PREMIÈRE PARTIE : MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

Le présent projet de loi de finances prévoit, pour la mission « Engagements financiers de l'État », 50,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 45,2 milliards d'euros de crédits de paiement dont l'évolution est détaillée dans le tableau ci-après, étant précisé que le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » a été créé au sein de la mission.

Évolution des crédits de paiement de la mission
(projet de loi de finances présenté par le Gouvernement)

(en euros)

Programmes et actions

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation

PLF 2015 / LFI 2014

117 - Charge de la dette et trésorerie de l'État

44 885 787 998

46 654 000 000

44 337 000 000

-5%

1 - Dette négociable

44 885 787 998

45 740 000 000

43 401 000 000

-5%

2 - Dette non négociable

0

0

-

3 - Trésorerie

0

914 000 000

936 000 000

2%

114 - Appels en garantie de l'État

114 516 142

208 400 000

205 000 000

-2%

1 - Agriculture et environnement

0

1 500 000

1 000 000

-33%

2 - Soutien au domaine social, logement, santé

7 200 000

8 500 000

10 000 000

18%

3 - Financement des entreprises et industrie

379 049

10 000 000

10 000 000

-

4 - Développement international de l'économie française

106 800 000

138 200 000

149 300 000

8%

5 - Autres garanties

137 093

50 200 000

34 700 000

-31%

145 - Épargne

575 888 342

569 072 591

476 700 000

-16%

1 - Épargne logement

572 794 565

565 972 591

474 342 650

-16%

2 - Instruments de financement du logement

3 093 777

3 100 000

2 357 350

-24%

168 - Majoration de rentes

179 184 062

171 000 000

168 000 000

-2%

1 - Participation de l'État aux majorations de rentes viagères

179 184 062

171 000 000

168 000 000

-2%

336 - Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité (MES)

6 523 488 000

3 261 744 000

0

1 - Dotation en capital du MES

6 523 488 000

3 261 744 000

0

338 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

1 617 003 000

0

0

1 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

1 617 003 000

0

0

Totaux pour la mission (périmètre LFI 2014)

53 895 867 544

50 864 216 591

45 186 700 000

-11%

344 - Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

50 000 000

0%

1- Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

50 000 000

0%

Totaux pour la mission

50 914 216 591

45 236 700 000

-11%

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances pour 2015

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 prévoyait un recul des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », hors charge de la dette (programme 117) de 1,044 milliard d'euros en 2014 à 0,980 milliard d'euros en 2015. Le montant prévu par le présent projet de loi de finances s'élève à 849 700 000 euros, soit 13,3 % de moins que la programmation.

Écarts à la programmation 2013-2015

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Après les modifications apportées par l'Assemblée nationale (voir infra ), les crédits de la mission s'établissent à 841 700 000 euros en AE et CP, soit 19,4 % de moins que la programmation.

I. LE PROGRAMME 117 « CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L'ETAT »

A. UN BESOIN UN FINANCEMENT RECORD ESSENTIELLEMENT COUVERT PAR L'EMISSION DE DETTE

1. Un besoin de financement record

Le besoin de financement de l'État, qui devrait s'élever en 2015 à 196,6 milliards d'euros correspond principalement :

- au déficit budgétaire de l'année, soit 75,7 milliards d'euros ;

- à l'amortissement de titres émis au fil des ans pour financer les déficits des exercices précédents et arrivant à échéance en 2015, pour 119,5 milliards d'euros (dont 2,4 milliards d'euros de suppléments d'indexation versés aux détenteurs d'obligations dont le capital est indexé sur l'inflation).

Les autres besoins de trésorerie s'élèvent à 1,3 milliard d'euros et tiennent compte principalement des décaissements relatifs aux programmes d'investissements d'avenir.

Besoin de financement de l'État

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2014

2014

2015

Exécution

Exécution

LFI

LFR

révisé

PLF

Besoin de financement

187

185,5

176,4

178,3

182,3

196,6

Amortissement de titres d'État à moyen et long terme

97,9

106,7

103,8

103,8

103,8

119,5

valeur nominale

95,3

103,8

103,8

103,8

103,8

117,1

suppléments d'indexation

2,7

2,8

-

-

-

2,4

Amortissement des autres dettes (dettes reprises, etc.)

1,3

6,1

0,2

0,2

0,2

0,1

Déficit à financer

87,2

74,9

70,6

71,9

75

75,7

déficit budgétaire

87,2

74,9

82,6

83,9

87

75,7

investissements d'avenir

-

-

-12

-12

-12

-

Autres besoins de trésorerie *

0,6

-2,2

1,8

2,4

3,3

1,3

* neutralisation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie ; décaissements opérés à partir des comptes consacrés aux investissements d'avenir, nets des intérêts versés ; passage de l'exercice budgétaire à l'année civile.

Source : projet annuel de performances pour 2015

Votre rapporteur souligne le poids des déficits passés dans le besoin de financement de l'État. En effet, pour rembourser les obligations arrivant à échéance une année donnée, l'État est conduit à réemprunter sur les marchés les fonds nécessaires : il refinance sa dette (on dit également qu'il la fait « rouler »).

Vie d'une obligation de maturité 5 ans

Source : commission des finances du Sénat

Outre les insuffisances budgétaires de l'État, la nécessité de faire « rouler » la dette découle d'une stratégie de financement tirant profit du fait que le taux d'intérêt demandé par les prêteurs est une fonction croissante de la durée de l'obligation émise : il est moins risqué de prêter à court terme qu'à long terme, le prix réclamé est donc moins élevé. L'État fait ainsi le choix d'émettre une partie importante de sa dette sur des maturités de court ou moyen terme . Ce faisant, il accroît le rythme et le montant annuel du refinancement.

Il faut relever que le besoin en financement de l'année ne prend pas en compte le « roulement » de la dette négociable de l'État de maturité inférieure à un an, constituée de bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF), qui sert à couvrir les décalages de trésorerie infra-annuels. Seule la variation globale de cette dette d'une année sur l'autre est comptée comme ressource positive ou négative dans le tableau de financement (voir infra ). Il n'en demeure pas moins qu'en réalité, s'ajoutent aux émissions de titres de moyen et long terme, constitués d'obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), les émissions de BTF qui ont lieu tout au long de l'année. À la fin de l'exercice 2014, le stock de BTF devrait s'établir à 178 milliards d'euros et rester stable en 2015.

Part des amortissements et du solde de gestion
dans le besoin de financement de l'État de 2000 à 2015

en milliards d'euros

en %

Amortissements

Solde

de la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

Amortissements

Solde

de la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

OAT BTAN

dettes reprises

OAT BTAN

dettes reprises

2000

57,1

-

28,5

-

85,6

67%

-

33%

100%

2001

51,3

-

39,3

-

90,6

57%

-

43%

-

100%

2002

59,4

-

50,2

-

109,6

54%

-

46%

-

100%

2003

62,5

-

57,0

-

119,5

52%

-

48%

-

100%

2004

66,5

-

46,4

-

112,9

59%

-

41%

-

100%

2005

65,6

-

47,3

-

112,9

58%

-

42%

-

100%

2006

77,6

2,8

35,4

-

115,8

67%

0

31%

-

100%

2007

69,0

0,6

34,6

-

104,9

66%

1%

33%

-

100%

2008

97,6

10,3

56,4

-

164,0

60%

0

34%

-

100%

2009

110,1

1,6

134,7

-

246,2

45%

1%

55%

-

100%

2010

82,9

4,1

149,6

-

236,9

35%

0

63%

-

100%

2011

94,9

0,6

93,1

-

188,6

50%

0

49%

-

100%

2012

97,9

1,3

83,6

-

182,8

54%

0

46%

-

100%

2013

106,7

6,1

71,9

1,1

185,8

57%

3%

39%

1%

100%

2014

103,8

0,2

75

3,3

182,3

57%

0

41%

2%

100%

2015

119,5

0,1

75,7

1,3

196,6

61%

0

39%

0%

100%

Source : Agence France Trésor

NB : Pour 2014 et pour 2015, le besoin de financement est composé non de l'impact en trésorerie du solde de la gestion (qui sera déterminé dans les lois de règlement respectives) mais de la prévision du déficit à financer.

Ce besoin de financement aurait pu être encore supérieur si l'Agence France Trésor (AFT) n'avait pas procédé, au cours de l'année 2014, à des rachats anticipés de titres à échéance 2015.

Ces rachats se sont établis, sur les sept premier mois de l'année, à 19,3 milliards d'euros et pourraient atteindre, selon les prévisions de Natixis 1 ( * ) , un total de 27 milliard d'euros pour 2014.

En 2013, l'AFT avait déjà racheté pour près de 10 milliards d'euros de titres à échéance 2015, en plus des 13,2 milliards d'euros consacrés à la reprise de titres à échéance 2014.

Ces opérations permettent de lisser les émissions de dette française et de profiter de conditions de taux actuellement très avantageuses (voir infra ). Sans elles, le besoin de financement de l'État pour 2015 s'élèverait donc à 233,6 milliards d'euros.

L'État détient environ 150 milliards d'euros de titres à échéance 2016. S'il souhaite éviter de financer l'intégralité de l'amortissement de ces titres au cours de l'exercice 2016, l'AFT sera très probablement amenée à poursuivre sa politique de rachat en 2015, pour un montant qui pourrait être du même ordre qu'en 2014, soit 27 milliards d'euros. Le montant des émissions de BTAN et d'OAT en 2015 pourrait ainsi atteindre 215 milliards d'euros.

2. Des ressources de financement provenant essentiellement de nouveaux emprunts

Les ressources de financement en 2015 proviennent pour l'essentiel des émissions nouvelles de dette à moyen et long terme nettes de rachats qui s'élèvent à 188 milliards d'euros.

Les titres composant la dette négociable de l'État

« La composition de la dette de l'État a été rationalisée par la création de trois catégories de titres standardisés, les valeurs du Trésor : les OAT, les BTAN et les BTF. Ces titres, dont la coupure nominale est de 1 euro, se distinguent par leur maturité à l'émission.
À compter du 1er janvier 2013 et dans un souci de simplification, les nouveaux titres de références créés sur le moyen terme (de maturité 2 ans et 5 ans) seront désormais émis sous la forme d'OAT (Obligation Assimilable du Trésor) , comme pour les titres de long terme (10 ans et plus). La dénomination spécifique de BTAN (Bon du Trésor à intérêts Annuels) pour les titres de moyen terme n'a en effet plus l'utilité qu'elle avait à l'origine. Les souches de BTAN existantes continueront à être abondées et leur liquidité sera ainsi assurée.

Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont le support de l'endettement à moyen et long terme de l'État. La maturité de ces titres est comprise entre deux et cinquante ans. La plupart des OAT sont à taux fixe et remboursables in fine. Mais le Trésor émet aussi des obligations à taux variable (OAT TEC 10 indexées sur le taux de l'échéance constante à 10 ans) et des obligations indexées sur l'inflation (OATi, OATei).

Les OAT long term e sont émises par adjudication le premier jeudi de chaque mois ; l'État adjuge à cette occasion une ligne à taux fixe d'échéance 10 ans, et si les conditions de marché s'y prêtent, d'autres lignes d'OAT à taux fixe. L'échéance des OAT et la date de paiement du coupon sont fixés au 25 du mois.

Les OAT moyen terme et indexées (TEC 10, OATi, OAT€i) sont émises par adjudication le troisième jeudi de chaque mois, dans la cadre d'un calendrier annuel publié à l'avance ; l'État émet à cette occasion au moins une ligne d'échéance 2 ou 5 ans.

Les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN) représentaient, jusqu'au 31 décembre 2012, l'endettement à moyen terme de l'État. Leur maturité à l'émission était de deux ou cinq ans. Le dernier BTAN arrivera à échéance le 25 juillet 2017.

Les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) sont l'instrument de gestion de trésorerie de l'État. Ils servent à couvrir les fluctuations infra-annuelles de la trésorerie de l'État, qui découlent pour l'essentiel du décalage entre le rythme d'encaissement des recettes et celui du paiement des dépenses, et de l'échéancier d'amortissement de la dette. La maturité des BTF à l'émission est de moins d'un an. Ils sont émis chaque lundi par voie d'adjudication, dans le cadre d'un calendrier trimestriel publié à l'avance et précisant les échéances des bons qui seront mis en adjudication. Un BTF à 3 mois est émis chaque semaine ; s'y ajoute, selon les cas, une émission de BTF semestriels ou annuels. Certains BTF peuvent être émis hors calendrier pour des durées de 4 à 7 semaines en fonction des besoins de trésorerie. »

Source : Agence France Trésor

Le détail du programme d'émission sera annoncé par l'AFT en décembre. Il est prévu que les émissions de dette de court terme (BTF) restent stables.

Les ressources de financement comprennent également :

- les ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement , fixées à 4 milliards d'euros, issues du produit de cession de participations publiques ;

- une contribution des disponibilités du Trésor de 4,1 milliards d'euros ainsi que d'autres ressources de trésorerie (0,5 milliard d'euros) qui représentent le montant des suppléments d'indexation perçus à l'émission des titres indexés.

L'encours des dépôts des correspondants du Trésor 2 ( * ) est stabilisé, de même que l'encours des titres d'État à court terme.

Ressources de financement de l'État

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2014

2014

2015

Exécution

Exécution

LFI

LFR (1)

révisé

PLF

Ressources de financement

187

185,5

176,4

178,3

182,3

196,6

Émissions de titres d'État à moyen et long terme, nettes des rachats

178

168,8

173

173

173

188

Ressources consacrées au désendettement

-

-

1,5

1,5

1,5

4

Variation de l'encours de titres d'État à court terme (+ si augmentation ; - sinon)

-11,2

7,2

-

1,9

4,2

-

Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation ; - sinon)

13,4

-4,2

-

-

-1

-

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État (+ si diminution ; - sinon)

-2

7,9

1,4

1,4

1,6

4,1

Autres ressources de trésorerie

8,9

5,7

0,5

0,5

3

0,5

Source : projet annuel de performance 2015

Les « ressources consacrées au désendettement » et les ressources de trésorerie ne répondent en réalité que marginalement au besoin de financement, dont la couverture se traduit par une augmentation de la dette de l'État.

Couverture du besoin de financement et évolution de la dette
(hors suppléments d'indexation)

Situation fin année N-1

Évolution année N

Situation fin année N

Déficit à financer,
y compris charge de la dette

(A)

Besoin
de financement

(A+B)

Ressources de financement

(C+D+E)

Ressources consacrées au désendettement

(C)

Ressources de trésorerie

(D)

Nouveaux emprunts émis

(E)

Accroissement de la dette

Dette totale

Dette arrivant à échéance en N à refinancer

(B)

Dette totale

(E+F)

Dette continuant à courir
(échéances N+1, N+2,..., N+x)

(F)

Source : commission des finances du Sénat


* 1 Special report, recherche économique, 1 er octobre 2014, n° 129.

* 2 Les correspondants du Trésor sont les entités qui, par obligation législative, réglementaire ou par convention, disposent d'un compte ouvert dans les livres du Trésor, auprès d'un comptable public. Le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique du 7 novembre 2012, entré en vigueur au 1 er janvier 2013, réaffirme le principe de l'obligation, pour les organismes publics, de déposer leurs fonds au Trésor. Les encours déposés sur le compte du Trésor par les correspondants, en particulier par les collectivités territoriales et leurs établissements publics au titre de la loi organique relative aux lois de finances, constituent une ressource stable pour la trésorerie de l'État.

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