Rapport n° 467 (2014-2015) de MM. Michel AMIEL et Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 27 mai 2015

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N° 467

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mai 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ,

Par MM. Michel AMIEL et Gérard DÉRIOT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; MM. Michel Amiel, Claude Bérit-Débat, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mme Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Evelyne Yonnet .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2512 , 2585 et T.A. 486

Sénat :

348 et 468 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 27 mai 2015 sous la présidence de M. Alain Milon , la commission des affaires sociales a examiné, sur le rapport de MM. Gérard Dériot et Michel Amiel , la proposition de loi n° 348 (2014-2015) créant de nouveaux droits en faveur des personnes et des malades en fin de vie .

La commission a estimé que cette proposition de loi propose un juste équilibre entre la volonté du patient et le savoir médical, entre l'obligation de préserver la vie humaine et les souhaits de chacun quant aux conditions de sa fin de vie. Afin de préciser certaines dispositions du texte, elle a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, douze amendements sur les articles 1 er à 14 de la proposition de loi.

A l' article 2 , relatif à l'obstination déraisonnable, elle a défini les obligations minimales qui s'attachent à la mise en oeuvre de la procédure collégiale (réunion de l'équipe soignante et association de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou des proches). Cette procédure est organisée à l'initiative du médecin pour les décisions d'arrêt ou de limitation des traitements, de recours à la sédation profonde et continue et d'application des directives anticipées. La commission a supprimé la mention de l'hydratation et de l'alimentation artificielles afin de s'en tenir à la jurisprudence du Conseil d'Etat.

A l' article 3 , qui concerne les conditions de mise en oeuvre de la sédation profonde et continue jusqu'au décès, la commission a supprimé la mention de « prolonger inutilement » la vie, jugée source d'ambiguïtés. Elle a précisé que dans le cas où une personne souhaite arrêter tout traitement, engageant ainsi son pronostic vital à court terme, la sédation profonde et continue n'est mise en oeuvre qu'en cas de souffrance réfractaire . Cette nouvelle rédaction vise à écarter toute dérive vers le suicide assisté.

A l' article 8 , relatif aux directives anticipées, la commission a limité les hypothèses dans lesquelles le médecin n'est pas tenu de s'y conformer, l'expression de directives « manifestement inappropriées » paraissant insuffisamment précise.

Elle a enfin modifié l'intitulé de la proposition de loi afin que celui-ci reflète plus fidèlement le contenu du texte.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'annonce par le Président de la République en décembre dernier d'un nouveau plan triennal de développement des soins palliatifs marque le besoin d'une meilleure prise en charge des personnes malades dans notre pays et plus particulièrement des personnes en fin de vie. Les lois successives ont des principes clairs et protecteurs : accès aux soins palliatifs (loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs), consentement des malades aux soins (loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé), mise en oeuvre de l'arrêt des traitements pour la fin de vie des malades (loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie). La réalité, malgré d'incontestables progrès, ne correspond pas à la volonté du législateur. La persistance du « mal mourir » en France n'a cessé de peser sur les conditions du débat public depuis plus de quinze ans.

La proposition de loi soumise à l'examen du Sénat propose de modifier la loi du 22 avril 2005. Elle répond à un engagement du Président de la République mais également à une demande sociale forte de garantir à tous une fin de vie la plus apaisée possible. Ce texte fait l'objet de critiques, tant de ceux qui craignent que les évolutions successives n'aboutissent à pousser les personnes en fin de vie, et plus particulièrement les plus vulnérables, à considérer que leur vie est une charge pour leurs proches et pour la société, que de ceux qui réclament le droit à une assistance médicalisée pour mourir. Votre commission estime que cette proposition de loi trouve un juste équilibre entre la volonté des personnes et le savoir médical, entre l'obligation de préserver la vie humaine et celle de permettre à chacun de décider des conditions dans lesquelles il souhaite qu'elle s'éteigne.

C'est la raison pour laquelle votre commission partage l'esprit de ce texte et vous propose de l'adopter dans la version issue de ses travaux.

I. UN DÉBAT APPROFONDI AYANT ABOUTI AU CONSTAT ACCABLANT DU MAL-MOURIR EN FRANCE

Depuis la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, la possibilité pour chacun de choisir les conditions dans lesquelles il terminera ses jours n'a cessé de faire débat dans la société française. Plusieurs facteurs y ont contribué : des procès liés à des actes destinés à donner la mort avec ou sans le consentement des personnes malades, des demandes individuelles d'euthanasie relayées par les médias, l'action d'associations militantes comme l'ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité), des législations nouvelles dans des pays européens, enfin des débats parlementaires nombreux sur les questions de la fin de vie et de l'euthanasie, notamment à l'occasion de l'examen de propositions de loi sénatoriales 1 ( * ) .

A. LE DÉBAT ORGANISÉ À L'INITIATIVE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET L'INTERPRÉTATION DE LA LOI DE 2005 PAR LE JUGE ADMINISTRATIF

1. Trois ans de débat public

Lors de la campagne présidentielle pour 2012, François Hollande avait inscrit parmi ses 60 engagements pour la France la proposition 21 : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

La commission de réflexion sur la fin de vie en France, présidée par le Pr Didier Sicard, a été constituée à l'initiative du Président Hollande en juillet 2012. Elle a rendu son rapport le 18 décembre de cette même année. Le Président de la République a alors saisi le comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui a publié en juillet 2013 un avis n° 121 « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir ». Dans cet avis, le CCNE demandait notamment une prolongation de la réflexion au travers de l'organisation d'états généraux prévus par l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique. Cet article, issu de la loi de bioéthique du 7 juillet 2011, dispose : « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d'un débat public sous forme d'états généraux. Ceux-ci sont organisés à l'initiative du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

A la suite du débat public, le comité établit un rapport qu'il présente devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation. »

Vos rapporteurs souhaitent qu'à l'avenir le processus de consultation des commissions parlementaires permanentes dans le cadre de l'article L. 1412-1-1 soit mieux formalisé . En effet, la commission des affaires sociales du Sénat n'a pas été formellement consultée. L'Opecst a pour sa part été entendu au cours d'une audition de M. Jean-Claude Ameisen, président du CCNE, le 21 mai 2013.

Les états généraux se sont réunis sous la forme d'une Conférence de citoyens sur la fin de vie organisée pour le compte du CCNE par l'Institut français d'opinion publique (Ifop) à l'automne 2013. Un avis citoyen a été publié le 14 décembre 2013.

Le CCNE a rendu le 21 octobre suivant le rapport sur le débat public prévu par l'article L. 1412-1-1, qui a été présenté en décembre de cette même année à l'Opecst. Celui-ci a procédé à son évaluation et publié un rapport le 5 mars 2015.

Parallèlement, deux décrets du 20 juin 2014 ont chargé d'une mission temporaire auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, députés. Leurs lettres de mission ont été signées par le Premier ministre qui, prenant acte des rapports et avis remis à cette date, constate : « nos concitoyens aspirent à ce que leurs volontés soient pleinement respectées dans les deniers moments de leur vie. Cela suppose de rendre possible pour toute personne majeure, atteinte d'une maladie grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme, d'être accompagnée afin de terminer sa vie dignement et conformément à la volonté qu'elle a exprimée.

Pour ce faire, une modification de la législation est nécessaire. Elle devra poursuivre un triple objectif : assurer le développement de la médecine palliative, y compris dès la formation initiale des professionnels de santé ; mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées dont le caractère engageant doit être pleinement reconnu ; définir les conditions et les circonstances précises dans lesquelles l'apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie dans le respect de l'autonomie de la personne ».

Le rapport de MM. Claeys et Leonetti a été remis au Président de la République le 12 décembre 2014. Il contient le texte d'une proposition de loi qui a été déposée à l'Assemblée nationale le 21 janvier 2015. Chargés du rapport sur cette proposition de loi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée, MM. Claeys et Leonetti ont rendu public leur rapport le 18 février et le texte a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 17 mars 2015 puis transmis au Sénat.

2. L'application de la loi du 22 avril 2005 par le Conseil d'Etat

Les conditions d'application de la loi du 22 avril 2005 ont récemment été précisées par la jurisprudence administrative.

L'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat a en effet été amenée à se prononcer le 24 juin 2014 sur la légalité d'une décision d'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles de M. Vincent Lambert qui, à la suite d'un accident survenu en 2008, se trouve aujourd'hui dans un état végétatif chronique ou pauci-relationnel.

Le Conseil d'Etat a rappelé qu' au sens de sa jurisprudence, l'alimentation et l'hydratation artificielles sont des traitements susceptibles d'être arrêtés à la demande du patient. Pour les personnes en état végétatif hors d'état d'exprimer leur volonté, la décision d'arrêt des traitements est prise par le médecin. Le Conseil d'Etat souligne que cet arrêt ne peut être décidé qu'au regard de la situation individuelle de chaque personne et dans le souci de la plus grande bienfaisance à son égard. Deux éléments cumulatifs doivent être pris en compte : les données médicales et la volonté du patient. Les données médicales « doivent concerner une période suffisamment longue, être analysées collégialement et porter notamment sur l'état actuel du patient, sur l'évolution de son état depuis la survenance de l'accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique ». La volonté du patient doit faire l'objet d'une attention particulière du médecin sachant que la volonté d'arrêter les traitements ne peut être présumée. En l'absence de possibilité pour la personne concernée de s'exprimer et de directives anticipées, « le médecin doit prendre en compte les avis de la personne de confiance que le patient peut avoir désignée, des membres de sa famille ou de ses proches, en s'efforçant de dégager un consensus ». Au regard de ces critères, le Conseil d'Etat a jugé fondée la décision d'arrêt des traitements de M. Lambert.

Celle-ci n'a cependant pas été mise en oeuvre dans l'attente de l'issue d'un recours introduit devant la Cour européenne des droits de l'homme à la suite de la décision du Conseil d'Etat. La décision de la Cour est attendue dans les prochaines semaines. La haute juridiction administrative avait pour sa part jugé la loi du 22 avril 2005 conforme à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit à la vie.

B. LE MAL-MOURIR EN FRANCE

Les débats nombreux organisés depuis trois ans ont établi le constat accablant du mal-mourir en France. Cette expression, contenue dans le rapport Sicard, recouvre deux réalités :

- d'une part, la différence entre la mort souhaitée, apaisée et à domicile, et les conditions de mort de la majorité des Français à l'hôpital voire aux urgences . L'enquête de l'Institut national d'études démographiques (Ined) sur la « Fin de vie en France », réalisée à partir de données de 2009, constate que « 3 personnes sur 5 meurent à l'hôpital » mais que « la moitié seulement étaient hospitalisées un mois avant leur décès » : 28 % des personnes ayant achevé leur existence à l'hôpital y sont rentrées au cours de leur dernière semaine ; non seulement on meurt de plus en plus souvent à l'hôpital mais, plus grave encore, on rentre à l'hôpital pour y mourir. Pour plus de la moitié des personnes décédées à l'hôpital, les traitements reçus au cours du dernier mois visaient simplement à assurer leur confort. De plus, le rapport 2013 de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV) relève que près de 75 % des personnes décédées aux urgences ont plus de 75 ans (dont 22 % qui ont 90 ans ou plus) ;

- d'autre part, l'absence d'une véritable culture palliative en France, malgré les progrès réalisés depuis la loi de 1999 créant un droit d'accès aux soins palliatifs 2 ( * ) dans la prise en charge de la douleur.

En effet, dans les pays où elle est autorisée (Pays-Bas depuis 2001, Belgique en 2002, Luxembourg en 2009) l'euthanasie reste marginale par rapport au nombre total de décès (moins de 0,2 % au Luxembourg, de 2 % en Belgique, de 3,5 % aux Pays-Bas) ; elle n'est donc pas une solution souhaitée par la majorité des personnes concernées.

A l'inverse, le besoin en soins palliatifs en France reste aujourd'hui particulièrement important. L'étude conduite en 2011 par l'ONFV en collaboration avec l'Inserm permet de penser que 64 % des personnes décédées en 2008 étaient susceptibles de nécessiter de tels soins. Or, ainsi que le relève la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2015, « aucune estimation globale du nombre de personnes ayant effectivement bénéficié de soins palliatifs sur une année donnée n'est disponible ». Des informations contenues dans le rapport de la Cour, il ressort que le nombre de prises en charge palliatives lors d'une hospitalisation en court séjour a été multiplié par 1,7 entre 2009 et 2013. L'avis citoyen publié le 14 décembre 2013 et issu de la Conférence de citoyens sur la fin de vie affirme pour sa part que « seules 20 % des personnes qui devraient bénéficier des soins palliatifs y ont accès avec en outre de lourdes inégalités territoriales qui existent en ce qui concerne les structures palliatives comme le nombre de lits dédiés en milieu hospitalier ». Cette affirmation a été largement reprise dans les débats ultérieurs.

Force est de constater l'insuffisance des moyens disponibles en France plus de quinze ans après la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Vos rapporteurs partagent donc l'avis du rapport du CCNE sur « le scandale que constituent (...) le non accès aux droits reconnus par la loi, la situation d'abandon d'une immense majorité de personnes en fin de vie et la fin de vie insupportable d'une très grande majorité de nos concitoyens » . Le Président Gérard Larcher a pour sa part dénoncé l'existence de très fortes inégalités territoriales dans l'accès aux soins palliatifs. En effet, si chaque région dispose désormais d'une unité de soins, « 62 % des unités soit 69% des lits sont concentrés dans cinq régions qui représentent 47 % de la population (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nord Pas-de-Calais et Bretagne). Si la moyenne nationale du nombre de lits d'unité de soins palliatifs pour 100 000 habitants se situe à 2.09, ce taux d'équipement varie de 0 (Guyane) à 5.45 lits (Nord-Pas-de-Calais) » 3 ( * ) .

Le plein développement d'une culture palliative, c'est-à-dire non seulement de lits ou de structures spécialisées là où il en manque, mais aussi et peut-être surtout d'une prise en charge palliative dès le début des soins et comme complément nécessaire aux traitements curatifs, doit être une priorité nationale. Il est essentiel d'enseigner, dès la formation initiale des personnels soignants, que les soins palliatifs et les soins curatifs vont de pair, et que palliatif ne signifie pas fin de vie mais accompagnement (physiologique, psychologique et social).

II. L'OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : RENFORCER LES DROITS DES PERSONNES MALADES EN FIN DE VIE

La présente proposition de loi entend poursuivre la démarche engagée par la loi de 1999 ouvrant l'accès aux soins palliatifs puis poursuivie par celles du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. L'ensemble des modifications proposées complète ainsi la législation en vigueur depuis quinze ans par le renforcement du rôle des directives anticipées, l'encouragement au développement d'une culture palliative et la reconnaissance de la possibilité de recourir dans certaines circonstances à une sédation profonde maintenue jusqu'au décès.

Conformément au consensus dégagé à l'issue des travaux conduits au cours des trois dernières années, ces modifications ont pour objet d'améliorer la prise en compte des souffrances en fin de vie. Elles ne consacrent d'aucune manière un droit à mourir ou à faire mourir : à l'instar de la commission de réflexion sur la fin de vie, le CCNE souligne dans son avis n° 121 la nécessité de garantir un meilleur accès aux soins palliatifs et de conférer un caractère contraignant aux directives anticipées. Il estime en outre « qu'un patient doit pouvoir, s'il le demande, obtenir une sédation continue jusqu'à son décès lorsqu'il est entré dans la phase terminale de sa maladie ». En revanche, la majorité des membres du comité se déclare hostile à la légalisation de l'assistance médicale au suicide ainsi qu'à toute forme d'euthanasie. Cette position a été réitérée dans le second rapport du CCNE présentant une synthèse des multiples consultations publiques conduites entre 2012 et 2014. La présente proposition de loi concerne, en d'autres termes, non pas les personnes malades qui « veulent mourir » mais celles qui « vont mourir ».

A l'issue de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, le texte comporte quinze articles :

- les articles 1 er et 2, 5 à 7, 11 et 12 entendent procéder à une réécriture du droit existant à des fins de précision ou de coordination ;

- les articles 3 à 4 bis concernent l'accès aux soins palliatifs et la reconnaissance du droit à la sédation profonde et continue ;

- les articles 8 à 10 , relatifs à l'expression de la volonté de la personne, visent à renforcer la portée des directives anticipées et le rôle de la personne de confiance ;

- les articles 13 et 14 prévoient respectivement l'application de plein droit de la loi en Nouvelle-Calédonie et l'information annuelle du Parlement sur sa mise en oeuvre ainsi que sur la politique de développement des soins palliatifs.

A. LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE : UNE RÉPONSE ADAPTÉE AUX SOUFFRANCES REFRACTAIRES DES PERSONNES MALADES EN FIN DE VIE

1. Une mise en oeuvre très inégale du droit en vigueur
a) Une connaissance insuffisante de la loi de 2005

Depuis la loi de 2005 qui encadre les situations de fin de vie, l'article L. 1110-5 du code de la santé publique dispose que les actes médicaux « ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris . Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10 », c'est-à-dire palliatifs. En outre, « les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort. Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade ».

Les soins palliatifs sont définis depuis 2002 comme des « soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage . »

De l'avis quasi-unanime, les dispositions de la loi de 2005 relatives au refus de l'obstination déraisonnable et à l'arrêt des traitements dans le respect de l'autonomie du patient sont encore méconnues non seulement des patients et de leurs proches mais aussi des médecins eux-mêmes.

Ce constat renvoie à l'insuffisance de la formation des professionnels aux situations de fin de vie et aux soins palliatifs dans notre pays. Il ne s'agit pas tant d'une question de moyens que d'une difficulté liée à la culture médicale française. Outre le peu de temps consacré aux soins palliatifs dans la formation des médecins, voire l'absence totale d'enseignement relatif aux limitations de traitement et à la prise en charge de la douleur, l'intervention des soins palliatifs reste encore souvent associée à un échec des soins curatifs et donc à celui du corps médical lui-même : si, comme l'a indiqué la commission de réflexion sur la fin de vie, les médecins n'ont pas été formés pour travailler sur cette « ligne de crête correspondant à la limite des savoirs, à la limite de la vie, à leurs propres limites et aux limites des personnes malades » 4 ( * ) , l'idée d'une abdication de la médecine devant les soins palliatifs reste fortement ancrée dans les perceptions collectives.

Forts de ce constat, vos rapporteurs ne peuvent que souscrire à l'objectif des dispositions de l'article 1 er de la proposition de loi prévoyant expressément une formation aux soins palliatifs. Votre commission a toutefois jugé utile d'étendre cette obligation à un champ plus large de professionnels de santé.

b) Des pratiques hétérogènes accentuant les inégalités face aux conditions de la mort

Il résulte de la situation décrite précédemment et des difficultés d'accès aux soins palliatifs une application à la fois très inégale et incomplète du droit en vigueur en matière de fin de vie.

La loi Leonetti a fait l'objet d'une progressive acculturation dans un certain nombre de services où elle est aujourd'hui bien connue et appliquée. Les témoignages recueillis par vos rapporteurs confirment néanmoins la très grande hétérogénéité qui caractérise aujourd'hui les soins palliatifs en général et la pratique de la sédation en particulier . Celle-ci n'est pas un acte nouveau puisqu'elle est déjà mise en oeuvre, en particulier dans certains services de soins palliatifs ou dans des services hospitaliers spécialisés dans les maladies graves. Cependant, le recours à cette pratique ne relève que de la seule appréciation du médecin ou de l'équipe soignante et il est rare qu'elle soit mise en oeuvre ailleurs qu'à l'hôpital (domicile du patient, établissement médico-social). Les inégalités d'accès aux traitements sédatifs accentuent ainsi les inégalités de nos concitoyens face aux conditions de la mort.

c) La nécessité d'améliorer la prise en compte des bonnes pratiques en matière de sédation

Ce constat rend d'autant plus importante la prise en compte des recommandations de bonnes pratiques en matière de sédation telles qu'elles sont rédigées par la société française d'accompagnement en soins palliatifs (SFAP) et validées par la Haute Autorité de santé (HAS).

Les recommandations de bonnes pratiques de la SFAP

Ces recommandations sont actualisées et diffusées tous les cinq ans.

Définition de la sédation

Selon la SFAP, « la sédation est la recherche, par des moyens médicamenteux, d'une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu'à la perte de conscience, dans le but de diminuer ou de faire disparaître la perception d'une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en oeuvre sans permettre d'obtenir le soulagement escompté par le patient.

Ce que n'est pas une sédation :


• Une euthanasie : acte de donner délibérément la mort à un patient qui le demande pour faire cesser une souffrance qu'il juge insupportable


• Anxiolyse : diminution de l'anxiété d'un patient au moyen d'un traitement adapté, souvent une benzodiazépine


• Analgésie : diminution de l'intensité d'une douleur d'un patient au moyen d'un traitement adapté (antalgiques, Co-analgésiques...). »

Situations de recours à la sédation

La SFAP définit trois grandes situations médicales où le recours à la sédation est justifié :


• « les situations aiguës à risque vital immédiat, facilement identifiables »,
c'est-à-dire « soit des hémorragies cataclysmiques notamment extériorisées (sphère ORL, pulmonaire et digestive) soit des détresses respiratoires asphyxiques (sensation de mort imminente par étouffement avec réaction de panique) ». Selon la SFAP, « la sédation a pour but de soulager la personne malade de la pénibilité et de l'effroi générés par ces situations. En phase terminale d'une maladie, la sédation est alors un geste d'urgence pour soulager le malade. (...) En phase terminale, si la sédation peut influencer le moment de la survenue du décès, son objectif n'est pas de provoquer la mort. Le malade décède des conséquences de sa maladie. Dans la plupart des situations, la sédation est poursuivie jusqu'à la survenue du décès, néanmoins, il existe des situations exceptionnelles (par exemple arrêt spontané du saignement) où sa poursuite peut être discutée. »


• « les symptômes physiques réfractaires vécus comme insupportables par le patient »,
c'est-à-dire « tout symptôme dont la perception est insupportable et qui ne peut être soulagé en dépit des efforts obstinés pour trouver un protocole thérapeutique adapté sans compromettre la conscience du patient. » Dans ce cas de figure, « si le symptôme persiste la sédation sera poursuivie jusqu'au décès ».


« les situations liées à la mise en oeuvre d'une limitation de traitement »
dans le cadre de l'article 37 du code de déontologie médicale. « Dans cette situation, l'objectif de la sédation n'est pas de provoquer la mort ou d'accélérer la survenue du décès mais bien de s'assurer que la personne ne souffre pas. Si la personne est en capacité de s'exprimer, la mise en oeuvre d'une éventuelle sédation est réalisée après discussion avec le patient et en fonction de l'évaluation clinique. Si l'évaluation de la souffrance ne peut être réalisée, l'objectif de la sédation répond alors à un principe de précaution pour le cas, possible, où la personne, en incapacité de l'exprimer, ressentirait toute forme de souffrance ».

La SFAP insiste sur les compétences techniques particulières rendues nécessaires par un acte médical tel que la sédation et précise en particulier qu'il est « indispensable lorsqu'une décision de limitation de traitement est décidée que l'ensemble des thérapeutiques soit suspendu de façon concomitante (alimentation, hydratation, ventilation artificielle, etc.) afin d'éviter des agonies prolongées ».

Source : Document de la SFAP transmis à vos rapporteurs (caractères gras à l'initiative des rapporteurs).

2. La reconnaissance par la loi de la pratique de la sédation profonde et continue comme un droit spécifique aux personnes malades en fin de vie
a) Une réponse adaptée à la nécessité de garantir à tous le meilleur apaisement possible des souffrances réfractaires en fin de vie

A l'article 3 , la proposition de loi reconnaît expressément aux personnes malades en fin de vie et dont les souffrances sont réfractaires le droit de recevoir une sédation maintenue jusqu'au décès. Les auteurs du texte ont entendu conditionner sa mise en oeuvre aux deux critères essentiels prévus par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) : le décès doit être imminent, c'est-à-dire le « pronostic vital engagé à court terme » et la souffrance ressentie par le malade doit être « réfractaire » au traitement. La sédation à laquelle il est fait référence provoque une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès : c'est la raison pour laquelle le texte la qualifie de « profonde et continue ». Il convient de garder à l'esprit l'une de ses conséquences, à savoir l'impossibilité pour le patient d'interagir avec ses proches ou toute autre personne dès l'instant où la sédation produit son effet.

L'article 3 définit ainsi trois séries de cas dans lesquels le recours à la sédation profonde et continue est possible :

- à la demande du patient atteint d'une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire au traitement ;

- à la demande du patient atteint d'une affection grave et incurable, qui décide d'arrêter un traitement, engageant ainsi son pronostic vital à court terme ;

- lorsque le patient est hors d'état de s'exprimer, au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

L'article 3 précise que la sédation est associée à l'arrêt de tout traitement de maintien en vie et codifie à cet égard la décision du Conseil d'État de 2014 précitée.

Votre commission a jugé nécessaire de clarifier les cas dans lesquels une sédation profonde et continue est mise en oeuvre jusqu'au décès afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur l'ouverture d'une possibilité de suicide assisté. Par ailleurs, elle a souhaité préciser les conditions minimales d'organisation de la procédure collégiale prévue dans plusieurs articles de la proposition de loi.

b) La question de l'applicabilité de la sédation profonde et continue en néonatalogie

Les réflexions menées sur les évolutions à apporter à la législation sur la fin de vie soulèvent la difficile question de la néonatalogie. Celle-ci est encore trop souvent éludée. Les situations médicales dans lesquelles la vie ou les conditions de vie de nouveau-nés sont remises en cause appellent pourtant une analyse précise. Ces situations sont évidemment dramatiques pour les parents et les familles. Elles entraînent pour les équipes soignantes de grandes difficultés sur les décisions à prendre et conduisent à une intolérable disparité des pratiques.

La question de l'applicabilité de la sédation profonde et continue dans les services de néonatalogie conduit à distinguer deux situations médicales :

- Lorsque les nouveaux nés sont atteints d'une maladie grave et incurable qui engage leur pronostic vital à court terme et que leurs souffrances apparaissent réfractaires à tout autre traitement, la sédation profonde et continue a vocation à être mise en oeuvre au même titre que tout autre patient, sous réserve de la prise en compte du choix des titulaires de l'autorité parentale dans le cadre de la procédure collégiale.

- La situation est différente en ce qui concerne les nouveau-nés souffrant ou qui vont souffrir de handicaps neurologiques consécutivement à une asphyxie périnatale mais qui ont recouvré une complète autonomie. Selon les informations communiquées à vos rapporteurs, l'asphyxie périnatale intervient de manière inattendue dans 2 cas pour 1 000 naissances et s'avère responsable de 20 % de handicaps neurologiques chez l'enfant à terme. La difficulté tient à ce que le bilan lésionnel ne puisse être réalisé qu'après une réanimation dite « d'attente » au terme de laquelle la majorité des nouveau-nés auront retrouvé une autonomie respiratoire : après analyse de critères cliniques et biologiques, les nouveau-nés sont placés en hypothermie neuro-protectrice pendant trois jours marqués par une réanimation lourde impliquant une suppléance respiratoire. Un électroencéphalogramme (EEG) aux premier, troisième et septième jours et une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale entre le cinquième et le septième jour permettent de réaliser un bilan lésionnel mais une évaluation neurologique fiable n'est possible qu'à la levée de l'hypothermie et de la sédation. Si certains nouveau-nés décèdent au cours de cette réanimation en raison d'une défaillance multiviscérale, la plupart deviennent autonomes pour respirer, s'alimenter (ils peuvent boire leurs biberons) et bouger mais le bilan lésionnel peut indiquer l'existence de lésions importantes et irréversibles dont on sait qu'elles provoqueront un handicap sévère qui se révèlera progressivement avec le temps.

Dans la mesure où ces nouveau-nés ne sont pas en fin de vie puisque leur pronostic vital n'est pas engagé et qu'ils ne font pas l'objet d'une obstination déraisonnable, leur situation médicale ne satisfait pas aux critères permettant de recourir à une sédation profonde et continue. La mise en oeuvre d'une telle pratique dans ces situations conduit à se placer en dehors de ce qui est aujourd'hui autorisé par le droit en vigueur et en dehors du champ de la présente proposition de loi qui ne reconnaît pas l'euthanasie d'exception ; elle soulève en tout état de cause la question du risque eugénique que ferait courir tout changement législatif en la matière.

B. L'OPPOSABILITÉ DES DIRECTIVES ANTICIPÉES : LA CONDITION D'UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA VOLONTÉ DU PATIENT

1. Droits des malades et savoir médical : un rééquilibrage inachevé

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a consacré le principe du respect de l'autonomie de la personne. Ce principe se traduit par « le droit d'être informé sur son état de santé » (article L. 1111-2 du code de la santé publique) mais aussi l'obligation de respecter la « volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic » (article L. 1111-2 du code de la santé publique) et par l'obligation qu' « aucun acte médical ni aucun traitement » ne soit « pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne », ce consentement pouvant « être retiré à tout moment » (article L. 1111-4 du même code).

Malgré ce renforcement de l'autonomie du patient et un mouvement de balancier inverse à celui qui a historiquement conduit au règne d'un certain « paternalisme médical », le problème de l'expression de la volonté du malade et du respect de cette volonté par le médecin reste posé et ne pourra sans doute jamais être entièrement résolu.

Ouverte par la loi de 2005, la possibilité de rédiger des directives anticipées demeure très peu utilisée en raison notamment de la faiblesse de leur statut juridique. Le droit en vigueur, qui prévoit que le médecin « tient compte » des directives anticipées, n'en fait qu'un document consultatif qui constitue l'un des éléments de la décision médicale. Celle-ci reste in fine dans les mains du médecin qui a tout loisir pour s'écarter du contenu des souhaits émis par le patient. A cela s'ajoute la durée de validité limitée des directives anticipées qui doivent être renouvelées tous les trois ans et les difficultés liées à l'absence de cadre réellement formalisé pour la rédaction de ce document mais aussi l'accès difficile à ces documents.

Un constat analogue vaut pour le dispositif permettant depuis 2002 de désigner une personne de confiance qui sera consultée sur la décision à prendre au cas où la personne qui l'a désignée serait hors d'état de s'exprimer. Ce dispositif demeure méconnu, appliqué différemment selon les établissements et d'une mise en oeuvre difficile.

2. Le renforcement du statut des directives anticipées et du rôle de la personne de confiance : une avancée certaine mais qui ne permet pas de prévoir tous les cas

La présente proposition de loi entend poursuivre le rééquilibrage entre les droits du malade et le savoir médical par un renforcement du statut des directives anticipées et le rôle de la personne de confiance.

Son article 8 prévoit que les directives anticipées, qui deviennent révisables et révocables à tout moment, « s'imposent aux médecins » conformément à leur vocation. Les auteurs de la proposition de loi ont cependant tenu à préserver la possibilité pour le médecin de ne pas les appliquer s'il les juge « manifestement inappropriées ». Il s'agit selon eux de ne pas priver le patient « d'une chance d'améliorer sensiblement son état ». A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a jugé utile de prévoir que les directives anticipées soient centralisées en un point unique à l'accès limité et sécurisée afin de garantir que le médecin puisse en prendre connaissance facilement et rapidement. Un registre informatique national a ainsi vocation à conserver ces documents.

Tout en partageant pleinement les objectifs poursuivis par cet article, votre commission a souhaité limiter les hypothèses dans lesquelles le médecin n'est pas tenu de se conformer aux directives anticipées, l'expression « manifestement inappropriées » lui paraissant insuffisamment précise.

Les articles 9 et 10 précisent le rôle de la personne de confiance en prévoyant que son « témoignage prévaut sur tout autre témoignage ». Votre commission a apporté des modifications rédactionnelles et de précision à ces articles. Il est désormais prévu que la personne de confiance « rend compte de la volonté » du patient . Cette expression reflète plus fidèlement le contenu de la mission qui incombe à la personne de confiance, la notion de « témoignage » étant quant à elle réservée aux procédures judiciaires.

Votre commission juge utile de rappeler que malgré ces améliorations apportées aux dispositifs des directives anticipées et de la personne de confiance, les dispositions législatives envisagées ne pourront pas couvrir toutes les situations en y apportant une réponse évidente. Il s'agit en particulier des cas dans lesquels, comme M. Vincent Lambert, le patient se trouve dans un état végétatif chronique ou pauci-relationnel, et donc hors d'état d'exprimer sa volonté, sans pour autant avoir rédigé de directives anticipées qui auraient pu éventuellement permettre de savoir s'il aurait qualifié sa situation d'obstination déraisonnable et où, en l'absence d'une personne de confiance, les avis divergent au sein de la famille sur les traitements à dispenser ou à suspendre.

Il convient donc que, contrairement aux suites données à la loi du 22 avril 2005, le Gouvernement se saisisse de l'occasion offerte par l'adoption de cette proposition de loi afin de mener un véritable travail de pédagogie auprès de l'opinion publique.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 1110-5 du code de la santé publique) - Droit des malades et droit des patients en fin de vie

Objet : Cet article propose de modifier la rédaction de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique pour renforcer la place accordée aux soins palliatifs.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article tend à modifier l'article L. 1110-5 du code de la santé publique créé par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. L'article L. 1110-5 pose le droit pour toute personne de recevoir des soins adéquats, de bénéficier des thérapeutiques les plus efficaces et par ailleurs de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. La loi n°2005-370 du 22 avril 2005 l'a modifié pour prévoir l'interdiction de l'obstination déraisonnable ainsi que l'obligation pour les professionnels de santé de mettre en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort.

L'article 1 er de la proposition de loi se compose de deux parties.

Le I comporte deux points.

Le 1° mentionne le droit pour les personnes de recevoir les traitements, et non plus seulement des soins, les plus appropriés à leur état de santé. La distinction entre traitements et soins ainsi opérée est nouvelle au sein du code de la santé publique où, conformément à l'usage dans le langage courant, les deux termes sont généralement employés comme synonymes. Il en est ainsi dans l'article L. 1111-4 relatif au consentement aux soins qui dispose « Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables ». Il ressort du rapport de MM. Claeys et Leonetti à l'Assemblée nationale que la notion de traitement viserait les soins curatifs puisque l'objectif de la précision est « que le refus ou l'arrêt des traitements (...) ne s'oppose pas au maintien des soins qui les englobent, notamment palliatifs, nécessaires à son confort et à son accompagnement ». L'article R. 4127-37 du code de la santé publique (article 37 du code de déontologie médicale) vise effectivement l'interruption des « traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie ». L'objectif de la distinction entre traitement et soins est donc de faire apparaître que même si la prise en charge curative s'arrête, la prise en charge palliative continue.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a complété la mention spécifique du droit pour les malades de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue, afin de préciser que celles-ci garantissent en outre « le meilleur apaisement possible de la souffrance ». La notion de souffrance se substitue à celle de douleur qui figure dans l'article L. 1110-5 depuis sa création par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Le rapport de l'Assemblée nationale justifie ce changement en indiquant que « le terme de souffrance [est] plus large puisqu'il englobe la douleur non seulement physique mais aussi morale ». L'insertion d'une référence au meilleur apaisement possible de la souffrance au sein du premier alinéa de l'article L. 1110-5 est à mettre en regard de la suppression de l'alinéa actuellement relatif au droit à la prise en charge de la douleur. Celui-ci est repris, avec la substitution de la notion de souffrance à celle de douleur, dans le nouvel article L. 1110-5 que propose d'insérer l'article 4 de la proposition de loi.

La commission a également réintroduit la précision, figurant dans l'article L. 1110-5 actuel, selon laquelle les obligations pesant sur les professionnels de santé en matière de soins s'appliquent sans préjudice de la responsabilité des fournisseurs de produits de santé et des dispositions spécifiques relatives à la recherche biomédicale.

Le 2° supprime les alinéas 2 à 5 de l'article L. 1110-5, qui mentionnaient notamment l'obligation pour les professionnels de santé de mettre en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une fin de vie digne jusqu'à la mort. Il le remplace par un alinéa affirmant le droit de chacun à une fin de vie digne et apaisée jusqu'à la mort, les professionnels de santé devant mettre en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit.

Le II de l'article, inséré en séance publique, prévoit un droit pour les étudiants en médecine, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les aides à domicile à une formation aux soins palliatifs. Cette disposition n'est pas codifiée.

II - La position de la commission

Votre commission est favorable au principe de distinguer au sein de plusieurs articles du code les différents sujets actuellement réunis au sein de l'article L. 1110-5. Elle s'interroge cependant sur les ajouts opérés au sein de l'alinéa premier. Ainsi la distinction opérée entre traitements et soins, si elle fait sens dans le cadre de cet article, apporte une modification importante aux notions telles qu'elles sont utilisées dans le reste du code de la santé publique. L'introduire en droit impliquerait d'assurer la coordination avec les quelques cinquante articles du code qui font référence à la notion de soins ou à celle de traitement. Votre commission juge donc préférable de maintenir la synonymie actuelle des deux termes.

En outre, il pourrait paraître contradictoire de faire figurer les dispositions relatives à l'apaisement de la douleur dans un article L. 1110-5-3 nouveau (article 4 de la proposition de loi) tout en réintroduisant cette notion au sein de l'article L. 1110-5. La référence au meilleur apaisement possible de la souffrance n'est par ailleurs pas nécessaire dans un paragraphe qui mentionne déjà le droit d'accès aux thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue, ces thérapeutiques pouvant être des traitements destinés à apaiser la souffrance.

Il est permis de s'interroger sur les conséquences en termes de responsabilité de la création d'un droit à une fin de vie digne et apaisée. L'intention de l'Assemblée nationale est clairement de maintenir l'obligation de moyens, et non de résultats, qui pèse sur les professionnels de santé. La dignité de la personne humaine est garantie par le juge et la dignité de la fin de vie en est nécessairement une composante. Qu'en sera-t-il pourtant si les conditions de dignité de la fin de vie ne peuvent être réunies faute de moyens ou que la fin de vie ne peut être apaisée pour les mêmes raisons ? Entre le droit à une fin de vie digne et apaisée et l'obligation de moyens des professionnels, il est possible de penser que la responsabilité de l'Etat du fait du manque de moyens permettant la mise en oeuvre d'un droit pourra être mise en cause. Cette possibilité devrait inciter le Gouvernement à renforcer l'adéquation entre les moyens consacrés au développement des soins palliatifs et les besoins des malades.

La commission des affaires sociales a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, l'amendement COM-18, portant plusieurs modifications rédactionnelles et de précision à l'article 1 er .

Il ne reprend pas la distinction, introduite par la proposition de loi, entre soins et traitements, qui pose des difficultés de cohérence avec le reste du code de la santé publique. Il précise en revanche que les personnes malades ont droit aux soins tant curatifs que palliatifs.

La mention du meilleur apaisement de la souffrance qui figure à l'actuel alinéa 5 est déplacée à l'alinéa 10.

La formation des professionnels de santé aux soins palliatifs prévue à l'alinéa 11 est reformulée pour viser la formation tant initiale que continue.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2 (art. L. 1110-5-1 nouveau du code de la santé publique) - Refus de l'obstination déraisonnable

Objet : Cet article tend reprendre et à compléter le deuxième alinéa de l'actuel article L. 1110-5 du code de la santé publique.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article se compose de trois alinéas.

Le premier tend à créer un nouvel article L. 1110-5-1 au sein du code de la santé publique.

Le deuxième alinéa reprend le deuxième alinéa de l'article L. 1110-5 actuel, relatif à l'obstination déraisonnable, en y apportant plusieurs modifications. Le deuxième alinéa, dans sa rédaction actuelle, prévoit que les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre but que le maintien artificiel de la vie peuvent être interrompus ou ne pas être entrepris.

Le texte proposé par l'Assemblée nationale, distingue pour sa part deux cas.

Tout d'abord, celui des actes qui apparaissent inutiles ou disproportionnés : « les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en oeuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés ». Le rapport de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale indique que cette formulation a pour but de manifester clairement que « lorsque les actes de prévention, d'investigation ou les traitements apparaissent inutiles ou disproportionnés, le médecin a l'obligation de ne pas les mettre en oeuvre ou de ne pas les poursuivre ». Ce renforcement correspond à la prise en compte de la liberté fondamentale que constitue le « droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable ».

En second lieu, parmi les actes qui relèvent d'une obstination déraisonnable, le texte proposé distingue les traitements qui n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. Sous réserve de la volonté du patient, éventuellement exprimée par sa personne de confiance, et dans le cadre d'une procédure collégiale, ces traitement sont suspendus ou ne sont pas entrepris.

La fin de l'alinéa 2 prévoit explicitement que l'arrêt des traitements de maintien artificiel en vie entraine l'obligation pour le médecin d'assurer la qualité de vie du mourant.

L'alinéa 3 codifie la jurisprudence du Conseil d'Etat qui dans sa décision d'assemblée du 14 février 2014 5 ( * ) a indiqué : « qu'il résulte des dispositions des articles L. 1110-5 et L. 1111-4 du code de la santé publique, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 22 avril 2005, que le législateur a entendu inclure au nombre des traitements susceptibles d'être limités ou arrêtés, au motif d'une obstination déraisonnable, l'ensemble des actes qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions vitales du patient ; que l'alimentation et l'hydratation artificielles relèvent de ces actes et sont, par suite, susceptibles d'être arrêtées lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable. »

II - La position de la commission

Votre commission estime nécessaire de clarifier la procédure applicable pour faire cesser l'obstination déraisonnable. En effet dans sa rédaction actuelle, l'article 2 semble prévoir un arrêt obligatoire des traitements jugés inutiles ou disproportionnés sans que la volonté du patient soit recherchée, ni qu'une procédure collégiale soit mise en oeuvre.

En conséquence la commission des affaires sociales a adopté, à l'initiative de ses rapporteurs, l'amendement COM-19 comportant plusieurs modifications tendant à clarifier la définition de l'obstination déraisonnable, à soumettre l'arrêt des traitements à la volonté du malade, et à fixer dans la loi les obligations minimales s'agissant de la procédure collégiale. Celle-ci n'est actuellement pas définie, mais simplement mentionnée, tant dans le code de la santé publique que dans le code de déontologie médicale. Votre commission a donc précisé que la procédure collégiale implique la réunion de l'ensemble de l'équipe soignante et associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de famille ou les proches qui le souhaitent.

Jugeant la jurisprudence du Conseil d'Etat suffisante sur ce point, la commission des affaires sociales a supprimé la notion explicite de l'hydratation et de l'alimentation artificielles comme types de traitement.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 1110-5-2 nouveau du code de la santé publique) - Le traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès

Objet : Cet article détermine les conditions de l'obligation de mise en oeuvre d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article se compose de huit alinéas.

Le premier propose d'insérer un nouvel article L. 1110-5-2 dans le code de la santé publique.

L'alinéa 2 pose le principe de la mise en oeuvre d'une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie sous une condition générale : que le patient demande d'éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie.

La sédation est par nature destinée à provoquer une altération de la conscience. La notion de sédation profonde correspond à la recommandation de la société française de soins palliatifs 6 ( * ) qui a fait l'objet d'un label de la Haute Autorité de santé. Cette recommandation indique : « La plupart des auteurs réservent la mise en oeuvre d'une sédation profonde, maintenue jusqu'au décès aux patients dont la mort est attendue dans un bref délai, généralement de quelques heures a` quelques jours. Dans les autres circonstances, une sédation intermittente ou temporaire est proposée, laissant le temps au symptôme de perdre son caractère réfractaire, soit grâce au succès d'un traitement spécifique, soit par une meilleure tolérance du patient après une période de sédation. Dans les cas de souffrance existentielle réfractaire et lorsque le décès n'est pas attendu de manière imminente, l'indication est celle d'une sédation temporaire, également appelée sédation de répit par certain ». La profondeur de la sédation est mesurée selon une échelle internationale et contrôlée de manière régulière. Son caractère continu jusqu'au décès l'oppose aux cas de sédation intermittente ou temporaire décrits dans la recommandation.

A la condition de la demande du patient s'ajoutent deux conditions alternatives. Soit, comme le prévoit l'alinéa 3, le patient est atteint d'une affection grave et incurable, son pronostic vital est engagé à court terme et il présente une souffrance réfractaire au traitement. Soit, comme le prévoit l'alinéa 4, le patient, atteint d'une affection grave et incurable, décide d'arrêter un traitement et engage ainsi son pronostic vital à court terme. Le droit pour le malade d'arrêter les traitements même si cela met sa vie en danger est consacré explicitement aux articles L. 1111-4 et L. 1111-10 actuels du code de la santé publique.

Le cas des patients incapables d'exprimer leur volonté est prévu à l'alinéa 5. Si le maintien des traitements relève de l'obstination déraisonnable et que le médecin arrête un traitement de maintien en vie, notion plus large que celle de « maintien artificiel de la vie » qui figure dans le texte proposé pour le nouvel article L. 1110-5-1, il doit mettre en place une sédation profonde et continue dans les mêmes conditions que celles prévues à l'alinéa 2.

Les alinéas 6 à 8 prévoient des modalités complémentaires de mise en oeuvre. L'alinéa 6 prévoit la mise en oeuvre d'une procédure collégiale, l'alinéa 7 prévoit que la sédation est mise en place par un membre de l'équipe médicale et dans le lieu qu'a choisi le patient (établissement de santé ou domicile). Enfin l'alinéa 8 prévoit, comme cela est généralement le cas, que la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient.

II - La position de la commission

La commission des affaires sociales a adopté un amendement, COM-20 de ses rapporteurs, tendant à clarifier les cas dans lesquels la sédation profonde et continue doit être mise en oeuvre.

Cet amendement :

- supprime la mention de la prolongation "inutile" de la vie qui est source d'ambiguïtés;

- regroupe les cas prévus par l'article actuel en deux hypothèses selon la capacité du patient à exprimer sa volonté;

- précise que dans le cas où une personne souhaite arrêter tout traitement, la sédation profonde et continue n'est mise en oeuvre qu'en cas de souffrance réfractaire, de façon à écarter toute dérive;

- prévoit la possibilité pour le patient de recevoir une sédation profonde et continue dans un établissement médico-social.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 1110-5-3 nouveau du code de la santé publique) - Droit aux traitements antalgiques et sédatifs en cas de souffrance réfractaire

Objet : Cet article reprend et complète le troisième alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article se compose de quatre alinéas.

L'alinéa 1 propose d'insérer un nouvel article L. 1110-5-3 dans le code de la santé publique.

L'alinéa 2 prévoit d'insérer en tête de ce nouvel article le quatrième alinéa de l'article L. 1110-5 actuel qui prévoit le droit au soulagement de la douleur, en remplaçant cette dernière notion par celle de souffrance.

L'alinéa 3 propose une nouvelle formulation cinquième alinéa de l'article L. 1110-5 qui prévoit la possibilité de mettre en place un traitement même s'il peut avoir comme effet d'abréger sa vie. La nouvelle formule proposée se distingue toutefois de la formule actuelle sur plusieurs points. Tout d'abord, elle ne vise que les traitements analgésiques et sédatifs pour la prise en charge de la souffrance réfractaire, et non plus « tous les moyens pour assurer une vie digne jusqu'à la mort ». Ensuite, elle ne concerne que les malades en phase avancée ou terminale et non plus tous les malades. Enfin, le terme « effet secondaire » est supprimé. Les obligations d'informations qui pèsent sur le médecin sont pour leur part inchangées.

L'alinéa 4 ajoute à l'article L. 1110-5-3 l'obligation d'informer les malades sur la possibilité d'être pris en charge à domicile.

II - La position de la commission

La commission des affaires sociales a adopté une nouvelle rédaction de l'article 4 (amendement COM-21 des rapporteurs) afin de réunir en un seul article les dispositions relatives à la prise en charge de la souffrance et celles relatives aux soins palliatifs, tout en clarifiant conditions d'information du patient sur les conséquences des traitements envisagés.

Elle a également supprimé une disposition redondante.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 bis (art. L. 1110-10-1 nouveau du code de la santé publique) - Présentation par les ARS d'un rapport annuel sur les soins palliatifs

Objet : Cet article prévoit une présentation annuelle par les ARS sur le niveau de la prise en charge par soins palliatifs et met en place un registre des sédations profondes et continues maintenues jusqu'au décès.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article tend à insérer un article L. 1111-10-1 nouveau dans le code de la santé publique.

Il se compose de deux alinéas.

Le premier entend mettre en place la présentation d'un rapport annuel exhaustif par les ARS devant la conférence régionale de santé et de l'autonomie sur les prises en charge palliatives.

Le second prévoit la mise en place au sein de chaque établissement concerné d'un registre permettant le suivi des sédations profondes et continues mises en oeuvre jusqu'au décès des malades et répondant aux critères fixés par l'article L. 1110-5-1 inséré dans le code par la présente proposition de loi.

II - La position de la commission

Le dispositif prévu pour le suivi de la mise en oeuvre de la sédation profonde et du développement des soins palliatifs paraît inutilement lourd à votre commission des affaires sociales au regard des obligations qui pèsent déjà sur les ARS. Ce travail relève plutôt de l'Observatoire sur la fin de vie et des mécanismes d'évaluation prévus par les plans de développement des soins palliatifs.

En ce qui concerne le registre de l'alinéa 3, il paraît paradoxal de prévoir un dispositif spécifique pour la sédation profonde et continue qui n'est qu'une pratique parmi d'autres des soins palliatifs. La mise en place d'un tel fichier supposerait d'y intégrer l'ensemble des actes relevant des soins palliatifs dont la traçabilité est déjà assurée dans le dossier médical des patients. Par ailleurs, les ARS et tout autre organisme compétent ont déjà la possibilité d'accéder à ce type d'informations à leur demande. Enfin, ce registre a vocation à être incomplet dès lors que l'on souhaite développer les soins palliatifs à domicile.

En conséquence la commission a adopté l'amendement COM-22 de ses rapporteurs tendant à la suppression de cet article.

La commission a supprimé cet article.

Article 5(art. L. 1111-4 du code de la santé publique) - Information des patients et droit au refus de traitement

Objet : Cet article propose de compléter l'article L. 1111-4 du code de la santé publique relatif aux conséquences d'un refus de soins par le patient.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article se compose de deux parties.

Le I propose de modifier l'article L. 1111-4 du code de la santé publique. Il est constitué de quatre points.

Le 1° prévoit l'insertion en tête de l'article L. 1111-4 du principe du droit pour toute personne de refuser ou de ne pas subir tout traitement qui découle de la jurisprudence du Conseil d'Etat.

Le 2° propose une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 relatif à la volonté d'un patient d'arrêter des soins qui entraine une remise en cause de son pronostic vital. Elle supprime l'obligation pour le médecin de tout tenter pour faire accepter au malade les soins nécessaires. Elle maintient l'obligation pour la personne qui désire arrêter les soins de réitérer sa demande dans un délai raisonnable, mais transforme la faculté pour le médecin de faire appel à un autre membre du corps médical en faculté pour le malade d'obtenir l'intervention de ce second médecin.

Le II procède à une coordination avec l'article L. 2131-1 du code de la santé publique.

II - La position de la commission

Votre commission est favorable à cet article. A l'initiative de ses rapporteurs elle a adopté un amendement COM-23 apportant des précisions rédactionnelles et corrigeant une erreur de référence.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6 (art. L. 1111-10 du code de la santé publique) - Coordination

Objet : Cet article supprime l'article L. 1111-10 du code de la santé publique par coordination avec l'article 5.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Les dispositions de l'article L. 1111-10 ayant été reprises dans la rédaction proposée pour l'article L. 1111-4, cet article propose de le supprimer.

II - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (Intitulé de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique) - Mention de la possibilité pour les malades de refuser un traitement

Objet : Cet article tend à modifier l'intitulé de la section du code de la santé publique relative à l'expression de la volonté des malades en fin de vie.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article tend à modifier l'intitulé de la section 2 du chapitre I er du titre I er du livre I er de la première partie du code de la santé publique afin de préciser qu'il s'applique non seulement aux conditions d'expression de la volonté des malades en fin de vie mais également à celle des personnes refusant un traitement.

II - La position de la commission

Votre commission constate que les dispositions de la section visée ne comportent pas de dispositions spécifiques pour les malades refusant un traitement et, afin de bien distinguer les situations, a adopté l'amendement COM-24 de ses rapporteurs tendant à la suppression de cet article.

La commission a supprimé cet article.

Article 8 (art. L. 1111-11 du code de la santé publique) - Renforcement du statut des directives anticipées

Objet : Cet article entend rendre les directives anticipées opposables au médecin et plus facilement accessibles pour les professionnels de santé.

I - Le dispositif proposé

1. Le faible recours aux directives anticipées s'explique en partie par les dispositions peu incitatives du droit en vigueur.

a) Le dispositif des directives anticipées a été créé par la loi du 22 avril 2005.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé consacre le principe du respect de l'autonomie du patient . Ce principe se traduit par « le droit d'être informé sur son état de santé » (article L. 1111-2 du code de la santé publique) et par l'obligation qu' « aucun acte médical ni aucun traitement » ne soit « pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne », ce consentement pouvant « être retiré à tout moment » (article L. 1111-4 du même code).

En ce qui concerne plus particulièrement les situations de fin de vie, pour prendre en compte les cas dans lesquels les patients ne sont pas ou plus en état de donner leur consentement en raison d'une incapacité physique ou mentale, l'article L. 1111-11 du code de la santé publique prévoit depuis la loi du 22 avril 2005 la possibilité de rédiger des directives anticipées .

Dans sa version en vigueur, l'article L. 1111-11 comporte trois alinéas :

- l'alinéa 1 er définit les directives anticipées : elles peuvent être rédigées par toute personne majeure « pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté » et « indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de traitement . Elles sont révocables à tout moment » ;

- l'alinéa 2 précise la place des directives anticipées dans la décision médicale en prévoyant que le « médecin en tient compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement », à la « condition qu'elles aient été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne ». Les directives anticipées ont ainsi une durée de validité limitée à trois ans ;

- le dernier alinéa renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées.

Les conditions de validité et de conservation des directives anticipées
définies en application de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique

En vertu du décret n°2006-119 du 6 février 2006 pris en application de l'article L. 1111-11, les directives anticipées sont un document écrit, daté et signé par leur auteur dûment identifié. Lorsque leur auteur est dans l'impossibilité d'écrire et de signer lui-même le document, il peut demander à deux témoins, dont la personne de confiance lorsqu'elle existe, d'attester que le document qu'il n'a pu rédiger lui-même est l'expression de sa volonté libre et éclairée (article R. 1111-17 du code de la santé publique).

Les directives anticipées sont modifiables à tout moment selon les mêmes formes , toute modification faisant courir une nouvelle période de trois ans . Le renouvellement des directives anticipées à l'issue de la période de trois ans est possible par simple décision de confirmation signée par l'auteur sur le document. La révocation est possible à tout moment sans formalité. A la condition d'avoir été établies dans le délai de trois ans précédant soit l'état d'inconscience de la personne, soit le jour où elle s'est avérée hors d'état d'en effectuer le renouvellement, c es directives restent valides quel que soit le moment où elles sont ultérieurement prises en compte (article R. 1111-18).

S'agissant de la conservation des directives, le décret précise qu'elles sont consignées dans le dossier de la personne constitué par un médecin de ville, qu'il s'agisse du médecin traitant ou d'un autre médecin choisi par elle, ou, en cas d'hospitalisation, dans le dossier médical, afin d'en faciliter l'accès pour le médecin. Cependant, elles peuvent être conservées par leur auteur ou confiées par celui-ci à la personne de confiance ou, à défaut, à un membre de sa famille ou à un proche . Dans ce cas, leur existence et les coordonnées de la personne qui en est détentrice sont mentionnées, sur indication de leur auteur, dans le dossier constitué par le médecin de ville ou dans le dossier médical. Toute personne admise dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social peut signaler l'existence de directives anticipées (article R. 1111-19).

Le médecin qui envisage de prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement a l'obligation de s'enquérir de l'existence éventuelle de directives anticipées (lorsque celles-ci ne figurent pas déjà dans le dossier médical) auprès de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, des proches, ou bien auprès du médecin traitant ou du médecin qui lui a adressé la personne malade (article R. 1111-20).

b) La faiblesse de leur statut juridique constitue un frein au développement des directives anticipées.

Seule une très faible minorité de Français a aujourd'hui établi ses directives anticipées. L'Institut national d'études démographiques (Ined) estime en effet à seulement 2,5 % la proportion de personnes décédées en ayant rédigé 7 ( * ) .

Le rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie fait quant à lui référence à une étude du centre d'éthique clinique de l'hôpital Cochin concernant des patients âgés de plus de 75 ans et selon laquelle « 83 % des personnes ne voulaient pas s'en saisir, 42 % parce que c'était trop tôt, trop compliqué, ou déjà confié aux proches (en situation réelle leurs directives anticipées seraient différentes), 36 % car ils percevaient les directives anticipées comme inutiles voire dangereuses, et 22 % refusaient d'anticiper ou de parler de ce sujet » 8 ( * ) .

Ce faible recours aux directives anticipées s'explique par plusieurs facteurs, parmi lesquels :

- une certaine méconnaissance du dispositif par les citoyens en général et parfois par les professionnels de santé eux-mêmes ;

- des difficultés rencontrées dans la rédaction, en l'absence de modèle-type officiel (nécessité d'anticiper les situations médicales et les traitements possibles et exigence de précision) ;

- une validité courte (trois ans), parfois perçue comme désincitative et source de formalisme ;

- une accessibilité difficile pour le corps médical ainsi que l'a notamment indiqué l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport relatif à la mort à l'hôpital : « l'existence des directives anticipées est mal connue et l'absence d'un registre national empêche toute consultation systématique ; lorsqu'elles ne sont pas versées au dossier du patient, le médecin doit questionner les proches ; il n'a pas d'autre moyen de s'informer de leur existence » 9 ( * ) ;

- et surtout la faiblesse de leur statut juridique qui fait des directives anticipées un simple élément à prendre en compte par le médecin et non un document contraignant . Le médecin reste en effet libre d'apprécier les conditions dans lesquelles il appliquera les souhaits exprimés dans les directives, en fonction de la situation concrète et de l'éventuelle évolution des connaissances médicales.

2. Le dispositif proposé renforce le statut des directives anticipées et leur accessibilité pour les professionnels de santé.

Afin de renforcer le statut des directives anticipées, l'article 8 de la présente proposition de loi prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 1111-11 .

Les alinéas 2, 3 et 6 encadrent la rédaction des directives anticipées, l'alinéa 4 les rend contraignantes sous certaines conditions et l'alinéa 5 définit leurs conditions de validité et de conservation.

a) L'encadrement de la rédaction des directives anticipées

L'alinéa 2 de l'article 8 pose le principe général des directives anticipées et en propose une nouvelle définition. Elles « expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie visant à refuser, à limiter ou à arrêter les traitements et les actes médicaux ». Par rapport à la rédaction actuelle, il n'est plus fait référence aux simples « souhaits » de la personne mais à sa « volonté » et le contenu des directives est élargi aux refus de traitement. La notion d' « actes médicaux » est ajoutée à celle de « traitements ».

L' alinéa 3 prévoit, comme le veut le droit en vigueur, que les directives sont révisables et révocables à tout moment mais il supprime toute limitation de la durée de validité .

La rédaction des directives anticipées est encadrée par l'obligation de se conformer à un modèle dont le contenu est défini par voie réglementaire : les directives sont en effet rédigées selon « un modèle unique dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Haute Autorité de santé ». Ce modèle devra prévoir deux documents différents selon que la personne « se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle rédige de telles directives ». Selon les informations communiquées par le Gouvernement à l'occasion de la séance publique à l'Assemblée nationale, ce modèle prendrait la forme d'un formulaire dont l'objectif serait d'homogénéiser la présentation des directives.

L' alinéa 6 précise que, par exception, les personnes faisant l'objet d'une mesure de protection juridique (tutelle, curatelle, mandat de protection future, sauvegarde de justice) peuvent rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou, le cas échéant, du conseil de famille. L'un ou l'autre peut prévoir qu'elle bénéficie pour ce faire de l'assistance de la personne chargée de protection.

b) Le principe de l'opposabilité des directives anticipées

L' alinéa 4 pose le principe général de l'opposabilité des directives anticipées tout en l'assortissant de deux cas dérogatoires.

Les directives anticipées « s'imposent » désormais au médecin « pour toute décision d'investigation, d'actes, d'intervention ou de traitement ».

Le médecin n'est cependant pas tenu de s'y conformer dans deux hypothèses :

- « en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation » ;

- lorsqu'elles « apparaissent manifestement inappropriées ». Il est prévu dans ce cas que le médecin sollicite un « avis collégial » et qu'il soit ensuite tenu de respecter la « décision collégiale » qui est « inscrite dans le dossier médical ».

c) Les conditions de validité, de conservation et de consultation des directives anticipées

A l' alinéa 5 , la définition des conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Pour faciliter l'accès des professionnels de santé à ces directives, l'Assemblée nationale a prévu, à l'initiative du Gouvernement en séance publique, qu'elles « sont notamment conservées sur un registre national faisant l'objet d'un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ». Cette rédaction semble sous-entendre que l'ensemble des directives anticipées a vocation à être centralisé sur un registre ad hoc sans que celui-ci ne doive constituer le support exclusif de ces documents.

d) L'information du patient sur la possibilité de rédiger des directives anticipées

L' alinéa 5 prévoit que les conditions d'information des patients sont définies par le même décret en Conseil d'Etat que celui qui définit les conditions de validité et de conservation des directives.

Il assigne en outre au médecin traitant la tâche d'informer ses patients « de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées ».

II - La position de la commission

Votre commission approuve pleinement les orientations du présent article qui se situe dans le droit fil de la consécration de l'autonomie du patient par les lois de 2002 et 2005. Elle a néanmoins souhaité en préciser plusieurs dispositions en adoptant l'amendement COM-25 des rapporteurs.

A l'alinéa 2 , la définition du contenu des directives anticipées , qui n'était abordé que sous l'angle du refus, de la limitation ou de l'arrêt des traitements, est ainsi complétée de manière à viser également les situations dans lesquelles une personne souhaite indiquer qu'elle désirerait poursuivre un traitement dans une situation donnée.

L'adjectif « capable » est supprimé, la situation des personnes majeures faisant l'objet d'une mesure de protection juridique étant couverte par l'alinéa 6.

La référence aux « actes médicaux », qui ne fait l'objet d'aucune définition permettant de les distinguer des « traitements », est également supprimée. Le maintien de cette notion aurait conduit à introduire dans le code de la santé publique une nouvelle distinction lexicale qui n'est pas justifiée.

A l'alinéa 3 , le recours au modèle est rendu facultatif : toute obligation de rédiger ses directives selon un modèle imposé, outre qu'elle apparaît de nature à affaiblir l'autonomie du patient, disqualifierait automatiquement les directives rédigées, avant ou après l'entrée en vigueur de la loi, selon un autre modèle ou sur papier libre.

A l'alinéa 4 , votre commission a estimé que la rédaction proposée posait deux problèmes de compréhension :

- l'expression « manifestement inappropriée » apparaissait insuffisamment précise et susceptible de remettre en cause l'opposabilité des directives puisque l'appréciation du caractère « manifestement inapproprié » aurait relevé de la décision du seul médecin ;

- s'agissant de la procédure collégiale à laquelle il semblait être fait référence, il était successivement question de la sollicitation par le médecin d'un « avis collégial » et de la « décision collégiale » qui s'impose à lui, sans que l'objectif de cette procédure ne soit précisé.

Votre commission a donc clarifié la rédaction de cet alinéa en précisant les cas dérogatoires dans lesquels le médecin n'est pas tenu de se conformer aux directives anticipées du patient. Il en va ainsi en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire pour évaluer sa situation médicale ou lorsque cette situation ne correspond pas aux circonstances visées par les directives.

La possibilité d'appliquer les directives anticipées est examinée dans le cadre d'une procédure collégiale telle que celle visée à l'article L. 1110-5-1 dans la nouvelle rédaction adoptée par votre commission à l'article 2 de la présente proposition de loi.

En outre, l'alinéa 4 prévoit désormais expressément que la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou les proches soient informés de la possibilité ou de l'impossibilité d'appliquer les directives.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 9 (art. L. 1111-6 du code de la santé publique) - Précision relative à la mission de la personne de confiance

Objet : Cet article entend conforter la place de la personne de confiance dans la recherche de la volonté de la personne qui l'a désignée.

I - Le dispositif proposé

Créé en 2002, le dispositif de la personne de confiance reste peu utilisé.

Le dispositif de la personne de confiance a été créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé afin d'améliorer la prise en compte de la volonté des patients hors d'état de l'exprimer. Il est prévu à l'article L. 1111-6 du code de la santé publique qui comporte trois alinéas.

L'alinéa 1 er de l'article L. 1111-6 permet à toute personne majeure de désigner une personne de confiance « qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée sur la décision à prendre au cas où elle-même serait hors d'état de décider par elle-même ». Il prévoit que la désignation est faite par écrit et qu'elle est à tout moment révocable.

Ce même alinéa précise que « si le malade le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions ».

A son alinéa 2 , l'article L. 1111-6 impose d'informer le patient, lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, sur la possibilité de désigner une personne de confiance. La désignation faite à cette occasion n'est valable que pour la durée de l'hospitalisation, sauf si le patient en décide autrement.

L' alinéa 3 dispose enfin qu'une personne protégée par une mesure de tutelle ne peut désigner une personne de confiance. Le juge des tutelles peut cependant, lorsqu'une mesure de tutelle est ordonnée, soit confirmer la mission de la personne de confiance qui aurait été désignée antérieurement, soit révoquer la désignation de celle-ci.

Le rôle de la personne de confiance lorsque le patient est en fin de vie est précisé aux articles L. 1111-12 et L. 1111-13 du code de la santé publique :

- l'article L. 1111-12 prévoit que lorsque le patient n'est plus en état d'exprimer sa volonté, l'avis de la personne de confiance prévaut sur tout autre avis non médical à l'exclusion des directives anticipées ;

- l'article L. 1111-13 précise quant à lui que la limitation ou l'arrêt de traitement ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale et sans que la personne de confiance n'est été consultée.

En vertu de l'article L. 1110-5 du même code, la personne de confiance doit être informée, au même titre que la famille, lorsqu'un protocole de soins palliatifs est mis en oeuvre et qu'il peut avoir pour effet secondaire d'abréger la vie du patient.

Les travaux préalables à l'examen de la présente proposition de loi ont montré que malgré sa grande importance, le dispositif de la personne de confiance reste peu utilisé et qu'il est appliqué de façon inégale selon les lieux de prise en charge. Le rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie souligne ainsi que la personne de confiance demeure « volontiers assimilée à la famille ou à la « personne à prévenir » et que « sa désignation est loin d'être toujours encouragée voire formalisée et même lorsqu'elle existe, sa consultation semble bien aléatoire » 10 ( * ) .

Le dispositif proposé a pour objectif de conforter la place de la personne de confiance dans l'expression de la volonté du patient.

L'article 9 propose une nouvelle rédaction intégrale de l'article L. 1111-6 qui comporte désormais quatre alinéas.

- L'alinéa 1 er de l'article L. 1111-6 reste inchangé à ceci près qu'il est ajouté que la personne de confiance « témoigne de l'expression de la volonté de la personne » et que « son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ». Cette modification vise à renforcer le rôle de la personne de confiance en signifiant qu'elle ne livre plus son appréciation personnelle de la situation mais se fait l'intermédiaire de la volonté du patient. Elle vise également à établir une hiérarchie dans la prise en compte des témoignages recueillis sur la volonté du patient, celui de la personne de confiance primant sur tout autre. Il est par ailleurs précisé que la désignation est non seulement révocable mais aussi « révisable » à tout moment.

- La rédaction des alinéas 2 et 3 reste identique à l'actuelle mais ces alinéas deviennent respectivement les alinéas 3 et 4.

- Le nouvel alinéa 2 de cet article, inséré en séance publique à l'initiative de Mme Véronique Massonneau et ses collègues du groupe écologiste, prévoit que « la personne de confiance peut demander les informations du dossier médical nécessaires pour vérifier si la situation médicale de la personne concernée correspond aux conditions exprimées dans les directives anticipées ».

II - La position de la commission

Votre commission partage l'esprit du présent article. Elle a jugé utile de le préciser sur plusieurs points en adoptant l' amendement COM-26 des rapporteurs.

A l'alinéa 2 , il est désormais prévu que la personne de confiance cosigne la décision par laquelle elle est désignée . En l'état actuel du droit et des pratiques, l'accord de la personne de confiance n'est en effet pas systématiquement recueilli avant sa désignation.

Votre commission n'a pas jugé opportun de maintenir l'alinéa 3 car on comprend mal comment, si la personne de confiance ne souscrit pas a priori à l'analyse du médecin, le fait de recevoir de ce même médecin des informations sur le contenu du dossier médical pourrait la convaincre. Les dispositions concernées étaient en outre de nature à remettre en cause les règles en vigueur relatives à l'accessibilité et à la confidentialité des informations médicales. Votre commission a jugé préférable de prévoir (aux articles 2 et 8 de la présente proposition de loi) que la personne de confiance est associée à la procédure collégiale mise en oeuvre à l'initiative du médecin pour prendre en compte les directives anticipées du patient.

Enfin, dans un souci de cohérence rédactionnelle, votre commission a modifié l'ordre des alinéas et précisé que la personne de confiance « rend compte de la volonté du patient » plutôt que de témoigner de cette volonté. La personne de confiance est en effet appelée à jouer un rôle qui s'apparente à celui d'un mandataire de la personne qui l'a désignée. Le terme de « témoignage » est quant à lui réservé aux procédures judiciaires. Il est désormais précisé que l'expression de la volonté du patient par la personne de confiance « prévaut sur tout autre élément permettant d'établir la volonté du patient à l'exclusion des directives anticipées ».

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 10 (art. L. 1111-12 du code de la santé publique) - Hiérarchie des modes d'expression de la volonté du patient hors d'état de l'exprimer

Objet : Cet article entend clarifier l'ordre dans lequel le médecin doit prendre en compte les directives anticipées et l'intervention de la personne de confiance, de la famille ou des proches.

I - Le dispositif proposé

La hiérarchie des modes d'expression de la volonté du patient ne ressort pas clairement du code de la santé publique.

En vertu de l'article L. 1111-12, lorsque le patient est en fin de vie et qu'il n'est plus en état d'exprimer sa volonté, l'avis de la personne de confiance, « sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l'exclusion des directives anticipées, dans les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement prises par le médecin ». Il en résulte donc que le médecin devra privilégier les directives anticipées sur l'expression de la personne de confiance, celle-ci sur l'avis de la famille et ce dernier sur celui d'un des proches du patient.

En revanche, l'article L. 1111-13 dispose que « lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, les cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultées. La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical ». Cet article n'établit donc pas de hiérarchie claire entre les directives anticipées, la personne de confiance et la famille.

Le dispositif proposé par le présent article abroge l'article L. 1111-13 et conforte la hiérarchie prévue par l'article L. 1111-12 tout en clarifiant sa rédaction . Cet article prévoit désormais que « lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin a l'obligation de s'enquérir de l'expression de la volonté exprimée par le patient . En l'absence de directives anticipées mentionnées à l'article L. 1111-11, il recueille le témoignage de la personne de confiance ou, à défaut, tout autre témoignage de la famille ou des proches ». Le médecin doit donc prendre en compte dans l'ordre suivant : d'abord les directives anticipées si elles existent à l'exclusion de tout autre élément, puis l'expression de la volonté du patient par sa personne de confiance s'il en a désignée une à l'exclusion de toute autre expression, enfin l'avis de la famille ou des proches.

II - La position de la commission

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel et de précision des rapporteurs ( amendement COM-27 ) qui :

- précise que le médecin a l'obligation de rechercher la volonté du patient pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement selon la formulation actuelle de l'article L. 1111-12 du code de la santé publique ;

- dispose que la personne de confiance « rend compte de la volonté du patient » plutôt que de livrer un « témoignage ». A défaut de directives anticipées et de personne de confiance, le médecin « recueille tout élément permettant d'établir la volonté du patient auprès de la famille ou des proches ». Comme indiqué supra (cf. l'examen de l'article 9), la mission de la personne de confiance se rapproche de celle d'un mandataire de la personne qui l'a désignée. La notion de « témoignage » est quant à elle réservée aux procédures judiciaires.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 11 (art. L. 1110-5-1 nouveau, L. 1111-13, L. 1541-2 et L. 1541-3 du code de la santé publique) - Coordination

Objet : Cet article procède à des coordinations avec les dispositions prévues aux articles 2, 5 et 10 de la proposition de loi.

I - Le dispositif proposé

Cet article procède à plusieurs coordinations dans le code de la santé publique, notamment en abrogeant l'article L. 1111-13.

II - La position de la commission

Votre commission a adopté un amendement de coordination des rapporteurs ( amendement COM-28 ).

Elle a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Article 12 (art. L. 1412-1-1 du code de la santé publique) - Recours à la Commission nationale du débat public pour l'organisation d'états généraux en matière de bioéthique

Objet : Cet article ouvre la possibilité de prévoir la mobilisation de la Commission nationale du débat public pour l'organisation des états généraux préalables à toute réforme dans le domaine de la bioéthique.

I - Le dispositif proposé

Créé par l'article 46 de la loi n° 2001-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique soumet tout « projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé » à l'organisation « d'un débat public sous forme d'états généraux ».

En vertu de son alinéa 1 er , il revient au Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) d'organiser ces états généraux après avoir consulté les commissions parlementaires compétences ainsi que l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

L' alinéa 2 de l'article L. 1412-1-1 prévoit que le CCNE établit un rapport à la suite de ce débat public. Ce rapport est présenté devant l'Opecst, qui en réalise l'évaluation.

Cette procédure a été mise en oeuvre pour la première fois à l'occasion des travaux ayant débouché sur l'examen de la présente proposition de loi et s'est traduite par le rapport du CCNE du 23 octobre 2014 et celui de l'Opecst du 5 mars 2015. Ce dernier tire les enseignements de cette première expérience en formulant des propositions d'évolutions législatives.

L'article 12 de la proposition de loi, inséré à l'Assemblée nationale en séance publique à l'initiative de M. Jean-Yves Le Déaut et plusieurs de ses collègues, apporte ainsi deux modifications à l'article L. 1412-1-1 telles qu'elles sont préconisées par le rapport d'évaluation de l'Opecst.

- L'alinéa 1 er est complété par une disposition prévoyant que les commissions permanentes et l'Opecst rendent un avis qui « inclut une appréciation sur l'opportunité, pour le Gouvernement, de mobiliser , dans les conditions prévues par l'article L. 121-10 du code de l'environnement, le concours de la Commission nationale du débat public ». Dans son rapport d'évaluation, l'Opecst indique que cette modification permet de « tenir compte des observations du président du CCNE et de l'accord du président de la Commission nationale du débat public (CCNE) 11 ( * ) .

- L'alinéa 2 précise désormais que le rapport d'évaluation de l'Opecst fait « ressortir les éléments scientifiques indispensables à la bonne compréhension des enjeux de la réforme envisagée » , l'objectif étant de préciser la portée de la mission assignée à l'Office.

II - La position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 - Application de la loi en Nouvelle-Calédonie

Objet : Cet article prévoit l'applicabilité des présentes dispositions en Nouvelle-Calédonie.

I - Le dispositif proposé

L'article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que « dans les matières qui relèvent de la compétence de l'État, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ».

Le présent article, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Sonia Lagarde et plusieurs autres députés, fait application de cette disposition organique en prévoyant expressément que le présent texte est applicable en Nouvelle-Calédonie.

II - La position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 14 - Rapport annuel sur le développement des soins palliatifs

Objet : Cet article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport annuel sur la politique de développement des soins palliatifs.

I - Le dispositif proposé

Le présent article, inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Sandrine Hurel et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, prévoit que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport « évaluant les conditions d'application de la présente loi, ainsi que la politique de développement des soins palliatifs ».

II - La position de la commission

Votre commission n'a pas jugé opportun de maintenir cet article.

En effet, l'article 15 de la loi du 22 avril 2005 prévoit déjà la présentation tous les deux ans d'un bilan de la politique de développement des soins palliatifs en annexe du projet de loi de finances. Or, comme le regrette la Cour des comptes dans son récent rapport sur les soins palliatifs 12 ( * ) , cet article n'a jamais été appliqué par le Gouvernement.

De plus, le suivi des conditions de prise en charge des situations de fin de vie relève de la mission de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV) créé en 2010 auprès du ministre chargé de la santé. Cet observatoire a pour mission d'apporter au débat public sur la fin de vie des données objectives de nature à éclairer les choix publics en matière sanitaire et sociale. Il élabore chaque année un rapport pour le Gouvernement et le Parlement .

Pour cette double raison, votre commission a adopté l'amendement COM-29 des rapporteurs tendant à la suppression de l'article 14.

Votre commission a supprimé cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

Réunie le mercredi 27 mai 2015, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine, sur le rapport de MM. Gérard Dériot et Michel Amiel, co-rapporteurs, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (n° 348, 2014-2015).

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Cette proposition de loi porte sur un sujet qui nous concerne tous et n'est pas facile à appréhender dans sa diversité. Elle prolonge des débats anciens - auxquels certains d'entre nous ont participé - et qui n'ont rien perdu de leur actualité. L'annonce par le Président de la République en décembre dernier d'un plan triennal de développement des soins palliatifs marque le besoin d'une meilleure prise en charge des malades dans notre pays et plus particulièrement des personnes en fin de vie. Plusieurs lois successives ont consacré des principes clairs et protecteurs : l'accès de tous aux soins palliatifs par la loi du 9 juin 1999 ; le consentement libre et éclairé des malades aux soins par la loi du 4 mars 2002 ; la possibilité de l'arrêt des traitements pour la fin de vie des personnes malades avec la loi Leonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Malgré d'incontestables progrès, la réalité ne correspond pas à la volonté du législateur : la persistance du « mal mourir » dans notre pays n'a cessé de peser sur les conditions du débat public depuis plus de quinze ans. Les inégalités, territoriales en particulier, dans l'accès aux soins palliatifs sont fortes, comme l'a récemment rappelé la Cour des comptes. Plusieurs affaires dont la justice a été saisie renvoient aux difficultés d'application de la législation en vigueur. L'affaire Vincent Lambert, pendante devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), nous le rappelle.

Le texte de nos collègues députés Alain Claeys et Jean Leonetti est issu de la réflexion particulièrement dense menée ces trois dernières années. Je mentionne pour mémoire le rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie présidée par le professeur Didier Sicard de décembre 2012, l'avis n° 121 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) de juillet 2013, la Conférence des citoyens dont les conclusions ont été rendues en décembre de la même année, le rapport de l' Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et enfin le rapport remis au Président de la République par MM. Claeys et Leonetti en décembre 2014.

Ce texte est critiqué par ceux qui craignent que les évolutions successives du droit ne poussent les personnes en fin de vie à considérer que leur existence est une charge pour les autres, mais aussi par ceux pour qui la vie relève du sacré. Il n'est pas moins critiqué par ceux qui réclament le droit à une assistance médicalisée pour mourir : euthanasie ou suicide assisté.

Or cette proposition de loi ne concerne pas les personnes malades qui veulent mourir mais celles qui vont mourir. Ses dispositions ont pour objet d'améliorer la prise en compte des souffrances réfractaires en fin de vie.

La grande misère des soins palliatifs est l'une des failles majeures de notre système de santé. Depuis 2002, le code de la santé publique définit les soins palliatifs comme des « soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ».

Les chiffres ne manquent pas pour illustrer l'écart entre la mort souhaitée - apaisée et à domicile - et les conditions de mort de la majorité des Français en établissements d'accueil pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à l'hôpital, voire aux urgences. On ne peut que partager l'avis du CCNE sur « le scandale que constituent (...) le non-accès aux droits reconnus par la loi, la situation d'abandon d'une immense majorité de personnes en fin de vie et la fin de vie insupportable d'une très grande majorité de nos concitoyens ».

Cette situation résulte d'un manque de moyens mais surtout de l'absence d'une véritable culture palliative en France. Outre le peu de temps consacré aux soins palliatifs dans la formation des professionnels de santé, l'intervention des soins palliatifs reste encore trop souvent associée à un échec des soins curatifs et donc du corps médical lui-même. Soins palliatifs et traitements curatifs doivent s'intégrer dans une même logique de prise en charge. Nous sommes face à l'embarras de la médecine à qui la société a confié le soin de s'occuper de la mort. Or le temps de l'accompagnement ne peut être exclusivement celui de la médecine. De l'avis quasi-unanime des personnes que nous avons auditionnées, les dispositions de la loi de 2005 relatives au refus de l'obstination déraisonnable et à l'arrêt des traitements dans le respect de l'autonomie du patient sont encore méconnues des patients et de leurs proches mais aussi des médecins eux-mêmes.

Ce texte entend apporter une réponse à cette situation. L'ensemble des modifications proposées complète la législation en vigueur depuis quinze ans. La proposition de loi votée en première lecture par l'Assemblée nationale comporte quinze articles : les articles 1 er et 2, 5 à 7, 11 et 12 procèdent à une réécriture du droit existant à des fins de précision ou de coordination ; les articles 3 à 4 bis concernent l'accès aux soins palliatifs et la reconnaissance du droit à la sédation profonde et continue ; les articles 8 à 10, relatifs à l'expression de la volonté de la personne, renforcent la portée des directives anticipées et le rôle de la personne de confiance ; les articles 13 et 14 prévoient son application en Nouvelle-Calédonie et l'information annuelle du Parlement sur sa mise en oeuvre.

L'article 3, qui fixe les conditions de mise en oeuvre de la sédation profonde et continue et l'article 8, qui rend opposables les directives anticipées, méritent une attention particulière.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - A l'article 3, la proposition de loi reconnaît expressément aux personnes malades en fin de vie le droit, sous certaines conditions, de recevoir une sédation maintenue jusqu'au décès. Cette pratique existe déjà mais elle est mise en oeuvre différemment selon les services et les praticiens. Les auteurs conditionnent sa mise en oeuvre aux deux critères essentiels prévus par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) : le décès doit être imminent, c'est-à-dire le pronostic vital engagé à court terme, et la souffrance ressentie par le malade doit être réfractaire au traitement. La pratique consiste à administrer une sédation de façon ininterrompue jusqu'au décès, qualifiée de « profonde et continue ». La sédation est associée à une analgésie pour soulager la douleur et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie, y compris, comme l'a confirmé le Conseil d'Etat, la nutrition et l'hydratation artificielles.

L'article 3 définit trois séries de cas dans lesquels le recours à la sédation profonde et continue est de droit : à la demande du patient atteint d'une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire au traitement ; à la demande du patient atteint d'une affection grave et incurable qui décide d'arrêter un traitement, engageant ainsi son pronostic vital à court terme ; lorsque le patient est hors d'état de s'exprimer au titre du refus de l'obstination déraisonnable.

L'article 8 rend opposables aux médecins les directives anticipées, évolution notable car, à l'heure actuelle, elles deviennent caduques au bout de trois ans si elles ne sont pas renouvelées et elles n'ont de valeur qu'indicative.

Les auteurs de la proposition de loi ont cependant tenu à préserver la possibilité pour le médecin de ne pas les appliquer dans deux cas. Le premier ne devrait pas faire débat : il s'agit de l'urgence vitale, par exemple la réanimation des personnes accidentées ou ayant fait une tentative de suicide ; le second est celui du caractère « manifestement inapproprié » des directives. Nous y reviendrons car cette formulation n'est pas pleinement satisfaisante.

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a jugé utile de prévoir que les directives sont centralisées sur un registre accessible aux professionnels de santé dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Cette mesure est attendue, même si seuls 2 % des Français ont rédigé des directives anticipées. Elle apparaît de nature à rééquilibrer la relation entre les droits des malades et le savoir médical.

Pour mesurer objectivement les améliorations apportées par le texte, il faut garder à l'esprit que la loi ne peut apporter de réponse à toutes les situations. Il en va ainsi du difficile sujet de la néonatologie. Les situations de fin de vie de nouveau-nés ouvrent droit à la sédation profonde et continue dans les mêmes conditions que tout autre patient capable d'exprimer sa volonté car ce sont les titulaires de l'autorité parentale qui le font.

La situation est différente pour les nouveau-nés qui vont souffrir de handicaps neurologiques après une asphyxie périnatale mais qui ne dépendent d'aucun dispositif artificiel de maintien en vie. Leur situation médicale ne satisfait pas aux critères permettant de recourir à une sédation profonde et continue.

La loi n'apporte pas de réponse évidente aux cas dans lesquels une personne hors d'état d'exprimer sa volonté n'a pas rédigé de directives anticipées ni désigné de personne de confiance et qu'il n'y a pas de consensus au sein de la famille sur l'arrêt des traitements. Dans ces situations dramatiques, la décision d'arrêter les traitements ne sera prise que par le médecin, s'il estime que la prolongation des traitements relèverait de l'obstination déraisonnable, ou par le juge.

Malgré ces réserves, la proposition de loi constitue une réelle avancée pour les patients dont l'autonomie juridique sera renforcée. Nous en partageons l'esprit car elle propose un juste équilibre entre la volonté des patients et le pouvoir du corps médical, entre l'obligation de préserver la vie humaine et celle de permettre à chacun de décider des conditions dans lesquelles il souhaite qu'elle s'éteigne.

Plusieurs amendements nous ont néanmoins paru nécessaires pour préciser ou clarifier les dispositions du texte. Ils tendent à limiter le caractère automatique des décisions qui concernent la fin de vie et à accroître ainsi la sécurité juridique des dispositifs.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Nous vous proposerons une nouvelle rédaction de l'article 2 car l'application stricte des dispositions actuelles sur l'obstination déraisonnable aurait des conséquences qui ne correspondent pas aux objectifs poursuivis.

L'article 3 doit être modifié afin de mieux distinguer les hypothèses dans lesquelles le recours à la sédation profonde et continue est autorisé.

A l'article 8, nous souhaitons préciser les conditions dans lesquelles le médecin n'est pas tenu de respecter les directives anticipées, mais également étendre le recours à la procédure collégiale - qui relève actuellement du code de déontologie médicale à valeur réglementaire - et renforcer la place de la personne de confiance. Il convient aussi de préciser dans la loi les conditions minimales de son organisation, pour prévoir l'association de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou des proches qui le souhaitent.

A l'article 9, nous proposons d'inscrire l'obligation que la personne de confiance cosigne sa désignation, afin d'éviter qu'elle ne soit désignée sans jamais avoir accepté de remplir cette mission.

Enfin, nos amendements suppriment des dispositions qui ne nous paraissent pas utiles et apportent des modifications rédactionnelles ou de cohérence.

Sous réserve de leur adoption, et au terme d'une vingtaine d'auditions, nous vous invitons à adopter cette proposition de loi qui conforte la loi Leonetti.

M. Jean-Noël Cardoux . - Je félicite les rapporteurs pour le travail réalisé, sans langue de bois. Je ne reviendrai pas sur les raisons éthiques, religieuses, morales ou liées à la souffrance qui mobilisent une partie de la population contre ce texte.

Il semble que ce texte supplémentaire soit motivé par des considérations économiques et financières. La mise en oeuvre des soins palliatifs depuis plusieurs années est un échec. Les gouvernements successifs n'ont pas pris ce problème à bras le corps. Face à la complexité des amendements, aux difficultés d'interprétation et aux recours que risque d'entraîner ce texte, inachevé, une fois de plus, au nom d'un équilibre à trouver, je constate que si les soins palliatifs étaient plus efficaces et mieux organisés, nous n'en serions pas arrivés là. Pour éviter d'avoir à s'en remettre à un tel dispositif, notre commission devrait prendre une initiative visant à obtenir les financements nécessaires au développement des soins palliatifs dans notre pays. Ainsi ce texte servirait en quelque sorte de béquille, pour mieux accompagner les malades en fin de vie lorsque les soins palliatifs ne sont pas suffisants, et il ne se bornerait pas à ajouter des règles supplémentaires au dispositif existant.

M. Jean-Marie Morisset . - Je me joins aux remerciements aux rapporteurs sur ce dossier sensible. Il faut développer la médecine préventive et palliative, la formation des professionnels de santé, l'information des citoyens, mais une loi est-elle nécessaire ?

L'article 8 vise à mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées, qui n'étaient qu'indicatives dans la loi Leonetti. Ici, elles s'imposent aux médecins. Même si l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, selon lequel « toute personne majeure peut rédiger des directives », ne change pas, et même si quelques précautions sont prises, l'évolution est importante.

En matière de procédure, un modèle unique de directives anticipées devra être défini par décret en Conseil d'Etat. A-t-on déjà connaissance de ce modèle ? Est-il nécessaire de créer un fichier informatique pour le registre national des directives anticipées, compilant des données personnelles et sensibles ? Sera-t-il vraiment utile ? Quels seront les rôles respectifs de la personne de confiance et du médecin ? Sa modification par la personne concernée, en cas de changement, sera-t-elle aisée ? Quelles seront les garanties apportées par le Conseil d'Etat pour éviter la consultation par des organismes publics - comme l'assurance maladie - ou privés ? Je partage les précautions que vous préconisez dans votre rapport.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Nous travaillons avec Gérard Dériot sur les questions de la fin de vie depuis plus de dix ans. Nous avions voté au sein de cette commission une disposition sur l'aide active à mourir avec nos collègues Muguette Dini, François Autain et Guy Fischer - aujourd'hui décédé. Ce débat reprend. Je regrette que le Sénat n'ait pas été associé à la démarche confiée aux deux députés, compte tenu du travail réalisé sur cinq propositions de lois, dont le président Jean-Pierre Bel avait pris l'initiative de saisir le Conseil d'Etat. Nous avions presque abouti à une proposition de loi commune regroupant des sénateurs et des sénatrices de tous bords politiques. Etre associés à l'élaboration de la proposition de loi des députés n'aurait pas été inutile.

Ce texte n'est que de l'eau tiède, il règle peu de choses par rapport à la situation actuelle et n'a qu'un seul mérite, celui de protéger juridiquement le médecin. La sédation profonde se pratique déjà. Or aucune avancée n'est constatée pour les patients, qui souhaitent qu'on abrège leurs souffrances.

La solution, ce sont des directives anticipées claires et précises qui ne sont pas ouvertes à la consultation de toute la famille mais réservées seulement à la personne de confiance. Notre texte avait prévu de ne pas dépénaliser l'euthanasie, en raison d'une crainte de beaucoup de nos collègues, que je partage, mais créait une exception dans le code de la santé publique. Sans revenir sur cette interdiction de l'euthanasie, cette solution était destinée aux personnes en fin de vie souhaitant mourir les yeux ouverts, accompagnées par leur famille, sans avoir les moyens d'aller en Suisse, pour cela. Nous ne sommes pas maîtres de notre naissance, mais nous pouvons souhaiter l'être de notre fin de vie.

Mme Françoise Gatel . - Ce texte, destiné à assurer une fin de vie apaisée, pose la question de l'inégalité d'accès aux soins palliatifs, mais aussi celle du rôle et de la finalité de la médecine - encore considérée comme essentiellement curative. Il présente l'avantage de sécuriser l'équipe soignante, qui limite la souffrance.

L'article 3 est d'une autre nature et soulève certaines polémiques lorsqu'il propose « de ne pas prolonger inutilement » la vie. Il pose davantage de questions qu'il n'en résout.

L'article 4, alinéa 2, dispose que « toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. » Lors des auditions, nous avons été alertés à plusieurs reprises sur le risque afférent : des familles pourraient considérer que l'équipe soignante n'a pas laissé en temps voulu la personne accéder à ce droit.

Certains médecins dissocient l'alimentation de l'hydratation. Je ne suis pas médecin, mais peut-on considérer que l'hydratation est un soin et qu'elle soulage la souffrance ?

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - L'hydratation artificielle est considérée comme un soin et à ce titre elle peut être arrêtée.

Mme Françoise Gatel . - Je remercie les rapporteurs pour la qualité des auditions. Le texte peut sembler insuffisant mais il sécurise l'équipe soignante et affirme le droit de chacun à une fin de vie apaisée et sans souffrance.

Mme Annie David . - Je remercie à mon tour les rapporteurs en charge de ce sujet délicat. Nous y avions longuement travaillé avec Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy, aux propos duquel je m'associe. Dans la continuité de la consultation du Conseil d'Etat par le président Jean-Pierre Bel, nous avions réactivé le groupe de travail au sein de la commission sur ce sujet, même si nous n'avons pas pu déposer en temps voulu la proposition de loi à laquelle nous avions abouti et qui réunissait l'ensemble des groupes politiques représentés dans notre commission.

Notre groupe s'inspirera de ce projet pour proposer des évolutions et, si le Sénat n'y est pas prêt, en débattre en séance.

Oui, comme l'a affirmé Gérard Dériot, cette proposition de loi ne concerne pas les personnes malades qui veulent mourir mais celles qui vont mourir. Là est toute la différence avec l'euthanasie active. J'ai, en cet instant, une pensée pour mon ami Guy Fischer. Je m'associe à ses travaux, qui tendaient à aller plus loin, jusqu'à accéder à l'acte permettant de mourir.

Comme Jean-Pierre Godefroy, j'estime que si nous ne sommes pas maîtres de notre naissance, nous le sommes des conditions de dignité dans lesquelles nous souhaitons finir notre vie. Ce texte améliore la loi Leonetti mais ne va pas assez loin. Deux articles - sur les directives anticipées et la sédation profonde - sont des avancées.

Nous ne prendrons pas part au vote en commission car notre groupe, qui s'est réuni hier, ne s'est pas encore déterminé. Chacun d'entre nous se prononcera en fonction de son propre ressenti, Dominique Watrin et moi nous exprimerons en séance.

Pouvez-vous enfin m'éclairer sur la mention, dans le texte, de l'article L. 1111-11-1 du code de la santé publique ?

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Il s'agit d'une erreur de référence qui sera corrigée.

M. Alain Milon, président . -A Jean-Pierre Godefroy, qui regrettait que le Sénat soit court-circuité, je rappellerai que le Président de la République a missionné les députés Alain Claeys et Jean Leonetti le 20 juin 2014, alors que Jean-Pierre Bel était encore président du Sénat...

M. Jean-Pierre Godefroy . - Cela ne m'a pas empêché de protester !

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Oui, les soins palliatifs ont un coût, mais il manque surtout une culture palliative qui, elle, ne s'achète pas. Aujourd'hui, la formation initiale ou continue du personnel soignant et des psychologues est largement insuffisante.

Une vraie culture palliative ne doit pas opposer soins palliatifs et soins curatifs. Les soins palliatifs doivent intervenir tout de suite et non pas seulement comme un relais, lorsqu'il n'y a plus rien d'autre à faire. Il faut développer à cette fin des centres ou des unités spécialisées de soins palliatifs avec des équipes mobiles.

La question du financement mérite d'être abordée, y compris dans le cadre de la tarification à l'activité (T2A). Lorsqu'un patient est pris en charge dans une unité de soins palliatifs, si l'hospitalisation se prolonge au-delà de trois semaines, la tarification change. Certains patients - je puis en témoigner - font ainsi des allers retours entre les unités de soins palliatifs et l'hôpital ou des Ehpad, sans aucune économie de fait. Même si toutes les unités de soins palliatifs ne fonctionnent pas ainsi, elles jonglent avec les effets de la tarification. Nous ne pouvons réduire les soins palliatifs et les soins curatifs à un simple coût, mais plutôt reconnaître, comme le fait la proposition de loi à l'article 1 er , l'importance de la formation initiale et continue aux soins palliatifs.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - On en revient au débat qu'évoquaient Jean-Pierre Godefroy et Annie David. Nous avons réclamé à cor et cri le développement des soins palliatifs, des moyens financiers et la formation du personnel. Les choses ont malheureusement peu évolué, quels que soient les gouvernements. Comme l'a rappelé Michel Amiel, nous devons développer une culture des soins palliatifs pris en charge dès le début des soins. Avec la constitution de services spécialisés à l'intérieur de l'établissement, un patient qui y est transféré ne peut s'empêcher de penser que sa fin approche...

M. Michel Forissier . - Eh oui !

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - En réponse à Jean-Marie Morisset, il est nécessaire d'avoir un modèle unique, une trame indispensable pour que les directives anticipées soient interprétées correctement le moment venu. Mais une décision qui paraît relativement facile lorsqu'on est en bonne santé ne l'est pas forcément lorsqu'on ne l'est plus. Si leur rédaction n'est pas adaptée, elles risquent de plus d'être mal comprises ou peu applicables.

Toutes les conditions de confidentialité seront assurées dans le registre national, c'est pourquoi un décret en Conseil d'Etat en définira les conditions de mise en oeuvre. Ce registre permettra de savoir si la personne a écrit ou non des directives anticipées. Ce respect de la confidentialité est une condition sine qua non d'existence du registre, et le texte précise que l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sera sollicité.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Monsieur Godefroy, qualifier « d'eau tiède » une proposition de loi qui concerne le patient est sévère. Le problème de la fin de vie est multiple et je tiens à ce que l'on utilise le terme de personne en fin de vie, et non seulement de malade ou de patient.

Il fallait protéger le médecin confronté à des problèmes juridiques épineux en raison de l'ambivalence des patients et de leur famille, qui ne cesse de croître à l'approche de la mort - ce que nous apprend la psychologie. « Docteur, faites tout ce que vous voulez mais je ne veux pas souffrir » entend-on souvent. Tout change lorsque l'on se trouve au seuil de la mort. En trente-cinq ans de pratique médicale, j'ai accompagné de très nombreuses personnes en fin de vie. Je n'ai reçu que quatre demandes d'euthanasie active. De nombreux collègues peuvent citer des chiffres équivalents. Cette demande d'aide à mourir s'étiole au fur et à mesure que l'on approche de la fin, hormis quelques cas marginaux qui persistent à vouloir l'euthanasie ou le suicide assisté. A la lumière de l'expérience des pays qui l'ont fait, on doit d'ailleurs constater qu'en ouvrir la possibilité ne conduit pas à généraliser ces pratiques.

Cette proposition de loi protège le médecin, la société, la famille et l'entourage, ainsi que le patient lui-même. Sédation profonde et continue et geste d'euthanasie active sont cliniquement et pharmacologiquement différents.

La Haute Autorité de santé a demandé au professeur Sicard de présider un groupe de travail afin de proposer un formulaire le plus standardisé possible pour l'écriture des directives anticipées qui seront opposables.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Madame Gatel, nous proposons de réécrire l'article 3, ce qui supprimera le mot « inutilement », qui est inapproprié. Quant à l'article 4, et au « droit » de recevoir des traitements...

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Le code de la santé publique pose l'obligation de moyens du médecin, il n'y a donc pas, à cet égard, de problème juridique.

L'alimentation artificielle se fait soit par voie entérale - sonde gastrique-, voie nasale ou gastrostomie (ouverture de l'abdomen), soit par voie parentérale, par perfusion. L'hydratation artificielle est aussi réalisée par perfusion. Alimentation et hydratation, par ces moyens artificiels, sont donc considérées par la justice administrative comme des traitements qui peuvent être arrêtés en fin de vie.

Cela donne lieu à polémique avec ceux qui considèrent que le respect de la vie relève du sacré, que cette dernière n'appartient pas à la personne mais à Dieu. Les courants religieux qui ont abordé cette question au sein du christianisme n'ont pas tous la même approche : catholiques et protestants ont une théologie différente, respectivement du sacré et de la responsabilité. Le pasteur représentant les institutions protestantes de France que nous avons entendu nous a déclaré : « Laissons les gens devant leurs propres responsabilités ». L'église catholique romaine n'a pas le monopole du christianisme.

M. Gilbert Barbier . - Est-il vraiment nécessaire de légiférer à nouveau sur la fin de vie ? Je n'en suis pas persuadé. On ne peut pas considérer l'ensemble des services de soins palliatifs des hôpitaux comme incapables ou faisant n'importe quoi ! Certes, il existe des problèmes dans des Ehpad ou des services de long séjour, mais dans la plupart des hôpitaux, les soins palliatifs sont connus et pratiqués dans des services - exceptionnellement spécialisés, généralement d'oncologie et de pneumologie - de manière tout à fait raisonnée.

Peut-on définir une « affection grave et incurable » ? La proposition de loi peut s'appliquer au stade ultime. La notion de « court terme », qui se réfère au pronostic vital, correspond aux trois semaines de prise en charge au titre des soins palliatifs, évoquées par le professeur Sicard. Qui peut résister à trois semaines de sédation profonde associée à des analgésiques et à la privation d'hydratation et de nutrition ? On pratique l'euthanasie par périphrase. Une personne atteinte d'un cancer incurable peut s'alimenter de manière naturelle ; elle ne le peut plus si elle est sous sédation profonde. Il faudrait maintenir au moins l'hydratation.

Sur le plan technique, quelle est la différence entre sédation profonde et sédation ? Est-ce une question de dose ? Mais alors tout dépend aussi de l'état du patient, qui n'a pas « besoin » d'une forte dose s'il est très affaibli. Quels seraient les analgésiques utilisés ? La terminologie va dans le sens d'une euthanasie plus ou moins déguisée. Chacun a ses opinions, mais comment apprécier « l'inutilement » de la prolongation de la vie ? Michel Amiel a mentionné les mineurs et la néonatologie, domaine dans lequel j'ai exercé plus de dix ans. Il ne faut pas légiférer en la matière : le cancer incurable d'un enfant de six ou sept ans, par exemple, relève du seul dialogue entre les parents et le personnel soignant. Laissez les faire ! La loi doit exclure totalement la question des mineurs qui est un problème insoluble, elle ne doit pas s'immiscer dans la décision.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - La néonatologie n'est pas concernée par le texte, elle est seulement évoquée dans le rapport par Michel Amiel comme posant un problème.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Le mot même n'est pas cité.

M. Gilbert Barbier . - Elle n'est pas exclue non plus.

M. Bruno Gilles . - Je m'interroge à mon tour sur l'opportunité de d'une nouvelle loi qui risque d'aller trop loin, comme le pensent certains, ou pas assez, selon d'autres. Les rapporteurs ont fait état du « manque de moyens » et de « l'absence d'une véritable culture palliative en France ». Un texte de loi peut-il instaurer cette culture ? Le manque de moyens est réel et les chiffres sont dramatiques : entre 2007 et 2012, le nombre d'unités de soins palliatifs a crû de 90 à 122 et le nombre de lits de 942 à 1 301, alors que nous aurions besoin de 20 000 lits. Ce sont les moyens et l'application de la première loi qui sont en cause. Il n'est pas besoin d'aller plus loin et d'ouvrir des débats qui ne satisferont ni les uns ni les autres.

L'article 2 considère que « la nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement » : il s'agit d'une interprétation contestable et contestée de la loi Leonetti de 2005 qui ne l'a jamais affirmé aussi explicitement. Dans son avis du 5 mai 2014, le Comité consultatif national d'éthique indiquait que « le seul fait de devoir irréversiblement, et sans espoir d'amélioration, dépendre d'une assistance nutritionnelle pour vivre ne caractérise pas à soi seul un maintien artificiel de la vie et une obstination déraisonnable. » Cette nouvelle disposition pourrait donc être lourde de conséquences. A mon sens, l'hydratation artificielle ne constitue pas un traitement, mais tout au plus un soin.

M. Michel Forissier . - Chacun aborde le sujet selon son vécu et ses convictions. La vie est sacrée. C'est la seule chose sur la terre qui est sans prix. Quand on parle de la mort, on est encore dans la vie, et l'on y reste jusqu'au dernier souffle. Ce texte ne met pas suffisamment en avant la responsabilité de la famille. Nous avons en France des praticiens de la médecine qui oeuvrent avec une sensibilité exemplaire. Il faut laisser ouvertes toutes les alternatives possibles, car aucune fin de vie ne peut être comparée à une autre. Dans ma région, l'on meurt chez soi, dans sa famille. Donnons aux familles la possibilité d'accompagner les personnes en fin de vie. J'étais tenté d'affirmer que nous n'avions pas besoin d'un texte de loi supplémentaire. Désormais, je souscris à la méthode employée car ce texte formalise un cadre très large défini à l'initiative d'un corps médical en qui nous pouvons avoir confiance.

M. Georges Labazée . - Le texte insiste sur la place de la personne de confiance : j'y suis très attaché. L'hospitalisation à domicile est devenue pratique courante. J'ai participé, il y a quelques jours à la signature d'une charte liant sept ou huit organismes spécialisés dans ce domaine. Enfin, nous soutiendrons l'amendement de Jean-Pierre Godefroy.

Je rappelle que, dans son avis, le Conseil d'Etat précise qu'« aucune norme constitutionnelle ou conventionnelle ne pourrait par principe faire obstacle à une législation permettant d'instaurer un droit à pouvoir bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir dans des conditions bien définies ».

M. Daniel Chasseing . - La loi Leonetti est mal connue. Les soins palliatifs sont là pour accompagner le malade en s'adaptant à l'évolution de la maladie. On aurait pu éviter cette loi qui légalise et formalise un peu plus ce que les médecins font déjà. Je tiens néanmoins à féliciter les rapporteurs pour le travail accompli. Dans l'article 3, il serait bon d'ajouter à l'alinéa 3 que l'anesthésie générale jusqu'à la mort ne peut être administrée que dans les cas où le pronostic vital est engagé « à très court terme, en heures et en jours ». Il faudrait également revenir sur l'alinéa 6 qui précise la procédure collégiale. Prenons le cas de l'hydratation qui est considérée comme un traitement. En Ehpad, j'ai vu des familles s'y opposer en faisant valoir l'obstination déraisonnable, alors que ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. La décision d'arrêter l'hydratation ne peut être prise que par le médecin en concertation avec son équipe, si elle existe, et sur l'avis motivé d'au moins un autre médecin appelé en qualité de consultant.

Enfin, l'alinéa 7 indique que le médecin traitant peut recourir à l'intervention ou au conseil des services de soins palliatifs hospitaliers, afin d'effectuer la sédation profonde et continue. Encore faudrait-il renforcer les moyens alloués à certains de ces services pour rendre cette possibilité effective.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Je ne crois pas que la sédation profonde et continue soit une euthanasie déguisée. Elle se fait sous analgésique, c'est-à-dire sous morphine, et en recourant à des sédatifs que l'on utilise couramment en anesthésie, comme l'Hypnovel. Il s'agit d'accompagner la fin de vie. C'est très important d'un point de vue émotionnel. Les familles n'appréhendent pas de la même manière le fait que l'on endorme un patient jusqu'à la mort ou qu'on lui fasse une piqûre létale. Les substances et les effets sont différents.

Par doctrine du double effet, on suggère l'idée que le geste pratiqué entraîne la mort, sans que ce but soit recherché. A ceux qui la critiquent, je rappelle que cette doctrine philosophique efficace est due à saint Thomas d'Aquin, au XIII e siècle. Un père dominicain, lors d'un débat, fut agacé de ce rappel. Je ne voudrais pas non plus que l'euthanasie soit une solution expéditive pour passer à autre chose. Cette loi n'est ni fade, ni tiède ; elle protège la dignité humaine du patient, la responsabilité juridique du médecin, l'entourage et la société.

M. Jean-Pierre Godefroy . - On parle beaucoup des médecins et de la famille. Qu'en est-il du patient qui exprime son souhait de mourir ?

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - La volonté du patient est au centre de notre réflexion. Même dans les pays les plus ouverts, le suicide assisté ou l'euthanasie ne sont possibles qu'en cas de maladie grave : il n'y a pas de mort programmée. Qu'est-ce qu'une maladie « grave et incurable » ? On ne meurt pas que du cancer. J'ai essayé de répertorier les cas ambigus. Par exemple, un diabétique sous insuline mourra en quelques jours s'il choisit d'arrêter son traitement. S'il n'est pas frappé de troubles sévères, sa mort sera assimilée à un suicide, et pour l'éviter, le médecin en charge aura obligation de relancer le traitement. En revanche, si la maladie évolue mal, et que le patient est placé sous dialyse, a subi une amputation et devient aveugle, alors on entre dans le cadre de la souffrance réfractaire prévu par la loi.

Enfin, les soins palliatifs ne doivent pas être concentrés à l'hôpital. Oui, l'idéal est de mourir chez soi, entouré d'êtres chers. C'est ce qui ressort de toutes les enquêtes, y compris auprès du personnel soignant. On gagnerait à développer les moyens techniques des équipes d'hospitalisation à domicile, pour faciliter cette « bonne mort », même en termes de coûts.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - La collégialité fait intervenir l'équipe médicale, la personne de confiance et les proches. La famille est donc incluse dans la consultation. Bien entendu, tout le monde souhaite mourir chez soi. Dans la pratique, même si le patient n'a plus qu'une semaine à vivre, le médecin procédera quand même à une hospitalisation pour diminuer les risques. Voilà pourquoi on meurt plus à l'hôpital. Ensuite, le mort est placé en maison mortuaire plutôt que d'être veillé chez lui. Les gens se sont détournés de la mort, et cela dans tous les milieux. On ne meurt plus chez soi que par accident.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Le congé de fin de vie n'est accordé que pour accompagner un proche qui meurt à domicile et pas à l'hôpital.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - M. Barbier le sait. Dans les services de néo-natalité, on trouve des nourrissons sous assistance respiratoire et alimentation artificielle, qui ne disposent pas de leurs fonctions vitales, et d'autres qui peuvent respirer et s'alimenter normalement même s'ils souffrent de séquelles. Il est hors de question de les inclure dans les cas où l'euthanasie peut s'appliquer. C'est pourquoi nous avons insisté pour ne pas inclure la néo-natalité dans le texte.

M. Alain Milon, président . - Le problème s'était déjà posé lors de l'examen de la loi bioéthique et des discussions sur l'avortement en cas de trisomie 21.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - La place de la personne de confiance a été bien précisée. Dans un amendement, nous avons clarifié le dispositif de collégialité : directives anticipées, personne de confiance, famille et proches.

Mme Corinne Imbert . - Je suis favorable au développement des soins palliatifs. La première volonté des malades est de ne pas souffrir. A-t-on prévu le développement d'équipes mobiles de soins palliatifs ?

L'article 3 semble contradictoire. Il précise que le pronostic vital doit être engagé à court terme pour recourir à la sédation profonde, tout en se référant à la décision du patient, ce qui ouvre la porte au suicide assisté. Cette proposition de loi ne dit pas son nom. La loi Leonetti aurait pu suffire ; elle est mal connue. Enfin, pourquoi le droit à la formation aux soins palliatifs relèverait-il de la loi ? S'agissant de la formation de futurs médecins, un arrêté conjoint du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministre de la santé suffit ; quant aux professionnels en activité, les dispositifs de formation professionnelle s'appliquent.

Mme Michelle Meunier . - Je tiens à remercier les deux rapporteurs et notamment Michel Amiel que j'apprécie autant comme praticien que comme philosophe. Même s'il ne va pas assez loin, le texte prend en compte la personne et pas seulement le malade ou le patient. Il rappelle également les devoirs du médecin, en l'incitant à travailler en collégialité car il n'est pas le seul à décider. Des questions subsistent, notamment sur le cas des mineurs qui n'est pas abordé.

Il est essentiel de travailler sur la culture des soins palliatifs. En France, seulement 20 % des personnes qui y ont droit en bénéficient par manque de dispositifs adaptés et de personnel formé. On meurt mal en France. Ce texte est une avancée même s'il peut être amélioré et j'ai cosigné l'amendement de Jean-Pierre Godefroy. Votons-le.

M. René-Paul Savary . - Les rapporteurs ont abordé le texte avec beaucoup d'humilité. Je partage leur diagnostic, mais pas leur traitement. La loi ne peut pas apporter de réponses à toutes les questions. L'enjeu est de concilier le droit des personnes à ne pas souffrir et le devoir du médecin de ne pas les laisser mourir. La loi Leonetti prend en compte un maximum de cas. Appliquons-la. Faisons-la connaître. Travaillons à former des équipes de soins palliatifs pour les patients qui sont à domicile ou en Ehpad. Améliorons la diffusion d'une culture palliative. Bref, arrêtons de légiférer sans cesse pour réglementer des cas particuliers alors qu'une loi existe déjà. Pour toutes ces raisons, je ne prendrai pas part au vote, ce matin.

M. Bruno Gilles . - Très bien !

Mme Colette Giudicelli . - Je m'inquiète du sort réservé aux enfants handicapés. Les nouveau-nés souffrant de handicaps neurologiques ne sont pas pris en compte dans le texte. Tous les médecins ne sont pas parfaits, ni les parents non plus. Ne faudrait-il pas encadrer cela ?

M. Philippe Mouiller . - Je ne suis ni médecin, ni juriste, mais je suis inquiet. Je m'étonne que tout patient puisse avoir droit d'un côté à des soins palliatifs et de l'autre à la sédation profonde. N'est-ce pas contradictoire ? N'y a-t-il pas non plus une forme d'hypocrisie dans l'intention du texte qui accélère la procédure, sous couvert de compléter la loi Leonetti pas assez connue, ni pratiquée ? S'agit-il de formaliser un engagement politique pris au sommet de l'Etat ou d'une volonté d'ouvrir de nouvelles portes dans notre société ? Même si le rapporteur a proposé une correction rédactionnelle, il est effrayant que les auteurs du texte aient pu poser sur le papier le terme d'« inutilité de la vie ». Les gens rédigent leurs directives anticipés lorsqu'ils sont en bonne santé. Vaudront-elles encore lorsqu'ils n'auront plus que 72 heures à vivre ? Comment prendre en considération l'évolution psychologique du patient ? Est-ce à la loi de gérer une formation dont les étudiants doivent pouvoir bénéficier ? Il serait plus efficace de commencer par prévoir les moyens financiers d'assurer cette formation. Enfin, ce texte n'est-il pas influencé par des impératifs économiques ?

Mme Catherine Génisson . - Tout de même !

M. Philippe Mouiller . - J'exprime mon inquiétude...

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Selon que les patients sont à l'hôpital, en Ehpad ou à domicile, les soins palliatifs ne sont pas les mêmes. Il est indispensable de développer des équipes mobiles.

Mme Corinne Imbert . - Y a-t-il un programme pour cela ?

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - La loi s'occupe des méthodes, pas des moyens...

M. René-Paul Savary . - Des bonnes intentions !

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Il faudra prévoir les moyens dans le budget de la sécurité sociale...

M. René-Paul Savary . - Avec l'Ondam !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Il faudra envisager une tarification différente...

M. Alain Milon, président . - Nous y reviendrons lors de l'examen du PLFSS...

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - La sédation profonde en fin de vie peut apporter un certain confort. Comme le disait le président de la société d'accompagnement et de soins palliatifs, « le malade n'est pas obligé d'assister au drame tragique de sa mort ». Nous ne faisons qu'encadrer la mort accompagnée.

Madame Giudicelli, j'ai déjà fait la distinction entre les nouveau-nés sous assistance respiratoire et ceux qui vivent sans machinerie médicale après avoir fait une asphyxie périnatale. Ce deuxième cas est particulièrement douloureux car certains de ces enfants garderont des séquelles terribles et des handicaps lourds auxquels la société ne sait pas répondre. Quant aux directives anticipées, il est clair que l'on n'est pas dans le même état d'esprit pour les écrire lorsque l'on est en bonne santé et lorsque l'on est face à la mort. Nous avons veillé à clarifier ce point dans notre rédaction. Enfin, en décembre dernier, le Président de la République a annoncé un grand plan de soins palliatifs et je précise que l'on pourrait en faire une cause nationale, comme cela a été fait pour certaines maladies. En tant que praticien, je trouve que c'est une bonne initiative.

M. Jean Desessard . - Le groupe écologiste est favorable à ce texte, même s'il ne va pas assez loin : il faudrait qu'une personne qui souffre puisse exercer son libre arbitre et bénéficier de l'euthanasie si elle le souhaite. Il ne s'agirait certainement pas de l'imposer. Cela doit rester au choix de chacun. Néanmoins, nous voterons cette proposition de loi parce qu'elle marque une avancée.

Mme Isabelle Debré . - La procédure du registre accessible aux professionnels semble compliquée. On doit déjà s'inscrire sur le registre national du refus de don d'organes et il faudrait encore s'inscrire sur un autre registre pour dire que l'on refuse ou non l'acharnement thérapeutique. Ne serait-il pas plus simple d'inscrire tout cela sur la carte vitale, par exemple, ou du moins de rassembler les informations sur un fichier unique, accessible, contrôlable et confidentiel ?

Mme Pascale Gruny . - Je ne vois pas l'utilité de faire une deuxième loi alors que la loi Leonetti répond déjà à la difficulté d'accompagner les mourants. Je m'abstiendrai donc ce matin. La formation initiale, dans le cadre des études médicales, doit être rendue obligatoire.

Mme Catherine Génisson . - Cette proposition améliore la loi Leonetti. Les directives anticipées sont un progrès. Elles pourront toujours être modifiées dans le colloque singulier qui s'instaure inévitablement entre le patient et son médecin à l'approche de la mort. J'ai entendu un professeur de médecine qui travaille sur les chemins de la conscience dire que même en situation végétative, on n'est pas sans conscience. En ce cas, le manque d'hydratation peut être une torture atroce pour le malade. L'hydratation n'assure pas la survie mais garantit une qualité de fin de vie essentielle dans le maintien de la dignité humaine.

M. Alain Milon, président . - C'est ce qui me gêne le plus dans ce texte.

M. Olivier Cadic . - J'apprécie d'autant plus le débat technique sur les moyens de pratiquer une sédation que je suis étranger au milieu médical. J'aimerais qu'on éclaire de la même manière le débat sur l'utilisation des boîtes noires dans la loi sur le renseignement mais il y a apparemment plus de médecins que d'informaticiens au Sénat !

Nous nous rejoignons tous sur l'objectif porté par le texte : garantir à chacun une mort paisible grâce à l'assistance du corps médical. Cette loi marque un pas en avant. Elle est issue d'un travail collectif mené au-delà des différences partisanes. Est-elle satisfaisante ? Non, car elle ne répond pas à toutes les attentes et déçoit ceux pour qui le droit à la mort fait partie des droits individuels. La première loi votée en 2005 ne suffit pas. Il nous a fallu dix ans pour travailler sur un autre texte. Attendrons-nous dix ans de plus pour faire ce qui se fait déjà dans d'autres pays ? J'ai une pensée pour Henri Caillavet, notre illustre prédécesseur, visionnaire en son temps sur le sujet qui nous occupe. Je me souviens de l'avoir entendu enfant. Il prônait le libre arbitre. Le Sénat doit pouvoir offrir cette liberté nouvelle à nos compatriotes.

M. Yves Daudigny . - Je félicite les rapporteurs ; je remercie également Jean-Pierre Godefroy pour la pédagogie avec laquelle il a rendu compte de son positionnement plus avancé. S'il faut des moyens financiers pour déployer des services de soins palliatifs, ce n'est pas à la loi de les prévoir. Pour développer une culture du palliatif en France et favoriser l'information des familles et des médecins, il faudrait inscrire dans le texte l'obligation d'inclure dans le cursus des étudiants en médecine un temps de formation sur le sujet.

M. Alain Milon, président . - Dans un ouvrage publié récemment, Le Cerveau de cristal, l'auteur, Denis Le Bihan, démontre que, même sous sédation, les patients continuent à souffrir. Sachant cela, il est très gênant de décider d'arrêter d'hydrater un malade. Par ailleurs, sur dix ans d'études, on ne consacre que deux heures de cours magistral aux soins palliatifs. C'est assurément inefficace.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Actuellement, rassembler les informations sur la carte vitale est impossible. Les dons d'organes n'y figurent même pas car le fichier serait insuffisamment protégé. Le texte prévoit des mesures pour garantir la protection des médecins. Cette proposition de loi n'est pas l'alpha et l'oméga sur la question de la fin de vie. Elle n'apporte pas de modifications substantielles à la loi Leonetti. Elle donne néanmoins des précisions utiles pour éclairer les familles et le monde médical et cela justifie que l'on examine et que l'on aménage le texte. Les changements se feront pas à pas. En 2005, la loi Leonetti n'aurait pas vu le jour sans notre volonté farouche de l'adopter par un vote conforme à la suite du vote unanime de l'Assemblée nationale. Nous pourrons modifier le texte par des amendements. En le votant, c'est un pas supplémentaire que nous ferons.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Dès lors que l'état sédatif ne neutralise pas la perception de soi, la décision d'arrêter l'hydratation peut paraître violente. Dans la mesure où cela pose des problèmes de conscience, je proposerais volontiers la suppression de l'alinéa 3 de l'article 2 même s'il est conforme à la jurisprudence du Conseil d'Etat.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-18 remplace la distinction entre soins et traitements, qui pose des difficultés de cohérence avec le reste du code de la santé publique, par la mention du droit des personnes aux soins tant curatifs que palliatifs. La mention du meilleur apaisement de la souffrance de l'alinéa 5 est déplacée à l'alinéa 10. La mention de la formation des professionnels de santé aux soins palliatifs de l'alinéa 11 est précisée.

M. Gilbert Barbier . - Devons-nous nous immiscer dans le programme des études médicales ? Supprimons cet alinéa !

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Qui peut le plus peut le moins !

Mme Annie David . - Nous nous abstiendrons sur tous les amendements.

M. René-Paul Savary . - Je ne participerai pas au vote.

L'amendement n° COM-18 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-19 clarifie la définition de l'obstination déraisonnable, soumet l'arrêt des traitements à la volonté du malade et fixe dans la loi les obligations minimales quant à la procédure collégiale définie dans cet article : réunion de l'ensemble de l'équipe soignante et association de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou des proches qui le souhaitent. La question est de maintenir ou non - ce qui ne change rien juridiquement - la proposition « notamment pour la nutrition et l'hydratation artificielles » ; je vous propose finalement de la retirer de notre rédaction.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je suis favorable à une procédure collégiale avec association de la personne de confiance ; mais où s'arrête la « famille » et qui sont les « proches » ? Vous nous préparez de nouveaux cas Lambert avec une famille qui ne se met pas d'accord, ce qui fait échouer la procédure...

M. René-Paul Savary . - Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy . - Et le proche qui le souhaite ? Cela peut être un camarade de promotion ? Un copain de régiment ? C'est beaucoup trop vague ! Je ne voterai pas la suppression de phrase sur la nutrition et l'hydratation.

Mme Françoise Gatel . - Je ferai la même remarque sur « la personne de confiance ou, à défaut, de la famille... » Cela ne fait-il pas prendre des risques de recours ? La procédure collégiale est une bonne chose ; mais si vous précisez qu'il faut réunir l'ensemble de l'équipe soignante, que se passera-t-il s'il manque l'un de ses membres ?

M. Georges Labazée . - Nous avons codifié aussi bien que possible la place de la personne de confiance dans la loi de préparation de la société au vieillissement ; par homothétie, gardons un dispositif identique pour les personnes en fin de vie. Avec « les proches », cela donnera n'importe quoi !

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - « Au lit du patient », selon l'expression consacrée, le corps médical ne peut s'opposer à la présence de membres de la famille, sans hiérarchie entre eux. Il s'agit bien de procédure collégiale et non d'une décision collégiale : la décision reste au médecin en charge du patient. Nous parlons à dessein d'équipe soignante : par expérience, je sais qu'une femme de service a autant son mot à dire sur le plan de l'humanité - dont les médecins n'ont pas le monopole - si elle a passé du temps avec le patient le matin même, tandis que le médecin était débordé. Cela est en outre cohérent avec des dispositions postérieures. Les modalités sont enfin renvoyées au règlement.

M. René-Paul Savary . - Cela ne réglerait pas le problème du cas Lambert, que je connais bien.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - La loi ne peut pas régler tous les cas ! En revanche, je comprends que vous vous posiez des questions sur les désaccords au sein de sa famille. Mais cela ne peut se régler par la loi.

M. René-Paul Savary . - La collégialité est déjà dans la loi Leonetti.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Pas aussi précisément.

M. Jean-Baptiste Lemoyne . - La phrase qui figure avant l'alinéa 3 - « Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.3 » - disparaît-elle avec la nouvelle rédaction ?

M. Daniel Chasseing . - Je suis favorable à la suppression de l'alinéa 3. Certaines familles voient dans l'hydratation des personnes âgées une obstination thérapeutique ! Cette proposition de loi ne concerne pas les personnes malades qui veulent mourir mais celles qui vont mourir.

M. Alain Milon, président . - L'alinéa 3 disparaît si l'amendement des rapporteurs est voté.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je suis très inquiet de votre ouverture au-delà de l'équipe médicale : si les traitements « peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris conformément à la volonté du patient et à l'issue d'une procédure collégiale » qui « réunit l'ensemble de l'équipe soignante », celle-ci ne s'étend pas jusqu'au personnel de service, dont l'avis peut être faussé en raison de ses convictions philosophiques ou religieuses dans un sens ou un autre. Avec « les membres de la famille ou les proches qui le souhaitent », vous risquez de provoquer de nouveaux cas Vincent Lambert, avec une famille qui s'oppose aux volontés du patient.

Mme Catherine Deroche . - Si je comprends bien l'expression « à défaut », il s'agit d'un deuxième recours.

M. Jean Desessard . - Dire que la nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement était pourtant intéressant.

M. Alain Milon, président . - C'est un point de vue juridique et non médical.

M. Jean Desessard . - Mais nous faisons du droit ! Peut-on dissocier les votes ?

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - C'est la jurisprudence du Conseil d'Etat.

M. Jean Desessard . - C'est bien de le dire à nouveau.

Mme Catherine Génisson . - La nouvelle rédaction me rend perplexe : pourquoi tant modifier l'alinéa 2 ? Pourquoi réintroduire la famille et les proches ?

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Nous avons souhaité donner plus de force à la définition de la procédure collégiale définie par les articles 36 et 37 du code de déontologie médicale en la faisant remonter du domaine réglementaire vers la loi.

Mme Nicole Bricq . - Je serai presque tentée de demander un avis médical... mais arrêter l'hydratation et l'alimentation me semble être la double peine.

M. Alain Milon, président . - Nous sommes d'accord médicalement.

Mme Nicole Bricq . - Vous avez peut-être raison de l'enlever ; mais vous devriez l'introduire avec une rédaction positive. Par ailleurs, les « proches » ne correspond pas à une notion juridique.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Elle figure pourtant dans le code de la santé publique.

Mme Catherine Deroche . - Pourquoi ne plus faire référence au code de déontologie médicale ?

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Ce serait subordonner la loi au règlement. C'est contraire au principe de hiérarchie des normes.

L'amendement n° COM-19 ainsi rectifié est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel avant l'article 3

M. Alain Milon, président . - Je propose de mettre en discussion commune les amendements n° s COM-9, COM-10 et COM-13, qui ne se placent pas au même endroit du texte, mais qui portent tous sur l'aide active à mourir.

M. Jean-Pierre Godefroy . - J'ai déjà évoqué mon amendement dans la discussion générale et j'aurai l'occasion de développer mon argumentation en séance.

M. Jean Desessard . - J'en ferai de même.

M. Olivier Cadic . - J'ajouterai simplement que, lors d'une audition organisée par les rapporteurs à laquelle j'ai assisté, j'ai posé la question plusieurs fois à Edgar Morin : que penser d'un Etat qui interdit à quelqu'un d'en finir de manière paisible entouré de ses proches lorsqu'il se sait condamné ? Il m'a répondu : seul un Etat autoritaire s'oppose à une telle volonté clairement décidée.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - J'ai tenu à écouter Edgar Morin, pour qui j'ai une profonde estime. Mais avouez que vous êtes allé chercher cette réponse aux forceps, en posant trois fois la question ! Je ne suis pas persuadé qu'elle couvrait véritablement le champ du sujet... Avis défavorable.

M. Alain Milon, président . - On a le droit de vouloir sa mort, mais pas d'imposer à quelqu'un de la donner à sa place.

L'amendement n° COM-9 n'est pas adopté, non plus que les amendements n° COM-10 et n° COM-13.

Article 3

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-20 clarifie les cas dans lesquels la sédation profonde et continue doit être mise en oeuvre. Il supprime la mention de la prolongation « inutile » de la vie, ô combien ambiguë, et regroupe les cas en deux hypothèses selon la capacité du patient à exprimer sa volonté. Dans le cas où une personne souhaite arrêter tout traitement, il précise, de façon à écarter toute dérive, que la sédation profonde et continue n'est mise en oeuvre qu'en cas de souffrance réfractaire. Il prévoit enfin la possibilité de recevoir une sédation profonde dans un établissement médico-social, grâce aux équipes mobiles de soins palliatifs.

M. Daniel Chasseing . - Plutôt que « lorsque le que le pronostic vital est engagé à court terme », je préférerais préciser « à très court terme, c'est-à-dire en heures et en jours ».

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - « A court terme » suffit.

L'amendement n° COM-20 est adopté.

Les amendements n os COM-14, COM-7, COM-4 et COM-8 deviennent sans objet.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-21 réunit en un seul article les dispositions relatives à la prise en charge de la souffrance et celles relatives aux soins palliatifs, tout en clarifiant les conditions d'information du patient sur les conséquences des traitements envisagés ; il supprime en outre une disposition redondante.

L'amendement n° COM-21 est adopté.

Les amendements n os COM-5 et COM-6 deviennent sans objet.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4 bis

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-22 supprime l'article 4 bis, dispositif inutilement lourd au regard des obligations qui pèsent déjà sur les agences régionales de santé (ARS). Ce travail relève plutôt de l'Observatoire sur la fin de vie et des mécanismes prévus par les plans de développement des soins palliatifs.

Mme Catherine Génisson . - Le dispositif est en effet très lourd ; pour autant, les ARS doivent rester au coeur de la mise en place des soins palliatifs.

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Elles y sont déjà.

Mme Catherine Génisson . - Pas complètement. Elles devraient prendre en compte mieux qu'aujourd'hui l'objectif d'implantation des soins palliatifs. Eliminer les ARS du paysage, c'est dommage.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Vous avez raison sur le registre des sédations profondes, qui n'est pas nécessaire.

M. Daniel Chasseing . - Il n'y aurait plus de registre ?

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - Les sédations sont décrites comme les autres pratiques dans les établissements et font l'objet d'un protocole.

M. Jean Desessard . - Je vote contre.

L'amendement n° COM-22 est adopté et l'article 4 bis supprimé.

L'amendement n° COM-15 devient sans objet.

Article 5

L'amendement rédactionnel n° COM-23 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-24 supprime l'article 7, qui apporte une précision inutile, car la section concerne les personnes en fin de vie et non celles qui refusent un traitement.

L'amendement n° COM-24 est adopté et l'article 7 supprimé.

Article 8

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-25 complète, à l'alinéa 2, la référence au contenu des directives anticipées, abordé pour l'instant uniquement sous l'angle du refus, de la limitation ou de l'arrêt des traitements. Il prend ainsi en compte un souhait de poursuivre tel ou tel traitement dans telle ou telle situation ou un refus d'arrêt de traitement au titre de l'obstination déraisonnable. Il rend facultatif, à l'alinéa 3, le recours au modèle.

La rédaction actuelle de l'alinéa 4 pose deux problèmes de compréhension : l'expression « manifestement inappropriées » est trop vague et susceptible de remettre en cause l'opposabilité des directives car son appréciation relève de la décision du seul médecin ; la procédure collégiale citée n'est pas suffisamment précise et son objectif n'est pas indiqué ; il est successivement question de la sollicitation par le médecin d'un « avis collégial » et de la « décision collégiale » qui s'impose à lui.

Notre amendement prévoit une rédaction plus précise des deux cas dans lesquels le médecin n'est pas tenu de se conformer aux directives anticipées : en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire pour évaluer la situation médicale du patient et lorsque la situation médicale du patient ne correspond pas aux circonstances visées par les directives.

Il précise également la procédure selon laquelle la possibilité d'appliquer les directives anticipées est examinée, en renvoyant à la procédure collégiale telle que celle visée à l'article L. 1110-5-1 dans la nouvelle rédaction proposée par les rapporteurs. Il prévoit expressément que la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou les proches soient informés de la possibilité ou de l'impossibilité d'appliquer les directives. Il procède enfin à des ajustements rédactionnels.

M. Georges Labazée . - Votre rédaction est remarquable ; mais elle concentre tous les pouvoirs entre les mains du médecin. Qu'en est-il du patient ?

M. Jean-Pierre Godefroy . - Quelles sont les situations visées par « les mesures de protection juridique, au sens du chapitre II du titre XI du livre I er du code civil » ?

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - La tutelle et la curatelle.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je suis circonspect face à l'idée de soumettre ces questions au contrôle du juge des tutelles. Il ne devrait pas décider de la vie et de la mort.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Nous ne modifions pas ces dispositions qui résultent d'un amendement du Gouvernement.

Mme Nicole Bricq . - Vous ne répondez pas à la question du registre national : franchement, est-il nécessaire ? Vous connaissez le problème de la protection des données personnelles. Vous enlevez à l'alinéa 4 l'expression « manifestement inappropriées », de mon expérience du côté des patients, je sais que c'est un problème.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Cette expression donne justement beaucoup plus de pouvoir au médecin que notre rédaction : il pourra toujours dire que les directives anticipées ne sont pas appropriées pour refuser de s'y conformer. Notre rédaction donne plus de facultés au patient en prévoyant que la décision médicale s'appuie sur un avis collégial. Le registre national est facultatif. Enfin, prévoir que des volontés puissent être consignées sur une feuille non déposée chez le notaire me semble aller dans le bon sens.

Mme Claire-Lise Campion . - Le juge devra vérifier qu'une personne placée sous sa protection ou sous celle du conseil de famille est bien en capacité de s'exprimer sur cette question et n'est pas abusée. Je comprends la question de Jean-Pierre Godefroy ; peut-être devrait-on imaginer un autre terme qu'autorisation ?

M. Alain Milon, président . - Il s'agit de la rédaction de l'Assemblée nationale que nos rapporteurs ont conservée dans leur amendement.

M. Michel Amiel, co-rapporteur . - Elle a été validée par la Chancellerie...

Je rappelle la rédaction actuelle de l'alinéa 4 de cet article : « Si les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées, le médecin doit solliciter un avis collégial ». Elle donne assurément plus de pouvoir au médecin que notre proposition.

M. Jean Desessard . - Je vote contre.

L'amendement n° COM-25 est adopté.

Les amendements n os COM-1, COM-11, COM-3, COM-16 et COM-2 deviennent sans objet.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

M. Gérard Dériot, co-rapporteur. - L'amendement n° COM-26 prévoit que la personne de confiance est cosignataire de la décision par laquelle elle est désignée. Il arrive en effet qu'une personne découvre qu'elle a été désignée comme personne de confiance au moment où les médecins font appel à elle et alors qu'elle ne souhaitait pas forcément jouer ce rôle. Elle doit pouvoir apporter son approbation par sa signature.

Cet amendement supprime en outre l'alinéa 3 qui ne figurait pas dans le texte d'origine et selon lequel la personne de confiance peut demander les informations du dossier médical, nécessaires pour vérifier si la situation médicale de la personne concernée correspond aux conditions exprimées dans les directives anticipées. Si la personne de confiance ne souscrit pas a priori à l'analyse du médecin, on voit mal comment le fait de recevoir de ce médecin des informations sur le contenu du dossier médical pourrait la convaincre. Il est préférable d'associer la personne de confiance à la procédure collégiale.

L'amendement n° COM-26 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-27 précise que le médecin a l'obligation de rechercher la volonté du patient pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, selon la formulation actuelle de l'article L. 1111-12 du code de la santé publique. Il ajoute que la personne de confiance « rend compte de la volonté du patient », sa mission s'apparentant à celle d'un mandataire, plutôt que de livrer un témoignage, notion réservée aux procédures judiciaires.

M. Jean Desessard . - Vous faites dans la dentelle !

L'amendement n° COM-27 est adopté.

L'amendement n° COM-12 devient sans objet.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

L'amendement de coordination n° COM-28 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'article 12 est adopté sans modification.

Article 13

L'article 13 est adopté sans modification.

Article 14

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - L'article 14 de la proposition de loi, qui ne figurait pas dans le texte d'origine, prévoit que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d'application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs. L'amendement n° COM-29 supprime cet article qui nous semble inutile dans la mesure où l'article 15 de la loi de 2005 prévoit déjà la présentation tous les deux ans d'un bilan de la politique de développement des soins palliatifs en annexe du projet de loi de finances ; en outre, le suivi des conditions de prise en charge des situations de fin de vie dans notre pays relève de la mission de l'Observatoire national de la fin de vie créé en 2010 auprès du ministre chargé de la santé, avec pour mission d'apporter au débat public sur la fin de vie des données objectives et fiables pour éclairer les choix dans le domaine des politiques sanitaires et sociales et d'élaborer chaque année un rapport pour le Parlement et le Gouvernement.

L'amendement n° COM-29 est adopté et l'article 14 supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

M. Gérard Dériot, co-rapporteur . - L'amendement n° COM-17 simplifie l'intitulé de la proposition de loi dont l'objet serait désormais de créer « de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie. »

L'amendement n° COM-17 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Droit des malades et droit des patients en fin de vie

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

18

Modifications rédactionnelles, de précision et de cohérence

Adopté

Article 2
Refus de l'obstination déraisonnable

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

19

Clarification de la définition de l'obstination déraisonnable

Adopté

Article additionnel avant l'article 3

M. GODEFROY

9

Création d'un droit à une assistance médicalisée pour mourir pour les personnes malades en fin de vie

Rejeté

Article 3
Le traitement à visée sédative et antalgique
provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu'au décès

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

20

Encadrement des conditions de mise en oeuvre de la sédation profonde et continue

Adopté

M. RAYNAL

14

Suppression du mot inutilement

Satisfait

M. COMMEINHES

7

Obligation pour un médecin de mettre en place la sédation profonde à domicile

Tombé

M. COMMEINHES

4

Précision que le médecin est membre de l'équipe médicale

Tombé

M. COMMEINHES

8

Création d'une clause de conscience pour les médecins

Tombé

Article additionnel après l'article 3

Mme BOUCHOUX

10

Création d'un droit au suicide assisté

Rejeté

Article 4
Droit aux traitements antalgiques et sédatifs en cas de souffrance réfractaire

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

21

Modifications rédactionnelles, de précision et de coordination

Adopté

M. COMMEINHES

5

Coordination avec l'article L. 1110-5 du code de la santé publique

Tombé

M. COMMEINHES

6

Précision que c'est la vie du patient qui pourrait être abrégée

Tombé

Article additionnel après l'article 4

M. CADIC

13

Euthanasie ou suicide assisté

Rejeté

Article 4 bis
Présentation par les ARS d'un rapport annuel sur les soins palliatifs

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

22

Suppression de l'article 4 bis

Adopté

M. RAYNAL

15

Précision que le rapport ne doit pas comporter d'information permettant d'identifier les patients

Tombé

Article 5
Information des patients et droit au refus de traitement

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

23

Précision rédactionnelle et correction d'une erreur de référence

Adopté

Article 7
Mention de la possibilité pour les malades de refuser un traitement

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

24

Suppression de l'article 7

Adopté

Article 8
Renforcement du statut des directives anticipées

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

25

Encadrement des conditions de prise en compte des directives anticipées

Adopté

M. COMMEINHES

1

Prise en compte de la situation des personnes majeures qui font l'objet d'une mesure de protection juridique

Tombé

Mme BOUCHOUX

11

Demande d'une assistance médicalisée au suicide dans les directives anticipées

Tombé

M. RAYNAL

16

Information du patient sur le caractère inapproprié des directives

Tombé

M. COMMEINHES

3

Référence directe à l'article R. 4127-37 du code de la santé publique pour préciser le contenu de la procédure collégiale

Tombé

M. COMMEINHES

2

Prise en compte de la situation des personnes protégées

Tombé

Article 9
Précision de la mission de la personne de confiance

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

26

Précisions sur la mission de la personne de confiance

Adopté

Article 10
Hiérarchie des modes d'expression de la volonté du patient hors d'état de l'exprimer

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

27

Modifications rédactionnelles

Adopté

Mme BOUCHOUX

12

Précision que le médecin recueille le témoignage de la famille ou des proches pour faire émerger un consensus

Tombé

Article 11
Coordination

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

28

Coordination

Adopté

Article 14 (nouveau)
Rapport annuel sur le développement des soins palliatifs

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

29

Suppression de l'article 14

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

MM. AMIEL et DÉRIOT, rapporteurs

17

Modification de l'intitulé

Adopté

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

_______

Mardi 7 avril 2015


Pr Jean-Claude Ameisen , président du Conseil consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)

Mercredi 8 avril 2015


• Didier Borniche
, président de l'Ordre national des infirmiers (Oni)


• Pr Louis Puybasset
, directeur de l'unité de neuro-réanimation chirurgicale du groupe hospitalier Pitié Salpétrière


• Dr Vincent Morel
, président de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP)


• Daniel Carré
, secrétaire général, et Sylvain Fernandez-Curiel , chargé de mission, du collectif inter-associatif sur la santé (Ciss)


• Pr Didier Sicard
, président de la commission de réflexion sur la fin de vie en France


• Dr Xavier Mirabel
, médecin-conseil, et Henri de Soos , secrétaire général, d'Alliance Vita

Mardi 14 avril 2015


• Christian Krieger
, pasteur, vice-président de la Fédération protestante de France, et vice-président de l'Union des Eglises protestantes d'Alsace et de Lorraine


• Haïm Korsia
, grand rabbin de France au Consistoire central, Union des communautés juives de France


• Olivier Wang-Genh
, président de l'Union bouddhiste de France (UBF)


• Mgr Pierre d'Ornellas
, archevêque de Rennes, Dol et Saint Malo, président du groupe de travail des évêques sur la bioéthique, Conférence des évêques de France


• Mgr Emmanuel
, métropolite de France et président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF)

Mardi 21 avril 2015


Michel Meley , président, et Georges Charissoux , de la Fédération française mixte nationale « Le droit humain »


Daniel Keller , grand maître du Grand Orient de France


Dr Patrick Bouet , président du Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom)


Micheline Le Coniac et Anne Marie Siegfried Pénin du groupe bioéthique de la Grande Loge féminine de France (GLFF), et Françoise Thiriot , présidente de la Commission nationale de la laïcité (CNL) de la GLFF


Edouard Brézin , président de l'Union rationaliste

Mercredi 22 avril 2015


Jean-Luc Romero , président de l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD)


Dr Régis Aubry , président de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV)


Dr Jean-Marc La Piana , directeur de « La Maison » de Gardanne


Hélène Brocq , psychologue clinicienne au CHU de Nice


• Pr Michel Castra , université CHS-Lille 3


• Pr Dominique Thouvenin , Ecole des hautes études de santé publique

Mardi 5 mai 2015


Pr Patrick Bloch , président de la commission obédientielle d'éthique de la grande loge de France


Dr Julia Guilbert , praticien hospitalier en réanimation néonatale

Mercredi 6 mai 2015


Edgar Morin , philosophe, directeur de recherche émérite au CNRS

Mardi 12 mai 2015


Dr Dalil Boubakeur , président du Conseil français du Culte musulman (CFCM)


Frédérique Dreifuss-Netter , conseiller à la Cour de Cassation

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS
PAR LA COMMISSION

_______

PROPOSITION DE LOI

FIN DE VIE

COM-9

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

(n° 348)

20 MAI 2015

A M E N D E M E N T

présenté par

M. GODEFROY, Mme BATAILLE, MM.  KALTENBACH, MADEC, DAUDIGNY, VAUGRENARD, NÉRI, RAOUL, LECONTE et YUNG, Mmes  LEPAGE, TASCA et MONIER, M. CAZEAU, Mme M. ANDRÉ, MM.  BERSON, COURTEAU et LORGEOUX, Mmes  MEUNIER, RIOCREUX et LIENEMANN, MM.  POHER, CABANEL et REINER, Mme YONNET, MM.  BIGOT et LABAZÉE, Mme GUILLEMOT, MM.  SUTOUR, FILLEUL, S. LARCHER, DURAN et ROME, Mme D. GILLOT, M. DURAIN et Mmes  TOCQUEVILLE, SCHILLINGER, DURRIEU, BLONDIN et CAMPION

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 3

Rédiger ainsi cet article :

I L'article L. 1110-9 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable lui infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable, qui s'est vue proposer l'ensemble des soins palliatifs auxquels elle a droit, peut demander à bénéficier, dans les conditions prévues au présent titre, d'une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré une mort rapide et sans douleur. Cet acte peut être accompli par la personne elle-même ou par le médecin qu'elle a choisi. Le médecin doit avoir la conviction que la demande de la personne est totalement libre, éclairée, réfléchie et qu'il n'existe aucune solution acceptable par elle-même dans sa situation. »

II Après l'article L. 1111-12 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« L. 1111-12-1 . - Toute personne, en phase avancée ou terminale d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qui se trouve de manière définitive dans l'incapacité d'exprimer une demande libre et éclairée, peut bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir à la condition que celle-ci figure expressément et de façon univoque dans ses directives anticipées. »

OBJET

Depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, le Sénat a été à l'origine de nombreuses initiatives pour permettre aux personnes dont l'état de santé ne laisse plus aucun espoir de guérison de ne pas finir leurs jours dans la souffrance et d'avoir le droit de choisir le moment de leur mort.

Nous sommes parvenus au Sénat depuis plusieurs années à dépasser nos clivages habituels dans ce débat si sensible qui touche nos convictions les plus intimes. Ainsi, en janvier 2011, nous avions réussi à faire adopter en commission des affaires sociales un texte signé par des membres du groupe socialiste, du groupe UMP et du groupe communiste. Celui-ci avait ensuite été rejeté en séance.

Depuis, plusieurs propositions de loi allant dans le sens du présent amendement ont été déposées par des sénateurs provenant de tous les groupes politiques représentés au Sénat. Certaines d'entre elles ont  été soumises à l'avis du Conseil d'État - en application du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution - qui a estimé qu'aucune norme de nature constitutionnelle ou conventionnelle ne pourrait par principe faire obstacle à une législation permettant d'instaurer un droit à pouvoir bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir dans des conditions bien définies.

Cet amendement vise donc les personnes (qu'elles soient en état ou hors d'état d'exprimer leurs volontés) pour lesquelles l'arrêt du traitement ne suffirait pas à soulager leur douleur et propose de leur donner la possibilité de bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir.

PROPOSITION DE LOI

FIN DE VIE

COM-10

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

(n° 348)

21 MAI 2015

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme BOUCHOUX, M. DESESSARD et Mme ARCHIMBAUD

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 3

Rédiger ainsi cet article :

Après le même article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-5-2-1. - Toute  personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander, dans les conditions prévues au présent titre, à bénéficier d'une assistance médicalisée au suicide.

« La demande du patient est immédiatement étudiée par un collège de trois médecins afin d'en vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite et de s'assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve l'intéressé.

« Si le patient est en mesure d'accéder à toutes les solutions alternatives d'accompagnement et de soulagement de la douleur physique et psychique et qu'il confirme sa volonté de bénéficier d'une assistance médicalisée au suicide au moins quarante-huit heures après sa demande initiale, alors sa volonté doit être respectée. Le médecin informe le patient des conditions concrètes de l'assistance médicalisée au suicide.

« Dans un délai maximal de quatre jours après la confirmation de la demande par le patient, l'assistance médicalisée au suicide est pratiquée par le patient lui-même en présence d'un médecin. L'intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« L'ensemble de la procédure suivie est inscrit dans le dossier médical du patient. »

OBJET

Cet amendement vise à instaurer l'assistance médicalisée au suicide dans des conditions strictes, en plus de la sédation profonde et continue jusqu'à la mort prévue par le texte.

Il reprend une recommandation du rapport du Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) sur le débat public concernant la fin de vie du 21 octobre 2014 et introduit les différentes préconisations d'encadrement de cette pratique afin de mieux protéger les intérêts du patient telles qu'elles y sont définies.

Cet amendement répond également aux voeux exprimés par la Conférence de citoyens sur la fin de vie dans son avis du 14 janvier 2013.

PROPOSITION DE LOI

FIN DE VIE

COM-13

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

(n° 348)

22 MAI 2015

A M E N D E M E N T

présenté par

M. CADIC

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

L'article L. 1110-9 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale, même en l'absence de diagnostic de décès à brève échéance, atteinte d'au moins une affection accidentelle ou pathologique avérée, grave, incurable et/ou à tendance invalidante et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ou qu'elle juge insupportable, peut demander à bénéficier d'une aide active à mourir ou d'un suicide assisté.

OBJET

Cet amendement ne retranche rien au dispositif proposé par le texte voté à l'Assemblée nationale. Elle permet seulement d'ouvrir à des malades le droit de mourir dans la dignité sous assistance médicale.

Une proposition respectueuse de l'humanisme et de la liberté individuelle lorsqu'elle est exprimée de façon éclairée et réfléchie.

Il s'agit ici de satisfaire 96% des Français qui, selon un sondage Ifop réalisé en octobre 2014 pour l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), souhaitent que l'on "autorise les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie des personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent".

Avec le vote de cet amendement, les Français bénéficieraient enfin de leur ultime liberté, comme les Néerlandais, les Belges, les Luxembourgeois et les Suisses en disposent déjà dans leur propre pays.


* 1 Plusieurs propositions de loi sénatoriales ont été discutées au cours des dernières années. La proposition de loi n° 65 (2008-2009) déposée le 29 octobre 2008 par Alain Fouché, sénateur UMP, la proposition de loi n° 659 (2009-2010) déposée par Jean-Pierre Godefroy et plusieurs membres du groupe socialiste, la proposition de loi n° 31 (2010-2011) déposée par Guy Fischer, François Autain et plusieurs membres du groupe CRC-SPG et la proposition de loi n° 182 (2013-2014) de Corinne Bouchoux et plusieurs de ses collègues membres du groupe écologiste.

* 2 Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs.

* 3 Bilan du programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012, juin 2013.

* 4 Rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie, page 38.

* 5 Conseil d'État n° 375081 du 14 février 2014.

* 6 Sédation pour détresse en phase terminale et Sédation pour détresse en phase terminale et dans des situations spécifiques et complexes : dans des situations spécifiques et complexes : recommandations chez l'adulte et spécificités au domicile et en gériatrie recommandations chez l'adulte et spécificités au domicile et en gériatrie, 2009.

* 7 Ined, « Les décisions médicales en fin de vie en France », Population et sociétés n° 494, novembre 2012, page 4.

* 8 Rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie, page 46.

* 9 Igas, « La mort à l'hôpital », novembre 2009, page 75.

* 10 Rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie, page 31.

* 11 M. Jean Yves Le Déaut, député, et M. Bruno Sido, sénateur, rapport (n° 2621 Assemblée nationale et n° 326 Sénat) au nom de l'Opecst sur l'évaluation, prévue par l'article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, des conditions du débat public relatif à la fin de vie, pages 23 et 24.

* 12 Cour des comptes, rapport public annuel, « Les soins palliatifs : une prise en charge toujours très incomplète », février 2015, page 225.

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