II. LA COORDINATION PRÉALABLE DES PROJETS DE GRANDES RÉFORMES DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES

A. UN PRINCIPE PRÉVU PAR LE TRAITÉ SUR LA STABILITÉ, LA COORDINATION ET LA GOUVERNANCE (TSCG)

Afin de compléter le cadre actuel en matière de surveillance économique - constitué, notamment, de la procédure de déséquilibre macroéconomique (PDM) (cf. supra ) - la Commission a préconisé, dans sa communication du 28 novembre 2012 précitée, que les projets nationaux de grandes réformes des politiques économiques soient examinés et débattus au niveau de l'Union européenne avant qu'une décision définitive soit adoptée au niveau national . En effet, à ce jour, les réformes d'importance engagées par les Etats membres ne font pas l'objet d'une coordination préalable systématique.

Comme l'indique la Commission dans une communication du 20 mars 2013 19 ( * ) , la notion de coordination préalable reflète l'esprit de l'article 121 du traité relatif au fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) 20 ( * ) ; par ailleurs, l'article 11 du traité sur la stabilité, la gouvernance et la coordination (TSCG) - qui, rappelons-le, ne s'applique qu'à 25 des 28 Etats membres de l'Union européenne 21 ( * ) - prévoit explicitement qu'« en vue d'évaluer quelles sont les meilleures pratiques et d'oeuvrer à une politique économique fondée sur une coordination plus étroite, les parties contractantes veillent à ce que toutes les grandes réformes de politique économique qu'elles envisagent d'entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées entre elles . Cette coordination fait intervenir les institutions de l'Union européenne dès lors que le droit de l'Union européenne le requiert ». Aussi la proposition de l'exécutif européen consiste-t-elle, en quelque sorte, à élargir ce dispositif à l'ensemble de l'Union européenne.

B. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION RELATIVE AUX MODALITÉS DE COORDINATION PRÉALABLE

1. La procédure proposée par la Commission européenne

Si les travaux de coordination portent jusqu'à présent sur des mesures nationales déjà adoptées et mises en oeuvre, la Commission européenne propose, dans la communication du 20 mars 2013 précitée, d'instaurer une procédure de coordination des réformes nationales en amont de leur adoption, et ce dans le cadre du semestre européen . Cela signifie que le contenu de la réforme débattue au niveau national pourrait être modifié en fonction de ses effets sur d'autres Etats membres ou sur la zone euro dans son ensemble, voire sur l'Union européenne.

Concrètement, la Commission européenne propose que les Etats membres lui soumettent les informations relatives à leurs projets de grandes réformes économiques, dans la mesure du possible par le biais des programmes nationaux de réforme. Sur le fondement de ces informations, la Commission européenne adopterait un avis dans un délai « raisonnablement court », tenant compte du processus décisionnel national. Cet avis serait ensuite transmis au Conseil de l'Union européenne et à l'Eurogroupe, dont les conclusions serviraient de base au conseil de politique économique adressé à l'Etat membre dans le contexte du semestre européen. Le schéma ci-après présente les grandes lignes de la procédure proposée par la Commission européenne.

La communication de la Commission européenne ne précise pas quelle institution serait responsable de l'adoption finale de la recommandation - en toute logique, selon le fonctionnement du semestre européen, il devrait s'agir du Conseil de l'Union européenne. Elle ne mentionne pas non plus une intervention éventuelle du Conseil européen. La Commission affirme néanmoins que « la nouvelle procédure respecte pleinement les prérogatives décisionnelles nationales, et la décision en ce qui concerne le projet de réforme reste entre les mains de l'Etat membre ».

Graphique n° 2 : Procédure de coordination préalable proposée par la Commission européenne

Source : commission des finances du Sénat (d'après la communication de la Commission européenne du 20 mars 2013 intitulée « Vers une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques » (COM(2013) 166 final))

2. La question du périmètre des réformes soumises à une coordination préalable

Dans la communication précitée, la Commission tente de préciser les contours de l'expression « grandes réformes de politique économique ». Elle propose de sélectionner les réformes nationales « pertinentes » sur la base des critères suivants :

- leur impact sur les échanges et la compétitivité , dans la mesure où il s'agit des principaux canaux de diffusion des retombées entre Etats membres. Sont notamment citées « les réformes des marchés des produits, des services et du travail ainsi que certaines réformes fiscales » ;

- leur impact sur les marchés financiers , qui constituent un autre canal important de transmission ;

Enfin, la Commission ajoute que « il y a lieu de prendre en compte également des considérations d'économie politique », afin de « tenir compte d'une éventuelle opposition interne à la réforme ».

Malgré cette tentative de précision, la portée de l'expression « grande réforme » demeure vague ; en particulier, il apparaît difficilement justifiable que toute « considération d'économie politique » puisse faire office de critère de sélection. Par ailleurs, un champ trop large de réformes soumises à coordination préalable risquerait d'engorger les institutions européennes.

La Commission s'est engagée à présenter prochainement une proposition législative visant à fixer les contours et le fonctionnement de cette procédure. Dans cette perspective, la communication précitée prévoit une consultation publique portant notamment sur les questions suivantes : « Etes-vous d'avis que la coordination préalable des grandes réformes des politiques économiques doit être limitée aux réformes essentielles ? [...] Estimez-vous que tous les Etats membres de la zone euro devraient être tenus de coordonner au préalable les grandes réformes des politiques économiques au niveau de l'UE ? [...] Comment peut-on intégrer le processus décisionnel national dans la coordination préalable ? ».


* 19 Communication de la Commission européenne du 20 mars 2013, intitulée « Vers une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Coordination préalable des projets de grandes réformes des politiques économiques » (COM(2013) 166 final).

* 20 Le premier paragraphe de l'article 121 du traité relatif au fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que « les Etats membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun ».

* 21 Le Royaume-Uni et la République tchèque n'étant pas signataire du traité et l'absence de la Croatie se justifiant par l'adhésion récente de ce pays à l'Union européenne.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page