III. UNE DISCUSSION AU PARLEMENT POUR RENFORCER L'EFFECTIVITÉ DES MESURES PROPOSÉES.

A. LES APPORTS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE.

Sur plus de 1 300 amendements déposés devant la commission des affaires économiques et près de 1 700 examinés en séance publique, les députés en ont adopté 408 en commission et 208 en séance .

Si le texte a évolué, ses principales avancées n'ont pas été remises en cause : l'Assemblée nationale a apporté précisions et compléments, en s'inscrivant dans la philosophie générale du projet de loi.

1. Un engagement résolu dans l'agro-écologie.

Le texte voté par l'Assemblée nationale conforte l'ambition du texte initial de changer de modèle, d'aller vers l'agro-écologie.

L'article 1 er a été précisé et complété dans le sens d'un certain verdissement : le développement de l'agriculture biologique, les circuits courts, la participation à la transition énergétique ont été ajouté à la liste des objectifs de la politique agricole.

Les GIEE prévus à l'article 3 ont été conservés et confortés : les députés ont souhaité qu'ils aient la personnalité morale et que les agriculteurs y soient majoritaires .

L'engagement dans l'agro-écologie passe aussi par le renforcement des dispositions législatives concernant les produits phytopharmaceutiques ou le médicament vétérinaire :

- Les députés ont confirmé le transfert à l'ANSES de l'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques . Ils ont encadré ce transfert en créant un conseil d'orientation permettant aux représentants des ministres de tutelle de l'ANSES de conserver un droit de regard sur les autorisations accordées. Ils ont prévu une mise sur le marché accélérée des produits de bio-contrôle et renforcé l'obligation d'information des utilisateurs sur les techniques alternatives.

- S'ils ont repoussé pour des raisons pratiques à la fin 2015 l'obligation pour tous les agriculteurs de disposer du certiphyto, les députés ont validé le dispositif d'encadrement des médicaments vétérinaires. Ils ont ajouté un article 20 bis proposant de baisser de 25 % la consommation d'antibiotiques critiques d'ici la fin 2016.

2. La promotion d'un modèle agricole diversifié.

Les députés ont également souhaité la prise en compte des problématiques spécifiques à l'agriculture de montagne , en soumettant les PRAD aux comités de massif ou encore en faisant entrer un représentant du conseil national de la montagne au CSO.

L'article 10 bis a été ajouté pour assurer une meilleure protection des productions sous appellation d'origine ou sous indication géographique face aux détournements de notoriété lors des dépôts de marque : il s'agit en effet de conserver une confiance dans les signes de qualité, et de ne pas galvauder ce qui constitue un fleuron de notre agriculture.

Les députés ont aussi souhaité que les agriculteurs puissent librement échanger entre eux des semences de ferme , en soumettant ces échanges au régime de l'entraide (article 3). De même, ils ont souhaité circonscrire le champ de la contrefaçon de semences, en cas de présence fortuite d'éléments protégés par un droit de propriété intellectuelle (articles 25 bis et 25 ter ).

Enfin, de nombreuses mesures ont été adoptées pour favoriser l'agriculture biologique : en particulier un droit de priorité dans les rétrocessions des SAFER a été instauré, sous réserve d'un engagement à maintenir la production en mode biologique pendant dix ans.

3. Une meilleure organisation économique du monde agricole.

L'Assemblée nationale a validé, pour l'essentiel, les dispositions concernant les coopératives, la contractualisation, la médiation des relations commerciales, les interprofessions et l'installation. Elle a apporté cependant quelques retouches :

- Le seuil de représentativité de la production dans les interprofessions a été abaissé de 80 % à 70 %, pour ne pas risquer le blocage des accords interprofessionnels.

- La durée maximum de l'installation progressive a été portée de trois à cinq ans , pour mettre toutes les chances du côté des jeunes agriculteurs. Les députés ont également prévu le transfert du bénéfice des contrats assortis d'un engagement long au bénéfice des nouveaux agriculteurs.

- Un rapport au Parlement a été demandé pour envisager l'extension du fonds national de gestion des risques en agriculture pour la couverture des risques économiques liés à l'engagement dans des pratiques innovantes.

- Enfin, les députés ont créé avec l'article 16 bis A un répertoire des actifs agricoles , confié à la mutualité sociale agricole (MSA) et prévu de réserver les aides agricoles à ces « agriculteurs actifs », dans le souci de professionnalisation du monde agricole.

4. Un renforcement de la maîtrise du foncier agricole et de la protection des terres agricoles.

Le volet foncier du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a fait l'objet en première lecture à l'Assemblée nationale de plusieurs modifications :

- Les députés ont souhaité permettre le portage du bail rural par des tiers, dans le but de faciliter l'installation d'agriculteurs.

- Les députés ont également prévu d'inventorier les friches , en vue de les rendre à l'agriculture.

- Ils ont demandé un rapport au Parlement sur les effets sur les terres agricoles de l'application des mesures de compensation environnementale, avec l'article 12 ter .

- Ils ont prévu la participation du public aux différentes procédures aboutissant à la création d'instruments juridiques de protection des terres agricoles.

- Ils ont prévu une cartographie des espaces naturels, agricoles et forestiers dans les schéma régional d'aménagement et de développement du territoire avec l'article 11 bis .

- Ils ont aussi étendu le champ d'intervention des commissions consultatives départementales chargées de donner un avis sur les projets et documents d'urbanisme entraînant une réduction des terres agricoles aux espaces naturels et aux espaces forestiers : ces commissions ont été rebaptisées commissions départementales de la protection des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF).

- Ils ont enfin à l'article 13 élargi les obligations d'informer les SAFER pour leur permettre de lutter contre les contournements de la législation, et notamment les ventes déguisées en donations. Ils ont élargi le droit de préemption des SAFER aux cessions d'usufruit ou de parts de société en vue de favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs.

5. Une priorité affirmée en faveur de l'enseignement agricole.

Le titre IV , consacré à l'enseignement, à la formation, à la recherche et au développement agricole et forestier , n'a pas été substantiellement modifié lors de son examen par l'Assemblée nationale.

L' article 26 n'a que peu été modifié, si ce n'est, à l'initiative du Gouvernement, pour permettre le recrutement à temps complet d'agents contractuels dans les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles ou dans les centres de formation d'apprentis. L' article 27 n'a pas non plus été notablement remanié.

En revanche, nos collègues députés ont inséré cinq articles additionnels dans ce titre IV. Trois prévoient la remise d'autant de rapports, sur les conditions d'harmonisation du statut du personnel de l'enseignement agricole avec celui des autres corps de l'enseignement ( article 26 bis A ), sur les modalités de développement de formations bi-qualifiantes dans l'enseignement agricole, notamment en zone de montagne ( article 26 bis B ), et enfin sur l'évaluation de l'IAVF, un an après sa création ( article 27 ter ) ;

Le quatrième transpose à l'enseignement agricole les dispositions relatives à l'utilisation des outils et ressources numériques figurant dans la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de refondation de l'école de la République ( article 26 bis ). Enfin, le dernier modifie le régime des communautés d'universités et établissements afin de faciliter et d'accélérer leur organisation interne ( article 27 bis ).

6. Un volet forestier renforcé et précisé.

Sur le titre V consacré à la forêt , les députés ont en revanche notablement modifié les articles du projet de loi.

À l' article 29 , ils ont notamment souhaité établir un lien de cohérence entre les plans de chasse et les documents de gestion des forêts, afin de garantir le respect d'un bon équilibre sylvo-cynégétique. Ils ont par ailleurs imposé l'utilisation de taux minimum de bois dans le secteur de la construction, en vue de favoriser le développement de la filière et de garantir une plus grande durabilité des bâtiments. Enfin, ils ont prévu l'élaboration par les départements, chaque année, de schémas d'accès à la ressource forestière qui soient à même d'assurer une desserte des sites de production, souvent enclavés au milieu des massifs.

À l' article 30 , ils ont décidé, entre autres de maintenir le code des bonnes pratiques sylvicoles, que le texte tendait à supprimer, en l'assortissant d'un programme de coupes et travaux agréé et en lui reconnaissant une garantie de gestion durable. Ils ont également abaissé le seuil minimal de constitution des GIEEF à 100 hectares dans le cas où le projet réunirait au moins vingt propriétaires forestiers, afin d'encourager au regroupement forestier. Toujours dans ce même objectif, le droit de préférence a été ouvert par les députés au bénéfice des collectivités publiques sur les parcelles forestières de moins de 4 hectares.

Ils ont par ailleurs ajouté huit articles additionnels à ce titre V. Parmi ceux-ci, l'article 30 bis révise la procédure des biens sans maître, afin de renforcer son efficacité et de favoriser le regroupement des parcelles forestières. L' article 33 bis A autorise une perception triennale de la TFNB pour les propriétés boisées, afin de sensibiliser les propriétaires forestiers désormais redevables à la nécessité d'une bonne gestion de leurs biens immobiliers.

Deux articles - article 33 ter et article 33 quinquies - ont pour objet de mieux encadrer les pratiques et les règles du commerce du bois avec l'étranger : ils visent en effet respectivement à renforcer les règles sanitaires encadrant le commerce de planches de parquet et à prévoir la remise au Parlement d'un rapport sur l'encadrement juridique de cette activité.

7. Un volet sur l'outre-mer conforté.

Pour ce qui concerne le titre VI comprenant les dispositions relatives aux outre-mer, les députés ont notamment :

- introduit un article 34 A définissant les finalités de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt dans les outre-mer ;

- introduit un article 34 bis , plus ambitieux que les dispositions initiales de l'article 34, afin de permettre, dans les outre-mer, à deux tiers des indivisaires de donner à bail un bien agricole ou de procéder, à l'initiative d'un propriétaire indivis, à l'aliénation d'un tel bien.

8. L'ajout de quelques dispositions supplémentaires.

Les députés ont, enfin, adopté certaines dispositions additionnelles visant à régler des questions sectorielles :

- Ils ont créé un nouveau dispositif législatif pour le calcul des sommes versées pour répétition de l'indu ;

- Ils ont neutralisé les conséquences fiscales de la transformation des syndicats de contrôle de performance des ruminants en associations ;

- Ils ont donné avec l'article 40 le statut d'établissement public national au « Haras national du Pin », pour conforter la filière cheval.

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