C. UN DISPOSITIF PÉNAL INADAPTÉ

En raison de l'inadaptation des dispositions existantes, le juge est amené à retenir des qualifications juridiques qui peuvent paraître inadaptées, telles que la violation de domicile, prévue par l'article 226-4 du code pénal . En vertu de cet article, « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

La Cour de cassation a validé cette approche, s'agissant de la centrale de Nogent-sur-Seine, en considérant que les lieux où les militants antinucléaires s'étaient introduits constituaient bien, pour EDF, un domicile au sens de l'article 226-4 du code pénal 23 ( * ) . Ce faisant, la Cour a validé cette qualification juridique, retenue par plusieurs tribunaux et cours d'appel pour des faits similaires.

Les événements survenus à Bugey, au Tricastin, à Gravelines et Fessenheim et leurs suites judiciaires

Nogent-sur-Seine (5 décembre 2011)

9 militants s'introduisent dans la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine après avoir découpé les trois grillages de l'enceinte de la centrale, puis montent sur le dôme d'un réacteur.

Suites judiciaires

En première instance, le tribunal de Troyes se déclare incompétent.

Le 11 octobre 2012, la Cour d'appel de Reims condamne les 9 militants, pour dégradation en réunion et violation de domicile, à six mois d'emprisonnement avec sursis, et pour refus de prélèvement biologique, à 800 euros d'amende (pour cinq d'entre eux).

Le 19 mars 2014, la cour de cassation rejette le pourvoi formé par les militants.

Bugey (2 mai 2012)

Un pilote de para-moteur survole la centrale, lance un fumigène sur le toit du réacteur de la tranche 3, puis se pose à l'intérieur du site. L'individu, de nationalité allemande, est aussitôt interpellé par les gendarmes du PSPG. Dans le même temps, un complice qui se trouvait à l'extérieur du site en présence de plusieurs médias diffusant la scène en direct est interpellé.

Suites judiciaires

Le 27 mars 2013, le tribunal condamne le pilote à six mois de prison avec sursis tandis que son complice est relaxé.

Le 29 janvier 2014, la cour d'appel de Lyon confirme la culpabilité du pilote pour survol volontaire de zone interdite, mais ramène sa peine de six à trois mois de prison avec sursis.

Tricastin (15 juillet 2013)

Tôt le matin, 29 militants de huit nationalités différentes et appartenant à l'organisation non-gouvernementale Greenpeace franchissent les défenses passives qui assurent la protection de la centrale nucléaire de Tricastin. Leur objectif consiste à déployer des banderoles en s'accrochant aux structures métalliques des inter-tranches et en s'entravant au niveau du pont roulant. Tous sont interpellés par la gendarmerie à l'intérieur de l'enceinte.

Suites judiciaires

Le 14 janvier 2014, de six mois à un an de prison avec sursis sont requis à l'encontre des différents mis en cause.

Le 6 mars, le tribunal correctionnel de Valence condamne les 29 militants, dont un seul était présent à l'audience, à trois mois de prison avec sursis, accompagnés de 3 000 euros de frais de procédure au profit d'EDF et de la confiscation de tout le matériel utilisé.

Gravelines (5 mars 2014)

17 militants s'introduisent sur le site et sont rapidement interpellés.

Suites judiciaires

Le tribunal correctionnel de Dunkerque les condamne à quatre mois de prison avec sursis pour violation de domicile.

Fessenheim (18 mars 2014)

Vers 5h45, 55 militants de Greenpeace de 18 nationalités différentes s'introduisent dans la centrale nucléaire de Fessenheim. 13 militants prennent place sur les toits de plusieurs bâtiments de la centrale dont celui du réacteur n° 1. Certains d'entre eux en condamnent l'accès aux forces de l'ordre en bloquant les diverses trappes des échelles. Tous sont interpellés par la gendarmerie. L'opération a mobilisé 290 gendarmes.

Suites judiciaires

Le 4 septembre 2014, le tribunal correctionnel de Colmar condamne les 55 militants à deux mois de prison avec sursis et 1 000 euros d'amende.

Source : Rapport de M. Claude de Ganay, député, sur la proposition de loi visant à renforcer les conditions d'accès aux installations nucléaires de base (n° 2527 du 28 janvier 2015).


* 23 Cour de cassation, chambre criminelle, 19 mars 2014.

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