IV. LA MESURE DE LA PERFORMANCE

A. LA MESURE DE LA PERFORMANCE : UNE VOLONTÉ FORTE AFFIRMÉE PAR LE LÉGISLATEUR ORGANIQUE

La loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a donné une place particulière à la notion de performance dans la gestion des finances publiques. Elle a prévu, à l'appui d'objectifs définis pour chaque programme, la présentation d'indicateurs qui doivent être précis et dont le choix doit être justifié 86 ( * ) , de manière à mesurer les résultats obtenus et attendus au regard des objectifs poursuivis. Trois axes structurants sont retracés par ces indicateurs : l'efficacité socio-économique ; la qualité du service public ; l'efficience de la gestion.

Pour répondre à cette exigence, le Gouvernement fixe désormais une cible à trois ans tous les deux ans, ainsi qu' une prévision annuelle, pour chaque indicateur, dans les projets annuels de performances (PAP) annexés au projet de loi de finances initiale. Les rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi de règlement doivent rendre compte, par programme, des écarts entre les réalisations de l'année et :

- des prévisions établies dans les lois de finances de l'année considérée ;

- des réalisations constatées dans la loi de règlement précédente 87 ( * ) .

À l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2013, votre rapporteur général a souhaité dresser un bilan de la performance au moyen d'une analyse annuelle, mais aussi pluriannuelle, des indicateurs de performance. Une telle démarche globale ne va pas sans limites méthodologiques et conceptuelles. La performance s'évalue d'abord au niveau de chaque programme et de chaque objectif. Une appréciation quantitative et transversale est nécessairement imparfaite, dans la mesure où elle ne peut traduire les circonstances propres à chaque action, les difficultés de recueil de l'information ou encore l'impact d'évènements exceptionnels sur les réalisations constatées.

Néanmoins, une évaluation satisfaisante de la performance d'un exercice budgétaire ne saurait faire l'économie d'une approche générale. Celle-ci permet d'abord d'identifier les missions dont les objectifs en termes de performance ont été globalement atteints, et au contraire, celles pour lesquelles les cibles fixées paraissent, ex post, trop ambitieuses.

B. LA QUALITÉ DU RENSEIGNEMENT DES INDICATEURS : UN BILAN GLOBALEMENT SATISFAISANT MAIS DES EFFORTS À ACCENTUER CONCERNANT LA STABILITÉ DES INDICATEURS

Le panel d'indicateurs de performance doit satisfaire deux critères contradictoires. D'une part, il doit s'adapter à l'évolution des objectifs des politiques publiques. D'autre part, il doit répondre à une exigence de stabilité, afin de faciliter la lecture rétrospective, à moyen terme, de la performance.

Le choix des indicateurs est délicat à plus d'un titre. Un indicateur doit mesurer la performance réelle d'une action au regard d'un objectif et donc, permettre d'enregistrer chaque année les résultats en temps voulu. De plus, il doit être renseigné dans les documents budgétaires tout au long de l'exercice triennal, de manière à permettre la comparaison entre la cible initiale fixée en début de triennal et la réalisation finale du dernier exercice annuel.

1. Indicateurs informatifs et indicateurs de performance : une frontière parfois incertaine

Les indicateurs se composent d'un ou plusieurs sous-indicateurs. Certains d'entre eux ont une portée seulement informative et permettent d'interpréter les autres sous-indicateurs constitutifs de l'indicateur principal. Par exemple, l'indicateur ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines se calcule à partir du nombre d'effectifs gérants rapportés au nombre d'effectifs gérés. L'indicateur se décompose en deux sous-indicateurs : le ratio d'efficience lui-même, et le sous-indicateur effectifs gérés , présent à titre informatif. Si l'évolution du ratio traduit une amélioration ou une dégradation de la performance, ce n'est pas le cas de l'évolution du nombre d'effectifs gérés. Pourtant, chacun de ces deux sous-indicateurs présente une cible renseignée. Disposer de l'information relative au nombre d'effectifs gérés est indispensable, car le résultat obtenu dépend en partie d'économies d'échelle, mais il ne s'agit pas d'un sous-indicateur mesurant la performance. Il faut donc garder à l'esprit les différences de portée des sous-indicateurs pour apprécier la performance de façon transversale. A l'inverse, de nombreux indicateurs sont composés de plusieurs sous-indicateurs qui mesurent réellement la performance.

Certains PAP / RAP précisent lorsque les sous-indicateurs doivent être considérés comme uniquement explicatifs. Ces précisions propres à quelques programmes peuvent cependant être source d'incompréhension. La mission « Culture », par exemple, contrairement aux autres missions, note que la plupart des sous-indicateurs d'efficience immobilière sont renseignés « pour information », ce qui crée une incertitude sur leur statut par rapport aux sous-indicateurs identiques figurant dans d'autres missions. La lecture des documents budgétaires gagnerait donc en clarté si la portée des sous-indicateurs était précisée et harmonisée entre les missions.

2. La stabilité des indicateurs : une condition nécessaire au suivi de la performance des politiques publiques dans la durée

Le cadre triennal 88 ( * ) dans lequel s'inscrit la programmation budgétaire est propice à une évaluation à moyen terme de la performance des missions du budget de l'État. Celle-ci ne peut en effet se réduire à un exercice annuel, qui par ailleurs, présente un intérêt certain, mais ne peut refléter les grandes tendances dans la mise en oeuvre des politiques publiques.

a) La disponibilité des données pour l'analyse annuelle

Des prévisions sont établies chaque année dans les PAP. Dans une approche simple, la performance peut donc se mesurer au travers de la proportion d'indicateurs qui a atteint la prévision fixée annuellement. Sous cet angle d'analyse, un indicateur, pour être exploitable, doit être renseigné pour la réalisation de l'année en cours, ainsi que pour la prévision inscrite dans le PAP. Cela concerne, pour l'année 2013, 87 % des sous-indicateurs 89 ( * ) .

La mission « Travail et emploi » se distingue par la faiblesse de ses taux de renseignement des sous-indicateurs 90 ( * ) : seuls 67 % des sous-indicateurs qui figurent dans les RAP 2013 présentent une prévision et une réalisation renseignées pour 2013. Des difficultés techniques lors du recueil de l'information la complexité du traitement des données et des changements dans les méthodes de calcul sont les principales causes de ces faibles taux de renseignement. A titre d'exemple, pour des raisons liées à la taille du champ d'investigation, l'indicateur Part des entreprises et des salariés concernés par une négociation collective de la mission « Travail et emploi » ne peut être renseigné que pour l'année N-2, il ne peut donc refléter la performance de l'année concernée par la loi de règlement. Il a pourtant été choisi comme indicateur de la mission, c'est-à-dire comme l'un des plus représentatifs de la performance de la mission, compte tenu de l'information qu'il retrace.

Par ailleurs, le faible taux de renseignement des données pour la mission « Travail et emploi » ne concerne pas seulement la réalisation 2013 : les valeurs prévisionnelles, elles-mêmes, ne sont pas toujours disponibles, parfois sans explication claire. Par exemple, l'indicateur Taux de retour à l'emploi de tous les publics ne comporte pas de valeur prévisionnelle dans le PAP 2013, hormis pour les travailleurs handicapés. Une mise à jour devait être faite dans le PAP 2014, mais elle n'a pas conduit à fixer de prévision pour tous les sous-indicateurs concernés.

b) La contrainte de la stabilité pour l'analyse de moyen terme

Il est intéressant d'envisager l'analyse de la performance dans une perspective pluriannuelle, en cohérence avec le mode d'établissement des cibles. C'est en effet dans la durée que peut s'apprécier la performance des politiques publiques, sans tenir compte des facteurs conjoncturels susceptibles d'affecter les résultats d'une année donnée. Au problème de renseignement des sous-indicateurs s'ajoute alors celui de la suppression de sous-indicateurs d'une année sur l'autre, qui réduit le périmètre de l'analyse de la performance. S'il est possible de comparer les réalisations des RAP 2013 au regard des prévisions des PAP 2013 pour 87 % des sous-indicateurs, ce taux chute à 74 % lorsqu'il s'agit de prendre pour référence les cibles triennales établies pour l'année 2013 dans les PAP 2011. En effet, des sous-indicateurs ont été supprimés entre les PAP 2011 et les PAP 2013, d'autres ont été modifiés, et des sous-indicateurs nouveaux ont été introduits. De ce fait, malgré une relative constance du nombre de sous-indicateurs et les progrès accomplis ces dernières années, les modifications apportées chaque année au dispositif de mesure de la performance nuisent à la stabilité nécessaire pour une analyse à moyen terme de la performance (voir tableau infra ).


* 86 Article 51 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 87 Article 54 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 88 Le PAP 2011 fixe des cibles à atteindre en 2013. Il concerne donc l'exercice triennal 2011-2013. L'année 2013 est une année charnière puisqu'elle est également la première année de l'exercice triennal 2013-2015.

* 89 Hors sous-indicateurs présentés uniquement à titre informatifs.

* 90 Ici, un sous-indicateur renseigné l'est à la fois pour la réalisation 2013 et pour la prévision 2013 établie dans les PAP 2013.

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