II. UN ACCORD INTERNATIONAL CONTRAIGNANT POUR LUTTER EFFICACEMENT CONTRE CE FLÉAU

A la suite de l'adoption, en 1993 , dans le cadre de la FAO, de l'Accord visant à promouvoir le respect par les navires pêchant en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion , puis en 1995 , dans le cadre de l'Organisation des Nations unies , de l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà des zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs , ainsi que du Code de conduite pour une pêche responsable , sous l'égide de la FAO , des travaux ont été menés, toujours dans cette enceinte, en vue de lutter plus spécifiquement contre la pêche INN.

Un plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite non déclarée et non règlementée (PAI) a été ainsi adopté par consensus à la vingt-quatrième session du Comité des pêches de la FAO en mars 2001 , puis entériné par le Conseil de la FAO à sa vingtième session en juin 2001, après plusieurs consultations techniques. Cet instrument non contraignant, élaboré dans le cadre du code de conduite pour une pêche responsable, donne la définition de la pêche illicite, de la pêche non déclarée et de la pêche non règlementée.

Selon la présentation des services du ministère des affaires étrangères et du développement international, le plan d'action vise à encourager la participation et la coordination entre les États, par le biais des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), de la FAO, de l'industrie hauturière, des communautés de pêcheurs locaux et des organisations non gouvernementales (ONG), dans le but d'assurer la conservation et utilisation durable des stocks de poissons, ainsi que la protection de l'environnement marin.

Conformément à l'approche systématique et intégrée retenue par le PAI, l'ensemble des mesures de lutte contre la pêche INN doit porter sur tous les facteurs intéressant les pêches . Dans cette optique, les États doivent prendre des mesures s'appuyant sur le principe de la responsabilité première de l'État du pavillon, compte tenu des pouvoirs dont ils disposent au titre des mesures relevant de l'État du port ou de l'État côtier, ainsi que des mesures à caractère commercial.

Les États du pavillon doivent notamment prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que leurs ressortissants ne soutiennent, ni ne pratiquent la pêche INN , conformément à leurs obligations au titre de la Partie VII relative à la haute mer de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 et de l'Accord des Nations unies de 1995 sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs, ainsi que l'Accord de la FAO de 1993. Ils doivent ainsi les sanctionner et les priver des profits qui découlent de la pratique de la pêche illicite . Cela implique la mise en place d'un système de contrôle et une surveillance systématiques et efficaces de la pêche, du commencement des opérations jusqu'à la destination finale. Les Etats du pavillon doivent ainsi :

- enregistrer les navires sous leur juridiction qui sont autorisés à pêcher et leur délivrer des autorisations de pêche ;

- exiger que ces navires soient munis d'un système de surveillance électronique infalsifiable et qu'ils embarquent des observateurs indépendants chargés de veiller à la conformité des opérations de pêche avec les règles établies dans la zone concernée ainsi qu'à la sincérité des déclarations permettant d'assurer la traçabilité des captures ;

- veiller à la mise en place par le secteur de la pêche d'une procédure d'acquisition, d'archivage et de diffusion des données de pêche ;

- procéder à l'inspection et le cas échéant à l'arraisonnement des navires soupçonnés de pratiquer la pêche INN, dans le respect du droit international de la mer et des dispositions des organisations régionales de gestion des pêches ;

- et éviter d'accorder un soutien économique, y compris des subventions, à des sociétés, navires ou personnes se livrant à la pêche INN.

L'application du PAI , qui doit se faire de manière transparente et sans discrimination à l'encontre des autres États ou de leurs navires de pêche, s'appuie sur la mise en oeuvre progressive de plans d'action nationaux. Toute législation nationale découlant du PAI doit inclure un volet relatif au régime de la preuve d'actes constitutifs de la pêche INN, et notamment des dispositions sur la recevabilité des preuves électroniques et l'utilisation des nouvelles technologies.

Ces mesures de l'État du port sont rapidement apparues comme un outil déterminant dans la lutte contre la pêche INN et ont été intégrées , au fil des années, dans des instruments nationaux ou régionaux comme les organisations régionales de gestion de pêche.

Dans le contexte de lutte contre la pêche INN, la FAO a travaillé à la rédaction de normes de contrôle dans les ports de pêche, qui ont été regroupées sous la forme d'un « Dispositif type relatif aux mesures du ressort de l'État du port dans le contexte de la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée » . Ce dispositif type a été approuvé, en 2005 , par le Comité des pêches de la FAO, qui a également décidé la création d'une base de données répertoriant les mesures de l'Etat du port par pays. Il recommande des normes internationales minimales non contraignantes à mettre en oeuvre au niveau régional ou national.

En mars 2007, le Comité des pêches de la FAO , répondant à une demande de la communauté internationale, a décidé l'élaboration d'un instrument international juridiquement contraignant relatif aux mesures du ressort de l'État du port, s'appuyant sur le plan international d'action et le dispositif type précités . Sur la base d'un projet préparé par un groupe d'experts en septembre 2007, les membres du FAO ont négocié le texte final, article par article, dans le cadre de quatre sessions d'une semaine, entre juin 2008 et août 2009.

La Résolution 12/2009 portant approbation de l'accord a été adoptée par la Conférence des Parties, le 22 novembre 2009 , par 106 voix contre 2 et 12 abstentions. Cet accord a été signé le jour même par l'Union européenne ainsi que dix États membres de la FAO (Angola, Brésil, Chili, États-Unis, Indonésie, Islande, Norvège, Samoa, Sierra Leone, Uruguay).

Cet accord poursuit les mêmes objectifs que le dispositif communautaire, principalement mis en place par le règlement (CE) n°1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non règlementée, dit « règlement INN » . Ce règlement est entré en vigueur le 1 er janvier 2010.

Selon les services du ministère des affaires étrangères et du développement international, ce règlement INN tend à imposer des contrôles plus stricts dans les eaux de l'Union, mais vise aussi à garantir que les États tiers respectent les obligations découlant du droit international . À cette fin, il permet d'inscrire sur une liste noire les pays qui feignent d'ignorer les activités de pêche illégale. En même temps, ce règlement prévoit la publication régulière d'une liste de navires INN , sur la base des listes établies par les organisations régionales de gestion des pêches, qui doit être régulièrement mise à jour. Les règles communautaires visent à garantir que seuls les produits de la pêche validés comme étant légaux par l'État du pavillon ou le pays exportateur concerné peuvent être importés dans l'Union européenne ou exportés à partir de l'Union européenne. Elles prévoient qu' un navire de pêche est présumé pratiquer la pêche INN lorsqu'il ne possède pas de licence de pêche en cours de validité, néglige de transmettre ou d'enregistrer les données de capture, pêche dans une zone interdite, pêche des espèces non autorisées, utilise des engins interdits ou non conformes, falsifie ou dissimule son identité, falsifie ou dissimule des éléments de preuve concernant une enquête, entrave le travail des inspecteurs, embarque, transborde ou débarque du poisson en-dessous de la taille réglementaire, participe à des activités avec des navires figurant sur la liste des navires INN, exerce des activités de pêche dans une zone couverte par une ORGP sans en respecter les mesures de conservation et de gestion, ou s'il bat pavillon d'un État non partie à cette organisation. S'agissant des opérations de débarquement , seuls les ports désignés par les États membres de l'Union européenne sont ouverts aux navires des pays tiers. Les transbordements entre navires de pays tiers et navires de l'UE sont interdits en mer et ne peuvent avoir lieu que dans les ports désignés. L'État sur le territoire duquel le port est situé est chargé de contrôler les produits de la pêche débarqués. Cela permet d'attester que lesdits produits sont licites et que le navire est en règle, c'est-à-dire qu'il possède les licences et permis requis, et respecte les quotas de pêche. Un certificat de capture garantit que les produits débarqués dans l'UE ne proviennent pas de la pêche INN. Ces certificats sont délivrés par l'État du pavillon . Ils accompagnent les produits de la pêche tout au long de la chaîne d'approvisionnement pour faciliter les contrôles.

Les États membres sont tenus d'appliquer des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives à l'encontre des personnes physiques ou morales liées aux activités de pêche INN. Une sanction maximale d'un montant égal à au moins cinq fois la valeur des produits de la pêche obtenus est prévue dans le cadre de ladite infraction. En cas d'infraction répétée sur une période de cinq ans, les États membres imposent une sanction maximale d'un montant égal à au moins huit fois la valeur des produits de la pêche obtenus dans le cadre de ladite infraction. Ainsi, les opérateurs européens qui pratiquent la pêche illégale, partout dans le monde et sous quelque pavillon que ce soit, risquent des amendes considérables, proportionnelles à la valeur économique de leurs captures, visant à les priver de tout profit.

La réglementation nationale découle directement de la législation communautaire. Dès lors, les territoires français dans lesquels s'applique le droit communautaire connaissent des dispositions relatives à la lutte contre la pêche INN d'un niveau d'exigence au moins égal à celui de l'accord. Les collectivités françaises d'outre-mer appliquent, quant à elles, les dispositions du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit déjà notamment un dispositif de contrôle et de sanctions dans les ports.

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