B. LA SOUS-BUDGÉTISATION CHRONIQUE DE LA SUBVENTION D'ÉQUILIBRE : MALGRÉ DES EFFORTS DE RECALIBRAGE, LE DÉRAPAGE SEMBLE INÉVITABLE

L'enveloppe consacrée au financement des aides personnelles au logement constitue désormais plus de 82 % des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », avec 10,968 milliards d'euros prévus pour 2015.

Comme indiqué précédemment 21 ( * ) , cette année est marquée par la « rebudgétisation » du financement des aides personnelles au logement, à hauteur de 5,7 milliards d'euros, ce qui conduit au doublement de la contribution de l'État au FNAL.

Depuis 2008, la hausse permanente des dépenses enregistrées par le FNAL se traduit par une surexécution des crédits consacrés par l'État à son financement, puisque c'est lui qui assure la subvention d'équilibre du fonds.

Évolution de la subvention d'équilibre versée par l'État au FNAL 2007-2014

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, en 2013, l'État a versé 5,144 milliards d'euros au FNAL, pour une enveloppe initialement fixée à 4,876 milliards d'euros. Environ 268 millions d'euros ont ainsi dû être ouverts en fin d'année, une fois que l'intégralité de la réserve de précaution a été dégelée (294 millions d'euros) 22 ( * ) . Par ailleurs, le FNAL enregistre une dette de 78 millions d'euros vis-à-vis des organismes de sécurité sociale, reportée sur 2015.

Compte tenu de la « rebudgétisation » de 5,7 milliards d'euros en 2015, la comparaison avec les années précédentes s'avère difficile. Certes, le montant estimé des ressources nécessaires du FNAL a été largement augmenté , avec 13,823 milliards d'euros prévus pour 2015, contre 13,303 milliards d'euros en loi de finances pour 2014 et 13,281 milliards d'euros en 2013. Il semble donc que le Gouvernement ait pris en compte une hausse probable des dépenses attendues. Toutefois, cette estimation repose notamment sur l'hypothèse d'une stabilisation du taux de chômage qui est loin d'être garantie .

En outre, s'agissant des ressources affectées au FNAL, il est permis de s'interroger sur le montant retenu pour la recette issue de la cotisation des employeurs , à savoir 2,55 milliards d'euros, dans la mesure où elle ne s'élevait déjà qu'à 2,68 milliards d'euros en exécution pour 2013 et qu'entretemps, la réduction de la cotisation opérée dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité devrait conduire à une perte estimée à 300 millions d'euros.

Évolution des ressources du FNAL 2013-2015

(en millions d'euros)

Exécution 2013

Prévisions 2014

Prévisions 2015

Contribution de la branche famille de la sécurité sociale

4 426

4 444

-

Produit des cotisations employeurs

2 677

2 757

2 555

Prélèvement exceptionnel sur la participation des employeurs à l'effort de construction - subvention Action logement

400

300

300

Contribution de solidarité sur les revenus du capital

546

754

-

Contribution de l'État

5 144

5 049

10 968

Total

13 193

13 304

13 823

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des projets annuels de performance pour 2014 et 2015

De même, il convient d'espérer que la « rebudgétisation » de 5,7 milliards a été opérée en tenant compte des montants les plus proches possibles de ceux qui auraient dû être affectés au FNAL en 2015 si cette opération n'avait pas été réalisée. En cas contraire, la subvention d'équilibre versée par l'État serait déjà sous-évaluée.

L'exécution attendue du FNAL pour 2014 permet, enfin, de douter que le montant budgété pour la subvention d'équilibre versée en 2015 sera suffisant. En effet, avec une prévision initiale qui s'établit à 5,088 milliards d'euros, soit un montant déjà inférieur à l'exécution 2013, les crédits prévus par la loi de finances pour 2014 ne permettront pas de couvrir les besoins effectivement constatés au cours de cette année. Il a été indiqué à votre rapporteur qu'environ 320 millions d'euros viendraient à manquer d'ici la fin de l'année. Le projet de loi de finances rectificative de fin d'année prévoit ainsi l'ouverture de 69,8 millions d'euros au titre des aides personnelles au logement sur le programme 109 « Aide à l'accès au logement ». Les 250 millions d'euros restants seront très probablement reportés sur 2015.

Votre rapporteur spécial déplore la pratique consistant à créer une dette qui ne fait que repousser la difficulté, et à rendre plus complexe l'exécution budgétaire de l'année suivante.

Ce report de 250 millions d'euros sur 2015 viendrait ainsi alourdir la prévision initiale pour 2015 et remet déjà en cause la possibilité pour l'État de respecter l'enveloppe budgétaire prévue dans le projet de loi de finances sans recréer de la dette.

En outre, il convient de noter que, compte tenu des difficultés de financement du FNAL, l'État prévoit , à l'article 53 du projet de loi de finances pour 2015, de maintenir à 300 millions d'euros la subvention d'Action logement . Or elle devait en principe s'établir à ce montant en 2014, pour être réduite à 150 millions d'euros en 2015, en vertu de l'engagement pris entre l'État et UESL-Action logement.

Dans le cadre de la nouvelle convention pluriannuelle prévue par l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation tel qu'issu de l'article 123 de la loi ALUR 23 ( * ) pour les années 2015 à 2019, l'État a, en effet, prévu de maintenir à 300 millions d'euros la participation d'Action logement au financement du FNAL pour 2015.

Action logement devrait également financer l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour 50 millions d'euros en 2015.

Le conseil de surveillance de l'UESL-Action logement ayant approuvé le projet de convention quinquennale entre l'État et Action Logement le 27 novembre 2014, celle-ci devrait être signée très prochainement.

Comme votre rapporteur spécial le précise, ci-après, dans le commentaire de l'article 53 rattaché à la présente mission 24 ( * ) , il est regrettable que les moyens financiers d'Action logement soient utilisés pour couvrir des dépenses d'intervention plutôt qu'à favoriser l'investissement par la construction de logements.

En outre, les 150 millions d'euros supplémentaires demandés à Action logement réduisent d'autant sa participation au financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Auparavant fixée à 1,05 milliard d'euros, sa contribution ne devrait plus s'élever qu'à 850 millions d'euros en 2015 (compte tenu également des 50 millions d'euros pour l'ANAH). Opposé à cette pratique et considérant qu'il convient de garantir un financement à la hauteur des décaissements attendus de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui met en oeuvre ces programmes, votre rapporteur spécial vous propose un amendement de suppression de l'article 53 rattaché à la présente mission.


* 21 Cf. le A du I de la première partie du présent rapport.

* 22 Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 23 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR).

* 24 Cf. le commentaire de l'article 53.

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