B. LA QUESTION DES « RETOURS »

Deuxième contributeur au budget communautaire et deuxième bénéficiaire des dépenses européennes , la France affiche un solde net négatif , qui se détériore.

Votre rapporteur spécial souligne que les développements qui suivent reposent principalement sur le rapport financier de la Commission pour 2013 , ce rapport étant rendu public à la fin de l'année qui suit l'année d'exécution considérée. Il présente l'intérêt de récapituler la répartition des dépenses dans les États membres et de mesurer les soldes nets.

1. Un statut de deuxième bénéficiaire des dépenses communautaires

Alors qu'entre 2006 et 2010 , la France avait remplacé l'Espagne au rang de premier pays « bénéficiaire » (en euros) des dépenses du budget communautaire, elle n'est désormais que deuxième pays « bénéficiaire », derrière la Pologne, après avoir été le troisième pays « bénéficiaire » en 2011 et 2012, derrière l'Espagne et la Pologne.

11,2 % des dépenses du budget communautaire ont été opérées en France en 2011, soit 13,16 milliards d'euros. Pour 2012, ces données étaient respectivement de 10,2 % et 12,89 milliards d'euros. Pour le dernier exercice disponible, soit 2013 , il s'agit de 10,6 % de dépenses effectuées sur notre sol , soit 14,24 milliards d'euros.

Ce statut de deuxième bénéficiaire tient essentiellement à l'importance des dépenses de la politique agricole commune en France, qui représentent 72,5 % du total des dépenses réparties sur notre territoire.

Dépenses communautaires en France en 2013

(en millions d'euros)

2013

1a. Compétitivité pour la croissance et l'emploi

1 509

1b. Cohésion pour la croissance et l'emploi

2 603

2 Conservation et gestion des ressources naturelles

9 619

3 Sécurité et citoyenneté

168

Total

13 900

En % du total UE

10,9 %

Dépenses administratives

340

TOTAL, dont dépenses administratives

14 239

En % du total UE

10,6 %

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2015

En 2013, la part de la France dans le total des dépenses agricoles de l'UE s'est maintenue à un niveau élevé (16,6 %), ce qui en fait le premier bénéficiaire en volume , maintenant une tendance établie depuis 2003. Cette part est cependant en baisse puisqu'elle représentait 19 % en 2009.

La même année, la France n'était que le vingt-deuxième bénéficiaire des dépenses de l'UE (dépenses administratives incluses) si l'on prend en compte les retours par habitant (217 euros par habitant), loin derrière le Luxembourg (2 976 euros par habitant). Votre rapporteur spécial souligne que nous étions le quinzième bénéficiaire par habitant en 2008, ce qui témoigne du rythme de la dégradation de nos retours. De même, la France n'était, en 2013, que le onzième bénéficiaire de la PAC par habitant (147 euros par habitant, et elle était encore cinquième bénéficiaire en 2009 ) , loin derrière l'Irlande, premier bénéficiaire (333 euros par habitant).

Une analyse des « retours » par rubrique budgétaire enseigne que l'entrée des nouveaux États membres dans l'Union a contribué à éroder la proportion des dépenses communautaires réparties sur notre territoire.

2. Deuxième contributeur sur vingt-huit

La France demeure le deuxième pays contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne, et devant l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne. En 2013, la part de sa contribution représente ainsi 16,7 % du total des recettes de l'UE (21 % pour l'Allemagne). Cette part est stabilisée, après avoir rencontré une phase de croissance entre 2007 et 2009 27 ( * ) .

Part de chaque État membre dans le financement du budget communautaire

(en pourcentage)

Pays

2008
exécuté

2009
exécuté

2010
exécuté

2011
exécuté

2012
exécuté

2013
exécuté

Allemagne

19,2

20,4

20,0

19,3

20,3

21,0

Autriche

2,0

2,2

2,2

2,2

2,3

2,3

Belgique

4,3

4,1

4,0

4,1

4,1

3,8

Bulgarie

0,3

0,3

0,3

0,3

0,3

0,3

Chypre

0,2

0,2

0,2

0,2

0,1

0,1

Croatie

-

-

-

-

-

0,2

Danemark

2,1

2,2

2,0

2,0

2,1

2,1

Espagne

9,3

9,7

8,5

9,2

8,3

8,1

Estonie

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,2

Finlande

1,6

1,6

1,4

1,6

1,5

1,5

France

16,8

17,4

16,4

16,3

16,5

16,7

Grèce

2,2

2,1

1,9

1,6

1,4

1,4

Hongrie

0,9

0,8

0,8

0,8

0,7

0,7

Irlande

1,5

1,3

1,2

1,1

1,1

1,2

Italie

14,1

13,3

12,9

13,4

12,8

12,3

Lettonie

0,2

0,2

0,1

0,2

0,2

0,2

Lituanie

0,3

0,3

0,2

0,3

0,3

0,3

Luxembourg

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

Malte

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

Pays-Bas

5,0

5,0

4,7

4,9

4,7

4,7

Pologne

3,2

2,7

3,1

3,0

3,0

3,0

Portugal

1,4

1,4

1,6

1,4

1,4

1,3

Rép. tchèque

1,3

1,2

1,3

1,4

1,2

1,2

Roumanie

1,1

1,2

1,0

1,0

1,1

1,1

Royaume-Uni

9,2

8,7

12,3

11,5

12,5

12,2

Slovaquie

0,5

0,6

0,5

0,6

0,6

0,6

Slovénie

0,4

0,4

0,3

0,3

0,3

0,3

Suède

2,6

2,4

2,7

2,8

2,8

2,8

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2015

Les contributions « subies » au budget communautaire

Votre rapporteur spécial souligne qu'il existe, à côté de ces contributions volontaires, des contributions « subies » au budget communautaire.

Les contributions « subies » au budget communautaire

Les contributions volontaires vues précédemment ne retracent pas les contributions « subies » du budget national au budget communautaire, sous forme de sanctions et corrections financières prononcées en conséquence de violations du droit communautaire. Ces contributions « subies » pèsent inutilement sur nos finances publiques. Elles prennent essentiellement les formes suivantes :

- les refus d'apurement des dépenses de la politique agricole commune (PAC), résultant principalement de défaillances dans nos systèmes d'octroi et de contrôle des aides, qui représentent 45 millions d'euros en 2013, après avoir représenté 71 millions d'euros en 2012, 34 millions d'euros en 2011, 99 millions d'euros en 2010 et 66 millions d'euros en 2009 ;

- les corrections financières au titre des fonds structurels (4 millions d'euros en 2009 et 2010, 8 millions d'euros en 2011 et aucune correction en 2012 et 2013), résultant de motifs similaires ;

- les sanctions financières dans le cadre de la gouvernance européenne des finances publiques . La France n'a pas, à ce jour, fait l'objet de telles sanctions ;

- les amendes et astreintes prononcées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en cas de violation persistante par les États membres du droit communautaire. Déjà condamnée auparavant à deux reprises, la France a été condamnée en 2009 à 10 millions d'euros d'amende suite à l'affaire « Organismes génétiquement modifiés » (OGM). Elle n'a, en revanche, fait l'objet d'aucune pénalité financière au titre de manquements à la législation communautaire depuis 2010.

En dépit de ce dernier point positif, votre rapporteur spécial appelle l'attention sur ces contributions subies, dont le coût considérable pour les finances publiques est d'autant moins supportable qu'il pourrait être évité .

Source : commission des finances

3. Un solde net de - 9,4 milliards d'euros en 2013

La différence positive entre notre contribution au budget communautaire et les dépenses de ce budget sur notre sol classe la France parmi les États membres « contributeurs nets ». Ce statut s'accentue depuis quinze ans, années pendant lesquelles le solde net de la France s'est nettement dégradé . Alors qu'il représentait moins de 400 millions d'euros en 1999 , il a été multiplié par près de 24 depuis .

Selon le dernier exercice disponible (2013), notre situation continue de se détériorer au regard de notre solde net. Alors qu'il s'élevait à - 7,2 milliards d'euros en 2011 et à - 9,1 milliards d'euros en 2012, le solde net de notre pays représentait ainsi - 9,4 milliards d'euros en 2013 .

La France ne parvient pa s à contenir le niveau de son solde net, sous l'effet conjugué de l'élargissement , de l'encadrement des dépenses agricoles et du système des ressources propres .

Évolution du solde net français depuis 1998
(méthode « rabais britannique »)

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2015

En 2013, la France était le troisième contributeur net au budget communautaire en volume et le septième contributeur net en pourcentage du revenu national brut , selon la méthode de calcul dite du « rabais britannique » 28 ( * ) .

Les autres contributeurs nets sont l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas, la Suède, l'Autriche, le Danemark et la Finlande. Chypre a fait un passage rapide au sein de ce « club » en 2007 et 2008.

Les soldes nets des 28 en 2013 (méthode « rabais britannique »)

(en milliards d'euros et en pourcentage du RNB)

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2015

Malgré ces évolutions défavorables, votre rapporteur spécial relève les limites inhérentes à la notion de solde net, qui ne retrace que très imparfaitement les gains économiques et en aucune façon les gains politiques que les États membres retirent de leur adhésion à l'Union européenne.

En effet, les analyses en termes de retour net tendent à ignorer les contributions sans prix attachées à la construction européenne : la libre circulation et l'ouverture des États les uns vers les autres , d'une part, la généralisation de valeurs , d'autre part, et, plus particulièrement, celles de la démocratie, de la paix et de la liberté .


* 27 Une baisse tendancielle avait, au contraire, été observée de 2002 à 2007.

* 28 Cette méthode, considérée comme la plus cohérente sur le plan économique et la plus largement utilisée par les États membres, consiste à calculer le solde net sans tenir compte du montant des ressources propres traditionnelles versées au budget communautaire, qui sont considérées comme des ressources propres de l'Union, mais en tenant compte des dépenses administratives. Une contribution théorique est calculée à partir du montant des dépenses réparties. Selon la méthode dite comptable , le solde net est calculé par simple différence entre la contribution brute d'un État membre à l'Union européenne au titre de l'ensemble des ressources propres, y compris les ressources propres traditionnelles (nettes des frais de perception) et le montant des dépenses communautaires effectuées dans cet État membre, y compris les dépenses administratives. Selon la méthode dite « de la Commission » , le solde net est calculé à partir de la formule utilisée pour la détermination du chèque britannique, mais en excluant les dépenses britanniques, ce qui a pour effet de rendre contributeurs nets le Luxembourg et la Belgique qui bénéficient fortement de l'implantation des institutions européennes sur leur territoire.

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