VERS UNE NOUVELLE STRATÉGIE GLOBALE EUROPÉENNE

LA FEUILLE DE ROUTE DE LA HAUTE REPRÉSENTANTE
Une nouvelle stratégie globale de l'Union européenne dans un contexte international marqué par le continuum entre sécurité intérieure et sécurité extérieure

La réflexion sur la défense européenne doit tenir compte d'un continuum désormais évident entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Les crises régionales qui perdurent à la périphérie de l'Union européenne, tant sur son flanc Est que sur son flanc Sud ont des répercussions croissantes avec les actions terroristes commises à Paris en janvier et novembre 2015 et à Bruxelles le 22 mars 2016, et font peser sur la sécurité intérieure des États membres de l'Union européenne des menaces multiformes. Le Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 consacré à la défense s'est d'ailleurs tenu dans un climat très différent de celui de 2013.

Selon les conclusions du Conseil européen de juin 2015 pour répondre à l'environnement de sécurité européen tel qu'il est désormais, il convient d'agir dans trois domaines qui sont étroitement liés :

« a) dans le prolongement du « Programme européen en matière de sécurité » de la Commission et des conclusions du Conseil du 16 juin 2015, il sera donné suite aux travaux sur la stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l'Union européenne; la pleine mise en oeuvre des orientations relatives à la lutte contre le terrorisme définies d'un commun accord lors de la réunion de février 2015 reste une priorité ;

b) la haute représentante poursuivra le processus de réflexion stratégique en vue d'élaborer, en étroite coopération avec les États membres, une stratégie globale de l'UE concernant les questions de politique étrangère et de sécurité, qui sera soumise au Conseil européen d'ici juin 2016 ;

c) conformément aux conclusions du Conseil européen de décembre 2013 et aux conclusions du Conseil du 18 mai 2015, les travaux se poursuivront en vue de conférer à la PSDC davantage d'efficacité et de visibilité et de faire en sorte qu'elle soit plus axée sur l'obtention de résultats, de continuer à développer les capacités tant civiles que militaires et de renforcer l'industrie européenne de la défense, y compris les PME. »

Le Conseil européen esquisse les contours de la nouvelle stratégie européenne. Il recommande que :

« - les États membres consacrent à la défense un niveau de dépenses suffisant et utilisent au mieux les ressources ;

- le budget de l'UE garantisse un financement approprié de l'action préparatoire concernant la recherche liée à la PSDC, ouvrant la voie à un éventuel futur programme de recherche et technologie en matière de défense ;

- la coopération européenne en matière de défense soit davantage renforcée et systématisée afin de mettre en place les capacités essentielles, notamment en recourant aux fonds de l'UE ;

- les instruments de l'UE soient mobilisés afin de faciliter la lutte contre les menaces hybrides ;

- les partenariats, en l'occurrence avec les Nations unies, l'OTAN, l'OSCE et l'Union africaine, soient intensifiés ;

- les partenaires aient les moyens et les possibilités de prévenir et gérer des crises, y compris par des projets concrets de renforcement des capacités ayant une portée géographique souple. »

Enfin, il est précisé que le Conseil européen continuera à examiner régulièrement les questions de politique de sécurité et de défense.

Un nouvel espoir pour la défense européenne

Faut-il voir dans cette feuille de route un réel espoir alors que le contexte n'est guère favorable à l'Union européenne. Elle n'a pas pu faire face à la crise économique que nous connaissons maintenant depuis plusieurs années. De plus, son incapacité à dégager des solutions probantes à la crise des réfugiés a fait grandir les interrogations sur son utilité. Bien que la défense ne soit pas centrale dans la feuille de route de la Haute représentante, la réponse est clairement oui. Certes les murs de la maison Europe tremblent, mais les fondations sont solides et sont renforcées par une demande de sécurité de la part des citoyens. Pour la première fois, depuis la création de l'Union européenne, la défense et la sécurité sont l'une des priorités des Européens, quasiment au même rang que la création d'emplois et la demande de prospérité. Sept Européens sur dix se déclarent favorables à une politique de sécurité et de défense commune : un chiffre supérieur à celui du soutien à une politique étrangère commune ou à l'Union économique et monétaire.

Signe des temps, cette demande forte de sécurité intérieure et extérieure traduit l'inquiétude de nos concitoyens, notamment après les attentats qui ont frappé durement nos pays. Mais elle montre que les citoyens européens gardent suffisamment confiance pour adresser à l'Union européenne une demande cruciale : leur espoir et leur désir de sécurité. Cette adhésion forte, essentielle, doit être soulignée dans le dispositif et a fait l'objet d'un amendement.

DE PREMIÈRES AVANCÉES CONCRÈTES
De la définition d'une stratégie européenne de sécurité intérieure 2015-2020 à l'adoption du PNR en 2016

Le conseil des ministres de l'intérieur a validé le 16 juin la stratégie de sécurité intérieure pour l'Union européenne pour la période 2015-2020, ainsi que la communication de la Commission intitulée « Le programme européen en matière de sécurité qui préconise un « espace européen de sécurité intérieure » et un « centre européen de lutte contre le terrorisme ».

Le renouvellement de la stratégie européenne de sécurité intérieure est justifié par la nécessité pour l'Union européenne de « contribuer à la protection des citoyens européens eu égard à l'augmentation actuelle des menaces que constituent, en particulier, le terrorisme et la grande criminalité organisée ». Le Comité de sécurité intérieure, le COSI doit désormais élaborer un document de mise en oeuvre ciblé de la stratégie comportant une liste d'actions prioritaires. Les priorités énoncées par le Conseil sont les suivantes :

- lutter contre le terrorisme, la radicalisation conduisant au terrorisme et le recrutement ainsi que le financement lié au terrorisme et prévenir ces phénomènes, en accordant une attention particulière à la question des combattants terroristes étrangers,

- prévenir et combattre la grande criminalité organisée,

- prévenir et combattre la cybercriminalité et renforcer la cybersécurité,

- renforcer la protection des infrastructures critiques et assurer la résilience, la préparation opérationnelle et la coordination politique pour réagir aux crises et aux catastrophes naturelles et d'origine humaine,

- continuer à renforcer et moderniser le système de gestion intégrée des frontières pour les frontières extérieures, afin de couvrir tous les aspects de la gestion des frontières extérieures de l'Union européenne.

Enfin, le Conseil a insisté dans ses conclusions sur le fait qu'une approche rapide et souple, fondée sur le renseignement, devrait être suivie, pour permettre à l'Union européenne de réagir de manière globale et coordonnée à des menaces émergentes, y compris des menaces hybrides, et à d'autres défis pour sa sécurité intérieure. Il a rappelé que la sécurité intérieure et la sécurité extérieure de l'Union européenne sont de plus en plus liées, et suivent une approche intégrée et complémentaire visant à réduire et à éviter les doubles emplois.

Cette nouvelle stratégie n'a cependant pas trouvé de traduction concrète rapide, y compris dans des domaines prioritaires. Ainsi lors de la conférence interparlementaire sur la politique étrangère et de sécurité commune et la politique de sécurité et de défense commune qui s'est tenue du 6 au 8 avril 2016, la délégation sénatoriale française, menée par André Trillard et composée de Josette Durrieu et Joël Guerriau a fait ajouter aux conclusions adoptées l'impératif d'une mise en oeuvre rapide du partage des données de passagers (PNR), pour améliorer la lutte contre le terrorisme. La conférence, grâce à l'amendement français, a appelé le Parlement européen à adopter et chaque Parlement national, qui ne l'aurait pas encore fait, à transposer, dans les meilleurs délais, la directive européenne sur le PNR, afin de contribuer efficacement à limiter la circulation des terroristes en Europe, première condition à l'amélioration de la sécurité, demande pressante et légitime des citoyens européens.

L'accord provisoire conclu par les négociateurs du Parlement et du Conseil le 2 décembre 2015 sur la directive européenne réglementant l'utilisation des données des dossiers passagers à des fins de prévention et de détection de formes graves de criminalité et d'infractions terroristes ou d'enquêtes et de poursuites en la matière, a été approuvé en session plénière par le Parlement européen le 14 avril 2016 7 ( * ) et adopté par le Conseil de l'UE le 21 avril 2016. Les États membres disposent d'un délai de deux ans pour transposer dans leur droit national ces dispositions.

La première mise en oeuvre de la clause d'assistance prévue par l'article 42-7 du TUE

L'autre raison d'espérer que la défense européenne puisse désormais susciter la mobilisation de nos partenaires européens est l'ampleur de la réponse à la demande de la France au titre de l'article 42-7 le 16 novembre 2015.

Cet article stipule qu'« au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir (...) ». La commission se félicite des contributions militaires proposées à la France dans cette perspective, même si- soyons lucides - leur caractère est pour le moins divers.

Au Levant, le Royaume-Uni a réalisé des frappes en Syrie et a renforcé sa flotte de chasseurs basés à Chypre, l'Allemagne a apporté un soutien opérationnel aux frappes en Syrie avec la frégate Augsburg, le déploiement de six torandos et d'un ravitailleur, un appui par imagerie satellitaire, et le passage des effectifs de formation des Pershmergas de 50 à 150 hommes. Les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique et l'Italie ont également soutenu l'engagement français.

Au Mali, de nombreux pays ont renforcé leurs contingents au sein de la MINUSMA : dont l'Allemagne, la Roumanie, la République tchèque, l'Autriche, la Finlande, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie et la Belgique, ou leur appui tactique à cette mission : c'est le cas de la Suède, du Danemark et de la Norvège. De multiples participations supplémentaires à EUTM Mali ont également été annoncées par : la Bulgarie, l'Estonie, le Luxembourg, le Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, entre autres. Enfin, l'opération Barkhane a bénéficié de moyens de transport tactique (C130) mis en oeuvre par l'Allemagne, la Belgique, la Norvège et l'Autriche.

En République centre-africaine, les renforts ont pris plusieurs formes : celle de l'envoi d'une compagnie portugaise supplémentaire au sein de la MINUSCA au deuxième semestre 2016, et d'une participation accrue au sein d'EUTM RCA de la Pologne, la Belgique et l'Espagne.

Cette première mise en oeuvre de l'article 42-7 du TUE a été l'occasion d'une réelle affirmation de la solidarité européenne. La prise en compte des menaces et des enjeux constituent sans doute une chance nouvelle de développer, enfin, la défense européenne. Notre pays doit rester plus que jamais prescripteur et moteur dans ce domaine. C'est dans cette optique que nous examinerons les orientations que devrait suivre la nouvelle stratégie globale de l'Union européenne concernant les questions de politique étrangère et de sécurité.


* 7 La directive PNR de l'UE contraindra les compagnies aériennes à transmettre aux pays de l'UE les données de leurs passagers afin d'aider les autorités à lutter contre le terrorisme et les formes graves de criminalité. Un tel système nécessiterait une collecte plus systématique des données, l'utilisation et la conservation des données PNR des passagers aériens, et aurait, par conséquent, une incidence sur les droits à la vie privée et à la protection des données. Pendant les négociations tripartites avec le Conseil et la Commission ("trilogues"), les députés européens ont voulu garantir que le projet législatif respecte le principe de proportionnalité et inclue des garanties strictes pour la protection des données à caractère personnel.

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