cette proposition de loi est l'occasion de réaffirmer notre attachement au principe d'une autorité autonome. En pratique, les missions du Défenseur des droits, qui recherche des solutions à des litiges particuliers, et du Contrôleur général, de contrôle et de prévention, sont complémentaires.

Cette proposition de loi comporte diverses mesures destinées à protéger les interlocuteurs du Contrôleur général. Jean-Marie Delarue a souvent souligné la qualité du dialogue instauré avec les responsables des lieux de privation de liberté ; dans la grande majorité des cas, ses équipes ont pu accéder aux documents dont ils avaient besoin. Des difficultés ponctuelles se sont toutefois présentées, notamment pour l'accès à des images de vidéosurveillance à l'occasion d'enquêtes portant sur des faits précis par exemple. Le principal obstacle réside dans les risques de « représailles » dont peuvent faire l'objet ceux
- détenus ou membres du personnel - qui s'adressent au Contrôleur général ou acceptent de s'entretenir avec ses équipes. De tels comportements sont des initiatives individuelles ignorées des responsables d'établissements ou des représentants du personnel. Ils n'en sont pas moins inacceptables. La proposition de loi crée un délit d'entrave à l'action du Contrôleur général
- comme il en existe pour le Défenseur des droits ou pour la CNIL - et renforce, sous peine de sanctions pénales, les dispositions de la loi pénitentiaire sur le secret des correspondances entre les personnes détenues et le Contrôleur général.

M. Jean-Marie Delarue insiste sur le fait que l'efficacité de son action est liée au nombre et à la qualité des informations qui lui parviennent. Il se heurte encore maintenant à un certain nombre de restrictions, légales ou pratiques, en particulier lorsque ses enquêtes portent sur des faits précis. C'est pourquoi le texte lève, de façon encadrée, l'interdiction d'accéder à des informations couvertes par le secret médical, lequel limite en pratique la portée de son contrôle, s'agissant par exemple d'allégations de mauvais traitements ou d'abus de mesures de contention en hôpital psychiatrique. Comme le Défenseur des droits, le Contrôleur général pourra y accéder à la demande expresse de la personne concernée ou lorsque les faits concernent des sévices commis sur un mineur ou une personne incapable de se protéger. Le Contrôleur général pourra prendre connaissance des procès-verbaux de déroulement de garde à vue, à l'exception des auditions des personnes, bien sûr, couvertes par le secret de l'instruction. Il pourra mettre en demeure les intéressés de lui répondre dans un délai fixé.

La procédure applicable aux enquêtes est précisée, afin de lever tout risque d'ambiguïté : les ministres devront désormais répondre systématiquement aux observations dans le délai posé par le Contrôleur ; celui-ci devra être informé des suites données à ses démarches auprès du procureur de la République ou de l'autorité chargée du pouvoir disciplinaire ; enfin, ses avis seront systématiquement publiés, ce qui consacre dans la loi la pratique à l'oeuvre depuis 2008.

En ma qualité de rapporteure, au terme des auditions, je vous proposerai quatre amendements. L'un d'entre eux élargit la compétence du Contrôleur général aux mesures d'éloignement forcé d'étrangers en situation irrégulière. La directive « retour » de 2008 nous impose en effet de prévoir « un système efficace de contrôle du retour forcé », incluant l'ensemble des phases de transfert, y compris le voyage en avion, jusqu'à la remise de l'intéressé aux autorités du pays de destination. Il m'a paru nécessaire de donner une traduction législative à cette obligation et de la confier au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le ministère de l'Intérieur y est favorable. Dans un souci de cohérence juridique, j'ai souhaité que cette extension de compétence comprenne les éloignements vers les États membres de l'Union européenne comme vers les pays tiers.

Le secret médical est un sujet très sensible pour une partie des professionnels de santé, qui jouent un rôle essentiel dans les lieux de privation de liberté. J'avais pris initialement le parti de me caler sur les dispositions applicables au Défenseur des droits, qui s'appuient sur le consentement exprès de la personne. Une autre option, qui m'a été suggérée lors des auditions, aurait été de s'inspirer de la loi Kouchner de mars 2002, concernant les contrôles de l'IGAS : un accès non conditionné au consentement de la personne mais réservé aux seuls membres de l'inspection titulaires d'un diplôme de médecin. Je vous propose une solution intermédiaire. Le peu de temps qui nous est imparti nous empêche de procéder à des consultations approfondies des représentants du corps médical. Il me semble délicat de passer outre le consentement de l'intéressé. Je vous propose en revanche d'en assouplir les modalités et d'exiger son accord, non sa demande expresse, afin de ne pas attirer inutilement l'attention sur les démarches entreprises par une personne privée de liberté... Pour apaiser les craintes du corps médical, je vous propose de prévoir que seuls les collaborateurs médecins du Contrôleur général pourront prendre connaissance d'informations couvertes par le secret médical, à charge pour eux d'en extraire les informations utiles au contrôle. Jean-Marie Delarue, dont l'équipe comprend trois praticiens hospitaliers, serait prêt à se rallier à cette solution.

Deux remarques conclusives : j'ai pu mesurer l'amertume du personnel et des directeurs de l'administration pénitentiaire après certaines recommandations du Contrôleur général. Très largement favorables à l'existence d'un contrôle, ils ressentent toutefois les critiques sur le fonctionnement d'un établissement comme une mise en cause de leur travail. Ce sentiment ne doit pas être négligé, car le bon fonctionnement des établissements repose avant tout sur le personnel, dont une grande majorité s'acquitte de ses fonctions avec conscience professionnelle et probité.

Il me paraît par ailleurs essentiel de mieux faire connaître les fonctions du Contrôleur général, en particulier auprès des auxiliaires de justice. Les saisines émanant d'avocats, d'associations ou d'autres autorités administratives indépendantes sont peu nombreuses, alors que ces différents acteurs pourraient sans doute faire parvenir au Contrôleur des éléments fort utiles à l'exercice de sa mission.

Je vous propose d'adopter la proposition de loi, sous réserve de ces quatre amendements ; Mme Benbassa en a en outre déposé un quasiment identique à l'un des miens.

Mme Cécile Cukierman . - Je salue le travail de la rapporteure sur cette proposition de loi qui donne plus de moyens au Contrôleur général. Nous la soutenons et nos amendements suivront la même logique. Il est bon d'inscrire dans la loi des pratiques qui ne sont pour l'instant que des habitudes.

M. Nicolas Alfonsi . - Rendons hommage au Contrôleur général. Aucun doute ne peut subsister sur le bien-fondé de la séparation entre cette institution et le Défenseur des droits... Ce texte tire les conséquences d'un bilan, au lieu de déterminer des règles in abstracto . Nous y sommes très favorables.

M. Jean-René Lecerf . - Je salue l'esprit dans lequel a travaillé la rapporteure sur cette proposition de loi que je souhaiterais consensuelle - j'aurais souhaité qu'elle fût cosignée par tous les groupes composant notre commission. Rappelons que le Contrôleur général a été mis en place par l'ancienne législature et que le choix de Jean-Marie Delarue a été fait par le président de la République d'alors.

M. Jean-Jacques Hyest . - Avec notre avis favorable unanime.

M. Jean-René Lecerf . - C'était un excellent choix : M. Delarue a donné sa dimension à l'institution.

Cette proposition de loi est aussi une manière de prendre parti contre l'intégration du Contrôleur général dans l'institution du Défenseur des droits. Le vote initial en faveur de l'autonomie était conçu comme provisoire, mais les problèmes du milieu carcéral sont loin d'être réglés : la surpopulation carcérale n'a jamais été aussi importante qu'aujourd'hui. Les fonctions de médiation et de contrôle sont de toutes façons très différentes. Les dispositions sur le secret médical sont indispensables, l'expérience l'a montré, d'autant plus qu'en prison, les cellules sont de plus en plus souvent partagées, en dépit du principe de l'encellulement individuel. Se pose aussi le problème de la maladie mentale: le détenu qui, à Bonne-Nouvelle, la maison d'arrêt de Rouen, a tué son codétenu et s'est livré à des actes de cannibalisme n'avait rien à faire en prison.

Je serai plus sévère que la rapporteure sur l'administration pénitentiaire : 90 % de ses agents exercent leur travail de façon remarquable, mais elle souffre d'une opacité qui persiste quels que soient les gouvernements. La redoutable puissance des syndicats du personnel de surveillance bat en brèche l'autorité de la direction. Avec Nicole Borvo Cohen-Seat, notre ancienne collègue, nous avons entendu des remarques inadmissibles sur les fouilles corporelles et la mise à nu ; certains agents les jugeaient indispensables pour exprimer le rapport de force entre les surveillants et les détenus ; et ils rejetaient les scanners comme menaçant leur autorité. L'univers carcéral, si particulier, requiert de la chancellerie et des directeurs une fermeté qui fait souvent défaut aujourd'hui.

Mme Virginie Klès . - Saluons le travail complet de notre rapporteure, qui a choisi sur le secret médical un compromis intelligent et efficace. La personnalité hors normes de Jean-Marie Delarue a construit le Contrôleur général, autorité administrative indépendante aujourd'hui incontestable, mais dont il importe de conforter le rôle et les missions en inscrivant dans la loi ses pratiques, pour qu'elles demeurent après le mandat de M. Delarue.

Mme Hélène Lipietz . - Notre groupe est favorable au texte. Je rends hommage aux encadrants des centres de détention, en perpétuelle tension entre ce que la société, les détenus et les surveillants attendent d'eux. Le Contrôleur général ne doit pas être pour eux un ennemi, mais un appui face à l'administration centrale, pour exiger la rénovation des locaux, l'assainissement des cours de promenade... En dénonçant ce qui se passe, le Contrôleur fait progresser la qualité et l'intérêt du travail dans l'administration pénitentiaire.

M. Jean-Pierre Michel . - Je félicite moi aussi Mme Tasca qui est à la fois l'auteure et la rapporteure de cette proposition de loi - cet exemple confirme que nous pouvons faire nôtre une pratique usuelle à l'Assemblée nationale mais qui n'a pas cours ici.

Sur le fond, j'aurai une réserve concernant l'article 4, qui fait de la publication des rapports du Contrôleur général la règle. Je ne suis pas certain que cela soit pertinent : les agents de l'administration pénitentiaire n'ont pas la possibilité de remplir leurs missions comme ils le souhaiteraient. L'automne dernier, deux rapports ont été publiés concernant des centres éducatifs fermés qui avaient été contrôlés un an auparavant, l'un géré par une association dans le centre de la France et l'autre, public, relevant de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), près de Bayonne. Un grand journal du soir a consacré une pleine page à ces deux rapports. Le journaliste en profitait pour critiquer tous les centres éducatifs fermés. Or les dysfonctionnements relevés avaient été corrigés après le contrôle. Pour avoir visité de nombreux centres éducatifs fermés, je puis dire qu'ils sont souvent de grande qualité. La publication systématique des rapports peut s'avérer totalement contreproductive. Le Contrôleur général doit prendre garde aux commentaires plus ou moins bienveillants auxquels elle peut donner lieu.

M. Jean-Jacques Hyest . - Le rapport de Mme Tasca est prudent, je l'en félicite. Lorsque nous avons créé le Contrôleur général, sur le modèle britannique, notre but était de faire évoluer les pratiques. Nous ne voulons pas d'une fusion avec le Défenseur des droits, surtout dans le but de faire des économies ! Les membres du personnel des établissements pénitentiaires et des hôpitaux psychiatriques exercent des métiers extrêmement difficiles : évitons de les stigmatiser, car de grands progrès ont été accomplis. La publication n'a de sens qu'en cas de blocages, de refus, certainement pas quand les dysfonctionnements sont réparés. C'est pourquoi je ne suis pas persuadé de l'utilité de l'article 4. Je suis dubitatif également sur l'amendement concernant l'éloignement forcé des étrangers. Je me demande s'il répond vraiment à ce qu'exige la directive européenne.

M. Michel Mercier . - Merci à notre rapporteure qui connait parfaitement bien le sujet. Je veux rendre hommage au Contrôleur général, avec lequel j'ai travaillé.

Je ne suis pas non plus favorable à la publication systématique des rapports. Il faut laisser le temps au dialogue de produire ses effets. Le Contrôleur général est en contact permanent avec le ministère et l'administration pénitentiaire, laquelle a fait, soit dit en passant, de considérables progrès ces dernières décennies, notamment pour la prévention des suicides. L'École nationale d'administration pénitentiaire d'Agen a aussi contribué à améliorer la situation. N'accablons pas cette administration qui doit gérer la surpopulation carcérale. N'en déplaise à certains, nous devons continuer à rénover et construire des prisons.

Si le ministre de l'intérieur est d'accord avec l'amendement n° 2 concernant l'éloignement des étrangers, tant mieux, mais votre rédaction va plus loin que la directive retour puisqu'elle concerne aussi les ressortissants de l'Union européenne.

Même si certains points sont perfectibles, nous voterons cette proposition de loi.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Je remercie les orateurs pour leur approbation globale. M. Alfonsi rend, à juste titre, hommage au travail de M. Jean-Marie Delarue qui, depuis la création du Contrôleur général, a incarné cette fonction de façon irréprochable. Souhaitons que la suite soit à la hauteur de cette première expérience.

M. Lecerf est plus sévère que moi à l'égard de l'administration pénitentiaire : il rappelle à juste raison les positions parfois contestables de certains représentants du personnel. Mon rapport est néanmoins mesuré car nous devons soutenir et encourager l'administration pénitentiaire, non l'accabler. Ma prudence est également due aux récentes agressions sur des agents pénitentiaires, qui ont aiguisé, dans l'administration et dans l'opinion publique, la sensibilité à ces questions. Soyons plus modérés que ne le sont certains médias ou certains syndicats.

Quant à la publication systématique des rapports, l'article 4 ne concerne que les avis, les propositions et les recommandations, non les rapports de visite ou les résultats d'enquêtes ponctuelles. Le Contrôle général n'est pas astreint à rendre publics les rapports sur de telles enquêtes, il en a la faculté, comme le prévoit l'article 1 er de la proposition de loi. En outre, l'article 5 de la loi d'octobre 2007 impose le secret professionnel au personnel chargé des contrôles, qui a également l'interdiction de divulguer des éléments permettant d'identifier des personnes.

En raison des faibles moyens matériels à la disposition du Contrôleur général, la publication de ses rapports intervient souvent longtemps après les visites. L'article 3 de la proposition de loi prévoit que le Contrôleur général, dans son rapport, tient compte des évolutions intervenues depuis sa visite, quitte à en effectuer une deuxième.

Enfin, l'amendement n° 2 sur la procédure de retour est approuvé par le ministère de l'intérieur. Cette extension est-elle opportune ? J'ai souhaité viser l'ensemble des pays, non seulement les pays extérieurs à l'Union européenne, par cohérence intellectuelle. Le Contrôleur a déjà compétence sur les transfèrements de détenus. Les voyages vers le pays d'origine peuvent y être assimilés.

Les interventions du Contrôleur général visent non à sanctionner mais à prévenir et à améliorer. Mon rapport insiste sur les difficultés rencontrées par les agents de l'administration pénitentiaire et les personnels de santé : les moyens mis à leur disposition sont encore bien éloignés du strict nécessaire.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article additionnel avant l'article 1 er

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 2 étend le champ de compétence du Contrôleur général au déroulement de l'ensemble des procédures d'éloignement d'étrangers jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination.

L'amendement n° 2 est adopté et devient l'article 1 er A.

Article 1 er

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Les amendements identiques n os 3 et 1 rectifié suppriment la mention dans la loi des « chargés d'enquête » auxquels le Contrôleur général confie le soin de répondre aux saisines. Si la loi du 30 octobre 2007 mentionne l'existence de « contrôleurs » et de « collaborateurs », les modalités d'organisation interne des services du Contrôleur général, le statut des agents, leurs obligations et leur rémunération sont définis par le décret du 12 mars 2008 ainsi que par un règlement intérieur. La mention dans le texte de « contrôleurs » et de « chargés d'enquête » laisserait penser que leur statut et leurs prérogatives peuvent être différents. Enfin, cette distinction pourrait rendre rigide le fonctionnement du contrôle général. Renvoyons au pouvoir règlementaire le soin de préciser, le cas échéant, les missions respectives.

M. Jean-René Lecerf . - L'ensemble du personnel relevant du contrôle général a donc qualité de contrôleur.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Tout à fait.

Les amendements identiques n°s 3 et 1 rectifié sont adoptés.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - L'amendement n° 4 traite de la difficile question du secret médical. Je propose de limiter l'accès aux dossiers médicaux aux seuls collaborateurs du Contrôleur général titulaires d'un diplôme de médecin, ainsi le corps médical sera rassuré.

Par ailleurs, mon amendement remplace la demande expresse de la personne concernée par son accord, dans un souci de pragmatisme.

M. Jean-Pierre Michel . - Je le comprends, s'agissant du cas où le Contrôleur est saisi par une personne incarcérée et souhaite avoir accès à son dossier médical. Mais comment obtenir l'accord d'un malade hospitalisé sous contrainte ? Il est pourtant essentiel d'avoir accès à son dossier médical pour vérifier la régularité et le bien-fondé de l'internement.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Les visites et les saisines répondent partout aux mêmes critères : c'est pourquoi nous devons mentionner l'accord de la personne concernée, sauf s'il s'agit d'un mineur ou d'une personne irresponsable. C'est une solution de compromis, pour faire accepter au corps médical des dispositions novatrices.

M. Alain Richard . - M. Michel parle ici de personnes internées à la suite d'une décision administrative. Dans l'intervalle de temps qui nous sépare de la séance publique, il serait bon d'approfondir la question des contrôles opérés sur ce type de décisions.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Les médecins de l'IGAS, comme ceux de l'ARS, ont accès au dossier médical sans le consentement de la personne, mais ils abordent cette question sous un tout autre angle.

M. Jean-Jacques Hyest . - Les hospitalisations sous contrainte posent bien des questions. Mais ce n'est pas au Contrôleur général de vérifier la légalité des décisions d'internement. Il veille à ce que les patients en milieu psychiatrique fermé soient traités humainement.

Le Contrôleur général aurait dû se garder d'évoquer un élargissement de ses missions aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cette proposition m'a causé un certain malaise - je l'ai dit à M. Delarue.

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - La proposition de loi n'aborde pas cette question.

M. Jean-Jacques Hyest . - Certes et c'est tant mieux, mais je me devais de l'évoquer : les Ehpad ne sont pas des lieux de privation de liberté !

Mme Catherine Tasca , rapporteure . - Il serait grave d'assimiler les personnes vivant en Ehpad à des personnes privées de liberté.

M. Jean-Pierre Michel . - Je retire ce que j'ai dit : depuis la loi de 2011, les personnes hospitalisées d'office sont, dans les dix jours, présentées au juge des libertés, qui a accès au dossier médical. Il y a donc bien un contrôle sur ces décisions.

L'amendement n° 4 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 7

M. Jean-Pierre Sueur, président . - L'amendement n° 5 est rituel : il s'agit de l'application de la loi dans les collectivités d'outre-mer soumises au principe de spécialité législative.

L'amendement n° 5 est adopté et devient l'article 8.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article additionnel avant l'article 1 er

Mme TASCA, rapporteure

2

Compétence du CGLPL pour contrôler le déroulement des mesures d'éloignement d'étrangers

Adopté

Article 1 er
Clarification des conditions d'enquête et élargissement du champ des personnes susceptibles
d'être sollicitées et des informations susceptibles d'être consultées par le Contrôleur général

Mme TASCA, rapporteure

3

Suppression de la référence aux
« chargés d'enquête »

Adopté

Mme BENBASSA

1

Suppression de la référence aux
« chargés d'enquête »

Adopté

Mme TASCA, rapporteure

4

Conditions d'accès du CGLPL à certaines informations couvertes par le secret médical

Adopté

Article additionnel après l'article 7

Mme TASCA, rapporteure

5

Application outre-mer

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

M. Jean-Marie Delarue , Contrôleur général

Mme Aude Muscatelli , secrétaire générale

Ministère de la justice - direction de l'administration pénitentiaire

M. Charles Giusti , chef de service, adjoint à la directrice

M. Manuel Mendez , bureau de l'action juridique et du droit pénitentiaire

Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)

Mme Christine Lazerges , présidente

M. Hervé Henrion , magistrat, conseiller juridique

Comité européen pour la prévention de la torture (CPT)

M. Xavier Ronsin , directeur de l'École nationale de la magistrature, membre du CPT au titre de la France

Syndicat de la magistrature

Mme Françoise Martres , présidente

M. Xavier Gadrat , secrétaire national

SNP Force ouvrière Direction

M. Jimmy Delliste , secrétaire général, directeur de la maison d'arrêt de Nanterre

M. Bernard Levy , secrétaire général adjoint, directeur à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille

M. Ivan Gombert , directeur à la direction de l'administration pénitentiaire

Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP-CFDT)

M. Jean-Michel Dejenne , premier secrétaire

Syndicat national des cadres pénitentiaires (SNCP/CFE/CGC)

M. Emmanuel Fernandes , capitaine, centre pénitentiaire de Marseille

M. Dominique Orsini , agent non titulaire, maison d'arrêt de Fleury-Mérogis

Union Fédérale Autonome Pénitentiaire (UNSa)

M. Stéphane Barraut , surveillant brigadier, maison d'arrêt de Valenciennes

M. Claude Tournel , major, maison d'arrêt des Yvelines

Syndicat National de l'Ensemble des Personnels de l'Administration Pénitentiaire (SNEPAP-FSU)

M. Olivier Caquineau , secrétaire général

Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Dr Patrick Serre , président, responsable de l'UCSA à la maison d'arrêt du Mans

Dr Virginie Brulet , praticien hospitalier

Dr Anne Lécu , praticien hospitalier

Personnalité qualifiée

Mme Catherine Paulet , psychiatre des hôpitaux, chef de service, chef de pôle à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire, expert auprès du CPT

Union syndicale des magistrats (USM)

Contribution écrite


* 1 Voir le rapport de commission d'enquête du Sénat n° 449 (1999-2000) de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, déposé le 29 juin 2000 et consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-449.html

* 2 Le dossier législatif de cette proposition de loi peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl00-115.html

* 3 Outre le rapport de la commission d'enquête du Sénat précitée, il convient de mentionner les travaux de la mission présidée par M. Guy Canivet consacrée à l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, remis en mars 2000, ainsi que ceux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la situation dans les prisons françaises (« La France face à ses prisons », Louis Mermaz, président, Jacques Floch, rapporteur, rapport n°2521, Assemblée nationale, 2000).

* 4 Aux termes duquel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

* 5 Les rapports de visite du CPT en France peuvent être consultés à l'adresse suivante : http://www.cpt.coe.int/fr/etats/fra.htm. À l'occasion de sa dernière visite, le CPT avait notamment formulé plusieurs recommandations visant à améliorer les conditions de détention dans les cellules de police et de gendarmerie ainsi que dans les centres de rétention administrative, et avait préconisé diverses mesures visant à réduire les risques de violences policières. En matière pénitentiaire, le comité s'était inquiété de la surpopulation carcérale et des risques de violence en détention, notamment entre détenus. Il s'était préoccupé des conditions de transferts de détenus et des soins qui leur sont prodigués en milieu hospitalier de proximité. Enfin, en matière psychiatrique, le CPT avait recommandé l'adoption rapide de mesures à l'égard des personnes en attente de placement en unité pour malades difficiles et des détenus souffrant de troubles psychiatriques nécessitant une prise en charge hospitalière. Le comité avait par ailleurs souligné un certain nombre d'évolutions positives, notamment en matière législative, avec l'adoption de la loi pénitentiaire, de la réforme de la garde à vue et de l'encadrement des hospitalisations sous contrainte, en particulier.

* 6 CGLPL, rapport d'activité pour 2012, page 288.

* 7 Voir à ce sujet par exemple les récents avis budgétaires de nos collègues Félix Desplan et Christian Cointat, avis n°162, tomes III et VII, sur le projet de loi de finances pour 2014. Ces rapports sont consultables aux adresses suivantes : http://www.senat.fr/rap/a13-162-7/a13-162-7.html et http://www.senat.fr/rap/a13-162-3/a13-162-3.html

* 8 Qui peut être consulté sur le site Internet de cette institution.

* 9 Rapport n°414 (2006-2007) fait au nom de votre commission des lois par M. Jean-Jacques Hyest, page 35.

* 10 Rapport de deuxième lecture n° 258 (2010-2011) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois, déposé le 26 janvier 2011. Ce dossier législatif peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl08-611.html

* 11 CGLPL, rapport d'activité pour 2012, page 301.

* 12 CGLPL, rapport d'activité pour 2012, pages 296-297.

* 13 Article 42 de la loi n°96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire.

* 14 CGLPL, rapport d'activité pour 2012, page 308.

* 15 Depuis son entrée en fonctions, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a procédé à 38 visites de centres de rétention administrative (31 établissements visités une seule fois), 19 locaux de rétention administrative (18 visités une seule fois) et 13 zones d'attente (une seule visite de chaque établissement). Source : Rapport d'activité du CGLPL pour 2012, page 323.

* 16 Qui peut être consulté sur le site Internet de cette institution.

* 17 Unités de consultation et de soins ambulatoires.

* 18 Service médico-psychologique régional.

* 19 Service pénitentiaire d'insertion et de probation.

* 20 Responsable local d'enseignement.

* 21 CGLPL, rapport d'activité pour 2012, pages 321-322.

* 22 Rapport n° 414 (2006-2007), fait au nom de votre commission des lois par M. Jean-Jacques Hyest, juillet 2007, page 47.

* 23 Voir notamment le rapport annuel d'activité du CGLPL pour 2011.

* 24 Voir par exemple le rapport d'activité du CGLPL pour 2010, page 259.

* 25 Voir par exemple le rapport d'activité du CGLPL pour 2012, pages 47-48.

* 26 L'article 226-10 du code pénal dispose ainsi que « la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

« La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

« En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci ».

* 27 CGLPL, rapport d'activité pour 2012, page 88.

* 28 Voir à ce sujet le rapport, fait au nom de votre commission des lois, par notre collègue François Zocchetto : http://www.senat.fr/rap/l10-315/l10-3151.pdf

* 29 La chambre criminelle de la Cour de cassation a par exemple jugé que le fait par des grévistes de se placer devant un train, sur la voie, afin d'empêcher son départ, constituait une voie de fait qui permet l'application de [l'article 431-1 du code pénal] si elle a été exercée dans le but d'inciter les conducteurs du train à se joindre à la grève (Cass. Crim., 21 novembre 1951). Elle a également considéré que constituait des voies de fait le fait, par des ouvriers composant un piquet de grève, d'établir des barrages aux portes d'une usine afin d'empêcher les salariés non grévistes de gagner leurs postes de travail, et de soumettre à des bousculades et à des bourrades ceux qui tentaient de forcer le passage, ces actes d'agression étant de nature à les impressionner, à leur faire redouter l'exercice de violences plus graves et à les amener ainsi à agir contre leur propre volonté (Cass. Crim., 27 novembre 1979).

* 30 L'article 432-9 du code pénal dispose ainsi que « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

« Est puni des mêmes peines le fait, par une personne visée à l'alinéa précédent ou un agent d'un exploitant de réseaux ouverts au public de communications électroniques ou d'un fournisseur de services de télécommunications, agissant dans l'exercice de ses fonctions, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l'interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu ».

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