CHAPITRE II - FINANCEMENT DU FONDS D'EXPÉRIMENTATION TERRITORIALE CONTRE LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE

Article 5 - Financement de l'expérimentation

Objet : Cet article définit les modalités de financement du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée ainsi que les conditions de la participation des différents acteurs publics et privés concernés.

I - Le dispositif proposé

Le mécanisme prévu par le texte initial de la proposition de loi pour financer l'expérimentation est défini par l'article 5 et repose sur des relations contractuelles entre le fonds et ses partenaires locaux et nationaux.

Il prévoit tout d'abord la signature d'une convention pour chacun des territoires où se déroulerait l'expérimentation. Elle associerait le fonds, la collectivité territoriale porteuse du projet, le conseil départemental, le conseil régional, l'Etat et Pôle emploi. Le programme d'action du territoire, mentionné à l'article 3 dans sa rédaction d'origine et qui devrait recenser les engagements que chaque comité local s'engagerait à mettre en oeuvre, lui serait annexé.

Au niveau national, une convention « globale », réunirait l'Etat, Pôle emploi et le fonds national d'aide au logement (Fnal). Elle déterminerait notamment le financement du fonctionnement du fonds et des comités locaux.

Elle devrait permettre d'obtenir des ressources suffisantes afin de couvrir les coûts, en plus de ceux liés au fonctionnement des structures, d'une année de salaire au Smic pour chacune des personnes bénéficiaires de l'expérimentation. La détermination des conditions de signature des conventions et de la répartition du financement du fonds entre ses différents contributeurs serait renvoyée au pouvoir réglementaire.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a réécrit cet article en y apportant d'importantes simplifications.

Désormais, au niveau local, des conventions devront être signées entre le fonds et la collectivité porteuse du projet d'expérimentation. Par sa signature, cette dernière s'engage à respecter un cahier des charges élaboré par le fonds et à participer au financement de l'expérimentation. Les conseils départementaux et régionaux n'en sont plus cosignataires ès qualités, contrairement à l'Etat et Pôle emploi, dont la participation est maintenue.

Les dispositions relatives à la convention signée avec les acteurs nationaux sont elles aussi allégées et leur champ précisé. Plutôt que de mentionner explicitement Pôle emploi et le Fnal, le choix est fait de faire une référence non limitative à des « organismes publics ». Tenant compte d'une remarque du Conseil d'Etat (point 51), ce ne serait plus le pouvoir réglementaire qui répartirait entre ces acteurs le financement du fonds mais la convention qui déterminerait leurs contributions respectives. Enfin, l'obligation pour le fonds de disposer de ressources permettant la prise en charge intégrale du salaire au niveau du Smic de chacun des bénéficiaires de l'expérimentation a été supprimée.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté cinq amendements supplémentaires présentés par le rapporteur. Elle a inséré un alinéa introductif à cet article 5 énonçant les différents contributeurs au fonds, en y ajoutant d'éventuels organismes privés , et rappelant l'objet des sommes ainsi récoltées : assurer son fonctionnement ainsi que le versement des aides financières aux entreprises conventionnées. Elle a précisé que, contrairement à celle de l'Etat, la participation financière des collectivités territoriales serait volontaire , tandis que la convention signée avec les acteurs nationaux devra définir l'affectation de leurs contributions respectives. Enfin, la définition des modalités de la participation de l'Etat au fonds est confiée au pouvoir réglementaire.

III - La position de votre commission

Le présent article 5 de la proposition de loi a gagné en clarté et en précision au cours de son examen à l'Assemblée nationale. Tout en restant fidèle à l'intention des initiateurs de l'expérimentation , cette nouvelle rédaction facilite sa mise en oeuvre, lève les incertitudes qui pouvaient persister à la lecture de la formulation d'origine et constitue un point d'équilibre sur une question, son financement, qui sera déterminante dans le succès - ou l'échec - de ce projet.

Votre rapporteure est satisfaite que les imprécisions du texte initial aient disparu . Ainsi, une liste des catégories de financeurs est désormais dressée, sans qu'elle se limite, au niveau national, à l'Etat, à Pôle emploi et au Fnal. Le conventionnement au niveau local est simplifié , tandis que le principe de libre administration des collectivités territoriales est respecté avec la reconnaissance du caractère volontaire de la contribution des collectivités intéressées.

Au stade préliminaire actuel de réflexion sur les contours de l'expérimentation, il est apparu à votre rapporteure, au cours des auditions qu'elle a réalisées et des échanges qu'elle a eus, au niveau local, avec les porteurs de projets, que l'équation financière qui la sous-tend constitue l'une des difficultés les plus importantes à résoudre et, en cas d'échec, le facteur le plus susceptible d'y avoir conduit. Elle repose sur l'idée selon laquelle les différentes dépenses passives d'indemnisation ou de solidarité versées aux demandeurs d'emploi de longue durée pourraient être réaffectées au soutien à l'emploi durable de ces personnes . Ce pari ambitieux de l'activation des dépenses passives fait intervenir de nombreux acteurs. Selon l'association ATD Quart Monde, et en dépit des limites de la méthodologie employée (cf. supra ), le coût direct, par an, de la privation d'emploi s'élève en moyenne à 15 387 euros par personne, supporté à 36,7 % par l'Etat, 20 % par Pôle emploi et 17,2 % par les départements.

Dépenses de solidarité (revenu de solidarité active, allocation de solidarité spécifique) ou relevant d'une logique assurantielle (allocation de retour à l'emploi [ARE] versée par Pôle emploi aux demandeurs d'emploi indemnisés), les prestations dont bénéficient aujourd'hui les chômeurs de longue durée sont de nature hétérogène . Leur gouvernance diffère, selon qu'elle est assurée par l'Etat, les départements ou les partenaires sociaux. Il est donc inévitable qu'un délai apparaisse entre le lancement de l'expérimentation et la pleine mobilisation de ces ressources.

Dans l'intervalle, l 'Etat doit prendre le relai et apporter un soutien financier renforcé à ce projet , au moins dans sa phase de lancement. Toutefois, l'implication financière des collectivités qui accueillent une expérimentation sera capitale, et c'est à l'aune de l'effort qu'elles consentiront que le succès local de l'expérimentation pourra être mesuré. En effet, leur force d'entraînement et leur capacité à rassembler autour d'elles de nombreux autres acteurs sur les territoires devraient créer une dynamique favorable et contribuer à apporter des financements complémentaires, de la part de structures publiques ou privés qui pourraient, en soutenant la réinsertion durable dans l'emploi de chômeurs de longue durée, y trouver leur intérêt.

Il est par ailleurs encore trop tôt pour faire la liste de tous les organismes qui pourraient être susceptibles d'apporter un soutien financier à l'opération. Alors que viennent immédiatement à l'esprit Pôle emploi et l'Unédic , d'autres pourraient s'y joindre ultérieurement, par exemple l'association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) si des demandeurs d'emploi de longue durée en situation de handicap étaient amenés à bénéficier de l'expérimentation, ou encore des fondations ou de grandes entreprises souhaitant y apporter leur mécénat.

Aux yeux de votre rapporteure, la sanctuarisation du budget de l'expérimentation est essentielle . Comme l'a annoncé la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social lors de l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, la participation de l'Etat devrait être équivalente, à partir de la deuxième année, à celle apportée aux contrats aidés du secteur marchand, les contrats uniques d'insertion - contrats initiative emploi (CUI-CIE), soit 47 % du Smic 37 ( * ) .

Il sera dès lors nécessaire que d'autres financeurs assurent de manière pérenne la prise en charge du différentiel avec le Smic , ainsi que, le cas échéant, les coûts de fonctionnement, les dépenses d'investissement ou d'encadrement et les besoins en trésorerie des entreprises conventionnées qui ne seraient pas couverts par les recettes de leur activité économique . Votre rapporteure est convaincue que l'engagement des collectivités territoriales, au vu des enjeux locaux et des effets délétères du chômage de longue durée sur la cohésion sociale mais également l'attractivité économique des zones géographiques concernées, sera au rendez-vous. Il reste maintenant à mobiliser les organismes publics ou privés susceptibles de prendre part à l'expérimentation : dès lors qu'ils auront pris conscience de son bien-fondé, de sa finalité, et de l'intérêt social et financier ainsi représenté, ils devraient logiquement s'engager dans la durée.

Votre commission a adopté cet article sans modification.


* 37 En application de l'article L. 5134-72-1 du code du travail.

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