EXAMEN EN COMMISSION

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Mercredi 11 mai 2016

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons à présent la proposition de loi de MM. Yannick Botrel, René Vandierendonck et plusieurs de leurs collègues, visant à associer les parlementaires à la vie institutionnelle locale.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Le fait générateur de cette proposition de loi est la loi sur le non-cumul des mandats et ses conséquences sur le risque de déconnexion des parlementaires avec leur territoire. Cette proposition de loi s'inscrit dans la droite ligne d'un texte précédent de notre ancien collègue Jean-Claude Peyronnet associant les parlementaires à la vie publique locale, qui était plus fourni, plus ambitieux, et préconisait leur participation à toutes les commissions locales dites « régaliennes ».

Cette proposition de loi a le mérite de poser le débat de l'incidence inévitable du non-cumul : la création de parlementaires « hors-sol ». Mais l'ambition affichée par son intitulé et l'exposé de ses motifs ne se retrouve pas dans ses trois articles.

Au regard de ma lecture et des auditions des associations nationales d'élus et de représentants de la direction générale des collectivités locales que j'ai pu faire, l'article 1 er , qui propose d'élargir la composition des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) aux parlementaires du département, s'il est louable sur le fond - on le constate en préparant, avec MM. Vandierendonck et Collombat, les travaux sur l'application des lois de réforme territoriale -, posera des problèmes dans bon nombre de départements, notamment les plus peuplés. Par exemple, la CDCI du Nord compte aujourd'hui 62 membres, auxquels on ajouterait les 32 parlementaires, soit une hausse de 50 % de son effectif ; celle de Gironde compte 45 membres, auxquels on en ajouterait 18. Cette mesure nourrit les inquiétudes notamment de l'Association des maires de France, qui craint que les parlementaires ne confisquent le débat, au détriment des élus locaux. En outre, rien n'interdit actuellement à des parlementaires d'être auditionnés par les CDCI s'ils le souhaitent.

L'article 2 propose également d'élargir aux parlementaires les conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Les mêmes causes produiraient les mêmes effets qu'à l'article 1 er , à une échelle plus importante. Les parlementaires pourraient être associés à leurs travaux sous une autre forme.

L'article 3 est satisfait par une récente instruction conjointe des ministres de l'intérieur et de l'aménagement du territoire aux préfets, leur demandant d'informer les parlementaires, notamment en matière d'affectation des crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

M. Simon Sutour . - Ce n'est pas le cas.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Laissez le temps à cette instruction du 27 avril 2016 de produire ses effets.

Le problème étant posé, les réponses de ces trois articles semblent minimalistes. Les mesures ambitieuses de la proposition de loi Peyronnet sont réduites à leur plus simple expression, portant sur deux instances locales.

Les tenants du non-cumul auront un sentiment d'inachevé et de frustration tandis que ceux défendant la pratique du cumul verront qu'il est difficile de répondre aux problèmes générés par la loi sur le non-cumul, notamment la déconnexion des parlementaires de la vie locale.

Face aux difficultés d'application des deux premiers articles et au caractère superfétatoire du troisième, je propose le rejet de cette proposition de loi.

M. Philippe Bas , président . - Le régime des incompatibilités, dont on déplore les excès, appelle la recherche d'un meilleur équilibre. Faire des parlementaires les témoins passifs de la vie institutionnelle locale n'est pas leur donner un rôle à la mesure des responsabilités nationales qu'ils exercent. Il est curieux de vouloir exclure les parlementaires des responsabilités tout en leur permettant d'assister à des réunions sans droit de vote. Cette proposition de loi singulière ne valorise pas le Parlement. M. Vandierendonck, donnez-nous les motivations de cette proposition de loi, qui n'apparaissent pas évidentes à sa lecture.

M. René Vandierendonck . - M. Botrel, Mme Pérol-Dumont et une soixantaine de sénateurs du groupe socialiste et républicain ont entendu utiliser le temps alloué à notre groupe pour une PPL ne signifiant pas « proposition de loi », mais « proposition de parler de la loi ».

À l'heure où la commission des lois a confié à MM. Darnaud, Collombat et votre serviteur, le suivi de la mise en oeuvre des lois de réforme territoriale, le sujet mérite qu'on évoque les ajustements nécessaires.

Cette proposition de loi, produit d'un compromis - je n'ose dire d'une synthèse - entre les membres du groupe socialiste, n'est pas un chef d'oeuvre de légistique. Elle n'a pas non plus pour but d'ouvrir le débat sur le non-cumul.

M. Pierre-Yves Collombat . - C'est dommage !

M. René Vandierendonck . - Ses auteurs sont des pratiquants et pas seulement des croyants. La question est de savoir comment les parlementaires peuvent renforcer leur droit à l'information dans l'exercice de leur mandat et développer leur fonction de contrôle. Ce serait une erreur d'en faire l'apanage du Sénat : il y a belle lurette que l'Assemblée nationale y participe également.

Cette mandature a engagé une nouvelle étape de la décentralisation, par les lois de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), de redécoupage des régions, et de nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). L'organisation territoriale a été profondément et durablement modifiée.

MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat . - Saccagée !

M. René Vandierendonck . - Le Sénat a amélioré les projets de loi du Gouvernement, et des propositions de loi de groupes d'opposition ont été adoptées car le fond l'a emporté sur les réflexes pavloviens.

Deux commissions ont été créées ou renforcées pour appliquer ces réformes : d'une part, les CTAP, dans chacune des grandes régions, afin de favoriser l'exercice concerté des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements et, d'autre part, les CDCI, qui préparent dans chaque département les nouvelles cartes des intercommunalités.

Ce que j'ai vu sur le terrain a conforté mon sentiment qu'il y a une différence entre la température ressentie et la température réelle. Dans certains cas, les préfets font leur travail, parfois in extremis , et tout se passe bien. Dans d'autres, ce n'est pas le cas. Sans m'immiscer dans le pouvoir réglementaire autonome, qui fait néanmoins l'objet du contrôle parlementaire, je dirai que l'information varie beaucoup d'une préfecture à l'autre.

J'étais certain que la plupart des associations nationales d'élus ne serait pas favorable à l'élargissement de la composition des CTAP aux parlementaires. Une circulaire du 10 février 2016 rappelle ce que dit la loi, à savoir que la CTAP peut associer à ses travaux tout élu ou organisme non représenté. Elle peut également solliciter l'avis de toute personne ou de tout organisme. S'agissant de la révision de la carte intercommunale, dans combien de cas les parlementaires ont-ils été préalablement informés de la manière dont la carte des intercommunalités était préparée ? Cela l'a parfois été, mais pas toujours.

Les deux premiers articles rendent les parlementaires membres de droit des CDCI et des CTAP. Le Gouvernement y est hostile, et c'est contraire aux souhaits de la plupart des associations nationales d'élus.

L'article 3 prévoit l'information a posteriori des parlementaires, par le représentant de l'État dans le département, des projets d'investissement subventionnés par l'État au titre de la DETR et de la dotation « politique de la ville ». Or cette disposition relève du contrôle du Parlement : chaque année, nous examinons en loi de finances les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), mais il s'agit d'enveloppes nationales globales. Cet examen mériterait de tenir compte de la nouvelle géographie de la décentralisation.

Je doute que cette proposition de loi soit votée au Sénat, mais ce n'est pas son but.

M. Jacques Mézard . - Une conclusion en apothéose...

M. René Vandierendonck . - C'est l'apothéose de l'honnêteté. Ce texte est destiné à ouvrir le débat sur les ajustements qu'il convient de réaliser en matière de réforme territoriale. Enfin, il n'y avait aucune raison que les collègues qui s'interrogent ne disposent pas du relais d'un membre de la commission des lois.

M. Philippe Bas , président . - Je rends hommage à votre totale honnêteté intellectuelle, M. Vandierendonck.

Vous évoquiez les croyants et les pratiquants. Il existe aussi plusieurs chapelles, dont celle des « malgré-nous » du mandat unique. Certains, dans votre groupe, détiennent un double mandat et ne sont pas signataires de cette proposition de loi car ils estiment nécessaire de concilier responsabilité nationale et exercice d'un mandat exécutif local.

M. Jacques Mézard . - Ayant longtemps plaidé devant tous les tribunaux de France et de Navarre, il est fréquent que les assassins reviennent sur les lieux de leur crime, parfois pour exprimer de la repentance. Comme j'ai infiniment de respect pour M. Vandierendonck, qui est toujours guidé par le souci du bien commun, ce n'est pas à lui que je m'adresserai, mais aux complices du forfait.

Le groupe socialiste, conscient de la stupidité de la loi sur le non-cumul des mandats et de ses conséquences catastrophiques pour la représentation parlementaire, vient nous dire qu'il faut en arrondir les angles. Ses propositions sont étonnantes : la présence des parlementaires dans les CTAP avait été adoptée par le Sénat, à l'initiative d'un amendement du groupe RDSE. Mais les socialistes à l'Assemblée nationale l'avaient supprimé. Il est original de revenir sur ce terrain, après l'avoir saccagé. Les parlementaires seraient membres des CTAP et des CDCI mais n'auraient pas le droit de vote. Voilà en quelle estime les parlementaires sont tenus : ils auraient le droit d'assister mais pas de prendre la parole ni de voter. Curieuse conception de la démocratie représentative... Du reste, je n'en suis pas étonné, c'est l'illustration de ce que nous vivons quotidiennement depuis des années. Les parlementaires qui exécutent de tels ordres ne relèvent pas l'honneur du Parlement.

Dans l'un de ses livres datant de 2009, M. Manuel Valls avait qualifié, avec raison, d'« imposture » le non-cumul des mandats. C'est un chef d'oeuvre que j'incite mes collègues socialistes à relire. Il ne faut pas s'étonner que nos concitoyens s'indignent lorsqu'on est capable de faire l'inverse de ce qu'on a proclamé quelques mois auparavant.

Nous sommes au coeur d'un débat inachevé. La loi sur le non-cumul des mandats est née de compromis internes à un parti et va générer des difficultés considérables, notamment au Sénat. Quand on a l'irresponsabilité de faire voter une loi sur les fusions de régions sans aucune concertation locale, qu'on permet aux conseillers régionaux d'être parlementaires mais qu'on l'interdit aux adjoints d'une commune de dix habitants, on démontre les incohérences d'une idéologie stupide. J'en dirai davantage en séance publique.

M. Jean-Pierre Sueur . - Beau débat en perspective !

M. Jacques Mézard . - J'ai l'habitude de maintenir mes convictions, quels que soient les gouvernements. Je ne suis pas aux ordres. Nous sommes dans l'imposture et l'hypocrisie, ce qui n'est jamais bon pour la démocratie. Pour nos collectivités territoriales, pour l'équilibre des pouvoirs, ce qui a été décidé est nocif. Nos concitoyens attendaient le non-cumul des indemnités : ce fut voté au Sénat. Ils attendaient la suppression ou la limitation des cumuls horizontaux, ce qui n'a pas été fait afin de ne pas nuire aux intérêts des apparatchiks locaux. Vous allez toucher les dividendes de vos décisions. Le temps de la sanction arrive.

M. Jacques Bigot . - M. Mézard est le procureur des opposants aux cumuls.

M. Philippe Bas , président . - Cette loi interdit au deuxième adjoint d'une commune de 150 habitants d'être parlementaire alors qu'il reste possible d'être membre du Gouvernement et président d'une grande région. La disproportion entre la rigueur dogmatique de la règle et la pratique au plus haut niveau des mandats nationaux et locaux contredit radicalement l'exigence morale de la loi de 2014 : c'est surprenant...

M. Christian Favier . - Il faut assumer les conséquences de ses actes. On ne peut accepter de faire entrer par la fenêtre ce qui a été jeté par la porte. Cette proposition de loi engendre la confusion. Le rôle des parlementaires est de faire la loi, de contrôler l'exécutif, et non de gérer les collectivités territoriales. Pourquoi faudrait-il, pour rattraper les inconvénients de la loi sur le non-cumul, élargir aux parlementaires la composition des CDCI et des CTAP ?

Je n'ai pas d'objection à l'article 3 : il est normal que les parlementaires soient régulièrement informés par les préfets, mais c'est déjà le cas aujourd'hui. Cet article n'est donc pas vraiment nécessaire.

Le groupe communiste, républicain et citoyen ne votera pas cette proposition de loi.

Mme Jacqueline Gourault . - On peut être étonné de cette proposition de loi socialiste qui relance de façon assez suicidaire le débat sur le non-cumul des mandats. A l'occasion des lois qui se sont succédé, notamment dans la loi NOTRe, des parlementaires ont déposé des amendements pour participer à des commissions, comme les CDCI, mais ils ont tous été rejetés.

On assimile toujours le non-cumul à l'impossibilité pour un parlementaire d'être élu local, ce qui est faux. Si la notion de « mandat exécutif » est assez large, il est possible d'être simple conseiller municipal ou communautaire et de siéger au sein d'une CDCI. C'est mon cas. Cette proposition de loi pourrait créer deux types de parlementaires, ceux ayant voix délibérative et ceux sans droit de vote dans une même CDCI.

Cette proposition de loi n'est pas adroite ; il serait malencontreux de l'adopter.

M. Patrick Masclet . - Dans le Nord, cité par M. Darnaud, je suis rapporteur général de la CDCI qui compte parmi ses membres huit parlementaires. Dès que l'un d'entre eux prend la parole, les sept autres la veulent. C'est automatique. Les autres membres de la CDCI, qui sont à 80 % des maires et des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), se sentent exclus des débats et de la possibilité d'amender les documents. S'ils ont déjà ce sentiment de dépossession à huit, qu'en serait-il avec trente-deux parlementaires ? Je ne soutiens pas cette disposition sur les CDCI qui inquiète les élus locaux.

M. Yves Détraigne . - Ma réaction ressemble à celle de beaucoup d'entre nous. Cette proposition de loi est un remake de L'arroseur arrosé . Pourquoi avoir tenu une position dogmatique et irréaliste lors des débats pour y revenir ensuite par une proposition de loi ? Je sais bien qu'à tout pécheur, miséricorde, mais je trouve cela osé.

M. Alain Marc . - J'irai dans le même sens. Ce texte est l'aveu de l'irresponsabilité et de l'hypocrisie absolue de la loi sur le non-cumul des mandats. L'an prochain, je devrai cesser d'être premier vice-président du conseil départemental de l'Aveyron, mais je pourrai toujours présider la commission des routes et infrastructures, commission ô combien importante. Je devrai aussi abandonner la présidence bénévole d'une entreprise sociale pour l'habitat (ESH).

La proposition de loi essaie de revenir sur cette loi dogmatique, stupide. Est-ce une repentance, un aveu ? Osons affirmer qu'un député ou un sénateur peut être maire d'une petite commune ou président d'un office HLM. Leur remplacement va coûter plus cher. Au mieux, cette proposition de loi est un aveu, au pire, elle est ridicule.

M. Jacques Mézard . - Elle peut être les deux.

M. Philippe Bas , président . - Vous êtes beaucoup plus modéré que notre collègue Mézard qui a qualifié cette proposition de loi de stupide.

M. François Grosdidier . - Ce n'est pas une PPL mais une PRL, une « proposition de reparler de la loi ». Elle pointe l'absurdité des conséquences de ce non-cumul, à plus forte raison pour les sénateurs dont la vocation est de représenter les collectivités territoriales. J'ai été membre d'une assemblée délibérante avant d'être l'édile de ma commune. Je sais d'expérience qu'on n'appréhende pas les problèmes de la même façon selon que l'on est l'un ou l'autre. Dans dix ou quinze ans, les parlementaires n'auront plus cette expérience : ils seront « hors sol ».

Si l'on ne revient pas sur la loi sur le non-cumul des mandats - la plupart des prétendants à la magistrature suprême ne le veulent pas -, peut-on en minorer les inconvénients ? Ce n'est pas le cas de cette proposition de loi, qui impose aux parlementaires de siéger dans deux instances de codécision. Certains voudraient qu'ils participent à toutes les grands-messes où, déjà, trop de titulaires de mandats exécutifs perdent leur temps. Les parlementaires sans mandat exécutif cherchent à exister par le verbe et alourdissent encore ces réunions dont il ne ressort rien. On peut déjà être simple conseiller municipal et membre d'une CDCI. Pourquoi augmenter les effectifs de ces commissions et de ces conférences de moitié alors que ces nouveaux venus seraient frustrés de ne pouvoir voter ? Ils monopoliseront la parole... ou ils ne viendront pas. L'unique avantage du non-cumul des mandats est d'être plus présent au Parlement, mais cette proposition de loi l'empêche puisque si nous siégeons dans une CDCI, nous ne pourrons aller à Paris siéger dans notre assemblée parlementaire. Enfin, en quoi une participation sans voix délibérative à ces commissions rend-elle meilleur législateur ou contrôleur ? En rien.

Certes, nous avons besoin d'être mieux informés des actions de l'État dans nos départements, mais c'est un autre sujet. Hormis les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux, aucun sénateur n'a le pouvoir d'exiger des informations et ce ne sont pas les questions écrites au Gouvernement qui constituent un contrôle, puisque les ministres ne répondent pas. Changeons les modalités de contrôle du pouvoir exécutif ; invitons la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales à y travailler.

Le seul mérite de cette proposition de loi est de faire la démonstration de tous les inconvénients du non-cumul.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je suis confus de vous infliger les propos d'un personnage stupide qui a voté des lois stupides, nageant non seulement dans la stupidité mais aussi l'hypocrisie...

M. Pierre-Yves Collombat . - Dans une vie antérieure, vous avez défendu des textes plus intéressants, Monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je salue la force dialectique de M. Mézard. S'adressant à M. Vandierendonck, il m'a fait penser au personnage de Molière, Chrysale, qui prétend s'adresser à sa soeur pour en réalité parler à sa femme.

Corneille a dit : « Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir. » Je suis convaincu de la nécessité du non-cumul en raison de mon expérience propre. Ne réussissant pas à être maire, j'ai été député, mandat que j'ai exercé à plein temps pendant dix ans, ce qui a rempli ma vie. Je rappelle par ailleurs qu'un parlementaire intervient tout de même dans la vie locale. Puis j'ai été maire et député pendant un an. J'ai ensuite été maire à temps plein et président d'agglomération. Et comme je ne voulais pas augmenter mes indemnités, j'ai aussi repris l'enseignement à l'université. Quand je n'ai plus été maire, les grands électeurs du Loiret, où ma tendance politique est très minoritaire, m'ont élu sénateur. J'ai d'ailleurs été réélu au premier tour. Je ne m'y attendais pas. Les élus locaux peuvent donc voter pour quelqu'un qui ne cumule pas de mandats. Quand on se donne vraiment à une fonction, elle suffit à vous occuper très largement.

Ceux qui ont voté la loi sur le non-cumul méritent aussi la considération. Il est significatif que peu de candidats à l'élection présidentielle, de tous bords - et Dieu sait s'ils sont nombreux - proposent de revenir sur cette loi importante pour la modernisation de notre vie politique.

J'ai cru, monsieur le président Bas, devoir tempérer l'humeur ambiante.

M. Pierre-Yves Collombat . - Élu sénateur, j'ai renoncé à mon mandat de maire d'une commune de 2 500 habitants. Moi qui me suis battu pour que cette loi stupide ne soit pas votée, je ne peux être accusé de conflit d'intérêts.

Cette proposition de loi est intéressante en ce qu'elle nous invite à élargir notre réflexion. J'ai bien aimé la définition que M. Vandierendonck a donnée de cette PPL : « proposition de parler de la loi ». C'est une définition assez générale de ce que sont les PPL. J'ai cru comprendre le sens de ses efforts : il essaie de rendre applicables des réformes qui ne le sont pas. Il est comme le président de la Banque centrale européenne, M. Draghi, qui comparait l'euro à un bourdon : ce dernier ne doit pas voler, puis il y parvient avant de tomber. À l'usage, cette loi sur le non-cumul aura des conséquences très négatives. Le président Bas a évoqué les « malgré-nous ». Si un jour, ils arrivent au pouvoir, j'espère qu'ils reviendront sur cette loi.

M. Jean-Pierre Sueur . - Ils ne le feront pas.

M. Pierre-Yves Collombat . - En effet, mais ce serait dommage. Depuis trente ans, la gauche combat ce que fait la droite, arrive au pouvoir mais ne modifie rien et la droite fait de même. On dit que l'opinion publique ne comprendrait pas ce revirement, mais on lui a tellement lavé le cerveau que nous risquons effectivement de ne pas pouvoir revenir en arrière.

M. Jean-Pierre Sueur . - On ne peut pas considérer qu'un vote démocratique au Parlement soit un lavage de cerveau.

M. Pierre-Yves Collombat . - L'idée selon laquelle le non-cumul des mandats va améliorer le fonctionnement du Parlement est fausse. Les non-cumulards ne sont pas ceux qui travaillent le plus. C'est peut-être bizarre mais c'est ainsi. On lance de fausses pistes pour éviter de régler les problèmes de fond.

M. René Vandierendonck . - Je suis de ceux qui ont pris la peine d'écouter ce débat. Cette proposition de loi n'avait pas pour but de parler de la loi sur le non-cumul des mandats mais de la loi NOTRe et de la façon dont on apportera l'information aux parlementaires en amont, sans gêner la concertation au sein des commissions locales.

Mes collègues socialistes qui ont signé cette proposition de loi avaient droit à la parole en commission des lois : j'ai été leur porte-parole.

M. Philippe Bas , président . - Monsieur Darnaud, êtes-vous conforté ou ébranlé par ce débat ?

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Lors des auditions avec M. Masclet, nous avions prédit que ce débat dévierait sur la loi sur le non-cumul des mandats. Il est difficile de dire qu'elle porte sur la loi NOTRe quand l'exposé des motifs évoque la loi sur le non-cumul...

J'ai entendu M. Grosdidier : tout le monde s'accorde à dire que la présence de parlementaires à deux vitesses au sein des CDCI n'est pas acceptable, que les débats risquent d'être confisqués, que les discussions pourraient s'éterniser. A contrario , pourquoi le groupe socialiste n'a-t-il pas déposé une proposition de loi pour que les parlementaires siègent au sein des commissions d'attribution de la DETR ?

Monsieur Sueur, j'entends vos arguments en faveur du non-cumul, mais encore faudrait-il que ce terme soit compris par nos concitoyens. Ils seraient les premiers surpris d'apprendre qu'un président de conseil régional peut continuer à être adjoint dans une grande ville, ce qui fausse l'esprit de la loi.

Je rends hommage à M. Vandierendonck, qui parle sous le sceau de l'honnêteté. Je regrette que ses collègues cosignataires de la proposition de loi n'aient pas été présents pour la défendre.

Cette proposition de loi n'est pas de nature à nous éclairer : elle donne plutôt le sentiment que nous ne sommes pas au bout de nos peines.

M. Philippe Bas , président . - Je rappelle que la loi sur le non-cumul n'a pas été votée par le Sénat mais par l'Assemblée nationale à laquelle le Gouvernement a donné le dernier mot.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT

M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - L'amendement COM-1 pourrait être intéressant, mais il ne présente aucun lien avec l'objet de la proposition de loi. Avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. René Vandierendonck . - Je ne prends pas part au vote sur la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur . - Par solidarité avec mon collègue, je fais de même.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

M. Philippe Bas , président . - Je vous rappelle qu'en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera sur les textes de ces deux propositions de loi.

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