Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Dominique de LEGGE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015

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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 8

DÉFENSE

Rapporteur spécial : M. Dominique de LEGGE

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

Le présent rapport a été examiné par la commission des finances du Sénat le jeudi 5 novembre 2015, avant les attaques terroristes survenues à Paris le vendredi 13 novembre 2015 et les annonces faites par le Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès le lundi 16 novembre 2015.

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le budget 2016 met en oeuvre les changements apportés par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Par rapport à la programmation initiale, les ressources du ministère de la défense sont accrues et mieux sécurisées .

2. Selon la nomenclature de la loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM), les crédits budgétaires (CP) de la mission « Défense » sont portés de 29 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2015 à 31,7 milliards d'euros en 2016 , soit une hausse de 9,4 %, quand les recettes exceptionnelles du ministère de la défense passent de 2,4 milliards d'euros à 250 millions d'euros .

3. Au total, les ressources du ministère de la défense s'établissement en 2016 à près de 32 milliards d'euros , contre 31,4 milliards d'euros en 2015, soit une augmentation de 1,8 %.

4. Le plafond d'emplois du ministère de la défense augmente de 2 300 équivalents temps plein (ETP) . Hors OPEX et hors pensions, la masse salariale 2016 est attendue à 11,1 milliards d'euros, en hausse de 3,2 % par rapport à loi de finances initiale pour 2015. Cette hausse s'explique également pour partie par la moindre déflation des effectifs en 2015, conformément à la programmation actualisée.

5. Les recettes exceptionnelles proviennent pour 200 millions d'euros des cessions immobilières du ministère de la défense et pour 50 millions d'euros de la vente de matériels militaires . Les recettes issues de cessions immobilières dépendent pour les deux tiers de la vente d'emprises parisiennes, notamment l'îlot Saint-Germain, libérées grâce au déménagement des services du ministère de la défense vers le site de Balard.

6. Les cessions immobilières du ministère de la défense sont soumises au risque de l'application d'une décote de droit , en application de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi « Duflot I ».  Pour garantir les recettes prévues, la loi actualisant la programmation militaire a plafonné, à l'initiative du Sénat, la décote à 30 % de la valeur vénale des immeubles cédés par le ministère de la défense, alors qu'elle aurait pu autrement être intégrale. L'Assemblée nationale a introduit dans la première partie du présent projet de loi de finances un article revenant sur le plafonnement . Votre rapporteur souhaite que la commission des finances adopte un amendement visant à maintenir cette garantie .

7. Conformément à la programmation actualisée, les crédits d'équipement des forces sont portés de 16,7 milliards d'euros en loi de finances initiale 2015 à 17 milliards d'euros en 2016 . Les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progressent de plus de 200 millions d'euro en 2016 pour s'établir à 3,4 milliards d'euros, soit une hausse de 7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

8. Le budget de la défense pour 2016 prévoit un calendrier de livraison des matériels conforme à la programmation actualisée .

9. Malgré la hausse des effectifs, les crédits des dépenses de fonctionnement sont stables à 3,52 milliards d'euros .

10. Le ministère de la défense fait face à d' importants besoins en matière immobilière et d'infrastructures du fait du relèvement des effectifs de la force opérationnelle terrestre  et de son rôle accru dans la protection du territoire, ainsi que de la nécessaire remise à niveau de la protection des sites de munitions. Les crédits de paiement s'établissent en 2016 à 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement, soit 11,4 % de plus qu'en 2015, mais le besoin de financement est estimé à 1,4 milliard d'euros.

11. Jusqu'ici d'un poids budgétaire limité, les opérations intérieures (OPINT) représentent depuis 2015 un coût important, qui n'est pourtant pas budgété . Les surcoûts de l'opération Sentinelle pour 2015 sont de l'ordre de 194 millions d'euros dont environ 80 millions d'euros de dépenses de titre 2 et 114 millions d'euros de dépenses de hors titre 2. La dépense 2016 pourrait être du même ordre. Pourtant, le présent projet de loi de finances ne prévoit que 26 millions d'euros, sur le seul titre 2, pour financer le surcoût de rémunération lié aux OPINT, contre 11 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2015.

12. Malgré un dépassement de près de 670 millions d'euros en 2014 et 2015, la provision destinée à couvrir le surcoût des opérations extérieures (OPEX) en 2016 est inchangée à 450 millions d'euros . Elle sera à nouveau insuffisante , pour un montant encore indéterminé mais sans doute très significatif, probablement du même ordre que celui constaté en 2015. Le dépassement de la provision OPEX, de même que certaines dépenses d'autres ministères, fait l'objet d'un financement interministériel auquel la mission « Défense » contribue pour une large part .

13. En 2015, la surconsommation des crédits de personnels hors OPEX devrait s'élever à 199,2 millions d'euros et en principe être couverte en « auto-assurance » , c'est-à-dire par des annulations de crédits hors titre 2, qui pèseraient alors principalement sur le programme 146 « Équipement des forces ». Or, contrairement aux années précédentes, le dépassement sur le titre 2 est, pour l'essentiel, la conséquence d'évènements et de décisions qui se sont imposées au ministère de la défense en cours de gestion (déclenchement de l'opération Sentinelle et moindre déflation des effectifs). L'application du principe d'auto-assurance se justifie donc difficilement .

14. De manière structurelle , se pose donc toujours la question de la budgétisation a priori et du financement a posteriori des opérations extérieures et, désormais, des opérations intérieures , la situation actuelle n'étant pas satisfaisante sur le plan des principes budgétaires, notamment celui de sincérité, et ne garantissant pas suffisamment la bonne exécution de la programmation militaire.

15. Des crédits budgétaires doivent encore être ouverts sur l'exercice 2015 pour compenser l'absence des 2,14 milliards d'euros de produit de cession de la bande de fréquences des 700 MHz , conformément à la programmation actualisée. Le coût net de 56,7 millions d'euros pour le programma 146 résultant des indemnités versées à la Russie au titre de l'annulation de la vente des Mistral doit également trouver une compensation conformément aux engagements pris par le Gouvernement.

16. Les mesures de fin de gestion 2015 (décret d'avance et loi de finances rectificative) seront donc déterminantes pour le respect effectif de la programmation actualisée .

A la date du 10 octobre 2015, date limite fixée par l'article 49 de la LOLF, votre rapporteur spécial avait reçu 100 % des réponses du ministère de la défense à son questionnaire budgétaire.

I. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROGRAMMATION ACTUALISÉE : UN BUDGET 2016 RENFORCÉ ET MIEUX SÉCURISÉ

A. LA RÉDUCTION DE LA PART DES RECETTES EXCEPTIONNELLES

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 (LPM) faisait reposer une part importante des ressources du ministère de la défense sur des recettes exceptionnelles, en particulier, à partir de 2015, le produit de la cession de la bande des 700 MHz libérée par les évolutions de format de la télévision terrestre numérique (TNT).

Trajectoire des ressources de la mission « Défense »
selon la LPM 2014-2019 (avant actualisation)

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Crédits budgétaires

29,612

29,609

30,127

30,654

31,497

32,364

Ressources exceptionnelles

1,767

1,767

1,249

0,907

0,276

0,154

Total

31,379

31,376

31,376

31,561

31,773

32,518

Source : ministère de la défense

Votre commission des finances avait alors formulé des réserves quant à la crédibilité du calendrier de cette cession, qui devait permettre au ministère de la défense de disposer de 1,57 milliard d'euros de crédits en 2015, à travers le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État », dit CAS « Fréquences ».

La loi de finances initiale pour 2015 avait relevé cette prévision de 600 millions d'euros, portant les crédits inscrits sur le CAS « Fréquences » à 2,14 milliards d'euros quand, dans le même temps, les crédits de paiement de la mission « Défense » étaient réduits de 600 millions d'euros par rapport à la loi de programmation militaire.

Considérant que cette recette ne pourrait être réalisée en 2015 et qu'en conséquence le budget présenté par le Gouvernement était insincère, le Sénat avait, sur la proposition de votre commission des finances, rejeté les crédits de la mission « Défense ».

Tout en maintenant sa prévision, le Gouvernement a souhaité prévoir un « plan B » consistant en une opération de cession-bail de matériels militaires impliquant des « sociétés de projet », l'Assemblée nationale introduisant pour cela dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances, déposé par le Gouvernement le 11 décembre 2014, un article visant à lever les obstacles juridiques à la mise en oeuvre de cette solution.

La commission spéciale chargée d'examiner ce projet de loi avait supprimé cet article en estimant que les sociétés de projet « n'étaient pas sans risque sur le plan financier et pourraient contribuer [...] à une précarisation supplémentaire des moyens du ministère de la défense, au travers d'une débudgétisation et d'une externalisation croissante » 1 ( * ) . Le Gouvernement a alors déposé un amendement en vue de la séance publique visant à rétablir cet article.

Cependant, à l'issue du Conseil de défense du 29 avril dernier, le Président de la République a annoncé que les recettes exceptionnelles prévues pour la programmation 2014-2019 seraient remplacées pour l'essentiel par des crédits budgétaires.

En conséquence, le Gouvernement a retiré son amendement de rétablissement et la suppression des dispositions relatives aux sociétés de projet a été maintenue dans le texte adopté par le Parlement.

Par la suite, la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 a effectivement substitué, en programmation, des crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles, celles-ci ne représentant plus que 930 millions d'euros sur l'ensemble de la période contre 6,26 millions d'euros prévus par la loi de programmation des finances publiques 2015-2017. Les recettes exceptionnelles résiduelles seront issues de la cession d'emprises immobilières du ministère de la défense et de la vente de matériel militaire 2 ( * ) (cf. infra ).

Les recettes exceptionnelles du ministère de la défense
pour la période 2015-2019

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

REX prévues par la LPM

1,77

1,25

0,91

0,28

0,15

4,36

REX prévues après la LPFP 2015-2017

2,4

1,88

1,55

0,28

0,15

6,26

REX prévues après l'actualisation

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Source : commission des finances du Sénat

Pour le budget 2016, le montant des recettes exceptionnelles, issues de cessions d'immeubles (200 millions d'euros) et de matériels militaires (50 millions d'euros) n'est plus que de 250 millions d'euros, soit moins de 0,8 % des ressources totales de la mission « Défense », contre près de 1,9 milliard d'euros initialement prévus avant l'actualisation.

B. LA LEVÉE DE L'HYPOTHÈQUE LIÉE AUX EXPORTATIONS

Dès la LPM initiale, il était prévu que les exportations permettraient de réduire progressivement la cadence de livraison de Rafale, tout en maintenant le minimum de 11 avions produits par an nécessaire pour conserver la viabilité industrielle du programme.

Livraisons de Rafale : prévisions LPM 2014-2019

Source : ministère de la défense

Cette hypothèse a pu apparaître comme un aléa majeur pour l'équilibre financier de la programmation. En effet, comme l'expliquait le ministère de la défense : « Un retard dans la conclusion des contrats à l'exportation du Rafale nécessiterait d'avancer la livraison à la France d'avions aujourd'hui prévus au-delà de la période de programmation, afin de maintenir l'activité de production Rafale. Les conséquences financières de ces mesures seront à négocier avec l'industrie en fonction des conditions négociées avec le ou les pays clients et de l'évolution des perspectives d'exportation ultérieures ».

Si la France avait dû finalement acquérir les 40 Rafale qu'il était prévu d'exporter, on estime qu'environ 4 milliards d'euros de ressources supplémentaires auraient dû être trouvées. Pour la seule année 2016, c'est un aléa de 700 millions d'euros qui pesait sur la mission « Défense ».

Les contrats d'exportation récemment conclus avec l'Égypte (24 appareils) et le Qatar (24 appareils) et l'annonce d'une commande par l'Inde de 36 appareils permettent de maintenir la charge de la chaîne industrielle Rafale et sécurisent la trajectoire financière de la LPM.

C. LE RENFORCEMENT DES MOYENS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

1. L'augmentation des ressources

Compte tenu du poids des recettes exceptionnelles dans le budget du ministère de la défense ces dernières années, l'évolution des crédits strictement budgétaires est en soi assez peu significative. Ainsi, entre la loi de finances initiale pour 2014 et la loi de finances pour 2015, les crédits de paiement de la mission « Défense », y compris le programme d'investissements d'avenir, étaient passées, hors pensions, de 31 milliards d'euros à 29 milliards d'euros, soit un recul de 2 milliards d'euros (- 6,4 %).

En prenant en compte les recettes exceptionnelles, les ressources de du ministère de la défense étaient en réalité stables à 31,4 milliards d'euros.

Le présent projet de loi de finances prévoit 31,7 milliards d'euros de crédits de paiement pour la mission « Défense », soit une hausse de 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Mission « Défense » (hors pensions, ressources exceptionnelles, fonds de concours et attributions de produits) par programme,
à structure constante (LFI 2015) et courante

(en millions d'euros)

Notes : La présentation des programmes budgétaires en « structure 2015 » ou « structure constante » correspond au périmètre utilisé lors de la présentation du PLF 2015.

La présentation des programmes budgétaires en « structure 2016 » ou « structure courante » intègre les modifications de périmètre de la maquette budgétaire.

Les variations entre les structures courante et constante intègrent, notamment, les transferts de compétence entre programmes budgétaires, les éventuelles compensations financières résultantes de modification d'accords internationaux (OTAN), ainsi que les éventuelles récupérations de paiements par le ministère de la défense de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans le cadre des externalisations.

Cette hausse reflète, en réalité, d'une part la substitution de crédits budgétaires à la majeure partie des recettes exceptionnelles prévues par la loi de programmation militaire initiale et d'autre part l'augmentation des ressources de la mission « Défense » prévue par la loi de programmation actualisée.

Hors pensions mais en comptant les recettes exceptionnelles, les crédits de paiement de la mission « Défense » s'établiront à 31,98 milliards d'euros contre 31,4 milliards d'euros en 2015 sur le même périmètre, soit une hausse de 1,8 %.

Évolution des crédits de paiement par agrégats
(hors CAS « Pensions », y compris REX)

(en milliards d'euros)

2014 (LFI)
(1)

2014
(exécution) (2)

2015
(LFI)

2016
(PLF)

Masse salariale hors OPEX, hors Cas pension

11,02

11,44

10,76

11,10

Fonctionnement

3,47

3,83

3,52

3,52

Équipements

16,42

15,82

16,66

16,90

OPEX (3)

0,45

1,12

0,45

0,45

TOTAL

31,37

32,21

31,40

31,98

Source : ministère de la défense

(1) LFI 2014 à périmètre équivalent à la LFI 2015, ie y compris le titre 2 de la mission « Anciens combattants », les dépenses de personnel étant regroupées à compter de la LFI 2015 au sein du programme 212 de la mission « Défense ».

(2) Ces montants prennent en compte, au-delà des ressources inscrites en LFI, la consommation de ressources complémentaires issues de mouvements réglementaires (reports de crédits, fonds de concours et attributions de produits, décrets de transfert ou de virement, etc.), ainsi que les mouvements de fin de gestion (LFR et décret d'avance visant à annuler des crédits et à en ouvrir pour couvrir les insuffisances OPEX et T2).

(3) Les paiements OPEX 2014 s'établissent à 1,12 milliard d'euros dont 0,82 milliard d'euros (T2+HT2) imputés sur le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX (agrégat OPEX) et 0,29 milliard d'euros de dépenses dites « ex-post », imputées sur les BOP d'armée et intégrées dans les agrégats équipement (EPM, EPP, munitions) ou fonctionnement (carburant opérationnel non terrestre).

Cette hausse de près 600 millions d'euros est la première traduction du relèvement des ressources de la mission « Défense » prévu par la loi actualisant la programmation militaire.

Au total, sur la période 2016-2019, la programmation militaire actualisée prévoit 3,8 milliards d'euros de ressources supplémentaires pour le ministère de la défense par rapport à la programmation initiale.

Il convient de relever que les deux tiers de cette augmentation, soit 2,5 milliards d'euros, sont concentrés sur les deux dernières années de la programmation (2018 et 2019).

Trajectoire actualisée des ressources de la mission « Défense »,
hors charges de pensions

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2015-2019

Majoration des crédits initiaux

0

0,6

0,7

1

1,5

3,8

Ressources totales actualisées

31,38

31,98

32,26

32,77

34,02

162,41

dont crédits budgétaires

31,15

31,73

32,11

32,62

33,87

161,48

dont ressources issues de cessions

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Source : commission des finances du Sénat

Ceci induit un besoin de financement pour l'État dont le Gouvernement ne précise pas comment il sera couvert, même s'il faut noter que le renoncement à financer le ministère de la défense grâce aux recettes de cession de la bande de fréquences des 700 Mhz ne signifie pas que cette cession n'aura pas lieu. Comme indiqué précédemment, le produit de celle-ci sera, le moment venu, affecté au budget général. Une partie de la substitution de crédits budgétaires aux REX consistera donc en une opération de trésorerie.

Chronique de la charge budgétaire liée à l'actualisation de la LPM
(crédits de substitution au REX et crédits supplémentaires)

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Crédits budgétaires se substituant au REX (après LPFP)

2,14

1,63

1,4

0,13

0

5,30

Majoration des crédits initiaux

0

0,6

0,7

1

1,5

3,8

Charge budgétaire totale

2,14

2,23

2,1

1,13

1,5

9,10

Source : commission des finances du Sénat

2. La traduction pour 2016 de la réduction de la cible de déflation des effectifs : un plafond d'emploi en hausse
a) La révision à la hausse du format des forces mais la poursuite du redéploiement des effectifs

À la suite des attentats de janvier dernier qui, en réponse, ont donné lieu au déploiement de l'opération Sentinelle afin de renforcer la sécurité sur le territoire national, le Conseil de défense du 29 avril 2015 a décidé une redéfinition du contrat opérationnel des forces terrestres. Celles-ci devront être capables de déployer 7 000 hommes durant une année sur le territoire national, avec la possibilité de monter jusqu'à 10 000 hommes pendant un mois. En conséquence, la loi actualisant la programmation militaire prévoit de porter le format de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 hommes à 77 000 hommes.

Des créations de postes sont prévues pour assurer le soutien humain et logistique de l'opération Sentinelle ainsi que le renforcement de la protection des sites du ministère.

Les effectifs contribuant au renseignement et à la cyberdéfense sont également significativement renforcés dans le cadre de la loi de programmation militaire actualisée.

Sur la période 2014-2019, les effectifs du renseignement relevant du ministère de la défense augmenteront de l'ordre de 1 200 postes, soit 900 postes de plus que ce que prévoyait la programmation initiale. Cette priorité se traduira également sur le plan des équipements, notamment en matière de drones et de satellites d'observation (cf. infra ).

Les effectifs consacrés à la cyberdéfense seront quant à eux renforcés par le recrutement d'au moins 1 000 civils et militaires sur la période.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, près de 190 créations d'emplois sont ainsi prévues au titre du renseignement et de la cyberdéfense.

Compte tenu de ces éléments, 18 750 équivalents temps plein 3 ( * ) (ETP) seront maintenus sur les 33 675 suppressions nettes de postes initialement prévues dans la LPM, soit une réduction nette des effectifs du ministère de la défense de 14 925 ETP sur la période 2014 et 2019.

8 007 suppressions nettes ayant déjà été réalisées en 2014, contre 7 881 prévues par la LPM, une réduction des effectifs de 6 918 ETP est programmée sur la période 2015-2019.

Pour 2016, le ministère de la défense présente un schéma d'emplois positif à hauteur de 2 300 ETP. Le schéma d'emploi du projet de loi de finances pour 2016 respecte ainsi la cible fixée par la programmation actualisée, y compris par catégories.

Évolution des effectifs
du ministère de la défense en 2016

(en équivalent temps plein)

PLF 2016

Officiers

-50

Sous-officiers

1 079

Militaires du rang

2 072

Volontaires

-20

Total militaires

3 081

CAT A

410

CAT B

116

CAT C

-135

CAT OE

-1 172

Total civils

-781

Total Mindef

2 300

Source : ministère de la défense

Le ministère de la défense souligne toutefois que « l'allégement de déflation ne modifie in fine pas fondamentalement les cibles de suppressions de postes initialement fixées sur la durée de la LPM (de l'ordre de 30 000 postes) ». De fait, cette forte réduction de la cible de déflation ne se traduira que par une baisse de 10,5 % des suppressions de postes brutes. C'est donc une part importante des emplois du ministère de la défense qui sera redéployée au profit des fonctions prioritaires.

Il faut également relever que la structure des emplois militaires connaît une forte évolution, s'agissant notamment de la marine nationale. L'amiral Bernard Rogel 4 ( * ) , chef d'état-major de la marine, a ainsi indiqué à votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 5 ( * ) qu'était en cours une « révolution [...] qui touche tous les volets, les ressources humaines, le soutien et l'organisation », imposée « par la structure des nouveaux bâtiments fortement automatisés, armés par des équipages optimisés. [...] La masse salariale des bâtiments de premier rang a ainsi été divisée par trois. Mais le taux d'encadrement en officiers, lui, n'a pas cessé d'augmenter - au point de ne plus signifier grand-chose du fait de la diminution de la base non qualifiée -, passant de 4,4 % à 14,9 %. C'est un peu la même chose que sur les standards téléphoniques : d'un très grand nombre d'opératrices connectant manuellement des fiches sur des meubles techniquement assez simples, on est passé à des meubles complexes, dépourvus d'opérateurs, mais requérant quelques maintenanciers hautement qualifiés. »

b) Une masse salariale en augmentation

En raison de la hausse des effectifs prévus en 2016, la masse salariale du ministère de la défense inverse la tendance à la baisse engagée depuis 2013.

Alors que la loi de finances pour 2015 prévoyait 18,7 milliards d'euros de crédits de titre 2, le budget 2016 en inscrit 19,4 milliards d'euros, soit une hausse de 3,7 %. Hors OPEX et hors CAS « Pensions », la masse salariale 2016 est attendue à 11,1 milliards d'euros, en hausse de 3,2 % par rapport à 2015.

Évolution de la masse salariale hors OPEX, hors CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

2014 (LFI)
(1)

2014
(exécution) (2)

2015
(LFI)

2016
(PLF)

Masse salariale hors OPEX, hors Cas pension

11,02

11,44

10,76

11,10

Source : ministère de la défense

Il faut signaler que, compte tenu du surcoût OPEX et de la réduction de la cible de déflation des effectifs, l'exécution 2015 devrait être supérieure à la prévision et s'établir à 19,7 milliards d'euros, soit un dépassement de 3,5 % (cf. infra ).

Par rapport à l'exécution 2015, les dépenses de personnel n'augmenteraient donc que de 0,3 %. Toutefois, la prévision 2016 ne prend pas en compte le dépassement probable du surcoût OPEX (cf. infra ), l'exécution sera donc sans doute supérieure.

Suivi de l'exécution du titre 2 (y compris CAS « Pensions ») depuis 2008,
prévisions d'exécution 2015 et 2016

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015*

2016*

P144

507

533

543

577

607

615

619

0

0

P146

889

1 853

1 835

1 862

1 904

2 015

1 918

0

0

P178

15 570

15 835

15 935

16 054

16 307

16 173

15 757

0

0

P212

1 719

838

970

1 035

1 193

1 188

1 198

19 368

19 423

TOTAL

18 685

19 059

19 283

19 528

20 011

19 991

19 492

19 368

19 423

*À compter du 1 er janvier 2015, l'ensemble des crédits de titre 2 est regroupé sur le programme 212

Source : ministère de la défense

3. La hausse des dépenses d'équipement
a) L'effort sur les programmes d'armement

La loi actualisant la programmation militaire prévoit un effort supplémentaire sur certaines capacités critiques notamment la composante « hélicoptères » (7 Tigres et 6 NH90 supplémentaires), la capacité de projection aérienne tactique (par l'achat de C-130 notamment) ou encore le renseignement (acquisition d'un troisième satellite MUSIS). En outre, la commande de 3 avions MRTT prévue initialement au-delà de la LPM sera anticipée en 2018, leur livraison devant intervenir en 2024 et 2025.

Le coût total de cet effort supplémentaire s'élève à 1,5 milliard d'euros sur la période 2016-2019, couvert pour 500 millions d'euros par des ouvertures de crédits et pour un milliard d'euros par le redéploiement d'économies liées à des prévisions plus favorables quant à l'évolution des indices économiques (prix du pétrole, prix de certains marchés de fourniture, taux de change).

Selon les indications communiquées par le ministère de la défense à votre rapporteur spécial, le coût d'acquisition des matériels sur la période 2016-2019 et leur calendrier de commande et de livraison, donné par paquet de programmes, serait le suivant :


Paquet frégates (FREMM, FTI et RMV FLF) - environ 150 millions d'euros

- L'objectif est de disposer à terme de 15 frégates de 1 er rang. La commande des premières Frégates de Taille Intermédiaire (FTI) est anticipée sur la période, avec une livraison de la 1 ère FTI prévue en 2023. Les premiers travaux d'études seront lancés dès fin 2015.


Paquet hélicoptères (TIGRE et NH90) - environ 485 millions d'euros

- 7 hélicoptères HAD supplémentaires seront livrés sur 2017-2019.

- Par ailleurs des roquettes de précision métrique seront commandées en 2019. Elles seront livrées et intégrées au-delà de 2019. Les travaux liés au développement, à la production et à l'intégration sur hélicoptère TIGRE d'un premier lot de roquettes débuteront dès 2016.

- 6 NH90 TTH supplémentaires seront commandés à court terme pour une livraison se déroulant de 2017 à 2019.


Paquet transport tactique (C130 et armement associé, MRTT) - environ 370 millions d'euros

- La mise à disposition, d'ici la fin de la période, d'une capacité de quatre C130, dont deux à capacité de ravitaillement d'hélicoptères, sera étudiée d'ici fin 2015.

- La commande de missiles destinés à équiper certains C130, ainsi que leur intégration sur avion sont prévues en début de période, pour une livraison avant fin 2019.

- La commande de 3 avions MRTT prévue initialement au-delà de la LPM sera anticipée en 2018. De même, leur livraison est anticipée en 2024 et 2025.


Paquet renseignement (MALE, MUSIS) - environ 125 millions d'euros

- La commande et la livraison d'une capacité charge utile ROEM sur drone REAPER sont prévues sur la période.

- La commande du 3 ème satellite MUSIS est prévue en 2015 ; la livraison interviendra postérieurement à la LPM 2014-2019.


Paquet mesures diverses - environ 275 millions d'euros

- 25 PDL NG supplémentaires seront commandés sur 2017-2018 et livrés après 2019.

- Une première capacité de simulation et d'entraînement CERBERE sera commandée en début de période ; sa livraison interviendra à compter de 2019.

- Une première réponse pour faire face à la menace mini-drones sera mise en place avant la fin de l'année 2015.

- La commande et la livraison du 4 ème lot OPEX Rafale, prévues post LPM, sont anticipées sur la LPM.

- La LPM 2014-2019 prévoit l'acquisition ou l'affrètement de 8 BSAH, dont 2 militaires acquis en patrimonial au titre du programme d'armement. La commande de ces derniers est prévue en 2015. Dans le cadre de l'actualisation de la LPM, il est proposé l'acquisition patrimoniale de 4 BSAH militaires d'ici 2019. Le complément de la cible fera l'objet d'un affrètement.

- Un 4 ème B2M sera commandé en début de période avec une livraison prévue avant la fin de la période.

- La composante VBL fera l'objet d'un effort de régénération dont le flux commencera dès le début de la période.

Source : ministère de la défense

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit ainsi de consacrer 17 milliards d'euros de crédits à l'équipement des forces et à la recherche et technologie (R&T), contre 16,7 milliards d'euros prévus en loi de finances pour 2015.

Toutefois, au-delà des coûts d'acquisition, ces investissement entraîneront des coûts de possession, qui n'ont pas été clairement identifiés et évalués dans le cadre de la programmation actualisée.

b) Le renforcement des crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels

La loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 avait fait de la remontée de l'activité un de ses objectifs majeurs, ce qui impliquait un effort sensible sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements.

Cet effort, dimensionné au plus juste, s'est révélé très insuffisant face à un niveau des engagements opérationnels plus élevé que prévu, dont les conséquences sur le matériel sont aggravées par l'âpreté et l'étendue des théâtres d'opérations.

La loi actualisant la programmation militaire a prévu que 500 millions d'euros de crédits supplémentaires seraient consacrés à l'entretien des équipements sur la période 2016-2019. Sur ce montant, 250 millions d'euros d'autorisations d'engagements sont ouverts dès 2016, qui permettront notamment le démarrage des projets relatifs au maintien en condition opérationnelle des patrouilleurs, des sous-marins nucléaires d'attaque et des frégates, au soutien des avions de transport C-130 ou encore aux pièces de rechange pour hélicoptères.

Les crédits de paiement consacrés à l'entretien programmé des matériels progressent quant à eux de plus de 200 millions d'euro en 2016 pour s'établir à 3,4 milliards d'euros, soit une hausse de 7 % par rapport à la loi de finances pour 2015 à périmètre constant.

Objectifs de l'effort supplémentaire en faveur de l'entretien des équipements

Milieu terrestre :

- régénération permettant la remontée du parc en exploitation (ligne) dont + 7 % sur les VAB ;

- disponibilité des matériels engagés en OPEX maintenue au niveau de 2014 ;

- activité maintenue de la FOT à 77 000 hommes.

Milieu aéronautique au profit des trois armées :

- activité maintenue sur la trajectoire de remontée prévue en LPM, présentée lors des travaux d'actualisation du référentiel 2014 et 2015 (hors effets SOUTEX) ;

- remontée du parc en exploitation (ligne) pour les aéronefs concernés de 5 % à 10 % sur la période 2016-2019 permettant de tenir le niveau d'engagement opérationnel actuel (intensité et sévérité) sans augmentation de l'érosion organique.

Milieu naval :

- diminution du risque d'indisponibilité pour avarie sur segment SNA - PHM - CMT et patrouilleurs.

Source : ministère de la défense

En tout état de cause, l'effort consenti est nécessaire, mais sans doute pas suffisant compte tenu des besoins de régénération résultant des OPEX.

D. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX GARANTIR LES RECETTES ISSUES DE CESSION

1. Des cessions immobilières soumises à l'aléa du marché et au risque de la décote « Duflot »
a) Les recettes prévues par la programmation actualisée et le budget 2016

Le ministère de la défense indique attendre, au titre des encaissements des cessions immobilières, des recettes à hauteur de 625 millions d'euros sur la période 2015-2019. Les emprises parisiennes représentent environ les deux tiers du montant total attendu des cessions immobilières sur cette période.

Prévisions de produits de cession 2015-2019

(hors changement d'utilisation au profit d'autres ministères)

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

au-delà de

2017

2019

TOTAL

Emprises parisiennes

127

80

200

0

NC

407

Emprises hors Paris

71

45

44

58

NC

218

TOTAL

198

125

244

58

NC

625

Source : ministère de la défense

Les produits de cession sont enregistrés sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et permettent alors l'ouverture, au profit du ministère de la défense et au fur et à mesure de ses besoins, de crédits du même montant pour la réalisation de dépenses immobilières. Compte tenu du solde positif résultant de l'exécution des exercices précédents, 200 millions de crédits de paiement sont effectivement ouverts en 2016 sur le compte d'affectation spéciale pour financer la politique immobilière du ministère de la défense.

Suivi des encaissements et paiements effectués ou prévus pour le ministère de la défense sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »
entre 2011 et 2016

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Total

Immobilier

LPM*

309

91

206

200

200

1 006

LFI/PLF 2015

158

163

200

206

230

200

1 157

Exécution

Encaissement

(exécution et prévision)

117

164

104

229

198

125

936

Consommation (exécution et prévision)

29

41

200

164

230

200

864

* Avant 2013, ces montants correspondent à la LPM 2009-2014. A partir de 2014, ces montants correspondent à ceux de la LPM 2014-2019.

Source : ministère de la défense

S'agissant des cessions parisiennes, la caserne de la Pépinière a été cédée au titre de 2015 pour 118,5 millions d'euros.

La plus grande part des ressources attendues proviendrait de la cession de l'Hôtel de l'Artillerie (2016) et de l'Îlot Saint Germain (2017), libérés dans le cadre du déménagement des états-majors et services du ministère de la défense sur le site de Balard.

Comme le précise le ministère de la défense, « ces deux emprises sont situées dans le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7 ème arrondissement en cours de révision. Celui-ci définira les contraintes urbanistiques qui devront être prises en compte s'agissant notamment des éventuelles obligations de réalisation du logement social. Les prévisions de cession de ces deux emprises ont, en conséquence, été décalées par rapport aux prévisions établies dans le cadre de l'élaboration de la LPM ».

Le 13 octobre dernier, Jean-Paul Bodin a ainsi expliqué lors de son audition par la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale : « La cession de l'îlot Saint-Germain et celle du site de Saint-Thomas d'Aquin font l'objet de discussions avec les services de la ville de Paris et les autres services de l'État. Rien n'est clarifié à ce stade et le dossier est piloté par le préfet de Paris. La question de savoir si le site de Saint-Thomas d'Aquin sera repris par Sciences Po s'inscrit dans une réflexion globale sur les établissements universitaires parisiens. La discussion est en outre toujours en cours avec la ville de Paris concernant l'îlot Saint-Germain et notamment sur le pourcentage de logements sociaux prévus. Tant que ces points - qui relèvent de la compétence du préfet - ne sont pas réglés, nous ne pourrons pas céder ces immeubles. »

La cession de l'îlot Saint-Germain

Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial : Dans le cadre du regroupement des états-majors, directions et services sur le site de Balard, le ministère de la défense est en cours de libération du site de l'îlot Saint Germain (ISG). L'opération ne concerne pas l'Hôtel de Brienne, qui demeure dans le patrimoine de l'État.

L'îlot Saint-Germain fait actuellement l'objet d'études de valorisation prises en charge par un marché du service France Domaine.

Cet ensemble immobilier sera cédé en appliquant les procédures réglementaires en vigueur : droit de priorité de la ville de Paris puis cession par appel d'offres si la ville renonce à l'acquisition de l'emprise. La conclusion de l'opération est attendue pour l'année 2017.

Compte tenu de l'opération de cession en cours, et notamment de l'appel d'offres susceptible d'être organisé, l'estimation domaniale ne peut être communiquée.

Le site ayant fait l'objet d'une attestation de non-pollution pyrotechnique en 2010, aucune contrainte particulière en matière de dépollution n'est à prévoir dans le cadre de l'aliénation.

Le groupe de secours en alimentation électrique, unique installation classée pour la protection de l'environnement sera mis à l'arrêt définitivement conformément aux obligations règlementaires.

Les exigences réglementaires de réalisation de logements sociaux sur l'ilot Saint-Germain seront fixées dans le cadre du plan de sauvegarde et de mise en valeur du VIIe arrondissement de Paris, dont la procédure de révision arrive à terme.

Source : ministère de la défense

De même, pour ce qui concerne les cessions régionales, la principale incertitude, tant sur le plan calendaire que financier, concerne les terrains du ministère de la défense inscrits au plan de mobilisation du foncier de l'État en faveur du logement social.

Le ministère de la défense indique ainsi que « le prix de vente ne peut [...] être déterminé qu'en fonction du programme défini par l'opération et donc de la décote accordée par l'État, et l'élaboration de ces programmes d'aménagement nécessite parfois de longs mois d'étude ».

b) La nécessité du plafonnement de la décote « Duflot »

Depuis la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi « Duflot I », l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) prévoit une décote, pouvant atteindre 100 %, sur la valeur vénale des terrains nus ou bâtis cédés par l'État et destinés à la construction de logements sociaux. Cette décote est de droit pour certains acquéreurs, notamment les collectivités locales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense est venue plafonner la décote à 30 % de la valeur vénale des terrains cédés lorsque ceux-ci sont « occupés par le ministère de la défense » .

En effet, alors qu'en première lecture le Sénat avait souhaité, à l'initiative de votre commission des finances et de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, exclure totalement les immeubles mis à la disposition du ministère de la défense du champ de la décote « Duflot », un accord avait été trouvé en commission mixte paritaire sur une solution de compromis, proposée par notre collègue Daniel Reiner.

Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des finances et de sa commission des affaires économiques et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'article 21 bis du présent projet de loi de finances revient sur ce plafonnement.

Or, la décote « Duflot » entre en contradiction avec les prévisions de recettes de la programmation militaire actualisée et du présent projet de loi de finances. Ces prévisions seraient insincères si les cessions programmées par la LPM pouvaient être réalisées à vil prix. Le plafonnement est ainsi une mesure de cohérence.

Il faut signaler que des dispositifs similaires prévoient déjà un tel plafonnement au profit d'établissements publics dont la situation financière rend peu opportune l'application de la décote .

Pour Réseau ferré de France (RFF), le taux de décote est ainsi plafonné par le décret n° 2013-936 du 18 octobre 2013 à 30 % de la valeur vénale des terrains cédés jusqu'au 31 décembre 2016.

De manière générale, le même décret soumet à l'avis conforme de l'établissement public concerné l'inscription d'un terrain sur la liste des parcelles auxquelles la décote de droit est applicable.

Des précautions similaires ont été prises pour ce qui concerne les établissements publics de santé que le décret n° 2014-1743 du 30 décembre 2014 a fait entrer dans le champ de la décote.

Ainsi, le taux de la décote est plafonné à 30 % de la valeur vénale du terrain cédé 6 ( * ) lorsque la situation financière de l'établissement public de santé présente un endettement répondant à l'un au moins des trois critères fixés par l'article D. 6145-70 du code de la santé publique.

Par ailleurs, les terrains cédés par les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ne sont toujours pas entrés dans le champ de la décote.

Le souci légitime qu'a ainsi manifesté le Gouvernement de tenir compte des spécificités budgétaires de l'entité publique qui cède un terrain doit s'appliquer au ministère de la défense, en raison des conditions particulières de son financement par rapport aux autres ministères .

Il convient enfin de préciser que le ministère de la défense est, par ailleurs, déjà astreint à un devoir de solidarité spécifique envers les collectivités les plus touchées par les restructurations militaires . Celles-ci bénéficient en effet d'un dispositif de cession à l'euro symbolique des immeubles libérés par le ministère de la défense. Les modalités d'application de ce dispositif, qui a été reconduit jusqu'au 31 décembre 2019 par l'article 39 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, ne sont en rien modifiées par le plafonnement de la décote « Duflot ».

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur spécial se félicite que votre commission des finances ait adopté, lors de l'examen de la première partie du présent projet de loi de finances, un amendement visant à maintenir le plafonnement de la décote « Duflot ».

2. Des cessions de matériel qui restent à identifier pour 2016

Conformément à l'actualisation de la LPM 2014-2019, la mission « Défense » devrait bénéficier en 2016 de 50 millions d'euros de crédits grâce à la cession de matériels militaires.

Les cessions de biens et droits mobiliers du domaine privé de l'État et de ses établissements publics sont autorisées par l'article L. 3211-17 du code général de la propriété des personnes publiques, lorsque ces biens « ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'État ou un établissement public de l'État ».

Le produit de ces cessions peut justifier l'ouverture de crédits au profit du service cédant. L'article 17 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances dispose ainsi que « les recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l'État peuvent, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, faire l'objet d'une procédure d'attribution de produits. Les règles relatives aux fonds de concours leur sont applicables. Les crédits ouverts dans le cadre de cette procédure sont affectés au service concerné. »

Pour l'application de ce principe, le décret n° 2006-1004 du 10 août 2006 portant attribution du produit des cessions de biens mobiliers provenant des services de l'État prévoit, de manière générale, qu'« est attribué aux ministères cédants le produit résultant de la vente, après réforme, des biens mobiliers provenant des services de l'État, réalisée par le service des domaines » et, en particulier, que « le ministère de la défense est attributaire du produit de la vente des matériels militaires, définis par le décret du 11 janvier 1984 susvisé [7 ( * )] , effectuée directement par ses services ».

En 2016, les cessions de matériels militaires par le ministère de la défense pourraient concerner, selon les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, le Transport de chalands de débarquement (TCD) Siroco, « qui fait l'objet de prospects sérieux et étayés ».

De fait, la marine brésilienne a confirmé le 9 septembre dernier l'achat, auprès de la marine nationale, du TCD Siroco, qui serait rebaptisé Bahia. Le même jour ont été publiées au journal officiel brésilien des ordonnances du commandement de la marine, datées du 8 septembre 2015, organisant les modalités de l'envoi en France du personnel de surveillance, le soutien et la réception du navire.

Votre rapporteur spécial s'interroge dès lors sur l'exercice de rattachement de la recette issue de la cession de ce bateau.

Il souhaite par ailleurs que le choix des matériels à céder soit à l'avenir plus explicitement justifié, notamment au regard à l'évolution des besoins opérationnels de nos forces armées : s'agit-il de vendre des matériels obsolètes ou inutiles ou d'atteindre quoiqu'il en soit un objectif de recettes de cession ?

II. LA FAIBLESSE DU BUDGET 2016 : LA SOUS-ÉVALUATION DE CERTAINES DÉPENSES

A. UN SURCOÛT OPEX TOUJOURS INSUFFISAMMENT PROVISIONNÉ

1. La sous-budgétisation du surcoût OPEX

Le « surcoût OPEX » ne représente pas l'intégralité du coût des opérations, mais les dépenses supplémentaires liées aux OPEX, composées « de coûts de rémunérations et charges sociales (personnel militaire et personnel civil de recrutement local), de transport stratégique, de contrats d'externalisation, de contributions aux budgets des opérations militaires de l'UE et de l'OTAN et de surcoûts de fonctionnement. Ces derniers représentent la différence entre les coûts de fonctionnement des unités déployées en opération extérieure et les économies réalisées en métropole du fait de l'absence de ces unités » 8 ( * ) .

La LPM 2014-2019 prévoyait un surcoût OPEX de 450 millions d'euros par an, constant sur la période. Ce niveau était déjà optimiste. Il est désormais clairement irréaliste. Pour mémoire, le surcoût OPEX s'est établi en 2014 à 1,12 milliard d'euros. Il atteindra un montant quasi identique en 2015, soit 1 119,9 millions d'euros selon les prévisions du ministère de la défense.

Détail des prévisions de surcoûts OPEX par opération, toutes armées confondues, pour l'année 2015

(en millions d'euros)

Zone

Théâtre

Opération

Titres 2 et 3

Titre 6 (5)

Total Prévision 2015 (6)

RCS

Alim.

Fonct.
(4)

Sous Total

Europe

Kosovo

TRIDENT

0,1

0,0

0,1

0,2

2,6

2,8

Bosnie

ASTREE

/

/

/

/

1,5

1,5

Afrique

RCI

CORYMBE, ONUCI/CALAO et LICORNE

9,9

0,9

11,2

22,0

/

22,0

EUTM MALI

0,9

0,0

1,3

2,2

1,4

3,6

Sahel

BARKHANE + MINUSMA

128,7

6,4

349,1

484,2

/

484,2

SABRE

14,9

3,0

60,5

78,4

/

78,4

RCA

SANGARIS + MINUSCA

47,1

1,3

100,1

148,5

/

148,5

EUMAM RCA (2)

2,7

/

4,2

6,9

1,3

8,2

Guinée

TAMARIN

3,3

/

13,0

16,3

/

16,3

Océan Indien

ATALANTE (3)

3,8

0,2

1,7

5,7

0,6

6,3

Asie

Liban

DAMAN

33,4

2,1

32,0

67,5

/

67,5

Afghanistan

PAMIR HERACLES

7,1

0,8

22,3

30,2

4,2

34,4

Levant

CHAMMAL

49,2

2,2

184,3

235,7

/

235,7

Autres opérations

2,8

0,1

5,8

8,7

1,8

10,5

Total

303,9

17,0

785,6

1 106,5

13,4

1 119,9

RCS : Rémunérations et charges sociales (titre 2) ; ALIM : Alimentation ; FONCT : Fonctionnement hors alimentation.

(1) Les surcoûts présentés sur la ligne "CORYMBE" englobent aussi ceux des opérations.

(2) EUMAM RCA fait suite à EUFOR RCA qui a pris fin le 15 mars 2015.

(3) ATALANTA (opération de l'UE) y compris le volet français de l'opération consistant à fournir des équipes de protection embarquées (EPE) à certains navires.

(4) Cette rubrique correspond au titre 3 hors alimentation. Elle comprend principalement les activités CHORUS suivantes : maintien en condition opérationnelle (MCO), entretien programmé des personnels (EPP), munitions, carburant opérationnel, transport stratégique, soutien au stationnement, fonctionnement courant, condition du personnel, déplacement des personnels, locations immobilières, soutien externalisé, actions civilo-militaires, télécommunications.

(5) Les dépenses réalisées sur le titre 6 correspondent aux contributions versées par la France aux budgets des opérations militaires des organisations internationales (UE/OTAN).

(6) A cette prévision de surcoûts s'ajoute la perte de recettes hospitalières du service de santé des armées en raison du niveau important de projection en OPEX des équipes chirurgicales. Cette perte est évaluée à 3,5 millions d'euros pour 2015.

Source : ministère de la défense

Interrogé par votre rapporteur spécial sur le surcoût 2016, le ministère de la défense explique qu' « il est prématuré d'établir une estimation des surcoûts, les premières orientations pour les OPEX devant être arrêtées au cours du dernier trimestre 2015 ».

Toutefois, selon votre rapporteur spécial, rien dans l'évolution prévisible des principales OPEX ne laisse penser que le surcoût 2016 sera significativement inférieur au niveau atteint en 2014 et 2015.

Pour autant, la loi actualisant la programmation militaire a maintenu le principe d'une provision annuelle de 450 millions d'euros et c'est bien ce montant qui figure dans le budget 2016.

Provision et surcoûts OPEX 2008-2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En outre, les surcoûts OPEX, tel qu'établis selon une méthodologie commune au ministère de la défense et le ministère du budget, ne prennent pas en compte certains coûts directement liés aux OPEX, avec comme enjeu le montant de la prise en charge interministérielle de ces dépenses (voir infra ).

Coûts non pris en compte dans les surcoûts OPEX

En application d'une méthodologie présentée au ministère en charge du budget et servant de calcul aux surcoûts OPEX depuis 2010, les surcoûts OPEX retracent les dépenses supplémentaires engendrées par les opérations extérieures. Ces surcoûts agrègent deux éléments :


• les dépenses imputées sur des budgets opérationnels de programme (BOP) dédiés aux OPEX . Ces dépenses sont restituées dans le système d'information financière de l'État CHORUS. Elles comportent les éléments suivants :

- les dépenses de titre 2 - Rémunérations et charges sociales sur le BOP 0212-0093 OPEX-MISSINT, dont le sous-chef opérations de l'état-major des armées est responsable et dont le responsable de programme (le programme 212 Soutien de la politique de la défense regroupe, depuis 2015, l'ensemble des dépenses de personnel du ministère de la défense) est le secrétaire général pour l'administration (SGA) : indemnités de sujétion pour service à l'étranger (ISSE) 9 ( * ) et éventuels suppléments de l'ISSE du personnel militaire ; salaires et charges sociales du personnel civil de recrutement local (PCRL) ;

- les dépenses hors titre 2 sur le BOP 0178-0062 OPEX-MISSINT , dont le sous-chef opérations de l'état-major des armées est responsable et dont le responsable de programme est le chef d'état-major des armées :

- Titre 3 - Fonctionnement : fonctionnement courant des unités (dont gestion externalisée des camps), transport stratégique et carburant routier délivré sur les théâtres ;

- Titre 6 - Dépenses d'intervention : Elles comportent les contributions françaises aux budgets opérations de l'OTAN ainsi qu'au financement des opérations militaires de l'UE.


• les dépenses hors titre 2 ne pouvant être imputées au BOP 0178-0062 OPEX-MISSINT au moment de la consommation budgétaire 10 ( * ) . Ces dépenses dites « ex-post » comprennent exclusivement les éléments suivants : entretien programmé du matériel (EPM) et du personnel (EPP), équipement d'accompagnement du combattant (EAC), carburant, munitions.

Ce mécanisme de financement ne permet toutefois ni de retracer ni de financer un certain nombre de coûts parmi lesquels les dommages de guerre. Dans les missions où sont engagées les forces, les matériels peuvent subir des dommages de guerre . Si les matériels sont réparables, les réparations consécutives à ces évènements sont prises en compte au titre des dépenses ex-post d'entretien programmé du matériel (EPM) évoquées supra. En cas de perte ou de destruction, en revanche, le coût correspondant à la perte d'un élément du patrimoine de l'État ne fait l'objet d'aucune prise en compte.

La valeur des équipements détruits ou perdus en OPEX est estimée à 4,4 millions d'euros en 2013 et ne recouvre que des matériels terrestres. En 2014, la valeur de ces équipements détruits ou perdus en OPEX s'élève à 16,9 millions d'euros dont 15,2 millions d'euros de matériel aéronautique et 1,7 million d'euros de matériels terrestres.

En 2015, à ce stade, la valeur de ces équipements détruits ou perdus en OPEX s'élève à 6,7 millions d'euros comprenant uniquement des matériels terrestres.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

2. La non-prise en compte de la contribution du ministère de la défense au financement du dépassement de la provision OPEX

La sous-estimation du surcoût OPEX est assortie d'une disposition prévoyant qu'un éventuel dépassement de la provision fera l'objet d'un financement interministériel 11 ( * ) .

Cette garantie, imprécise, est toute relative, le Gouvernement déterminant la contribution de chaque ministère à ce financement, y compris celle du ministère de la défense.

En effet, alors que cela n'avait pas clairement transparu dans les débats parlementaires lors de l'examen de la loi de programmation militaire 2014-2019, le Gouvernement a considéré que ce financement interministériel s'effectuait dans le cadre plus large de la solidarité interministérielle, qui couvre également les besoins d'autres ministères et à laquelle la mission « Défense » contribue, en principe à proportion de son poids dans le budget général, et en pratique au-delà de ce poids selon la Cour des comptes (cf. tableau ci-dessous, les annulations excédentaires étant estimées à 79 millions d'euros).

Part des annulations des crédits de la mission « Défense »
en fin de gestion

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2014, mission « Défense »

NB : missions RDEFE = missions « Remboursements et dégrèvements » et « Engagements financiers de l'État ».

Ainsi, les annulations de crédits de fin de gestion ont amputé le budget de la défense, essentiellement sur le programme 146 « Équipement des forces », de 650 millions d'euros en 2013 et 400 millions d'euros en 2014, montant qui s'ajoute à l'annulation de 202 millions d'euros en loi de finances rectificative du 8 août 2014 au titre de la participation à la baisse des dépenses de l'État. Sur ces montants, respectivement 111 millions d'euros en 2013 et 120 millions d'euros en 2014 sont directement liés au financement du surcoût OPEX.

Interrogé sur le fait de savoir si la contribution à la solidarité interministérielle, charge récurrente, était prise en compte par l'actualisation de la programmation militaire, le ministère de la défense a confirmé à votre rapporteur spécial que « cette contribution étant par nature aléatoire et imprévisible, elle ne peut être prise en compte ab initio dans le besoin de financement du ministère de la défense exprimé dans la loi pour la période de programmation. Elle a vocation, comme par le passé, à être traitée le cas échéant en gestion » .

B. LES OPÉRATIONS INTÉRIEURES : DES MODALITÉS DE FINANCEMENT QUI RESTENT À DÉFINIR

Jusqu'ici d'un poids budgétaire limité, les opérations intérieures (OPINT) représentent depuis 2015 un coût important, qui n'est pourtant pas budgété.

Les surcoûts de l'opération Sentinelle pour 2015, tels qu'évalués par le ministère de la défense à la date du 31 juillet 2015, sont de l'ordre de 194 millions d'euros dont environ 80 millions d'euros de dépenses de titre 2 et 114 millions d'euros de dépenses de hors titre 2.

Interrogé par votre rapporteur spécial sur l'exercice 2016, le ministère de la défense indique qu' « en l'absence de données définitives sur le dispositif qui sera mis en oeuvre, il n'est pas possible à ce stade de déterminer avec précision un montant des surcoûts de cette opération. Tout au plus, il est possible d'affirmer que l'ordre de grandeur de 2015 devrait se répéter si les conditions sont similaires. »

Pourtant, le présent projet de loi de finances ne prévoit que 26 millions d'euros, sur le seul titre 2, pour financer le surcoût de rémunération lié aux OPINT, soit à peine plus que les 11 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2015.

La question du financement des surcoûts OPINT se pose dès lors de manière aiguë : faut-il aller vers une meilleure budgétisation a priori , étant entendu que le déclenchement de l'opération Sentinelle n'était pas prévisible ou, comme pour les OPEX, faut-il faire appel a posteriori à la solidarité interministérielle ?

Dans son rapport 12 ( * ) fait au nom de la commission de la défense de l'Assemblée nationale sur le projet de loi actualisant la programmation militaire, notre collègue députée Patricia Adam considère « de la plus haute importance que les surcoûts liés aux missions intérieures fassent, sur le même mode que les OPEX, l'objet d'un financement interministériel ».

En première lecture, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a introduit dans ledit projet de loi une disposition visant à ce que le surcoût lié aux OPINT, hors opérations d'investissement, fassent l'objet d'un financement interministériel.

Cette disposition a finalement été remplacée, dans le texte issu de la commission mixte paritaire et adopté dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale, par l'insertion dans la loi de programmation militaire 2014-2019 d'un article prévoyant que « les missions intérieures en cours font l'objet d'un bilan opérationnel et financier communiqué par le Gouvernement aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ». Ce bilan doit détailler « les surcoûts nets, hors titre 5, résultant, pour le ministère de la défense, de ces missions et présente leurs modalités de financement ». En outre, le premier bilan devra préciser « les conditions dans lesquelles ces surcoûts peuvent faire l'objet d'un financement interministériel ».

Le 15 octobre dernier, le général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées a déclaré devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale que « la décision de non-remboursement sur la durée de la LPM de l'opération Sentinelle reviendrait à annuler la totalité des ressources dédiées à la régénération des équipements ainsi qu'une partie de celles dédiées à l'achat d'équipement. Cela ne serait ni raisonnable ni concevable, sauf à remettre en question l'actualisation de la LPM que vous venez de voter, sauf à accepter de dégrader encore le report de charges, sauf à remettre en question nos capacités d'engagement opérationnel. »

C. LES INFRASTRUCTURES : UN FINANCEMENT INSUFFISANT

Les dépenses, hors titre 2, engagées au titre de la politique immobilière du ministère sont retracées à l'action 04 du programme 212. Le périmètre de cette action englobe l'ensemble des dépenses d'infrastructures ainsi que aussi les moyens de fonctionnement alloués au service des infrastructures de la défense (SID) et les dépenses locatives et d'entretien courant.

Le projet de loi de finances pour 2016 propose d'inscrire, au titre de cette action, 1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement, soit 5,5 % de moins qu'en 2015, et près de 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement, soit 11,4 % de plus qu'en 2015. Cette hausse s'explique par le lancement d'opérations liées aux grands programmes d'armement. Toutefois, Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense affirme que ces dotations « ne sont pas suffisantes puisque les états-majors, pour la programmation 2016, évaluent les besoins à 1,4 milliard d'euros en crédits de paiement » 13 ( * ) .

1. Les besoins liés à la moindre déflation des effectifs

Le ministère de la défense privilégiait jusqu'ici dans la mise en oeuvre des restructurations un principe de densification des emprises militaires, afin d'ajouter des économies de structure et de soutien aux économies sur les dépenses de personnel liées aux dissolutions d'unités.

Le relèvement des effectifs de la force opérationnelle terrestre - qui passe de 66 000 militaires à 77 000 militaires - et son rôle accru dans la protection du territoire, qui implique un maillage plus fin, met à mal cette stratégie.

Le nouveau modèle de l'armée de terre issu de l'actualisation de la programmation militaire ne prévoit ainsi pas de dissolution de régiments. Il faut en outre assurer le logement des militaires participant à l'opération Sentinelle.

Le ministre de la défense a ainsi déclaré le 21 octobre dernier 14 ( * ) que les infrastructures utilisées dans le cadre de l'opération Sentinelle « doivent véritablement faire l'objet d'adaptations, en particulier dans la région parisienne » et qu'il avait en conséquence décidé « d'interrompre la vente de la caserne Lourcine, dont le produit devait initialement être intégré aux recettes immobilières, afin que les militaires participant à l'opération Sentinelle à Paris bénéficient de conditions de logement convenables ». Admettant que « les débuts ont été difficiles », Jean-Yves Le Drian a en outre indiqué qu'un financement de 20 millions d'euros a été affecté « à la mise aux normes des logements et à l'acquisition des équipements nécessaires pour que les sites d'accueil puissent offrir minimum de confort, notamment en Île-de-France ».

2. La remise à niveau de la protection des sites de munitions

À la suite vol de détonateurs et d'explosifs dans l'enceinte de l'établissement de munitions régional de Miramas dans la nuit du 5 au 6 juillet 2015 et face aux carences révélées par l'enquête qui semblent également toucher de nombreux sites, le ministère de la défense a annoncé le 30 juillet dernier qu' « un plan d'urgence, dédié à la protection des sites de munitions, a été élaboré et validé par le ministre ». Ce plan comporte des mesures de trois types :

« - des mesures immédiates d'ores et déjà ordonnées, qui sont réalisées ou en cours de mise en oeuvre. Elles concernent le renforcement de la protection physique, au niveau des clôtures et des magasins de stockage des munitions, ainsi que le déploiement d'une centaine de militaires. Elles portent également sur la réparation des systèmes de surveillance.

« - des mesures urgentes visant à doter les sites les plus vulnérables de systèmes de vidéo-surveillance. Leur mise en place interviendra dans les meilleurs délais.

« - des mesures pérennes de reconstruction des magasins de stockage de munitions et de renforcement des capacités de détection des sites. Leur réalisation débutera dès 2016 et entraînera un surcoût d'environ 60 millions d'euros sur cette annuité. »

Dans ce cadre, l'ensemble des dépôts de munitions seront progressivement pourvus d' « igloos » destinés à protéger les personnels en cas d'intrusion ou d'explosion de munitions.

Au-delà de 2016, les dépenses liées à la mise en oeuvre de ce plan, « qui s'étaleront sur plusieurs années, pourraient approcher 400 millions d'euros », comme l'a expliqué Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration lors de son audition du 13 octobre 2015 par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale.

3. Les besoins des opérateurs : l'exemple de l'Onera

Établissement public créé en 1946 et placé sous la tutelle du ministère de la défense, l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera) est aujourd'hui le premier acteur français de la recherche aéronautique, spatiale et de défense avec 25 % de l'effort de recherche national. Ses ressources reposent pour moitié sur la subvention pour charges de service public (SCSP) versée par le ministère de la défense depuis le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » et dont le montant s'établit dans le présent projet de loi de finances à 105 millions d'euros, comme l'an dernier.

L'Onera possède le plus grand parc européen de souffleries de grandes dimensions. La soufflerie S1, installée à Modane (Savoie), est la plus grande soufflerie sonique du monde : elle peut souffler un vent à presque Mach 1, soit la vitesse du son, dans un conduit de 8 m de diamètre. Elle représente ainsi une installation essentielle pour l'industrie aéronautique française, y compris de défense.

Or la soufflerie S1 subit depuis plusieurs années l'affaissement du terrain sur lequel elle est construite. Ce phénomène s'est brutalement aggravé à la suite de l'épisode caniculaire de juillet 2015 et réclame des travaux urgents que l'Onera n'est financièrement pas capable d'assumer.

Plus généralement, la Cour des comptes estime, dans un rapport particulier de mars 2015 sur les comptes et la gestion de l'Onera, que « la mise à niveau des souffleries industrielles impliquera des investissements conséquents dans les années à venir » et avertit que « la trajectoire des nécessaires dépenses d'investissement et corrélativement des financements requis pourrait constituer, dans les années à venir, un effet de ciseau difficilement soutenable ».

Nommé en mai 2014, Bruno Sainjon, président directeur général (PDG) de l'Onera, signale qu' « en 2012 les industriels de l'aéronautique en Europe, interrogés sur le sujet des outils indispensables pour le futur d'une industrie aéronautique européenne innovante et compétitive, ont déclaré comme essentielles à leur développement 12 souffleries en Europe dont 8 des grandes souffleries de l'Onera ». Aussi, « pour répondre à ce besoin stratégique pour notre industrie aéronautique et spatiale européenne, une remise à niveau durable de ces souffleries devra être entreprise, avec le double objectif de maintenir leur état opérationnel et fournir aux utilisateurs des résultats d'essai et des mesures de plus en plus précis et à forte valeur ajoutée. Mais cette remise à niveau ne pourra être assumée seule par l'Onera. C'est pourquoi, l'Onera a identifié pour ses 8 souffleries stratégiques, 51 projets d'investissements. Regroupés dans un plan de soutien d'un montant total de 218 millions d'euros sur une période de onze ans, qui a reçu le soutien du Gifas, il sera soumis très prochainement pour évaluation aux autorités étatiques. »

Votre rapporteur spécial a interrogé le ministère de la défense sur la contribution que celui-ci était susceptible d'apporter au financement des travaux urgents de sécurisation de la soufflerie S1 de Modane et du plan de mise à niveau des souffleries stratégiques.

Cette question est pour l'instant restée sans réponse.

Néanmoins, le 7 octobre dernier 15 ( * ) , Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, a déclaré devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale : « L'Onera, qui est sous tutelle de la DGA, est confronté à plusieurs types de problèmes : un problème d'infrastructure globale - il occupe un immeuble de grande hauteur à Châtillon qu'il faudra évacuer, le coût de cette opération étant initialement estimé à 70 millions d'euros - ainsi que des problèmes sur les bancs d'essai, comme celui de Modane, affecté par un glissement de terrain et d'affaissement de plusieurs centimètres par an, qui met en cause la viabilité de l'installation - des estimations seront produites sur le coût de sa sécurisation. Nous sommes attentifs à la soufflerie S1, que nous utilisons pour nos programmes d'armement, mais la réparation entraîne une charge importante, qui ne peut être assumée dans le cadre de la subvention à l'Onera ou des recettes de celui-ci. En ce qui concerne plus globalement les perspectives de l'Office, nous avons demandé des travaux à différentes personnalités de manière à pouvoir disposer rapidement d'un plan stratégique tenant compte des contraintes d'infrastructure et de ce que doit faire l'Onera en matière de recherche. Cela devrait nous permettre de disposer d'une vue d'ensemble d'ici la fin de l'année. Les travaux menés doivent notamment vérifier que le lien entre cet organisme et le monde industriel se fait bien, sachant que nous souhaitons que le rôle du premier se place très en amont et que les travaux puissent être transférés de façon fluide vers l'industrie lorsqu'ils s'approchent de la réalisation, ce qui n'a pas toujours été le cas. »

Le 21 octobre dernier, le ministre de la défense s'est, quant à lui, dit « très sensible au sort de l'Onera, et notamment aux questions qui touchent à la soufflerie de Modane » et a confirmé qu'un plan stratégique était en cours d'élaboration, à partir duquel il « espère pouvoir établir un contrat d'objectifs avant la fin de l'année » afin « d'assurer le développement de ce très bel outil, qu'il faut quelque peu réorienter ». Jean-Yves Le Drian signale par ailleurs « avoir réabondé le budget de l'Onera de 9 millions d'euros en 2015 ».

Votre rapporteur spécial partage la préoccupation que suscite l'état des infrastructures de l'Onera. Il considère qu'effectivement un plan de remise à niveau est nécessaire et que la situation de la soufflerie S1 appelle une action urgente.

Toutefois, plusieurs questions nécessitent d'être traitées au préalable.

L'Onera a vocation à mener une activité de recherche tant militaire que civile et ses souffleries bénéficient également au secteur de l'aéronautique civile. L'activité contractuelle financée par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) est passée de 24 millions d'euros en 2010 à moins de 0,3 million d'euros en 2014. La subvention versée par la DGAC représentait quant à elle environ 3,7 millions d'euros par an, avant qu'elle ne soit supprimée en 2011. Cette évolution est, selon la Cour des comptes, liée à des raisons multiples : « réduction du budget de la DGAC, volonté de la DGAC de cibler son soutien et d'encadrer l'utilisation de sa subvention afin d'éviter une contrariété potentielle aux règles du commerce international et du droit de la concurrence, perte de pertinence de l'ONERA aux yeux de la DGAC et dégradation des relations ». Ces relations semblent s'être améliorées depuis l'entrée en fonction du nouveau PDG de l'Onera. Le 15 septembre dernier, celui-ci s'est ainsi vu notifier par la DGAC trois programmes de recherche pour un montant de 7 millions d'euros sur cinq ans. En tout état de cause, d'autres sources de financement que la seule subvention du ministère de la défense peuvent certainement être trouvées ou développées 16 ( * ) pour faire face aux besoins importants auxquels l'Onera est confronté du fait de l'état de ses infrastructures.

De même, il semble indispensable que les investissements à venir s'inscrivent dans un plan stratégique et un contrat d'objectifs et de performance qui n'ont que trop tardé à être mis en place. À cet égard, il faut signaler les défaillances de la DGA dans l'exercice de sa tutelle.

« Une tutelle effacée qui n'a pas utilisé les moyens mis à sa disposition pour assurer le contrôle de l'État sur l'ONERA »

(extrait du rapport particulier de la Cour des comptes sur la gestion
et les comptes de l'Onera)

« De nombreux éléments traduisent le manque d'implication de la tutelle au sens large (DGA et autres acteurs étatiques disposant de pouvoirs particuliers). Le conseil d'administration et en particulier la tutelle technique (DGA) ne semblent pas avoir été suffisamment associés à la programmation des travaux de l'Office 17 ( * ) . Par ailleurs, aucun suivi de l'utilisation de la subvention versée par la DGA n'a été présenté en conseil, alors même que l'information budgétaire et financière y était insuffisante. Plus généralement, l'ONERA est le seul opérateur du ministère de la défense à ne pas avoir de contrat d'objectifs et de moyens (COM) depuis 2009. »

« Certains administrateurs (représentant de la DGAC et de la direction du budget) ont pris l'habitude de ne plus assister au conseil d'administration. De manière tardive et imprécise, la DGA a alerté, en juin 2012, le ministre de la défense sur le fait que « la tutelle se heurte à des difficultés dans la mise en place d'une concertation efficace avec l'Office afin de réformer le pilotage de la SCSP » et que « le niveau de concertation est très en deçà » du nécessaire . »

« Enfin, le délai écoulé entre le décès de l'ancien président-directeur général (8 août 2013) et la nomination d'un nouveau dirigeant (fin mai 2014) - soit dix mois - est particulièrement long, notamment au regard des règles que se donne le ministère de la défense. L'action du président par intérim pendant ce laps de temps a permis une certaine normalisation de la situation. Néanmoins, l'absence de dirigeant a bloqué pendant près d'un an de nombreuses évolutions nécessaires et urgentes (stratégie, immobilier, organisation interne, gouvernance, nominations). »

Source : rapport particulier de la Cour des comptes sur la gestion et les comptes de l'Onera

Pour votre rapporteur spécial, le plan stratégique, et le contrat d'objectifs et de performance qui en résultera, devront également permettre d'arrêter une position définitive concernant le regroupement des sites francilien de l'Onera (Palaiseau, Meudon et Châtillon). La Cour des compte observe ainsi que le « le dossier est gelé, en attente d'une réponse » et qu'en conséquence « la perspective d'un regroupement des sites franciliens reste lointaine ». À cet égard, l'Onera précise que « la démarche d'accompagnement renforcé de France Domaine vise notamment à faciliter ce regroupement ». L'office indique également que s'il « a lancé en fin d'année 2014 une étude permettant d'identifier les conditions de regroupement des installations franciliennes, cette démarche ne peut être déconnectée ni de la réflexion sur la stratégie scientifique, ni des objectifs qui seront assignés à l'Onera dans le futur COP qui, d'une manière générale, abordera les chantiers de réorganisation évoqués par la Cour, ni des moyens financiers qui pourront y être consacrés ». Ainsi, pour l'Onera, « l'aboutissement d'une rationalisation du parc immobilier en Île-de-France ressortit plus d'une question de moyens que de principe, auquel toutes les parties prenantes semblent désormais acquises ».

Interrogé sur sa position, le ministère de la défense n'a pas répondu à votre rapporteur spécial.

D. LE PROBLÈME LOUVOIS

1. Des coûts persistants et pourtant non budgétés

Selon les informations communiquées à votre rapporteur spécial, le total des versements indus causés par les dysfonctionnements du système de paie Louvois s'est élevé en 2014 à 77,223 millions d'euros. Ces versements indus ont été en partie compensés par 42 millions d'euros de recouvrements en 2014 au titre de la campagne 2013.

Toutefois, le ministère de la défense précise que « compte tenu des autres dysfonctionnements constatés (avances versées au titre de la mobilité outre-mer et étranger ou d'une mission en OPEX et non récupérées avant la fin de l'année, écarts décaissé/liquidé avant imputation, avances spécifiques au titre du plan d'urgence ministre et d'opérations comptables de régularisation d'historiques), l'impact total à couvrir en 2014 s'est élevé in fine à 130 millions ».

Pour 2015, le ministère explique avoir intégré dans ses prévisions budgétaires « un montant conservatoire de 82 millions d'euros au titre des récupérations d'indus versés au titre des campagnes antérieures ».

En revanche, « dans la perspective de la résorption progressive des dysfonctionnements, comme de l'amélioration de la récupération en flux des indus versés, aucun nouvel indu, ni nouvelle imputation budgétaire, ne sont prévus, pour 2015 et au-delà, au titre des dépenses prévisionnelles ».

Votre rapporteur spécial souligne tout de même que, dans l'éventualité où, malgré cet optimisme, des charges importantes liées à Louvois seraient à nouveau observées en 2016, leur financement nécessiterait de redéployer des crédits de la mission « Défense ».

2. Le remplacement de Louvois : une entreprise délicate également non budgétée

Le 3 décembre 2013, le ministre de la Défense a annoncé avoir décidé le remplacement de Louvois. La conduite du projet Source Solde a été confiée à la direction générale de l'armement (DGA).

Le marché couvrant la fourniture, l'installation, l'exploitation et la maintenance d'un système d'information permettant la détermination, le calcul et le suivi de la solde d'agents militaires, a été notifié le 22 avril 2015 à la société Sopra-Steria à l'issue d'un dialogue compétitif entre trois candidats qui a duré un an.

En réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, le ministère de la défense indique que « le marché est conclu pour une période de 10 ans et comprendra une tranche ferme, couvrant la réalisation du système et sa mise en service, et des tranches conditionnelles couvrant la maintenance du système et les évolutions nécessaires pour rester en phase avec les évolutions de la réglementation. Il comprend la réalisation de Source Solde, à savoir l'achat des licences d'exploitation des progiciels, le travail de développement et de paramétrage, ainsi que tous les tests et la conduite du changement, dont la formation des utilisateurs à ce nouvel outil. Il comprend aussi la mise en service et la maintenance corrective et évolutive du système jusqu'en 2025. »

S'agissant du calendrier, le ministère de la défense précise que « la conception et la réalisation du système [...] devraient durer jusqu'à fin 2015. L'année 2016 sera consacrée aux tests. La mise en service va se dérouler de façon incrémentale en commençant par la marine nationale au premier semestre 2017, suivie des autres armées et services. »

« Le marché est conclu pour une période de 10 ans et comprendra une tranche ferme, couvrant la réalisation du système et sa mise en service, et des tranches conditionnelles couvrant la maintenance du système et les évolutions nécessaires pour rester en phase avec les évolutions de la réglementation.

Le montant maximal du marché est de 128 millions d'euros.

Le ministère de la défense indique que le remplacement, à terme, de Louvois (projet Source solde) sera financé, comme les autres charges additionnelles intervenues depuis le vote de la LPM, dans une logique d'auto-assurance, « par redéploiement ou par l'effet favorable des indices économiques ».

Compte tenu des tendances au dérapage du coût des grands projets informatiques menés par l'État, cette affirmation n'est pas de nature à rassurer, d'autant que les économies réalisées grâce à « l'effet favorable des indices économiques » sont déjà largement affectées au financement d'autres dépenses.

Comme l'an dernier, le ministère de la défense précise qu' « une réflexion est engagée afin, à terme, de simplifier le dispositif indemnitaire des militaires, la complexité de l'actuel régime étant considérée comme une des causes des dysfonctionnements de Louvois. Ce chantier vise dès lors à faciliter la gestion du personnel et à rendre le dispositif auditable. »

Cette simplification, que votre rapporteur spécial recommandait déjà en 2013 18 ( * ) , serait effectivement de nature à mieux garantir le succès de l'opération et la maîtrise de son coût.

E. LE PARI SUR L'ÉVOLUTION DES INDICES ÉCONOMIQUES ET DU COÛT DES FACTEURS

La LPM 2014-2019 est la première à avoir été construite en euros courants. De ce fait, le ministère de la défense a assumé le risque des hausses des indices économiques dans une logique d'auto-assurance.

Les conséquences budgétaires de l'évolution de ces indices résultent notamment du fait que les marchés d'opérations d'équipement incluent à une formule de révision de prix, en raison de la durée de réalisation des marchés d'équipement et afin de ne pas faire porter sur les seuls fournisseurs le risque exogène de volatilité des coûts concourant à l'établissement des prix.

Or les indices économiques ont enregistré une hausse plus faible que celle prévue lors de la construction de la LPM.

Ce phénomène a été mesuré par une mission conjointe de l'inspection générale des finances (IGF) et du contrôle général des armées (CGA).

Selon les indications du ministère de la défense, cette mission a évalué à 2,9 milliards d'euros sur la période 2014-2019 les gains dégagés par l'évolution des indices.

Le ministère de la défense a expliqué à votre rapporteur spécial « avoir pris en compte d'emblée, dans des travaux internes antérieurs à l'actualisation, un impact positif de 1,45 milliard d'euros, qui a permis de compenser certaines charges additionnelles à la LPM qui n'avaient pu être évaluées lors de la construction, soit parce qu'elles n'étaient pas identifiées alors, soit parce qu'elles avaient été évaluées sommairement (impact de l'évolution réglementaire, aléas sur les programmes, charges fiscales, conséquences des exportations, etc.) ».

Ce gain de 1,45 milliard d'euros a ainsi déjà été « consommé » ou affecté à des charges imprévues subies par le ministère de la défense.

À partir des marges de manoeuvre restantes, la loi actualisant la programmation militaire affecte un milliard d'euros à des opérations d'armement prioritaires (cf. supra ).

Questionné par votre rapporteur spécial, le ministère de la défense affirme que « le solde est laissé au bénéfice de certains agrégats, comme les études, afin de contribuer à financer les besoins existants dans ces domaines essentiels pour la LPM et particulièrement stratégiques ».

On observe donc que le risque supplémentaire porté par le ministère de la défense par rapport à la LPM 2014-2019 excède le milliard d'euros mis en avant par le Gouvernement à l'occasion de l'actualisation de la programmation militaire.

Or, comme l'a expliqué Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, lors de son audition par la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale sur l'actualisation de la loi de programmation militaire 19 ( * ) : « La décision de redéployer ces crédits ne laisse aucune marge en cas de reprise de la progression des indices économiques : à défaut d'obtenir dans ce cas un abondement des crédits du programme 146, il faudrait inévitablement redéfinir une partie du contenu physique de la LPM. En outre, ces redéploiements constituent une prise de risque sur les conditions de lancement des opérations puisque, pour une part significative, ils reposent sur les enveloppes financières des programmes futurs, lesquels n'ont pas encore de contenu précis et ne font donc pas l'objet de devis. »

Il y a donc lieu d'exercer une vigilance particulière quant à l'évolution effective des indices économiques qui entrent dans la structure de coût du ministère de la défense.

De fait, lors de son audition par la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi de finances le 15 octobre dernier, le général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées, a indiqué que cette question du coût des facteurs constitue pour lui une « préoccupation » : « Nous devons être vigilants sur la réalité des économies réalisées. Si l'effet ?coût des facteurs? est indiscutable, je rappelle que nous avons pris des hypothèses de programmation très volontaristes, notamment sur le fonctionnement. Dès lors, nous devons être attentifs à ce que les gains de pouvoir d'achat attendus se traduisent dans la vraie vie des unités. Par ailleurs, le ministère doit faire face à des dépenses non prévues au moment du vote de la LPM. Ces charges nouvelles liées à l'application de nouvelles lois ou normes, par exemple dans le cadre de la transition énergétique, réduisent d'autant l'effet positif du coût des facteurs. La différence entre les économies liées à l'évolution du coût des facteurs et ces charges additionnelles constituera le bénéfice net qui, je l'espère, s'élèvera à hauteur d'un milliard d'euros sur la période. Ce sujet fait l'objet actuellement d'une nouvelle mission conjointe de l'inspection générale des finances (IGF) et du contrôle général des armées (CGA), dont les conclusions sont attendues pour la fin de l'année. »

III. UN POINT DE VIGILANCE ESSENTIEL POUR L'ÉQUILIBRE DE LA PROGRAMMATION ACTUALISÉE : LES CONDITIONS DE L'EXÉCUTION 2015

A. LE DÉPASSEMENT SUR LES DÉPENSES DE PERSONNEL

Le dépassement sur le titre 2 hors pensions et hors surcoûts OPEX et Sentinelle devrait s'élever à environ 150 millions d'euros selon les indications données par le ministre de la défense 20 ( * ) et résulterait principalement du nouveau schéma d'emplois pour 2015 (60 millions d'euros), au renforcement de la réserve opérationnelle (11 millions d'euros) et aux dysfonctionnements de Louvois (70 millions d'euros).

À ce montant s'ajoute les dépenses de personnel liées à l'opération Sentinelle, estimées à 80 millions d'euros.

L'application du principe d' « auto-assurance » pour le titre 2 pourrait donc conduire, en fin de gestion 2015, à l'annulation de crédits d'un montant équivalent à ce dépassement, qui pèserait sans doute essentiellement sur le programme 146 « Équipements des forces ».

Or, en 2015, la surconsommation des crédits de personnel hors OPEX est, contrairement aux années précédentes, la conséquence, pour l'essentiel, d'évènements et de décisions qui se sont imposées à au ministère de la défense en cours de gestion (déclenchement de l'opération Sentinelle et moindre déflation des effectifs). L'application du principe d'auto-assurance se justifie donc difficilement.

B. DE FORTES TENSIONS DE TRÉSORERIE

Le ministère de la défense connaît en 2015 de fortes tensions de trésorerie, particulièrement sur les programmes 146 « Équipements des forces » et 178 « Préparation et emploi des forces ».

Le 7 octobre dernier, lors de son audition par la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement et à ce titre responsable du programme 146, a ainsi expliqué que « la mise à disposition tardive de crédits budgétaires sous forme d'une loi de finances rectificative (LFR) en décembre, se substituant aux recettes exceptionnelles (REX) prévues initialement en septembre, place ce programme en rupture de paiement très tôt ; et ce, malgré la levée de la réserve de précaution en août - 615 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement - et le report en fin d'année de l'ensemble des versements prévus à l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAr) et à l'agence NAHEMA (NATO Helicopter Management Agency) sur les programmes FREMM et NH90. [...]

« Hier soir, nous avions 217 millions d'euros en crédits de paiement : nous envisageons de mettre de côté 200 millions d'euros pour payer notamment les PME ; il reste donc 17 millions utilisables pour les autres dépenses ordinaires. »

Quant au programme 178, le ministère de la défense souligne la charge qui résulte de « l'intensité de l'engagement des armées sur les théâtres des OPEX et sur le territoire national dans le cadre de Sentinelle ». Il en découle « une mobilisation des ressources budgétaires au détriment du plan d'engagement initial du programme ».

C. LES INCERTITUDES PESANT SUR LA FIN DE GESTION

Compte tenu de ces tensions, les incertitudes pesant sur la fin de gestion sont particulièrement préoccupantes :

- la levée totale ou partielle de la réserve de précaution (1,4 milliard d'euros sur la mission « Défense »), le programme 146 ayant bénéficié d'une levée totale de sa réserve de précaution (614,9 millions d'euros) en août 2015 ;

- la compensation effective du coût net pour le programme 146 du versement à la Russie des indemnités liées à l'annulation de la vente des deux bâtiments de projection et de commandement (BPC), soit 56,7 millions d'euros ;

- les modalités de financement du dépassement de la provision OPEX (670 millions d'euros), auxquels s'ajoutent de moindres recettes sur le SSA et des surcoûts liés à l'opération Sentinelle ;

- la couverture de l'insuffisance de titre 2 en application du principe d'auto-assurance ;

- la contribution du ministère de la défense à la solidarité interministérielle ;

- la mise en oeuvre effective de la programmation actualisée par la prochaine loi de finances rectificative à travers la substitution intégrale de crédits budgétaires aux recettes exceptionnelles qui devaient initialement provenir de la cession de la bande de fréquences des 700 Mhz.

Lors de l'audition précitée, le délégué général pour l'armement indiqué qu' « à la veille de la loi de finances rectificative, les créances dues par ce programme atteindront près de quatre milliards d'euros. Si la loi de finances rectificative est au rendez-vous au montant prévu, le report de charge sera [...] maîtrisé, mais à la condition qu'il n'y ait pas d'annulations de crédits pour couvrir les surcoûts induits par les OPEX, Sentinelle ou une éventuelle insuffisance sur le titre 2. » Laurent Collet-Billon avertit même que « si le programme 146 subit de nouvelles amputations, notamment s'il ne dispose pas de la totalité du montant actuellement prévu en loi de finances rectificative de décembre - soit 2,2 milliards d'euros -, il faudra procéder à un réexamen des commandes et de l'étalement des livraisons, nécessaire pour assurer sa viabilité financière. »

Une telle éventualité ne semble pas acceptable à votre rapporteur spécial.

Lors son audition précité du 15 octobre dernier, le chef d'état-major des armées a estimé lui que la fin de gestion 2015 « conditionne la bonne ?mise sur les rails? de l'année 2016 » . Par conséquent, non seulement « l'ensemble des crédits de la mission ?Défense? doit être au rendez-vous en fin de gestion 2015 selon le volume prévu par la loi de finance initiale, soit 31,4 milliards d'euros » , mais « les charges nouvelles doivent également être couvertes tout en exonérant la défense des abattements traditionnels de fin d'année » . Ces charges correspondent « à environ 950 millions d'euros comprenant notamment les surcoûts OPEX, au-delà de la provision initiale, Sentinelle, et la révision de la trajectoire de déflation des effectifs avec la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre » .

Votre rapporteur spécial considère qu'en tant que tels les crédits de la mission « Défense » pour 2016 sont conformes à la programmation actualisée, qui représente un net progrès par rapport à la LPM initiale. En pratique, ils ne peuvent toutefois être appréciés de manière parfaitement pertinente qu'au regard des conditions de l'exécution 2015, et notamment des mesures de fin de gestion. En effet, les différents exercices de cette programmation sont étroitement liés entre eux et toute insuffisance sur l'un d'entre eux met en péril l'ensemble de la trajectoire tant physique que financière.

À cet égard, on relèvera que le projet de loi de finances rectificative, présenté le 13 novembre dernier en Conseil des ministres, prévoit l'ouverture de 2,2 milliards d'euros de autorisations d'engagement et de crédits de paiement au profit de la mission « Défense », essentiellement sur le programme 146 « Équipement des forces » :

- 2,144 millions d'euros en substitution des recettes attendues sur le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ». Sur ce compte, clôturé en 2016, la mission « Défense » conserve pour 2015 le bénéfice de 19 millions d'euros de crédits au titre des « redevances versées en 2015 pour les fréquences déjà utilisées par les opérateurs mobiles », le reste des crédits étant annulés ;

- 56,9 millions d'euros pour « compenser le surcoût supporté par le programme consécutivement à l'accord franco-russe sur le règlement des obligations liées à la cessation de l'accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement ».

Parallèlement, sont annulés 20 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », au titre de la solidarité interministérielle.

Par ailleurs, l'exposé des motifs du projet de loi indique que « le Gouvernement prévoit de publier un décret d'avance », qui, s'agissant de la mission « Défense », porterait :

- l'ouverture de 342 millions d'euros de crédits de titre 2 et de 501 millions d'euros de crédits hors masse salariale, pour couvrir des dépenses liées aux opérations extérieures et intérieures, soit 843 millions d'euros au total ;

- l'annulation de 205,7 millions d'euros de crédits, sans qu'il soit pour l'instant précisé la part respective de l'auto-assurance et de la contribution du ministère de la défense à la solidarité interministérielle.

L'examen du projet de loi de finances rectificative devra confirmer que ces éléments sont effectivement de nature à sécuriser la trajectoire de la loi de programmation actualisée.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, sur l'avis favorable de sa commission des finances, un amendement présenté par le Gouvernement visant à tirer les conséquences pour la mission « Défense » de la mise en oeuvre du protocole relatif à l'avenir de la fonction publique et à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR).

Ce plan prévoit, à partir du 1 er janvier 2016, pour les agents des catégories A et B des filières paramédicale et sociale :

- d'une part la transformation d'une partie du montant indemnitaire perçu par les agents civils en point d'indices majorés intégrés à leur grille de rémunération, accompagnée d'un abattement annuel plafonné selon leur catégorie d'appartenance ;

- d'autre part l'harmonisation des durées d'échelon dans les trois versants de la fonction publique, qui se traduira par une économie de glissement vieillesse technicité (GVT).

En conséquence, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale tend à majorer de 3,6 millions d'euros les crédits de titre 2 de la mission « Défense ».

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue jeudi 5 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a examiné le rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Défense ».

Mme Michèle André , présidente . - Nous examinons aujourd'hui le rapport de Dominique de Legge, rapporteur spécial sur la mission « Défense ».

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - La loi de programmation militaire initiale prévoyait pour 2015 des crédits budgétaires de 29,6 milliards d'euros et des recettes exceptionnelles de 1,77 milliard d'euros pour un total de 31,4 milliards d'euros. La loi de finances pour 2015 a ramené les crédits à 29 milliards d'euros et porté les recettes exceptionnelles à 2,4 milliards d'euros, l'équilibre étant maintenu, à 31,4 milliards d'euros. Nous avions toutefois émis des réserves et voté contre car ces ressources n'étaient pas assurées.

La loi de programmation militaire 2016 corrige substantiellement les imperfections remarquées l'an dernier. Les recettes exceptionnelles reviennent à 250 millions d'euros correspondant à des cessions de biens immobiliers et de matériel militaire. Cette somme nous paraît réaliste. Toutefois, l'Assemblée nationale a supprimé une disposition votée dans la loi de programmation militaire après consensus en commission mixte paritaire, qui limite l'abattement « Duflot » sur les ventes immobilières du ministère de la défense, afin de sécuriser ses ressources. Je souhaite que soit rétabli ce dispositif de sauvegarde pour des raisons budgétaires et politiques : il n'est pas correct de fragiliser au détour d'une loi de finances ce qui avait été consolidé d'un commun accord en commission mixte paritaire. Je crois que le rapporteur général proposera un amendement en ce sens lorsque nous examinerons la première partie du projet de loi de finances pour 2016.

Les crédits budgétaires passent de 29 milliards à 31,73 milliards d'euros. Le budget, fortement consolidé, augmente de 600 millions d'euros par rapport à la programmation initiale, dont 400 millions d'euros de dépenses de personnel et 200 millions d'euros de dépenses d'équipement, d'acquisition et de maintien en condition opérationnelle. La programmation actualisée a engendré une stabilité des effectifs en 2015 et la création de 2 300 postes en 2016. L'effectif du ministère de la défense, en 2016, sera supérieur de 17 197 équivalents temps plein (ETP) à ce que prévoyait la loi de programmation militaire initiale. L'essentiel des postes préservés ou créés sont affectés la force opérationnelle terrestre (FOT), le reste renforçant nos moyens de renseignement, de cyber défense ou la protection de nos bases navales.

Ce budget, que je vous proposerai en conclusion d'adopter, appelle notre vigilance. En premier lieu, le ministère fait face à d'importants besoins immobiliers en raison du relèvement des effectifs de la FOT et de son rôle accru dans la protection du territoire et de la remise à niveau de la protection des sites de munitions. Le vol d'explosifs à Miramas en juillet 2015 est révélateur d'une insuffisance. Les crédits de paiements concernés s'établissent à 1,2 milliard d'euros, les besoins étant estimés par le ministère à 1,4 milliard d'euros.

J'ai été interpellé par Hervé Marseille et Michel Bouvard sur l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera), qui a connu des défaillances et des difficultés de gestion. Le ministère, qui en prend actuellement la mesure, annonce un plan pour la fin de l'année répondant aux interrogations sur le devenir des implantations immobilières dans les Hauts-de-Seine et le devenir de la soufflerie S1 de Modane chère à Michel Bouvard. Il est urgent de régler les problèmes de l'Onera, partenaire indispensable du ministère de la défense.

Les opérations intérieures ne sont pas formellement financées. Jusqu'à présent, leur poids était limité, mais le surcoût de l'opération Sentinelle s'élève à 194 millions d'euros, dont 80 millions de dépenses de titre 2. Pour une dépense 2016 du même ordre, le financement prévu n'est que de 26 millions d'euros - contre 11 millions inscrits en 2015. Si la prise en compte est meilleure, elle reste insuffisante. Les sommes engagées pour le financement des opérations intérieures ne sont plus disponibles pour d'autres besoins.

Le coût des opérations extérieures (Opex) a été de 1,12 milliard d'euros en 2014, pour une provision de 450 millions d'euros. En 2015, il est d'un montant identique, et l'on peut penser que cela sera encore le cas l'an prochain. Or le budget 2016 maintient la provision Opex à 450 millions d'euros et ne prévoit pas de financement des 670 millions d'euros de probable dépassement. Nous engageons nos troupes à l'étranger sans en budgéter la dépense. Peut-on encore parler de sanctuarisation des crédits dès lors que le ministère de la défense participe à hauteur de 400 millions d'euros à la solidarité interministérielle, dont 100 millions d'euros sont liés au dépassement Opex ? En outre, la Cour des comptes elle-même reconnaît que le ministère de la défense contribue à cette solidarité bien au-delà de son poids dans le budget. Le surcoût annoncé par la Cour des comptes est de 79 millions d'euros. Je me propose, madame la Présidente, d'étudier de plus près les dépassements des Opex et la participation respective de chacun des ministères.

Si les problèmes de Louvois sont en cours de résolution, ses surcoûts ne sont pas budgétés. Ils se sont élevés à 130 millions d'euros en 2014, pris en charge par le ministère de la défense au titre de son auto-assurance. Ils devraient être de 20 à 30 millions d'euros en 2015 et disparaître en 2016. Le système de remplacement, Source Solde, sera mis en place progressivement à partir de 2017. Le montant maximal du marché, 128 millions d'euros sur dix ans, n'est pas pris en compte dans la programmation.

Je note avec satisfaction l'évolution du budget par rapport à 2015. Néanmoins, cette amélioration ne sera réelle que si la fin de gestion de 2015 est respectée : levée de la réserve de précaution de 1,4 milliard d'euros sur la mission « Défense » (programme 146) après la levée totale de celle de 614,9 millions d'euros en août 2015 ; financement des dépenses non budgétées en 2015 estimées à 950 millions d'euros par l'état-major des armées ; compensation effective du coût net pour le programme 146 du versement à la Russie des indemnités liées à l'annulation de la vente des deux bâtiments de projection et de commandement pour 56,7 millions d'euros ; financement du dépassement de la provision pour les opérations extérieures ; modalités de financement des surcoûts liés à l'opération Sentinelle ; surtout, substitution de crédits budgétaires aux recettes exceptionnelles, (2,2 milliards d'euros). Si la clôture de l'année 2015 n'est pas conforme aux engagements pris lors du vote de la loi actualisant la programmation militaire, le report de charge explosera et tous les effets positifs de ce budget seront annulés.

Je préconise l'adoption de cette mission, sous réserve de la conformité de la clôture 2015 aux engagements pris par le Gouvernement, et de la correction de l'erreur de l'Assemblée nationale en maintenant le plafonnement de la décote « Duflot ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On ne peut qu'être satisfait que ce budget soit proche de la révision de la loi de programmation militaire. Pouvez-vous me confirmer le coût exact de l'opération Sentinelle ? Est-elle pleinement financée ?

Les bâtiments de la défense à Balard sont inaugurés aujourd'hui. J'avais compris qu'ils étaient financés par des cessions immobilières. Les recettes de cession des bâtiments de la place de la Concorde et de l'îlot Saint-Germain sont-elles intégrées ? Par exception à la règle générale, le ministère de la défense perçoit le produit des cessions immobilières. Si le principe de la décote, qui peut aller jusqu'à 100 %, devait s'appliquer, le ministère de la défense serait privé de ses recettes. Comment les compenserait-on si la Ville de Paris souhaitait bénéficier de cette décote pour aménager des logements sociaux ? Les enjeux sont considérables, étant donné le prix du mètre carré sur le boulevard Saint-Germain.

M. Yves Pozzo di Borgo , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères . - Je travaille sur le programme 178 avec Michelle Demessine. J'ai présenté mon rapport hier. Les crédits du maintien en condition opérationnelle (MCO) progressent de 1,47 % en crédits de paiement par rapport à 2015 et surtout de près de 3 % en autorisations d'engagement, ce qui est conforme à l'actualisation de la LPM. Néanmoins, se posent les questions de l'externalisation, du coût réel du MCO en opération extérieure, et de l'articulation entre le soutien à l'exportation (Soutex) et le financement du MCO.

La qualité de l'entretien programmé du matériel, notamment hors de France, pose des questions de délai. La projection sur des théâtres d'opération des personnels chargés de l'entretien programmé du matériel non militaire n'est pas évidente. Nous conseillons de garder en interne les compétences d'entretien des équipements dont la durée de vie est souvent plus longue que prévue par le modèle industriel.

Le coût en ressources humaines et en matériel des opérations extérieures est sous-évalué. En ce qui concerne le MCO, on évalue le déficit à 20 % à 25 %. Par exemple, 1 heure de vol, qui devrait se traduire par 12 heures de maintenance, en nécessite en réalité 25 heures ; l'engagement de trois avions de combat mobilise 5 moteurs dans les circuits logistiques. S'y ajoutent la suractivité et la surintensité. La France est présente dans 39 pays.

Nous devons être très attentifs au retour attendu des opérations Soutex. L'exportation de nos armements est une condition sine qua non pour maintenir la production du Rafale, par exemple. Les trois armées contribuent à la réussite de ces exportations. Le montant des commandes annuelles d'armement français est passé de 5,1 milliards d'euros en 2010 à 6,9 milliards en 2013, 8,2 milliards en 2014 et 15 milliards en 2015. Le décret de 1983 organisant le Soutex prévoit que les industriels remboursent la participation des militaires, minorée des dépenses courantes. Or le remboursement ne comprend pas les frais supplémentaires de maintien en condition opérationnelle de matériels vieillissants utilisés plus longtemps pour que les industriels puissent prendre à nos armées les frégates ou Rafales prévus afin de les vendre. Notre commission a décidé d'étudier plus profondément ce dossier sur lequel je vais demander un rapport au ministre de la défense. Une plus grande partie des 15 milliards d'euros de rentrées financières d'armement devrait revenir au ministère de la défense. La direction générale de l'armement (DGA) et les industriels doivent s'y attacher.

M. Michel Bouvard . - Je remercie le rapporteur spécial de son attention envers l'Onera. Nous affrontons des problèmes de méthodologie. Depuis la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, les opérations extérieures sont sous-évaluées. Je me souviens de réponses très vertes de Michèle Alliot-Marie. Le problème demeure. Le montant des Opex n'a pas été inférieur à 800 millions d'euros depuis des années. Or l'on ne parvient pas à inscrire au moins la moyenne des années précédentes. L'astuce budgétaire consiste à faire contribuer les ministères en cours d'année, avec les contradictions évoquées par le rapporteur spécial, sur les gels de crédits. Le temps d'une opération vérité est venu.

En matière d'immobilier, nous en sommes à la dérogation de la dérogation. Le ministère de la défense, qui bénéficie d'une dérogation l'autorisant à garder la totalité du produit des cessions, se retrouve victime de la dérogation « Duflot ». Cette situation baroque est illisible. La politique immobilière de l'État doit être remise à plat.

Quand les opérateurs reçoivent des crédits de plusieurs ministères, sans la vigilance du rapporteur spécial, les crédits peuvent être stabilisés dans un ministère et disparaître dans un autre. L'Onera ne reçoit plus, depuis des années, de crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), ramenés de 24 millions d'euros en 2010, à 300 000 euros en 2014. Quant aux 3,7 millions d'euros apportés ordinairement sur le fonctionnement de l'Onera, ils ont été supprimés en 2011. Si une petite évolution est intervenue, nous avons du mal à consolider l'engagement de l'État vis-à-vis des opérateurs. La situation de l'Onera est urgente. Je déposerai un amendement de redéploiement de crédits. Outre la renégociation du contrat d'objectifs et de performance, nous devons affronter l'affaissement de la soufflerie S1 à Modane, la plus performante dans le monde. Elle nécessite 20 millions d'euros de travaux, pour une valeur de reconstruction de 700 millions d'euros. Elle est issue de la récupération d'équipements de Von Braun en Allemagne en 1945. Unique au monde, elle est indispensable à la recherche aéronautique. L'affaissement se poursuit, et les problèmes géologiques vont parfois plus vite que les décisions ministérielles.

M. André Gattolin . - Je suis étonné par les propos du rapporteur, selon lesquels l'Onera a été victime de difficultés de gestion. Ce sont plutôt des problèmes de programmation : la DGAC ne contribue plus au budget de l'Onera. Les projets envisagés sur le site de Châtillon, dans les Hauts-de-Seine, ont été abandonnés au profit du plateau de Saclay - j'ai quelques doutes sur ces grands pôles... Les déménagements ont un coût, tout comme le glissement de terrain de Modane, dû au pergélisol. Ce type de problème risque de se multiplier en raison du dérèglement climatique, qui pèse sur nos infrastructures.

M. Michel Bouvard . - Le phénomène a démarré en 1948.

M. André Gattolin . - Il s'accentue. Des études récentes montrent que le réchauffement climatique est 2 à 2,5 fois plus important dans les Alpes que sur le reste de la planète. Je ne comprends pas le désengagement de la DGAC.

M. Philippe Dallier . - Je me félicite que le rapporteur spécial puisse nous proposer cette année de voter le budget, malgré des inquiétudes. L'on nous fait une mauvaise manière sur l'îlot Saint-Germain. Voilà une opération à étudier de près. Le souhait d'y installer des logements sociaux est une opération de communication politique de la Ville de Paris. Alors qu'il n'y a plus de crédits budgétaires pour les aides à la pierre, que les banlieues sont délaissées, des aides indirectes sont attribuées pour des raisons politiques. C'est à la limite de l'acceptable.

Un loyer sera payé tous les ans pour le site de Balard, réalisé en partenariat public-privé. J'ai lu dans un hebdomadaire que pour installer une prise de fax, l'opérateur avait présenté un devis de 12 300 euros. C'est inquiétant. L'enveloppe conséquente est-elle prévue pour les adaptations en tous genres ? Des déboires sont-ils à prévoir ?

M. Marc Laménie . - Je salue le travail du rapporteur. Ce budget, qui représente une masse financière importante, est marqué par la volonté de recrutements complémentaires. La Journée défense et citoyenneté, qui suscitera des vocations, requiert des moyens. Peut-elle être quantifiée financièrement ? Certains jeunes recrutés par la défense arrêtent au bout de cinq ans. Il faut alors recommencer à zéro la formation de nouvelles recrues. Combien cela coûte-t-il ? Des sites militaires ont fermé, y compris dans de petites communes. Les engagements des contrats de site pour les reconversions ont-ils été évalués ?

M. Jacques Chiron . - L'Onera ne bénéficie pas des investissements d'avenir, car il travaille beaucoup en sous-traitance. S'il y avait accès, il aurait ses propres forces de financement.

M. Roger Karoutchi . - Je partage pleinement les propos de Philippe Dallier sur l'îlot Saint-Germain et sur Balard. Cette aberration se terminera par des surcoûts tellement considérables qu'on se demandera comment on a pu engager toute cette opération.

L'armée mène des missions de protection des écoles, des centres communautaires et des édifices religieux. Pendant quatre à cinq mois, ils étaient surveillés jour et nuit. Depuis septembre, à Paris et dans les Hauts-de-Seine, la surveillance est aléatoire, quelques heures par jour lors des offices ou des entrées et sorties des élèves. Je comprends que cette opération pose des problèmes financiers lourds. Évalue-t-on la réduction de la surveillance de ces établissements ? Est-elle liée à un problème de personnel ou de coûts ? La surveillance aléatoire - dont on ne comprend pas comment elle est déterminée - a-t-elle un sens ? Je ne suis pas convaincu qu'elle représente la bonne solution.

M. Maurice Vincent . - Je remercie le rapporteur spécial de sa clarté. Chacun reconnaît que le Gouvernement et le Président de la République ont pris des mesures se traduisant par l'augmentation des crédits et la moindre décroissance des effectifs. Ces efforts sont indispensables dans le contexte actuel.

Le remplacement des recettes exceptionnelles par des ressources pérennes est extrêmement important, même si le succès incontestable de la vente des Rafale a des conséquences indirectes sur les crédits du ministère. La conclusion de l'affaire des Mistral est optimale compte tenu des circonstances géopolitiques et économiques : difficile de faire mieux que la perte d'environ 56 millions d'euros. Je me félicite de notre convergence pour adopter ces crédits.

Combien l'opération Balard coûte-t-elle ? Quelle est le coût annuel du partenariat public-privé pesant sur le budget de la défense pendant trente ans ?

M. Antoine Lefèvre . - Merci au rapporteur spécial qui nous sensibilise toujours fortement aux besoins et tensions financières de la défense. À quel niveau soutient-on le Rafale à l'exportation ? Je regrette l'abandon du fusil d'assaut Famas, ainsi que l'incapacité de nos industriels à répondre à l'appel d'offres de 205 millions d'euros, pour lequel cinq fournisseurs européens sont encore en lice. Il est dommage qu'aucun ne soit français.

M. Éric Doligé . - Je regrette le temps que prend la vente de terrains. Les casernes sont squattées ou se dégradent. Est-il prévu d'installer les bureaux du ministre à l'hôtel de Brienne dans l'îlot Saint-Germain ? J'ai lu que le ministre aurait des bureaux à Brienne et à Balard. Est-ce utile qu'il en ait deux ? J'ai entendu les propos de Philippe Dallier sur le partenariat public-privé de Balard. Les montants annoncés seraient anormaux ; il est fort probable qu'ils recouvrent autre chose. Il serait bon d'approfondir le sujet sans laisser se répandre des informations trop négatives.

M. Claude Raynal . - Le rapport rappelle les équilibres, en dépit des quelques difficultés qui perdurent ; il montre surtout que les ressources sont accrues et mieux sécurisées. Les recettes exceptionnelles ont quasiment disparu ou leur montant n'est plus mis en cause. Le calendrier des livraisons de matériel est conforme à la programmation.

Comment alors ne pas revenir sur la polémique de l'an dernier sur les deux milliards d'euros de recette exceptionnelle sur les fréquences ? La violente dénonciation de l'insincérité du budget n'avait pas lieu d'être. Elle a pourtant suscité un échange de lettres entre le Président du Sénat et le chef de l'État, puis malgré un engagement du Président de la République, le refus, contraire à tous les usages du Sénat, de voter ces crédits. Que cela nous serve de leçon : évitons des polémiques stériles, concentrons-nous sur l'essentiel.

M. Vincent Capo-Canellas . - Les relations entre la DGAC et l'Onera se sont récemment améliorées. Tant pour l'Onera que pour la DGAC, l'ensemble des crédits de recherche en aviation sont en baisse. Il est beaucoup fait appel au PIA, qui n'est pas pérenne. L'Onera est la victime collatérale de ce manque de visibilité à moyen et long termes.

M. Philippe Dominati . - Quels sont la durée de la mission Sentinelle, les temps de travail et les primes éventuelles ? En matière de sécurité intérieure, les gendarmes et les policiers sont astreints à des missions d'exception. Sentinelle vient en complément sur le territoire national, pour assurer des gardes statiques. Est-ce normal, usuel ? J'ai cru comprendre que cette mission pouvait se prolonger au-delà de 2017. Le coût des primes est-il pris en compte au ministère de la défense ?

Je ne suis pas partisan d'un régime dérogatoire défavorable à la capitale. Les rapporteurs ont pu comprendre les difficultés de la jeune municipalité parisienne face aux administrations de l'État ou aux entreprises publiques, telles que la SNCF, pour déplacer des institutions. La loi est absurde, j'en conviens. Il serait incohérent de profiter sur l'îlot Saint-Germain de l'effet d'aubaine du dispositif. L'État se prend les pieds dans le tapis ? Il retiendra la leçon... Il appartient aux ministères de la défense, des affaires étrangères, de l'intérieur, de la justice, d'être prudents dans leur dialogue sur les réserves foncières avec la Ville de Paris. Quitte à voir l'arroseur arrosé, je ne suis donc pas enclin à une dérogation à la dérogation.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Le coût de l'opération Sentinelle est de 194 millions d'euros cette année. Le financement prévu dans le budget 2016 est de 26 millions d'euros. Le surcoût de Sentinelle sera-t-il traité selon le régime des Opex ? Je n'ai pas la réponse. Sans mobilisation de crédits supplémentaires, le budget 2016 supportera environ 160 millions d'euros de surcoût. La philosophie de l'opération pose un problème de fond : si l'on peut comprendre une réponse politique à une émotion forte, afin de rassurer nos compatriotes, la mobilisation de 10 000 personnes en garde statique sur l'ensemble du territoire est-elle la bonne solution technique ? Ce type de garde est traditionnellement plutôt du ressort de la gendarmerie et de la police. Indépendamment du statut, nous avons besoin de renforcer nos moyens de sécurité. En effet, Roger Karoutchi, compte tenu de la demande formulée et du nombre de points sensibles, nous sommes passés à une logique de présence aléatoire.

M. Philippe Dominati . - Y a-t-il des primes ?

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Bien évidemment, il y a un surcoût. Quant aux horaires, je rappelle que les militaires n'ont pas le même statut que la police.

Le coût du partenariat public-privé de Balard est de 150 millions d'euros par an pendant 26 ans, financé, selon la réponse du ministère, par le redéploiement de crédits de fonctionnement et d'investissement correspondant aux emprises actuelles, par les économies dégagées en regroupant des services, ainsi que par la compensation du surcoût de la TVA sur les prestations externalisées.

Je n'ai pas de doctrine toute faite sur les logements sociaux à Paris ou sur la décote « Duflot », mais je sais qu'on ne vend pas deux fois la même recette. Soit les recettes exceptionnelles du ministère de la défense sont certaines, et il n'y a pas de préemption pour financer autre chose, soit on favorise le logement social en trouvant d'autres recettes pour le ministère de la défense. Ma préconisation, puisqu'un accord a été trouvé il y a six mois dans la loi de programmation militaire et qu'aucun élément nouveau n'est susceptible de modifier notre attitude, est de rétablir par amendement la rédaction votée à l'unanimité en commission mixte paritaire. Par ailleurs, je n'ai pas d'information nouvelle sur l'avenir de l'hôtel de la Marine, qui ne fait pas partie du programme de cessions du ministère de la défense.

Yves Pozzo di Borgo, j'ai publié un rapport l'an dernier sur les externalisations en Opex. Sont-elles subies ou voulues ? Si elles sont voulues car plus performantes, plus adaptées, apportant plus de moyens, j'applaudis. Si elles sont subies, la logique est différente. Les militaires disent que l'armée doit conserver un savoir-faire pour pouvoir intervenir dans des conditions totalement dégradées, sur un théâtre d'opérations à l'étranger.

La classique question du MCO est celle du juste équilibre entre notre capacité à intervenir en opération extérieure et notre aptitude à maintenir nos équipements en condition opérationnelle. Plus on mobilise un équipement, plus il s'use et moins il est disponible à la révision.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'Onera souligne que « de nombreux éléments traduisent le manque d'implication de la tutelle au sens large (DGA et autres acteurs étatiques disposant de pouvoirs particuliers). Le conseil d'administration et en particulier la tutelle technique (DGA) ne semblent pas avoir été suffisamment associés à la programmation des travaux de l'Office. » C'est ce que j'ai exprimé en évoquant un problème de gestion. La Cour des comptes poursuit en constatant que les dix mois écoulés avant la nomination du successeur du PDG décédé constituent un délai « particulièrement long ». Depuis deux ou trois ans, l'Onera a été laissé en déshérence. J'espère recevoir de bonnes nouvelles l'année prochaine.

Marc Laménie évoquait la Journée défense et citoyenneté. Celle-ci est de plus en plus préemptée par toutes sortes de sujets n'ayant pas grand rapport avec la défense. La semaine dernière, certains y voyaient l'occasion de sensibiliser les jeunes aux directives anticipées, dans le cadre de la loi sur la fin de vie.

Mme Michèle André , présidente . - Nous recevrons au premier trimestre une enquête que nous avons demandée à la Cour des comptes sur la Journée défense et citoyenneté.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - La bonne nouvelle, dans le dossier des Rafale, est que les appareils sur lesquels nous nous étions engagés ayant été vendus, nous n'achèterons que ceux dont nous avons besoin. Je ne peux que m'associer aux regrets d'Antoine Lefèvre sur le Famas. J'ai cru comprendre qu'aucune décision n'avait été prise sur l'hôtel de Brienne, mais que le prestige incitait le ministre à y rester.

Claude Raynal, sans relancer la polémique, je suis plutôt satisfait de ce qui s'est passé l'an dernier, car si nous n'avions pas pris une position ferme, nous n'aurions pas obtenu l'évolution que nous appelions de nos voeux. Reste qu'à l'instant où nous parlons, nous vivons toujours sous le régime de recettes exceptionnelles supérieures aux prévisions de la loi de programmation militaire initiale : je ne sais pas du tout comment l'année s'achèvera. La polémique sera dépassée lorsque nous connaîtrons les intentions du Gouvernement pour la clôture de l'exercice. Il était important de marquer notre attachement à la sincérité du budget du ministère de la défense.

Je ne suis pas certain que les crédits du PIA obtenus par le ministère de la défense puissent être qualifiés de crédits d'investissement et d'avenir, étant donné qu'ils financent des décisions antérieures, pas toujours d'investissement.

M. Michel Bouvard . - Eh oui !

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Le ministère de la défense accompagne souvent des entreprises privées à l'exportation et son apport se révèle souvent décisif dans l'opération commerciale finale. Il y aurait matière à réfléchir sur la traduction pécuniaire de cette ingénierie de la défense.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission «  D éfense ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'ai bien sûr voté les crédits. Il y aura néanmoins un amendement sur l'immobilier parce qu'on ne peut pas utiliser plusieurs fois la même recette. Dès que l'engagement pris pour financer la défense s'était traduit par un amendement voté à l'unanimité, l'on doit rester dans la règle générale : les produits de cession de la défense doivent lui revenir.

M. Philippe Dominati . - Le Parlement ne peut pas attaquer une seule collectivité pour régler un problème entre ministères. Ce serait trop facile. Cette chambre doit défendre toutes les collectivités de France, sans exception.

M. Michel Bouvard . - Paris est la seule collectivité qui ait un droit de préemption sur le budget de l'État au travers de ses documents d'urbanisme. La situation est budgétairement anormale. Le Parlement ne fait pas une situation d'exception à la ville de Paris, c'est celle-ci qui jouit d'un pouvoir dont ne bénéficie aucune collectivité dotée de la compétence en matière de logement.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Défense ».


* 1 Rapport n° 370 (2014-2015) de Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et François Pillet, fait au nom de la commission spéciale.

* 2 En conséquence, l'article 19 du présent projet de loi de finances supprime le CAS « Fréquences », les recettes à venir étant désormais affectées au budget général.

* 3 Soit 18 500 au titre de l'actualisation de la LPM qui s'ajoutent aux 250 au titre des renforcements de la fonction « Renseignement » déjà annoncés par le Premier ministre en janvier 2015.

* 4 Entendu par votre rapporteur spécial le 20 octobre 2015.

* 5 Lors de son audition du 21 octobre 2015 sur le projet de loi de finances pour 2016.

* 6 Décret n° 2014-1741 du 30 décembre 2014 relatif aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé des établissements publics de l'État, ou dont la gestion leur a été confiée par la loi, prévues à l'article L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 7 Décret n° 84-33 du 11 janvier 1984 relatif au rattachement par voie de fonds de concours au budget de la défense du produit des aliénations, cessions ou changements d'affectation d'immeubles militaires et des aliénations de matériels, d'approvisionnements des armées et de navires déclassés de la marine nationale.

* 8 Projet annuel de performances 2014 de la mission « Défense ».

* 9 Instaurée par le décret 97-901 du 1 er octobre 1997, l'ISSE est versée au personnel militaire envoyé à l'étranger dans le cadre d'une OPEX. Elle est égale à 1,5 fois la solde de base, complétée d'un supplément (SUP ISSE) par enfant.

* 10 Par exemple, un lot de munitions est acquis sans qu'il soit possible au moment de l'achat de garantir qu'il sera utilisé dans le cadre des OPEX ni, a fortiori , de préciser l'OPEX concernée.

* 11 L'article 4 de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 dispose qu'« en gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel ».

* 12 Rapport n° 2779.

* 13 Audition devant la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, 13 octobre 2015.

* 14 Lors de son audition par la commission élargie de l'Assemblée nationale.

* 15 Au cours de son audition sur le projet de loi de finances 2016 en commission élargie à l'Assemblée nationale.

* 16 La Cour des comptes soulève ainsi la question de l'« implication financière de la direction générale de l'aviation civile - DGAC et de la direction générale de la recherche et de l'innovation - DGRI » et souligne la nécessité d' « augmenter significativement les ressources issues de la valorisation de la recherche ». Dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes, Bruno Sainjon souligne d'ailleurs que l'Onera « vient de remporter trois appel d'offres lancés au titre du programma Cleansky 2 », pour un montant total de 30,4 millions d'euros.

* 17 L'évaluation du président pour 2012 par la DGA fait ainsi ressortir l'absence totale de participation de la DGA à l'élaboration du programme annuel.

* 18 Rapport d'information n° 52 (2013-2014) de Yves Krattinger et Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 9 octobre 2013.

* 19 Audition du 26 mai 2015, compte rendu de réunion n° 63, session 2014 - 2015.

* 20 Audition devant la commission élargie de l'Assemblée nationale du 21 octobre 2015.

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