II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une information budgétaire insuffisante

La mission atteint un poids budgétaire (6,4 milliards d'euros) conséquent qui, à soi seul, justifierait une information complète sur les variables essentielles de la dépense, c'est-à-dire des dynamiques propres aux composantes de l'équilibre des différents régimes sociaux dont elle assure le financement.

Force est de constater que l'information fournie par les documents budgétaires d'exécution ne permet en rien d'apprécier l'économie des régimes subventionnés.

Si l'on peut se féliciter que le nombre des pensionnés du Chemin de fer de la Mure (et TCRL) soit de 123, on peut, en revanche, déplorer de ne pas pouvoir saisir comment ont évolué les cotisants et prestataires de la CPRP SNCF.

Un complément d'information budgétaire est d'autant plus indispensable que les régimes spéciaux de retraite ont connu des réformes importantes ces dernières années visant à l'équité et à leur soutenabilité. Dans la mesure où ces réformes suivent un calendrier d'application étalé dans le temps, il serait pour le moins utile de pouvoir en apprécier les effets nécessairement progressifs.

En bref, l'information sur la mission devrait respecter deux exigences : fournir les moyens d'une appréciation tangible de la dynamique des variables d'équilibre des régimes soutenus ; offrir un suivi des effets des réformes, ce qui pourrait passer par une présentation en variante analogue à celle employée pour en présenter l'impact en prospective.

2. Une exécution ne respectant pas la programmation pluriannuelle malgré des conditions a priori plutôt favorables

Alors qu'en 2013 et 2014 le plafond annuel fixé en loi de programmation des finances publiques 175 ( * ) avait été respecté, le montant des crédits exécutés en 2015 est supérieur de 38 millions d'euros au montant prévu dans le nouveau cadre du triennal 2014-2019 (soit + 0,5 %). On a exposé les raisons pour lesquelles le plafond de crédits de la loi de finances initiale qui respectait, quasiment par construction 176 ( * ) , la programmation a dû être dépassé (voir supra ).

Dépassement et respect des dernières lois de programmation

(en millions d'euros de crédits de paiement)

2013

2014

2015

2016

2017

Triennal 2013-2015

6 540

6 755

6 840

Au format 2014

Triennal 2015-2017 Au format 2015

6 414

6 396

6 396

Exécution

6 438

6 506

Exécution 2015

6 451

LFI 2015

6 414

* Programmation initiale, à périmètre courant.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances pour 2013 et 2014 et des lois de programmation pour 2012-2017 et pour 2014-2019)

Ce dépassement, qui aurait pu être plus conséquent si les projections des pensions de la RATP avaient été vérifiées, s'est produit dans un contexte où la révision à la baisse de l'inflation par rapport au niveau anticipé aurait dû favoriser une bonne exécution des crédits par les économies engendrées par elle.

En effet, l'une des variables clefs de la programmation des dépenses réside dans le rythme de l'inflation. La précédente programmation 2013-2015 s'était fondée sur une hypothèse d'inflation de 1,75 % l'an. En réalité, l'évolution des prix plus modérée que prévu a engendré une séquence de revalorisation des pensions nettement plus modeste (1,3 % en 2013, 0 % en 2014 et 0,1 % en 2015) qui a contribué à contenir l'évolution des charges de la mission.

À son tour, l'exécution 2015 a profité, côté dépenses de pensions des régimes subventionnés, d'une revalorisation moindre qu'escomptée. Au lieu de + 0,9 % au 1 er octobre 2015, celle-ci a été limitée à 0,1 %. Cet écart provoque des effets très conséquents s'agissant de régimes marqués par un déséquilibre important entre les cotisants et les bénéficiaires.

Les économies correspondantes pour le budget de l'État sont chiffrées à 47 millions d'euros par le Gouvernement, estimation cohérente avec l'application du différentiel d'inflation sur les dépenses de 2014 en année pleine.

3. Un écart qui illustre la fragilité des prévisions de court terme quand les projections à plus long terme dessinent une tendance plus certaine mais non dénuée d'aléas

Les dépenses de la mission sont pour l'essentiel constituées de subventions d'équilibre de régimes dont les uns - les plus volumineux - sont ouverts (ils accueillent de nouveaux affiliés) et les autres - en voie d'extinction - sont fermés (SEITA, Imprimerie Nationale, ORTF...).

La nouvelle programmation pluriannuelle prescrit un simple maintien en valeur nominale des crédits de la mission à l'horizon 2017 dans un contexte où les pensions seraient revalorisées de 1,75 % l'an, soit sur un rythme nettement supérieur à celui de ces dernières années.

Ces deux données sont « bouclées » en prévision par l'adoption d'une hypothèse d'inflexion des volumes des pensions servies et (ou) d'une dynamique plus forte des recettes des régimes.

En effet, l'évolution de l'équilibre des régimes dépend du différentiel entre la croissance des recettes et celle des pensions.

La prévisibilité de chacune de ces composantes est délicate.

Les dépenses sont théoriquement plus faciles à prévoir. La variation de la population des pensionnés résulte d'un solde d'entrées et de sorties largement commandées par des données démographiques.

Il reste que la mortalité peut connaître quelques variations d'une année sur l'autre tandis que les comportements de départ en retraite sont susceptibles d'évoluer au-delà même des effets quasi-mécaniques de certaines règles. C'est d'ailleurs dans le sens d'une plus grande modulation des comportements que sont allées les réformes adoptées ces dernières années. Les systèmes de décote-surcote associés à des données d'âge et de durée d'assurance vont dans ce sens.

Pour ce qui concerne les recettes, outre les taux de cotisation, il faut prendre en compte les dynamiques des assiettes. Celles-ci dépendent le plus souvent très étroitement de la croissance économique, du moins pour les régimes spéciaux les plus importants (hors régime minier en voie d'extinction). Présentée comme une variable déterminant les recettes, l'allongement de la durée individuelle d'activité n'a d'effet sur les ressources des régimes qu'à travers l'influence que cet allongement peut exercer sur la masse salariale assujettie à cotisations par la déformation de la structure démographique des actifs et son impact sur le niveau général des assiettes de cotisation. Si, à long terme, cet effet est nul, il peut sur une période transitoire correspondant au report du départ en retraite des personnels en fin de carrière accroître les recettes des régimes. En contrepartie, les dépenses salariales supportées par les entreprises sont renchéries d'autant de même qu'à terme la valeur des pensions servies.

Dans les années couvertes par la programmation, les réformes des régimes spéciaux entreront pleinement en vigueur.

Les projections réalisées pour les deux grands régimes de transport terrestre (SNCF et RATP) extériorisent des économies massives à long terme au profit de la mission (de l'ordre de 800 millions d'euros pour l'un et de 100 millions d'euros pour l'autre à l'horizon 2025). À plus court terme, celui de la programmation triennale, les masses sont nettement plus mesurées (la mise en oeuvre des réformes étant très progressive) si bien que les prévisions sont entourées de nombreux aléas. L'exécution 2015 illustre certains d'entre ceux-ci sans, pour autant, remettre en cause la trajectoire dessinée par les réformes des régimes spéciaux.

Il demeure que l'environnement économique de certaines des entreprises dont ils portent les engagements de retraite représente une variable très lourde pour les équilibres des régimes spéciaux. Le renforcement des concurrences offre des opportunités mais présente également des risques non-modélisés dans les projections.

4. Une forte progression, mais d'affichage, des dépenses en faveur de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM)

Par rapport à l'exécution de l'exercice précédent, les dépenses du programme 197 ont connu en 2015 une progression très forte (+ 3,9% et 32,7 millions d'euros).

Cette croissance apparaît a priori paradoxale dans la mesure où le nombre des pensionnés diminue tendanciellement. En 2015, la baisse de la population des pensionnés a atteint 0,95 %. Par ailleurs, la valeur nominale des pensions a baissé. La pension moyenne de droit direct est passée de 11 499 euros en 2014 à 11 445 euros en 2015.

Les données budgétaires sont tributaires d'un choix de mise à niveau du taux de couverture des dépenses par le budget. Il traduit la décision de cesser de ponctionner le fonds de roulement du régime pour équilibrer les comptes. Néanmoins, même si le prélèvement a été plus modéré qu'usuellement - il a été ramené de 7 millions d'euros en 2015 contre 42 millions l'année précédente -, les fonds propres de l'ENIM ont été encore une fois sollicités.

On peut se féliciter en revanche que le coût unitaire de primo liquidation des pensions soit resté limité (il a baissé de près de 80 euros depuis 2013).

Quant au taux de recouvrement des cotisations il a également progressé et atteindrait près de 100 % ce qui témoigne d'une performance qu'il faut saluer.

Pourtant, ce chiffre est un peu terni par l'absence de données sur les recouvrements de cotisation auprès des affiliés de certains territoires ultramarins.


* 175 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 176 La nouvelle programmation triennale 2014-2019 a été définie en même temps que la programmation des crédits prévus à la loi de finances initiale 2015.

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