TITRE IV - ACCES AUX RESSOURCES GENETIQUES ET PARTAGE JUSTE ET EQUITABLE DES AVANTAGES

Article 18 (articles L. 412-2-1, L. 412-3, L. 412-4, L. 412-4-1, L. 412-5, L. 412-6, L. 412-7, L. 412-8, L. 412-9, L. 412-10, L.412-11, L. 412-12, L. 412-12-1, L. 412-13, L. 412-14, L. 412-15, L. 412-16, L. 412-17 et L. 412-18 [nouveaux] du code de l'environnement) - Réglementation de l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, partage des avantages en découlant, traçabilité et contrôle de leur utilisation

Objet : cet article vise à introduire dans le droit national un dispositif d'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées et de partage des avantages.

I. Le texte adopté par le Sénat en première lecture

En commission , plusieurs amendements ont été adoptés en première lecture au Sénat en vue de préciser certains éléments du dispositif d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages (APA).

Sur les motifs pouvant justifier un refus d'autorisation , le texte adopté par l'Assemblée nationale disposait comme motif pouvant justifier un refus d'autorisation le risque que l'activité ou ses applications potentielles affectent la biodiversité de manière significative, restreignent son utilisation durable, ou épuisent la ressource génétique concernée. A l'initiative du rapporteur, un amendement a été adopté pour préciser que c'est bien l'affectation de la biodiversité qui doit se définir comme la restriction de l'utilisation durable de la ressource ou l'épuisement de celle-ci.

Concernant l'entrée en vigueur du dispositif , la commission, à l'initiative du rapporteur, a précisé les modalités d'application du système d'APA en ce qui concerne les collections de ressources génétiques ou de connaissances traditionnelles constituées avant l'entrée en vigueur de la future loi. Le nouvel article L. 412-4-1 prévoit ainsi que pour les projets de recherche sans objectif commercial, le dispositif d'APA ne s'appliquera qu'aux accès ultérieurs à la promulgation de la loi.

Pour les recherches ayant un « objectif direct de développement commercial » en revanche, le nouveau dispositif s'appliquera aux accès aux ressources ultérieurs à la promulgation de la loi. Pour les personnes ayant obtenu l'accès à une ressource avant la promulgation de la loi, il ne s'appliquera qu'aux nouvelles utilisations, c'est-à-dire aux activités de recherche et de développement dont les objectifs et le contenu se distinguent de celles précédemment menées par le même utilisateur avec la même ressource ou la même connaissance traditionnelle.

Enfin, en matière de propriété intellectuelle , la commission a adopté des amendements présentés par les groupes communiste et écologiste qui imposent aux bénéficiaires d'une autorisation française sur des ressources génétiques de s'engager à ne revendiquer aucun droit de propriété intellectuelle limitant l'accès à ces ressources pour la recherche, la conservation, l'utilisation durable, la valorisation ou l'exploitation commerciale.

En séance publique , le Sénat a supprimé ces dispositions sur la propriété intellectuelle, dans la mesure où plusieurs articles encadrant la brevetabilité du vivant avaient été insérés après l'article 4.

Le Sénat a adopté plusieurs mesures afin de préciser les actions pouvant être menées au titre du partage des avantages avec :

- un amendement de Jacques Cornano pour ajouter une sixième catégorie à la liste des actions pouvant être menées pour opérer le partage des avantages comprenant le maintien, la conservation, la gestion, la fourniture ou la restauration de services écosystémiques sur un territoire donné ;

- un amendement du même auteur donnant une priorité aux modalités de partage des avantages autres que le versement de contributions financières ;

- des amendements de Corinne Imbert, Gilbert Barbier et Sophie Primas abaissant de 5 % à 1 % le plafond pour le calcul de la part financière du partage des avantages ;

- un amendement de Jacques Cornano précisant que l'Agence française pour la biodiversité doit prendre en compte la part importante de la biodiversité des outre-mer « de manière proportionnelle » lors de la redistribution des avantages financiers.

Le Sénat a complété la procédure de déclaration par la création d'une obligation pour l'autorité administrative d'informer les communautés d'habitants lorsque l'accès aux ressources génétiques pour des recherches sans but commercial a lieu sur le territoire où elles sont présentes. Le dispositif adopté à l'Assemblée prévoyait la seule information de l'établissement public du parc national concerné lorsque l'accès aux ressources implique un prélèvement in situ à l'intérieur du parc.

Concernant la possibilité, pour certaines assemblées territoriales d'outre-mer, de délivrer les autorisations d'accès concernant leur territoire, le Sénat a ajusté la rédaction afin de tenir compte de l'évolution institutionnelle des collectivités territoriales concernées, où les assemblées délibérantes sont désormais des conseils régionaux, pour la Guadeloupe et la Réunion, un conseil départemental, pour Mayotte, et les assemblées de Guyane et de Martinique.

Un sous-amendement du groupe écologiste a été adopté pour obliger ces assemblées à créer un comité territorial d'accès et de partage des avantages liés aux ressources génétiques, représentant les parties prenantes concernées, avec pour mission de les appuyer dans ces fonctions.

Le Sénat a par ailleurs complété les dispositions de l'article L. 412-5 relatif à la procédure de déclaration afin de créer u ne obligation, pour le demandeur, de restituer auprès des communautés d'habitants les informations et connaissances acquises à partir des ressources génétiques prélevées sur le territoire où une ou plusieurs communautés d'habitants sont présentes.

Concernant la nouvelle utilisation , le Sénat a remplacé, dans sa définition, « les objectifs et le contenu » par « le domaine d'activité ».

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

En commission , les députés ont adopté cinq amendements rédactionnels ou de coordination à l'initiative de la rapporteure.

Ils ont également adopté des amendements modifiant :


• les définitions du régime APA :

- un amendement de Chantal Berthelot modifiant la définition de communauté d'habitants pour viser les communautés « autochtones et locales » ;

- un amendement ajoutant la définition de l'espèce sauvage, qui inclut toutes les espèces dont l'évolution n'a pas été influencée par l'homme ;

- un amendement revenant à la rédaction de la commission du Sénat en première lecture pour la nouvelle utilisation, pour viser les « objectifs et le contenu » de la recherche ;


• la procédure de déclaration :

- un amendement du Gouvernement complétant la rédaction issue du Sénat pour préciser que l'information des communautés d'habitants est assurée, non par l'autorité administrative qui reçoit la déclaration, mais par la personne morale de droit public désignée pour organiser les consultations des communautés d'habitation détentrices de connaissances traditionnelles associées ;

- un amendement de la rapporteure modifiant l'obligation de restitution introduite par le Sénat : au lieu de devoir restituer les informations et connaissances auprès des communautés d'habitants, le demandeur les restituera auprès de la personne morale de droit public mentionnée à l'article L. 412-8 ;


• la procédure d'autorisation d'accès aux ressources génétiques :

- des amendements identiques créant une procédure obligatoire d'information des communautés d'habitants organisée par la personne morale de droit public précitée ;

- un amendement créant une obligation de restitution identique à celle introduite dans la procédure de déclaration ;


• les motifs pouvant justifier un refus d'autorisation :

- un amendement de la rapporteure revenant à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture pour le troisième motif de refus, pour que les risques d'atteinte à la biodiversité soient entendus de manière plus large ;


• les contributions financières :

- des amendements identiques de la rapporteure et de Danielle Auroi pour que le plafond des contributions financières soit relevé de 1 % à 5 %, c'est-à-dire un retour au texte adopté par l'Assemblée en première lecture et le Sénat en commission ;

- un amendement de la rapporteure supprimant la précision selon laquelle la redistribution des avantages financiers par l'AFB s'effectue « de manière proportionnelle » ;


• la procédure d'autorisation pour l'utilisation des connaissances traditionnelles associées :

- un amendement de Chantal Berthelot visant à ce que le conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge de Guyane puisse être, sur ce territoire, la personne morale de droit public mentionnée à l'article L. 412-8 du code de l'environnement ;

- un amendement précisant que la personne morale de droit public doit organiser non seulement une information mais aussi une participation des communautés concernées selon des modalités qu'elle détermine ;

- un amendement de Chantal Berthelot modifiant la portée du procès-verbal attestant du consentement préalable de la communauté d'habitants : l'autorité administrative prend la décision d'autoriser ou de refuser l'autorisation « conformément au consentement préalable et aux conditions consignés » dans le procès-verbal, et non plus seulement « au vu » du procès-verbal ;


• la possibilité pour certaines assemblées territoriales d'outre-mer de délivrer les autorisations d'accès concernant leur territoire :

- des amendements identiques de la rapporteure et de Chantal Berthelot supprimant le comité territorial que doivent instaurer ces assemblées si elles décident d'exercer elles-mêmes la fonction d'autorité de délivrance des autorisations d'accès.

En séance publique , l'article 18 a à nouveau fait l'objet de nombreuses modifications, y compris revenant sur des modifications apportées au dispositif au stade de la commission.

Les députés ont ainsi adopté :

- un amendement remplaçant, dans les définitions, la notion de communauté d'habitants par celle de communautés locales et autochtones ;

- un amendement du Gouvernement supprimant la définition d'espèce sauvage, insérée en commission ;

- un amendement du Gouvernement précisant que la nouvelle section relative à l'APA ne s'applique pas aux activités de recherche concourant à la sauvegarde des intérêts de la défense et de la sécurité nationales. L'objectif est de permettre à l'État de ne pas avoir à révéler, du fait de l'APA, les activités de ses laboratoires en matière de biodéfense, compte tenu du risque terroriste ;

- un amendement supprimant les alinéas qui prévoient que toute nouvelle utilisation à but commercial de la même ressource génétique et par le même utilisateur fasse l'objet d'une nouvelle demande d'autorisation ;

- un amendement du Gouvernement limitant l'obligation de restitution des travaux de recherche pour en exclure les informations relevant du secret industriel et commercial ;

- des amendements identiques du Gouvernement et de la rapporteure revenant sur la formulation adoptée en commission quant au procès-verbal relatif au consentement des communautés d'habitants : la décision sera prise « au vu » du procès-verbal et non « conformément » à celui-ci, comme le prévoyait le texte de la commission ;

- un amendement du Gouvernement renvoyant à un décret simple et non un décret en Conseil d'État la définition de la procédure de déclaration annuelle simplifiée pour les détenteurs de collections scientifiques ;

- cinq amendements rédactionnels ou de précision de la rapporteure.

III. La position de votre commission

Votre commission a souhaité revenir sur certaines dispositions insérées dans le texte à l'Assemblée nationale et qui introduisent un doute sur la sécurité juridique de l'ensemble du dispositif.

Ainsi, votre commission a adopté l'amendement COM-284 de votre rapporteur , qui supprime les références aux communautés autochtones et locales pour les remplacer par la notion de communauté d'habitants , conforme à la Constitution, afin de ne pas mettre en péril l'application de l'ensemble du dispositif d'APA.

En effet, ainsi que le relève la rapporteure de l'Assemblée nationale Geneviève Gaillard dans son rapport de deuxième lecture, les principes constitutionnels français, en particulier l'indivisibilité de la République, l'unité du peuple français et l'égalité des citoyens, « interdisent de reconnaître des droits collectifs (en l'occurrence, la capacité juridique de consentir à l'accès et à l'utilisation de leurs connaissances traditionnelles et de contracter en vue du partage des avantages) à des groupes sur des fondements ethniques - la représentation des intérêts de certaines communautés pouvant toutefois être assurée en se basant sur des critères objectifs, par exemple géographiques » . La notion de communauté d'habitants, qui garantit le respect de ces principes constitutionnels tout en respectant les prescriptions du protocole de Nagoya est donc préférable.

Votre commission a rétabli, en adoptant l'amendement COM-285 de votre rapporteur , les alinéas prévoyant les procédures d'accès et de partage des avantages pour les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées déjà en collection avant l'entrée en vigueur de la loi et qui feraient l'objet d'une utilisation ultérieure, supprimés par les députés. Votre commission a jugé que ces dispositions étaient nécessaires dans la mesure où la France héberge des collections de grande ampleur, et représentant l'écrasante majorité des cas d'utilisation de ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées.

Votre commission a également adopté l'amendement COM-92 de Jean-Pierre Leleux , qui exclut de la procédure de restitution des travaux de recherche, dans le cadre de la procédure d'autorisation, les informations confidentielles ou relevant du secret industriel et commercial . Cette disposition a été adoptée par parallélisme des formes, dans la mesure où les députés ont introduit une exemption similaire pour la restitution des travaux relevant d'une procédure de déclaration.

Enfin, votre commission a adopté l'amendement COM-82 de Sophie Primas pour revenir à la rédaction du Sénat sur les motifs pouvant justifier un refus d'autorisation par l'administration.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Page mise à jour le

Partager cette page