CHAPITRE IER
Caméras mobiles

Article 32 (art. L. 241-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) - Pérennisation de l'expérimentation relative aux caméras mobiles équipant les forces de l'ordre

Cet article a pour objet de pérenniser le dispositif dit des « caméras-piéton » , dont les forces de l'ordre sont équipées à titre expérimental depuis avril 2013 au sein de plusieurs zones de sécurité prioritaires (ZSP), au regard du bilan positif de leur déploiement.

Lors du deuxième comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté, le 26 octobre 2015, un bilan positif a en effet été tiré de cette expérimentation : le comité a ainsi observé que ce dispositif permet de collecter des éléments de preuve objectifs, qu'il a également un effet préventif et qu'il facilite en général les interventions des agents.

Comme le rappelle le Gouvernement dans son étude d'impact, « le coût d'une caméra est actuellement de 1 200 €, avec des tarifs préférentiels en cas de commande de masse. À la fin de l'année 2015, les services de la direction générale de la police nationale et de la préfecture de police étaient dotés de 1 584 caméras piétons. Un budget de 875.000 euros a été dégagé en 2015. En 2016, 373 caméras supplémentaires seront livrées. » 332 ( * )

Votre rapporteur observe qu'un dispositif semblable a été introduit à titre expérimental au bénéfice des agents de sécurité privée de la SNCF et de la RATP , dans le cadre de la loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs 333 ( * ) .

Deux alternatives se présentent pour encadrer le régime juridique de ces caméras mobiles :

- le régime de droit commun de la vidéoprotection et donc des dispositions du titre V du livre II du code de la sécurité intérieure, qui a codifié la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité ;

- un régime ad hoc .

Le présent article retient la seconde option, en créant un régime ad hoc applicable à ces caméras. La rapporteure de l'Assemblée nationale justifie ce choix en considérant que ce régime spécial serait justifié par le fait que ces caméras pourraient filmer des lieux privés et sont portées par les agents, alors que les installations de vidéo protection filment un « site selon une position fixe ». Ces arguments techniques sont toutefois discutables, dans la mesure où des installations de vidéoprotection peuvent opérer un balayage assez large d'une zone donnée et qu'il existe même des zones faisant l'objet d'une autorisation globale pour y déployer un système de vidéoprotection.

La création d'un régime particulier, qui a été le choix finalement retenu par les deux assemblées dans le cadre de la proposition de loi précitée, nécessite donc d'instituer un dispositif complet, dans la mesure où les garanties en la matière relèvent du niveau de la loi.

Le présent article définit en premier lieu les finalités du dispositif, au nombre de quatre :

- la prévention des incidents au cours des interventions ;

- le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs ;

- le respect de leurs obligations par les agents ;

- la formation des agents.

Les garanties encadrant la mise en oeuvre de ces dispositifs sont de trois ordres :

- les caméras doivent être portées de manière visible et être dotées d'un signal faisant savoir aux personnes que l'enregistrement s'effectue ;

- les personnes doivent être informées que l'enregistrement est mis en oeuvre, réserve faite de circonstances rendant cette information impossible ;

- les agents des forces de l'ordre ne peuvent avoir accès aux enregistrements .

Il existe trois cas dans lesquels l'intervention est filmée : en cas d'incident , de menace de survenance d'incident ou, à la demande des personnes faisant l'objet de l'intervention , ce dernier cas ayant été rajouté à l'initiative de notre collègue députée Mme Elizabeth Pochon, lors de l'examen du texte par la commission des lois.

Enfin, la durée de conservation des images est limitée à six mois , sauf en cas de procédure disciplinaire, administrative ou judiciaire.

Un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL est également prévu pour les mesures réglementaires d'application.

En premier lieu, il semble nécessaire de disposer d'une rédaction comparable aux dispositions applicables aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP, définitivement adoptées le 23 mars dernier.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-15 de M. Philippe Paul, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense et des affaires étrangères alignant les cas dans lesquels l'intervention doit être filmée sur la rédaction adoptée pour les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP.

En second lieu, l'ajout de l'Assemblée nationale, permettant que cet enregistrement soit décidé à l'initiative de la personne faisant l'objet de l'intervention, risque d'être instrumentalisé et pourrait contribuer à affaiblir l'action des forces de l'ordre : en effet, une demande, exprimée de manière volontairement provocatrice, devra-t-elle par exemple être prise en compte par l'agent ?

En conséquence, votre commission a adopté, outre l' amendement COM-15 précité de notre collègue M. Philippe Paul, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, visant à supprimer cette possibilité, un amendement COM-21 de notre collègue M. Jean-Pierre Grand opérant également cette suppression.

Enfin, en considérant que les garanties applicables en la matière relèvent de la loi, et en s'inspirant des dispositions de l'article 1 er ter tel qu'il résulte de la rédaction adoptée en commission mixte paritaire, deux garanties essentielles relatives, d'une part, à la possibilité pour la CNIL d'opérer des contrôles en cours de mise en oeuvre du dispositif , et, d'autre part, à la possibilité pour la personne enregistrée d'avoir accès aux éléments collectés , ce qui est une garantie réelle importante, ont été ajoutées par un amendement COM-135 de votre rapporteur. Ces garanties ont été assurées par le renvoi aux articles pertinents du code de la sécurité intérieure, selon le choix opéré dans le cadre de la proposition de loi précitée.

Enfin, dans la même volonté de disposer d'une rédaction analogue à celle adoptée pour les agents de sécurité privée, votre commission a adopté un amendement COM-134 de votre rapporteur définissant plus simplement les finalités de l'enregistrement :

- la prévention des incidents au cours des interventions ;

- le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;

- la formation et la pédagogie des agents

Votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié .

Article 32 bis - Expérimentation pour une durée de deux ans des caméras mobiles au bénéfice des agents de police municipale relevant du périmètre d'une zone de sécurité prioritaire

Cet article, inséré lors de l'examen du texte en séance publique par un amendement de notre collègue député M. Florent Boudié, a pour objet de permettre l'expérimentation des caméras mobiles au bénéfice des agents de police municipale , pour une durée de deux ans à compter de la promulgation du présent texte.

Les conditions de mise en oeuvre de ces caméras seraient les mêmes que pour les forces de l'ordre relevant de la police ou de la gendarmerie nationales.

Toutefois, cette expérimentation ne serait possible que pour les polices municipales intervenant dans les zones classées comme zones de sécurité prioritaires (ZSP).

En outre, la mise en oeuvre de caméras mobiles serait subordonnée à la demande préalable du maire et à l'existence d'une convention de coordination entre la police municipale et l'État .

En outre, le présent article prévoit que pour les polices intercommunales, créées en application de l'article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure, la demande doit être établie conjointement par les maires des communes où les agents seraient affectés.

L'exigence d'une convention de coordination vise à garantir le professionnalisme de la police municipale.

Les conventions de coordination ont été créées par la loi n° 99-291 du 15 avril 1999, relative aux polices municipales.

L'article 2 de cette loi, codifié à l'article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales, devenu l'article L. 512-4 du code de la sécurité intérieure, impose en effet la conclusion d'une convention de coordination entre le maire et le représentant de l'État dans le département dès lors que le service de police municipale « comporte au moins cinq emplois d'agent de police municipale » 334 ( * ) , y compris quand ces agents ont été mis à disposition de la commune par un établissement public de coopération intercommunale, en application des dispositions de l'article L. 512-2 du code de la sécurité intérieure. Le procureur de la République émet un avis préalablement à la conclusion de la convention.

Lorsqu'il n'existe pas de convention de coordination, les agents ne peuvent plus intervenir que dans des plages horaires réduites, de 6 h 00 à 23 h 00.

(...) L'article L. 512-6 impose aux conventions de préciser « la nature et les lieux d'intervention des agents de police municipale » ainsi que les modalités de coordination avec les forces de police et de gendarmerie nationales.

Ces conventions sont élaborées à partir d'un diagnostic local de sécurité et intègrent les travaux du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.

Comme le relève Jean-Marie Pontier, il existe actuellement environ 3 500 services de police municipale et près de 2 230 conventions de coordination 335 ( * ) .

Source : Rapport n° 608 (2013-2014) de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à créer des polices territoriales
et portant dispositions diverses relatives à leur organisation et leur fonctionnement, p. 43

En 2014, il existe 2 374 conventions actives pour 3 900 services de police municipale environ 336 ( * ) .

Toutefois, plusieurs polices municipales mettent d'ores et déjà en oeuvre des caméras mobiles, en dehors de tout cadre juridique encadrant cette possibilité, sans que cette situation n'ait posé une quelconque difficulté.

Or, l'adoption du présent article pourrait avoir des effets non évalués pour les polices municipales équipées, notamment sur celles ne se situant pas dans le périmètre d'une ZSP. En outre, aligner le régime applicable aux caméras mobiles des polices municipales sur celui des forces de l'ordre semble assez peu adapté, dans la mesure où les polices municipales les utilisent surtout dans un but préventif et non dans un objectif de collecte de preuve.

En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-22 de M. Jean-Pierre Grand, supprimant la mention selon laquelle l'expérimentation ne peut être faite que dans les zones de sécurité prioritaires, ainsi qu'un amendement COM-33 du même auteur, visant à rendre ces caméras éligibles au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance défini à l'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Votre commission a adopté l'article 32 bis ainsi modifié .


* 332 Étude d'impact, p. 141.

* 333 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-281.html

* 334 Si le service comporte moins de cinq agents, il est possible de conclure une convention à titre facultatif.

* 335 Pontier (J-M.), Conventions types de coordination en matière de police municipale, La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 12, 18 Mars 2013, act. 244.

* 336 Source : réponses aux questions budgétaires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page