PREMIÈRE PARTIE : LES ENJEUX DE CES ACCORDS DE PARTENARIAT ET DE COOPÉRATION

I. LA GENÈSE DES ACCORDS DE PARTENARIAT ET DE COOPÉRATION AVEC LES PAYS D'ASIE DU SUD-EST

Dans les années 90, l'UE a souhaité inscrire sa relation avec les Etats tiers dans un cadre global et engager la négociation d'accords portant à la fois sur les domaines politique, économique et sectoriel . L'Union européenne entend notamment mener des dialogues sur des questions de droit de l'homme, de non-prolifération d'armes, de sécurité et de terrorisme. Avec l'autorisation du Conseil, elle a ainsi proposé, en 2004, aux six Etats membres fondateurs de l'ANASE (Brunei, Malaisie, Indonésie, Philippines, Thaïlande, Singapour) de conclure des accords-cadres de partenariat et de coopération.

Ces accords ont vocation à ouvrir des champs de coopération et à être complétés par des accords sectoriels comme des accords de libre-échange (ALE) ou des accords de réadmission.

Un premier accord-cadre a ainsi été signé le 9 novembre 2009 avec l'Indonésie et est entré en vigueur le 1 er mai 2014, la loi autorisant sa ratification ayant été adoptée le 29 mai 2013. Cet accord avec l'Indonésie n'a pas été suivi par un accord de libre-échange (ALE) entre l'UE et l'Indonésie, même si celui-ci est évoqué depuis de nombreuses années.

En mai 2007, le Conseil de l'Union européenne a autorisé la Commission à négocier un accord-cadre de partenariat et de coopération (APC) avec le Viêt Nam et les Philippines en se fondant sur l'autorisation du Conseil de novembre 2004.

Les négociations des accords-cadres avec le Viêt Nam et les Philippines n'ont pas présenté de difficultés particulières . En revanche, celles engagées avec Singapour, la Thaïlande, la Malaisie et le Brunei n'ont pas connu le même succès. L'accord-cadre UE-Singapour a été paraphé, mais un désaccord a depuis émergé s'agissant d'une clause ayant trait à la coopération en matière fiscale. L'accord UE-Thaïlande a également été paraphé mais, suite au coup d'Etat du 22 mai 2014, le Conseil de l'Union a souhaité qu'il ne soit pas signé tant qu'un gouvernement démocratiquement élu n'est pas en place (conclusions du Conseil Affaires étrangères du 23 juin 2014). La négociation de l'accord-cadre UE-Malaisie se poursuit tandis que la négociation de l'accord-cadre UE-Brunei a été interrompue à la suite de l'introduction par le Brunei de la Charia dans le nouveau code pénal.

1. L'accord-cadre global de partenariat et de coopération avec le Viêt Nam

S'agissant du Viêt Nam, les négociations commencées en novembre 2007 se sont achevées en septembre 2010. L'accord cadre a été paraphé en octobre 2010, puis signé en juin 2012 à Bruxelles. C'est le deuxième accord signé par l'UE avec un Etat membre de l'ANASE après l'Indonésie en 2009. Il se substitue à l'accord de coopération CEE-Viêt Nam de 1995 ainsi qu'à l'accord CEE- ANASE de 1980 , qui avait été étendu au Viêt Nam en 1999.

L'accord CEE-ANASE, signé le 7 mars 1980 par la Communauté économique européenne (CEE) avec l'Indonésie, les Philippines, la Malaisie, Singapour et la Thaïlande a marqué une nouvelle étape pour la coopération entre les deux organisations régionales et leurs Etats membres. Il a pour objectif d'accroître la coopération dans les domaines économique, commercial et de l'aide au développement (clause de la nation la plus favorisée, coopération pour étudier le démantèlement des barrières tarifaires et non tarifaires ; coopération pour améliorer le climat des investissements etc ; engagement de la CEE à accroître l'aide au développement à l'attention de l'ANASE, etc). Il met également en place un comité mixte de coopération dont les réunions régulières visent à promouvoir et à superviser les engagements prévus dans l'accord.

L'accord de coopération CEE-Viêt Nam de 1995 dit de « 3 e génération » avait pour objet de renforcer la coopération entre l'UE et le Viêt Nam dans les domaines économique, commercial et du développement ainsi qu'en matière de lutte contre la drogue. Il instaurait en outre une commission mixte permettant aux parties d'établir des priorités dans la mise en oeuvre de l'accord.

Cet accord conclu avec le Viêt Nam traduit la volonté de l'Union européenne (UE) de renforcer la relation bilatérale dans les domaines du commerce, de l'économie, de la politique et du développement ainsi que l'intérêt du Viêt Nam pour développer une relation complète avec l'UE dans sa stratégie de multiplication des partenariats afin d'équilibrer ses alliances économiques dans un contexte d'influence économique croissante de la Chine en Asie du Sud-Est . Le Viêt Nam est un des rares pays asiatiques à avoir apporté son soutien à une éventuelle candidature de l'UE au Sommet de l'Asie de l'Est, qui est au coeur de l'architecture de sécurité en Asie orientale.

Les principes établis dans l'APC dans le domaine du commerce et de l'investissement servent de point de départ à la négociation d'un accord de libre-échange (ALE) qui est en cours depuis 2012 . En août 2015, la Commission européenne et le Viêt Nam ont annoncé avoir trouvé un « accord de principe ». L'ALE UE-Viêt Nam comprend des dispositions ambitieuses en matière de démantèlement tarifaire (jusqu'à 99 % de lignes libéralisées, assorties pour ce qui concerne les produits sensibles de périodes transitoires de 10 ans pour le Viêt Nam et de 7 ans pour l'UE). Il devrait permettre à l'UE comme à la France de mieux profiter des opportunités commerciales du Viêt Nam et de résorber le déficit commercial de l'UE et de la France dans leurs relations commerciales avec le Viêt Nam. L'accord devrait également inclure la reconnaissance et la protection sur le marché vietnamien de 169 produits alimentaires et boissons d'origine géographique spécifique en vue notamment d'empêcher l'utilisation abusive de l'appellation Champagne au Viêt Nam, problème majeur pour l'industrie vinicole française.

La Direction générale du Trésor auditionnée 1 ( * ) a indiqué que cet accord de libre-échange devrait, sans doute, être signé prochainement car les deux Parties considèrent que l'accord politique global a été trouvé et qu'il ne reste plus que d'ultimes réglages techniques à négocier. Le premier ministre vietnamien (M. Tan Dung) tient en particulier à l'inscrire à l'actif de son bilan de politique étrangère, dans la perspective du Congrès du parti communiste vietnamien et du renouvellement des instances dirigeantes, début 2016.

2. L'accord-cadre de partenariat et de coopération avec les Philippines

S'agissant des Philippines, les négociations engagées en février 2009 se sont achevées en juin 2010. L'accord-cadre a été paraphé en juin 2010 puis signé en juillet 2012 à Phnom Penh.

Cet accord est le premier accord bilatéral entre l'Union européenne et les Philippines et le troisième signé par l'UE avec un Etat membre de l'ANASE après l'Indonésie et le Viêt Nam. Il complète l'accord CEE-ANASE de 1980 évoqué supra qui portait essentiellement sur l'économie, le commerce et le développement.

Il constitue le premier cadre de coopération global entre l'UE et les Philippines. Il couvre les questions économiques mais aussi sociales et politiques, comme le processus de paix et de prévention des conflits, les droits de l'homme et la non-prolifération.

La Commission européenne prévoit à courte échéance de lancer des négociations avec les autorités philippines en vue de conclure un accord de libre-échange UE-Philippines qui s'appuierait sur le volet économique de cet accord . Le 30 octobre 2015, elle a proposé au Conseil le lancement formel des négociations et devrait prochainement recevoir un mandat de celui-ci à cet effet. Les discussions techniques avec les Philippines pourraient commencer en 2016.


* 1 Audition du 26 novembre 2015.

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