TITRE II - DEMOCRATIE SOCIALE

CHAPITRE IER- Représentativité patronale

Article 16 (art. L. 2151-1 à L. 2152-5 [nouveaux], L. 2135-6, L. 2261-19, L. 2261-3 du code du travail) - Réforme de la représentativité patronale

Objet : Cet article définit les critères pour établir la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs au niveau national interprofessionnel ou multi-professionnel et au niveau de la branche ; il pose les règles du droit d'opposition des organisations patronales à l'extension d'un accord de branche et à un accord professionnel ou interprofessionnel ; il prévoit également différents dispositifs destinés à restructurer les branches professionnelles.

I - Le dispositif proposé

Cet article comprend six parties.

Le paragraphe I de l'article insère un nouveau titre V consacré à la représentativité patronale dans le code du travail. Il prend place après le titre IV « exercice du droit syndical », du livre I er relatif aux syndicats professionnels de la deuxième partie du code du travail dédié aux relations collectives du travail.

Ce titre comprend six nouveaux articles, ainsi répartis :

- un article dans le chapitre I er relatif aux critères de représentativité (article L. 2151-1) ;

- cinq articles dans le chapitre II dédié aux organisations professionnelles d'employeurs représentatives (articles L. 2152-1 à L.2152-5).

L'article L. 2151-1 définit les six critères cumulatifs de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs :

- le respect des valeurs républicaines ;

- l'indépendance ;

- la transparence financière ;

- une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, étant précisé que cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;

- l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;

- enfin, l'audience, qui s'apprécie en fonction du nombre d'entreprises adhérentes et selon les niveaux de négociation conformément au 3° de l'article L. 2152-1 ou de l'article L. 2152-2.

Ces critères s'imposent à tous les niveaux de négociation.

On constate donc que ces critères sont largement repris de ceux utilisés pour définir la représentativité des organisations syndicales de salariés définie à l'article L. 2121-1. En effet, cinq critères utilisés pour les syndicats de salariés sont identiques à ceux retenus pour la représentativité patronale (respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale et influence). En revanche, la représentativité des organisations syndicales de salariés se fonde sur deux autres critères disjoints :

- l'audience, qui découle des résultats des élections, conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 du code du travail ;

- les effectifs des adhérents et leurs cotisations.

L'article L. 2152-1 définit la représentativité patronale au niveau de la branche professionnelle , à travers trois règles cumulatives.

En premier lieu, l'organisation professionnelle d'employeur doit respecter les cinq premiers critères mentionnés à l'article L. 2151-1.

En deuxième lieu, elle doit disposer d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche.

En troisième lieu, ses entreprises adhérentes, à jour de leurs cotisations, doivent représenter au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche. Ce seuil ne tient donc pas compte des entreprises qui ont choisi de ne pas adhérer à une organisation représentative d'employeur. En outre, ne sont prises en compte dans ce calcul que les organisations qui satisfont aux quatre premiers critères mentionnés à l'article L. 2151-1 et qui ont fait la déclaration de candidature prévue au nouvel article L. 2152-3. Le projet de loi prévoit que le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations est attesté pour chacune d'elles par un commissaire aux comptes , dans des conditions déterminées par voie règlementaire. Enfin, l'article précise que la mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.

L'article L. 2152-2 traite de la représentativité patronale au niveau national et interprofessionnel . Reprenant la logique de l'article L. 2152-1 sur la représentativité patronale au niveau de la branche professionnelle, cet article pose également trois règles cumulatives pour qu'une organisation professionnelle d'employeurs soit déclarée représentative au niveau national et interprofessionnel.

En premier lieu, elle doit remplir les cinq premiers critères mentionnés à l'article L. 2151-1.

En deuxième lieu, ses organisations adhérentes doivent être représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services .

En troisième lieu, ses organisations adhérentes, à jour de leurs cotisations, doivent regrouper au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs qui ont fait une déclaration de candidature en application de l'article L. 2152-3. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations doit être attesté pour chacune d'elles, dans des conditions déterminées par voie règlementaire, par un commissaire aux comptes, tandis que la mesure de l'audience s'effectuera tous les quatre ans.

Les deux derniers alinéas de l'article L. 2152-2 approfondissent cette troisième règle en traitant des adhésions multiples des organisations professionnelles d'employeurs de branche.

Ainsi, lorsqu'une de ces structures adhère à plusieurs organisations professionnelles d'employeurs ayant statutairement vocation à être présentes au niveau national et interprofessionnel, elle doit répartir entre ces organisations ses entreprises adhérentes et les salariés qu'elles emploient. Elle ne peut affecter à chacune de ces organisations une part d'entreprises et de salariés inférieure à un pourcentage fixé par décret, étant précisé que la loi impose une fourchette comprise entre 10 % et 20 %.

Le dernier alinéa de cet article prévoit que l'organisation professionnelle d'employeurs doit indiquer la répartition retenue dans la déclaration de candidature.

L'article L. 2152-3 concerne justement la déclaration de candidature relative à l'établissement de la représentativité patronale. Il prévoit que les organisations professionnelles d'employeurs devront se déclarer candidates dans des conditions déterminées par voie règlementaire. Elles devront indiquer à cette occasion le nombre d'entreprises adhérentes et le nombre des salariés qu'elles emploient.

L'article L. 2152-4 définit la procédure de reconnaissance de représentativité des organisations professionnelles d'employeurs.

Après avis du Haut Conseil du dialogue social (HCDS), le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs représentatives par branche professionnelle et au niveau national et interprofessionnel.

Le ministre peut néanmoins, après avis de la Commission nationale de la négociation collective et du Haut Conseil du dialogue social, décider de ne pas arrêter la liste des organisations représentatives pour une branche professionnelle, ainsi que la liste des syndicats représentatifs de salariés dans cette même branche, si deux conditions sont réunies :

- moins de 5 % des entreprises de la branche adhèrent à une organisation professionnelle d'employeurs représentative ;

- l'activité conventionnelle depuis la dernière mesure d'audience quadriennale est faible (il faudra considérer à la fois le nombre d'accords ou avenants signés et le nombre de thèmes de négociation couverts par ces accords au regard des obligations ou facultés de négocier).

L'article L. 2152-5 prévoit que, sauf dispositions contraires, les conditions d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Le paragraphe II de l'article propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 2135-6 du code du travail.

Le droit actuel prévoit que seuls les syndicats professionnels ou d'employeurs, leurs unions et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources dépassent un seuil fixé par décret (en l'espèce 230 000 euros) sont tenus de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant.

Le projet de loi maintient cette disposition mais supprime la référence au dépassement d'un seuil de ressources fixé par décret, sauf pour les syndicats professionnels de salariés, leurs unions et les associations de salariés.

Le paragraphe III de l'article 16 concerne uniquement l'article L. 2261-19 du code du travail.

Le droit en vigueur prévoit que pour pouvoir être étendue, la convention de branche doit avoir été négociée et conclue en commission paritaire. Cette obligation s'applique également aux accords professionnels ou interprofessionnels, à leurs avenants et annexes. La commission paritaire est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application concerné par la négociation.

Le projet de loi complète ces dispositions en prévoyant qu'une convention de branche ou tout texte assimilable ne peut être étendu que si elle n'a pas fait l'objet d'une opposition d'une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs représentatives dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50 % de l'ensemble des salariés des entreprises du niveau concerné.

En outre, il est prévu que le nombre de salariés employés par les entreprises adhérentes est attesté par un commissaire aux comptes dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Le paragraphe IV de l'article 20 insère une nouvelle section dans le code du travail, consacrée à la restructuration des branches professionnelles . Elle prend place après la section 7 « extension et élargissement » du chapitre I er « conditions d'applicabilité des conventions et accords » du titre VI « application des conventions et accords collectifs » du livre II relatif à la négociation collective et aux conventions et accords collectifs du travail, de la deuxième partie du code du travail.

Cette section comporte l'article unique L. 2261-32, lui-même divisé en trois parties.

Le I de l'article L. 2261-32 comporte deux alinéas.

Le premier alinéa porte sur la procédure d'extension d'une convention collective d'une branche à une autre. Il prévoit en effet que le ministre chargé du travail peut élargir à une branche la convention collective déjà étendue d'une autre branche présentant des conditions sociales et économiques analogues. Cette procédure n'est possible que si quatre conditions sont réunies :

- la branche doit compter moins de 5 % d'entreprises adhérentes à une organisation professionnelle représentative des employeurs ;

- son activité conventionnelle présente, sur les cinq dernières années, une situation caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociation couverts par ces accords ;

- la commission nationale de la négociation collective doit donner son avis ;

- il faut constater l'absence d'opposition écrite et motivée de la majorité des membres de ladite commission.

Lorsque l'élargissement d'une convention est prononcé, le ministre chargé du travail peut rendre obligatoires ses avenants ou annexes ultérieurs s'ils ont déjà été étendus.

Le second alinéa du I de l'article L. 2261-32 autorise sous conditions la fusion des champs d'application de deux branches . Le ministre du travail doit respecter les quatre conditions évoquées précédemment pour l'extension d'une convention collective d'une branche à une autre. Le projet de loi ajoute quatre autres conditions :

- le ministre doit notifier aux organisations professionnelles d'employeurs représentatives et aux organisations de salariés représentatives le constat de cette situation et son intention de fusionner deux conventions collectives ;

- il doit fixer un délai d'au moins un an avant de prendre sa décision ;

- à l'expiration de ce délai, il doit à nouveau demander l'avis de la commission nationale de la négociation collective et constater l'absence d'opposition écrite et motivée de la majorité de ses membres ;

- le ministre doit enfin inviter les partenaires sociaux de la branche concernée à négocier.

Le paragraphe II de l'article L. 2261-32 autorise le ministre du travail à refuser l'extension de la convention collective d'une branche (ou ses avenants ou annexes). Trois conditions doivent être remplies :

- la branche doit compter moins de 5 % d'entreprises adhérentes à une organisation professionnelle représentative des employeurs ;

- le développement de son activité conventionnelle n'est ni régulier ni durable ;

- la commission nationale de la négociation collective doit rendre un avis.

Le projet de loi précise que la deuxième condition doit s'apprécier par rapport à la vocation des branches professionnelles et au respect des obligations de négocier qui leur sont assignées. En outre, le ministre doit tenir compte des caractéristiques de la branche, notamment sa taille limitée et la faiblesse du nombre des entreprises, des effectifs salariés et des ressources disponibles pour la conduite de la négociation.

Le paragraphe III de l'article L. 2261-32 confère à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions d'application de cet article.

Le paragraphe V de l'article 20 prévoit que l'article L. 2135-6 du code du travail (qui oblige les syndicats professionnels d'employeurs et les entités assimilées de nommer au moins un commissaire aux comptes) est applicable à compter de l'exercice comptable ouvert à partir du 1 er janvier 2015.

Enfin, le paragraphe VI de l'article 20 prévoit que la première mesure de l'audience au niveau des branches professionnelles et au niveau national et interprofessionnel, en application des articles L. 2152-1 à L. 2152-4 du même code, dans leur rédaction issue du I du présent article, devra être réalisée à compter de l'année 2017.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

• Les principaux amendements adoptés en commission ont visé à :

- autoriser une organisation professionnelle d'employeurs, au niveau de la branche ou au niveau national interprofessionnel, à recourir au même commissaire aux comptes pour contrôler ses propres comptes, pour vérifier si le seuil de 8 % d'entreprises adhérentes a été atteint et pour utiliser son droit d'opposition ;

- rappeler que les entreprises ont la possibilité d'adhérer directement à des organisations professionnelles d'employeurs de niveau national et interprofessionnel ;

- imposer le respect des critères relatifs aux valeurs républicaines, à l'indépendance, à la transparence financière et à l'ancienneté minimale à toutes les organisations patronales lors de l'établissement de la représentativité patronale au niveau national et interprofessionnel ;

- supprimer toute référence à la notion de nombre de salariés dans la présentation des règles sur la multi-adhésion des organisations de branche à des organisations de niveau national et interprofessionnel, afin de rappeler que seul le nombre d'entreprises adhérentes est déterminant pour la mesure de l'audience ;

- obliger les organisations de branche qui adhérent à plusieurs organisations de niveau national et interprofessionnel à informer de leurs choix les entreprises adhérentes ;

- déplacer les dispositions relatives à la faculté de refuser de déclarer représentatives les organisations dans des branches qui comptent moins de 5 % des entreprises adhérentes (deuxième alinéa de l'article L. 2152-4) dans la section 8 consacrée à la restructuration des branches (article L. 2261-32) ;

- clarifier les règles du droit d'opposition à l'extension d'un accord ou d'une convention en cas de multi-adhésion d'une organisation de branche à une organisation de niveau national et interprofessionnel (le nombre de « voix » doit être pondéré par le nombre de salariés des entreprises concernées).

• En séance publique, les principaux amendements adoptés avaient pour objet de prendre en compte les organisations patronales du secteur dit « hors-champ ».

Un premier amendement a prévu une dérogation pour établir la représentativité des organismes présents dans les branches couvrant exclusivement des activités agricoles. Cette représentativité sera appréciée uniquement au niveau national, sur le modèle du mécanisme retenu pour établir la représentativité des organisations syndicales de salariés dans ces branches 127 ( * ) .

Surtout, un deuxième amendement a introduit une section spécifique dans le code du travail pour définir les critères de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs au niveau national, en reprenant les principales stipulations du protocole d'accord signé le 30 janvier dernier entre le Medef, l'UPA et la CGPME d'une part, la FNSEA, l'UnaPL et l'Udes d'autre part 128 ( * ) .

Ainsi, le nouvel article L. 2152-1-1 prévoit qu'une organisation patronale multiprofessionnelle sera déclarée représentative au niveau national si les conditions suivantes sont remplies :

- elle doit respecter les critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance, de transparence financière, d'ancienneté de deux ans 129 ( * ) , et d'influence ;

- elle doit accueillir au moins quinze organisations relevant de l'un des secteurs du « hors-champ » (agriculture, professions libérales, économie sociale et solidaire) ;

- elle doit compter parmi ses adhérents des organisations qui sont représentatives dans au moins dix branches professionnelles ne relevant pas du champ couvert par les organisations professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

- elle doit être présente sur au moins un tiers du territoire national, soit au niveau départemental, soit au niveau régional.

Quant au nouvel article L. 2152-1-2, il oblige les organisations patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel à consulter les organisations représentatives au niveau national et multiprofessionnel avant toute ouverture d'une négociation en vue d'un ANI, et avant sa conclusion, afin de recueillir leurs observations.

Par parallélisme des formes, un troisième amendement a prévu que la représentativité des organisations patronales multiprofessionnelles, tant au niveau de la branche qu'au niveau national, sera déclarée par le ministre chargé du travail, après avis du HCDS.

Un amendement de clarification a indiqué que l'obligation de certification des comptes ne concernait que les organisations patronales qui souhaitaient devenir représentatives et a donc exclu de cette obligation leurs structures territoriales dès lors que leurs ressources annuelles sont inférieures à 230 000 euros.


* 127 En vertu de l'article L. 2122-6 du code du travail, le seuil de 8 % pour établir la représentativité des organisations syndicales de salariés au niveau de la branche s'apprécie au regard des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés de la production agricole aux chambres départementales d'agriculture.

* 128 Protocole d'accord relatif à l'organisation du dialogue social conclu entre les organisations patronales interprofessionnelles représentatives au plan national et les organisations patronales multi-professionnelles représentatives au plan national.

* 129 Le protocole d'accord prévoyait une ancienneté minimale de 10 ans.

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