III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : MICHEL BERSON)

1. Une exécution qui, contrairement à l'année précédente, a relativement préservé les crédits en faveur de la recherche votés par le Parlement

Dans un contexte de forte contrainte financière , le Gouvernement avait affiché sa volonté, lors du vote de la loi de finances pour 2015, de sanctuariser les crédits destinés à la recherche , l'investissement d'avenir par excellence.

Ainsi, la somme des crédits des programmes « Recherche » votés, hors programme d'investissements d'avenir, s'élevait à 10,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 11 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un très léger recul de -0,6 % en AE et -0,3 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2014.

En exécution, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement des programmes « Recherche » ont été respectivement inférieurs de -2,7 % et de -2,4 % aux crédits votés en loi de finances initiale mais supérieurs de 0,5 % et de 3,3 % aux crédits exécutés en 2014 : les crédits en faveur de la recherche ont dont bien également été préservés en cours d'année et non pas seulement en loi de finances initiale.

Exécution des crédits des programmes « recherche » en 2015

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2014

Crédits votés LFI 2015

Crédits exécutés 2015

Écart exécution 2015 / exécution 2014

Écart exécution 2015 / LFI 2015

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

315,9

332,9

323,9

2,5 %

-2,7 %

CP

315,9

329,4

320,7

1,5 %

-2,6 %

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

6 222,1

6 265,1

6 198,1

-0,4 %

-1 %

CP

5 981

6 270

6 222,8

4%

-0,8%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

109,3

117,4

112

2,5 %

-4,6 %

CP

110,6

117,2

112,4

1,6 %

-4 %

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable

AE

1 589,1

1 647,8

1 559

-1,9 %

-5,4 %

CP

1 608,2

1 655,8

1 589,1

-1,2 %

-4 %

191

Recherche duale

AE

61,1

192,1

183,7

200,7 %

-4,3 %

CP

61,1

192,1

183,7

200,7 %

-4,3 %

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

916,0

928,1

898,7

-1,9 %

-3,2 %

CP

942,1

975,9

923,3

-2 %

-5,4 %

193

Recherche spatiale

AE

1 355,7

1 434,5

1 344,5

-0,8 %

-6,3 %

CP

1 345,9

1 434,5

1 354,3

-0,6 %

-5,6 %

Total des programmes « Recherche »

AE

10 569,2

10 918

10 620

0,5%

-2,7%

CP

10 364,7

10 975

10 706,3

3,3%

-2,4%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la direction du budget

Cette relative stabilité des crédits a globalement permis d'améliorer le lancement des projets de recherche en garantissant une meilleure visibilité aux gestionnaires , même si les organismes de recherche demeurent soumis à de fortes tensions financières qui rendent souvent difficile la réalisation d'investissements de long terme indispensables à la réalisation de travaux à la frontière de la connaissance.

Concernant le périmètre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », il convient de noter que les programmes 409 « Écosystèmes d'excellence » et 410 « Recherche dans le domaine de l'aéronautique », liés au programme d'investissements d'avenir (PIA 2 ), ne font plus partie de la mission et que le programme 187 « Recherches dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durable » a été fusionné avec le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

2. L'écart entre les crédits votés et les crédits exécutés a été moins important en 2015 qu'en 2014, même si la situation des différents programmes est contrastée

En 2014, les crédits consommés consacrés à la recherche avaient été inférieurs de -6% aux crédits votés en loi de finances initiale.

Ainsi qu'il a été indiqué supra , les crédits de paiement des programmes consacrés à la recherche ont fait l'objet d'une régulation infra-annuelle moins importante en 2015 : ils ont été inférieurs en exécution de - 2,4 % par rapport au montant des crédits votés en loi de finances initiale, avec notamment 233,6 millions d'euros de crédits annulés par décrets d'avance , 83,3 millions d'euros de crédits supprimés par décrets d'annulation et 52 millions d'euros de crédits annulés par le collectif budgétaire de fin d'année .

Les programmes 186 « Recherche culturelle et scientifique », 191 « Recherche duale » et 193 « Recherche spatiale » ont été tout particulièrement touchés par ces réductions de crédits en cours d'exécution .

Dans la mesure où les projets de recherche nécessitent des investissements importants , votre rapporteur spécial souhaite rappeler que les annulations décidées en cours d'exécution créent une instabilité nuisible aux gestionnaires de programmes comme aux chercheurs et aux organismes au sein desquels ils travaillent.

Il convient toutefois de noter que les programmes 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable » et 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », en revanche, ont bénéficié de l'apport important de fonds de concours , qui se sont élevés à 270 millions d'euros dans le cas du programme 190 au titre de la participation au financement du soutien au développement de l'A350 (soit une hausse de 14,7 % des crédits du programme en exécution).

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2015

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2015

Reports entrants

Décrets d'avance

Décrets d'annulation

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Reports sortants

Fonds de concours et attributions de produits

Exécution 2015

Écart consommé/ prévu

142

329,4

-

-1,1

-6

0,6

-0,5

-1,8

-

320,7

-2,6 %

172

6 270

148,6

-21,3

-45

3,7

-51

-82,2

-

6 222,8

-0,8 %

186

117,2

1

-3,5

-2,7

-

-0,2

-3,1

3,2

112,4

-4,2 %

190

1 385,8

0,5

-48,7

-18,6

-

-

-

270

1 589

+14,7 %

191

192

-

-9,6

-

1,3

-

-

-

183,7

-4,3 %

192

877,7

8,3

-59,4

-11

50,2

-0,3

-40,3

98,2

923,3

+5,2 %

193

1 434,5

9,8

-90

-

-

-

-

-

1 354,3

-5,6 %

Total programmes « Recherche »

10 876,6

168,2

-233,6

-83,3

55,8

-52

10 706,2

-1,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la direction du budget

3. Des mises en réserve dont les effets ont été très différents d'un programme à l'autre

La mise en réserve globale des programmes 172 et 193, principaux programme de recherche en volume, s'est élevée à 246,58 millions d'euros en AE et 246,97 millions d'euros en CP, un montant en hausse de 6,6 % en AE et 6,8 % en CP, après une forte hausse de 30 % en 2014. Les réserves de précaution des autres programmes n'ont pas évolué en 2015 .

Comme en 2014, les impasses budgétaires constatées pour les contributions au financement des organismes internationaux de la recherche ont été comblées par l'utilisation d'une partie de la réserve de précaution . Un certain nombre d'opérateurs du programme 172 ont également bénéficié de crédits dégelés, des reports de charge du CNRS ayant pour leur part entraîné un dégel de 82 millions d'euros .

En revanche, la réserve de précaution du programme 186 « Recherche culturelle » (qui s'élevait à 5,53 millions d'euros en AE et 5,52 millions d'euros en CP) a été très largement annulée tandis que la suppression de 66 % des crédits de la réserve de précaution du programme 191 « Recherche duale » (qui s'élevait à 14,4 millions d'euros AE=CP), a conduit à des reports de dépense d'investissements du CEA ainsi qu'à des réductions de certaines opérations du CNRS .

4. La gestion du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », principal vecteur de la politique publique de recherche de la France, doit encore progresser

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » , fusionné en 2015 avec l'ancien programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », constitue le support principal des politiques de recherche en France , puisqu'il porte environ 58 % des crédits de paiement exécutés en matière de recherche en 2015 , soit 6,2 milliards d'euros en exécution en 2015.

C'est lui qui porte les subventions de l'État en faveur des principaux organismes de recherche publics 172 ( * ) - CEA, CNRS, INRA, INRIA ou bien encore INSERM - et qui assure le financement des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) . L'Agence nationale de la recherche (ANR) et le crédit d'impôt recherche (CIR) sont rattachés à ce programme stratégique (voir infra ).

Comme en 2014, les crédits destinés au financement des contributions de la France aux organisations scientifiques internationales (OSI) telles que le Centre européen de recherche nucléaire (CERN) et aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) ont été sous-budgétées , ce qui a provoqué des refus de visas du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM).

De fait, après constitution de la réserve de précaution et mouvements de reports, les ressources prévisionnelles apparaissaient nettement inférieures aux prévisions de dépenses, conduisant, selon la Cour des comptes, à une impasse de 133,25 millions d'euros , en légère augmentation par rapport à 2014, alors que les crédits destinés aux OSI sont considérées comme des dépenses inéluctables au sens de l'article 95 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique 173 ( * ) .

5. Un crédit d'impôt-recherche (CIR), deuxième dépense fiscale du budget de l'État, en légère hausse, et dont l'efficacité doit être mieux mesurée

Alors qu'il avait représenté une dépense fiscale de 5,11 milliards d'euros en 2014, le crédit d'impôt-recherche (CIR) , deuxième dépense fiscale du budget de l'État , devrait atteindre 5,27 milliards d'euros en 2015 et bénéficier à 16 200 entreprises .

Si la Cour des comptes note que le chiffrage du CIR, qui représente à lui seul 58 % des dépenses fiscales de la mission MIRES évaluées en loi de finances initiale pour 2016, est de plus en plus robuste , elle déplore néanmoins que son efficacité au regard de l'augmentation de la dépense intérieure de recherche et de développement des entreprises (DIRDE) demeure difficile à mesurer . Elle en conclut qu'un réel effet d'entrainement [du CIR] n'apparaît pour l'heure « pas clairement établi » et en conclut que « des études complémentaires restent nécessaires ».

Votre rapporteur spécial partage ce constat et estime pour sa part que l'indicateur de performance 2.3 « Mesures de l'impact du crédit d'impôt recherche » est beaucoup trop imprécis pour permettre d'évaluer les effets véritables du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises privées.

Il note néanmoins avec satisfaction que l'effort de recherche des entreprises , c'est-à-dire la somme des dépenses intérieures de R&D des entreprises implantées en France , a atteint 1,48 % du PIB en 2014, après 1,45 % du PIB en 2013, soit une augmentation de 2,3 % en volume en un an .


* 172 Il regroupe 17 des opérateurs ou catégories d'opérateur sur 29 au total pour les programmes « Recherche ». 95 % de ses crédits sont destinés à ces 17 opérateurs.

* 173 Dépenses liées à la mise en oeuvre des lois, règlements et accords internationaux.

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