N° 127

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 novembre 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée par MM. Michel MAGRAS, Éric DOLIGÉ, Jacques GILLOT, Mmes Gisèle JOURDA et Catherine PROCACCIA en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur l' inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques ,

Par M. Michel MAGRAS,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Claude Lenoir , président ; Mmes Élisabeth Lamure, Delphine Bataille, MM. Alain Bertrand, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Joël Labbé, Michel Le Scouarnec, Yannick Vaugrenard , vice-présidents ; M. Marc Daunis, Mme Valérie Létard, M. Bruno Sido , secrétaires ; MM. Gérard Bailly, Jean-Pierre Bosino, Henri Cabanel, François Calvet, Roland Courteau, Alain Duran, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Gremillet, Mme Annie Guillemot, MM. Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Daniel Laurent, Philippe Leroy, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne-Catherine Loisier, MM. Michel Magras, Franck Montaugé, Robert Navarro, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Sophie Primas, MM. Yves Rome, Henri Tandonnet .

Voir les numéros :

Sénat :

65 et 102 (2016-2017)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 3 novembre 2016, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté sans modification la proposition de résolution européenne n° 65 (2016-2017) de nos collègues Michel Magras, Éric Doligé, Jacques Gillot, Gisèle Jourda et Catherine Procaccia sur l' inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques .

Cette initiative, soumise à notre commission des affaires économiques, appelle plusieurs remarques introductives pour en rappeler le contexte et l'articulation avec les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer ainsi que ceux de notre commission.

Il convient tout d'abord de rappeler que le 16 janvier 2016, la commission des affaires économiques a adopté une proposition de résolution 1 ( * ) qui portait principalement sur une urgence : les accords commerciaux négociés par l'Union européenne dans le secteur de la canne à sucre.

Le rapport 2 ( * ) qu'elle a adopté sur ce texte rappelait que, pour soutenir le développement endogène des outre-mer, l'Union européenne a très opportunément financé la modernisation de la filière sucrière ultramarine et son positionnement sur les sucres haut-de-gamme. Notre commission a admis à l'unanimité qu'il aurait été absurde de ruiner ces efforts de long terme en ouvrant brutalement ce marché à des pays où le coût de la main d'oeuvre est 19 fois moins élevé que dans nos outre-mer. Il s'agissait, en l'occurrence du Vietnam qui risquait de se voir offrir un « boulevard » pour se positionner sur ce segment. Je tiens à vous rappeler que notre démarche a été couronnée de succès puisque l'accord définitif avec le Vietnam inclut une clause de contingentement strict des importations de sucres roux. Plus précisément, le projet d'accord de libre-échange prévoyait la libéralisation d'un quota de 20 000 tonnes de sucres pour le Vietnam tandis qu'au final, les sucres spéciaux ont fait l'objet d'un traitement particulier et d'une limitation à 400 tonnes par an.

On regrette souvent, comme dans le cas du Traité transatlantique, le caractère flou du mandat de négociation confié à la commission : ce précédent démontre cependant toute l'efficacité du Sénat lorsqu'il porte une voix de bon sens.

Conformément à ce que votre rapporteur avait alors annoncé, c'est un texte plus général et synthétique qui est à présent soumis à la commission des affaires économiques, même s'il répond aussi à une préoccupation immédiate concernant le secteur de la banane. Il s'agit de la proposition de résolution européenne sur l'inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques.

La version initiale de ce texte a été co-signée par cinq membres de la délégation aux outre-mer : Éric Doligé, Jacques Gillot, Gisèle Jourda, Catherine Procaccia ainsi que votre rapporteur. La commission des affaires européenne a estimé que cette initiative était satisfaisante puisqu'elle l'a adopté à l'unanimité et sans modification.

Comme son nom l'indique, ce texte comporte deux principaux volets, l'un sur les normes agricoles européennes et l'autre sur la politique commerciale de l'Union.

Rappel de la procédure applicable à cette proposition de résolution européenne : le Sénat fait sien le texte adopté en commission des affaires économiques sauf si un débat en séance publique est décidé.

La procédure applicable à ce texte est prévue par l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat : il en résulte que la commission des affaires économiques doit examiner cette proposition de résolution sur la base du texte adopté par la commission des affaires européennes. Par la suite, le texte adopté devient la résolution du Sénat au terme d'un délai de trois jours francs suivant la date de la publication du rapport de la commission sauf si le Président du Sénat, le président d'un groupe, le président d'une commission permanente, le président de la commission des affaires européennes ou le Gouvernement demande, dans ce délai, qu'elle soit examinée par le Sénat. Si, dans les sept jours francs qui suivent cette demande, la Conférence des présidents ne propose pas ou le Sénat ne décide pas son inscription à l'ordre du jour, la proposition de résolution de la commission devient la résolution du Sénat. Enfin, les résolutions européennes sont transmises au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.

1. Le volet « normes agricoles » de la proposition de résolution.

Tenir compte de la différence de climat entre les outre-mer et l'Europe : adapter les normes agricoles et les procédures d'homologation conçues pour des zones européennes tempérées afin de sauver l'agriculture ultramarine du désastre.

a) Une avalanche de normes

Notre commission des affaires économiques a abordé à de multiples occasions le thème des réglementations agricoles principalement sous l'angle hexagonal. Le 29 juin 2016, elle a adopté le rapport d'information n° 733 (2015-2016) élaboré par M. Daniel Dubois qui s'intitule : « Normes agricoles : retrouver le chemin du bon sens ». Constatant que l'avalanche de règlementations handicape l'agriculture métropolitaine qui est pourtant l'une des plus performantes du monde, ce rapport formule 16 propositions pour limiter la profusion normative et la soumettre au principe de réalité.

Votre rapporteur souligne que pour l'agriculture de nos outre-mer, la situation qui résulte de cette profusion normative est encore bien pire en raison de son inadaptation au climat tropical et aux contraintes spécifiques qui s'imposent à ces territoires lointains de l'Europe continentale.

b) Une impasse pour l'agriculture ultramarine

La nécessité de l'adaptation du cadre normatif européen ressort du rapport d'information n° 775 (2015-2016) élaboré conjointement par M. Éric Doligé, M. Jacques Gillot et Mme Catherine Procaccia, au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer et déposé le 7 juillet 2016. Ce document très complet de 303 pages constate que les dispositifs sanitaires et phytosanitaires conçus pour l'Europe continentale s'imposent dans les régions ultrapériphériques (RUP) sans prendre en compte les caractéristiques de l'agriculture en zone tropicale. Il démontre avec précision que cette application uniforme de la réglementation conçue pour des latitudes tempérées conduit à une véritable impasse.

Votre rapporteur se limitera ici à extraire des travaux approfondis de la délégation, un seul exemple parmi tant d'autres. La fourmi manioc, présente à la Guadeloupe et en Guyane est capable de détruire, en 24 heures, une culture de patate douce, d'igname ou d'agrumes. Les petits planteurs sont démunis face à cet insecte puisqu'aujourd'hui aucune solution adéquate ne peut être utilisée sur des cultures de plein champ.

Encore faut-il préciser qu'il existe bien des produits efficaces, mais ils ne sont autorisés que pour le seul usage domestique, car ils relèvent de la catégorie des biocides supervisée par l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA European chemical agency). On ne trouve rien, en revanche, dans la catégorie des pesticides qui entrent dans le champ de compétence de l'Agence européenne de sécurité des aliments, l'EFSA. La solution serait une initiative de notre ministère de l'agriculture qui pourrait créer cet usage afin que l'Anses puisse autoriser une préparation phytopharmaceutique.

Cet exemple permet d'illustrer un constat général : la sécurité des récoltes ultramarines n'est pas convenablement garantie. Les chiffres en témoignent puisque 29 % des usages phytosanitaires - c'est-à-dire les moyens de défense contre les attaques - sont couverts dans les DOM, contre 80 % en métropole.

Pourtant, les réponses phytosanitaires existent et sont utilisées chez nos concurrents mais, en Europe, les procédures d'homologation sont si complexes et coûteuses que, pour les fabricants, « le jeu n'en vaut pas la chandelle » : ils renoncent trop souvent à déposer une demande d'autorisation parce que le marché ultramarin est trop étroit pour leur permettre d'amortir le coût des formalités requises.

Lorsque les produits adéquats sont autorisés, c'est alors fréquemment leur utilisation qui fait l'objet de normes européennes inadaptées. Par exemple, l'Équateur - qui est le premier exportateur de bananes sur le marché européen et qui est sur le point d'adhérer à l'accord de libre-échange de l'Union avec la Colombie et le Pérou - traite ses bananes 40 fois par an avec une gamme de 50 produits phytopharmaceutiques. Pour leur part, les bananiers français ne disposent que de deux produits autorisés et ne peuvent réaliser que sept traitements par an.

Comme en ont témoigné les experts entendus par la délégation aux outre-mer, les conditions d'utilisation des produits phytopharmaceutiques autorisés par l'Anses sont, la plupart du temps, calibrées pour un usage en climat tempéré. Or dans les DOM, les conditions climatiques sont nettement différentes, ce qui joue sur la rémanence des matières actives : elle est bien souvent inférieure à 8 ou 10 jours en raison d'une évaporation plus forte. Calculée pour un climat tempéré, la limitation du nombre d'applications autorisées par saison place les agriculteurs ultramarins dans des impasses techniques. Pourtant, une simple réduction des doses couplée avec une augmentation de la fréquence de traitement permettrait d'adapter les conditions d'utilisation aux périodes végétatives plus longues que connaissent les DOM.

Ces quelques observations donnent un aperçu de la situation inextricable que connaissent les agriculteurs ultramarins face à une concurrence sans merci.

c) Les solutions suggérées par la proposition de résolution

Pour réduire les handicaps imposés à l'agriculture ultramarine, la délégation aux outre-mer a énoncé 20 recommandations dans son rapport précité. Par principe, il s'agit d'inviter la Commission européenne à acclimater les normes européennes agricoles au milieu tropical. Tel est le socle du volet « normes agricoles » de la présente proposition de résolution qui, analysé en détail par la délégation sénatoriale et la commission européenne, s'ordonne autour de trois axes :

- adapter les normes ainsi que les processus d'homologation pour garantir la sécurité des récoltes ; en particulier, pour réduire les usages orphelins et rétablir un peu la balance entre les outre-mer et les pays tiers, la proposition de résolution suggère d'établir une liste positive de pays dont les procédures d'homologation sont équivalentes à celles de l'Union européenne. À partir de cette liste, les autorités françaises pourraient autoriser directement l'usage en outre-mer d'un produit homologué dans un des pays répertorié favorablement ;

- mieux contrôler des échanges commerciaux, pour sanctionner de manière effective la présence de pesticides interdits par la réglementation européenne, pour rééquilibrer les contraintes imposées aux producteurs ;

- et enfin promouvoir une stratégie de labellisation des produits ultra marins répondant à des exigences de production haut de gamme ; l'adaptation suggérée par la proposition de résolution consisterait à autoriser la certification de l'agriculture biologique par un système participatif de garantie (SPG), comme en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en rendant facultatif le recours à un organisme certificateur pour les exploitations implantées dans les régions ultra-périphériques (RUP).

2. Le volet « accords commerciaux » de la proposition de résolution prend en compte les menaces imminentes qui pèsent sur le secteur de la banane ultramarine.

Nos outre-mer ont un besoin urgent de cohérence : les efforts de mise en place d'une filière agricole ultramarine compétitive ne doivent pas être pulvérisés par des accords commerciaux et des pratiques favorables à des pays à très faible coût de main-d'oeuvre bénéficiant d'une permissivité de fait quant à l'usage de produits interdits en Europe.

a) Les principales caractéristiques du marché de la banane dans l'Union européenne.

La banane 3 ( * ) est le fruit le plus consommé au monde : l'Union européenne est son premier marché et absorbe le tiers des exportations mondiales. Les Européens importent principalement la banane en provenance d'Amérique centrale et latine. Les trois principaux pays exportateurs vers l'Union sont l'Équateur (1,4 millions de tonnes exportées en 2015), la Colombie (1,3 millions de tonnes) et le Costa Rica (0,95 millions de tonnes).

En 2015, l'UE a consommé 5,8 millions de tonnes de bananes : 89 %, ont été importées et la part de marché restante - qui s'établit à 11 % contre 12,6 % il y a trois ans - revient aux producteurs européens.

Les cinq premiers pays européens producteurs sont l'Espagne, qui représente la moitié de l'offre européenne (381 827 tonnes en 2015), la France (263 022 tonnes en 2015), le Portugal (18 645 tonnes en 2015), Chypre et la Grèce. La production est localisée dans les régions ultrapériphériques : les Canaries pour l'Espagne, la Guadeloupe et la Martinique pour la France, Madère et les Açores pour le Portugal. Dans ces territoires insulaires, la filière banane joue un rôle économique fondamental : 37 000 emplois en dépendent, directement ou indirectement et elle garantit la viabilité de la desserte maritime 4 ( * ) . De plus, la filière est exemplaire en termes de durabilité : les producteurs européens respectent des normes sociales, sanitaires et environnementales parmi les plus exigeantes au monde. Aux Antilles françaises, le secteur a investi dans la formation professionnelle pour promouvoir de bonnes pratiques en matière d'agriculture durable, de recherche et de développement.

b) Les accords de libre-échange entre l'Union européenne et les pays tiers comportent des clauses protectrices qui auraient dû être activées.

Conformément aux accords de libre-échange conclus en 2012 avec l'Amérique centrale, les droits de douane sur les bananes importées dans l'Union européenne, doivent diminuer progressivement de 176 euros par tonne en 2009 à 75 euros en 2020. Propulsés par ces conditions tarifaires, les volumes importés ont bondi et la perte de parts de marché qui en résultent pour nos producteurs concernés met en péril l'avenir de la filière ultramarine.

Juridiquement, des mécanismes de protection sont prévus sous deux formes. D'une part, une clause de sauvegarde spécifique prévoit que l'Union peut suspendre le droit de douane préférentiel si l'augmentation des importations de bananes depuis les pays partenaires causent ou menacent de causer un préjudice grave à l'économie de l'Union. D'autre part, un mécanisme de stabilisation permet à l'Union de suspendre temporairement - pas plus de trois mois et pas au-delà de la fin de l'année civile - le droit de douane préférentiel si les importations de bananes dépassent les seuils d'importation prévus dans les accords.

Toutefois, jamais, depuis 2013, la Commission européenne n'a activé un seul de ces dispositifs alors même que l'évolution du marché pouvait, à plusieurs reprises, le justifier.

c) La proposition de résolution préconise la mise en oeuvre quasi-automatique des mécanismes de défense prévus.

En réponse à cette carence, la proposition de résolution suggère l'activation sans délai par la Commission des mécanismes de stabilisation dès que les seuils de déclenchement prévus dans les accords sont atteints.

Elle demande aussi la prorogation de ces mécanismes de stabilisation au-delà de la date butoir du 31 décembre 2019 alors qu' il est prévu de les supprimer à cette date.

Une telle démarche doit se fonder sur des constatations précises. La proposition de résolution préconise donc la création d'observatoires des prix et des revenus pour les grandes filières exportatrices ultramarines comme la banane et la canne à sucre.

Enfin, et comme l'a déjà demandé à plusieurs reprises par le passé la commission des affaires économiques, il convient de réaliser des études d'impact préalables sur les conséquences pour les économies ultrapériphériques des accords commerciaux passés par l'Union européenne.

3. La position de la commission des affaires économiques.

Trois principales considérations amènent votre commission à approuver la proposition de résolution soumise à son examen.

Tout d'abord, l'impératif d'adaptation des normes agricoles européennes et des procédures d'homologation s'impose de manière évidente pour améliorer les chances de survie de pans entiers de l'agriculture ultramarine. Au moment où la planète entière - ou presque - s'effraye du danger majeur d'un réchauffement climatique portant sur un ou deux degrés, on se demande comment on a pu si longtemps ne pas prendre sérieusement en considération la différence de 15 à 20 degrés entre le climat tempéré et le climat équatorial.

Ensuite, les producteurs ultra-marins luttent pieds et poings liés contre les producteurs de pays tiers qui, trop souvent, bénéficient de normes environnementales semble-t-il particulièrement permissives et d'une certaine tolérance de la part de l'Union européenne sur les volumes et la conformité des produits importés sur notre continent. Il est donc absolument nécessaire d'aller dans le sens du rééquilibrage en faisant respecter les mécanismes de sauvegarde prévus dans les accords commerciaux et en renforçant les contrôles quantitatifs et qualitatifs.

Enfin, il convient de rappeler que la « montée en gamme » est la principale ligne directrice de l'économie française et une condition de préservation de notre modèle social. Le rapport Louis Gallois a fait l'objet d'un remarquable consensus sur ce point et il faut en tirer les conséquences pratiques : votre commission insiste tout particulièrement sur les préconisations consacrées à une stratégie de labellisation adaptée aux produits agricoles ultramarins.

Pour donner plus de force à cette proposition de résolution, la commission a adopté l'amendement présenté par votre rapporteur qui vise à compléter les visas de cette initiative. Il s'agit de faire explicitement référence, dans la proposition de résolution, à l'arrêt de de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 décembre 2015, dit « arrêt Mayotte ». Celui-ci porte sur la mise en oeuvre de dispositifs spécifiques en faveur des régions ultrapériphériques, prévue par l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Pris en « grande chambre », ce qui témoigne de son importance, cet arrêt écarte certaines interprétations restrictives de l'article 349 du Traité, et, en particulier, la thèse défendue par la commission européenne selon laquelle l'article 349 permettrait de déroger au droit de l'Union dans ses dispositions de droit primaire mais pas de droit dérivé. En réponse, la Cour réaffirme clairement la possibilité d'adaptation du droit de l'Union européenne en faveur des régions ultrapériphériques dès lors qu'il s'agit de dispositions ou politiques spécifiques. L'arrêt donne donc son plein effet à l'article 349 en le consacrant comme le socle de l'adaptation de l'ensemble du droit de l'Union.

*

* *

Réunie le 16 novembre 2016 sous la présidence de M. Jean-Claude Lenoir, la commission a adopté à l'unanimité la proposition de résolution européenne modifiée.


* 1 La proposition de résolution adoptée par la commission des affaires économiques, puis par le Sénat, était issue de la proposition de résolution européenne n° 282 (2015-2016) de M. Michel Magras et Mme Gisèle Jourda relative aux effets des accords commerciaux conclus par l'Union européenne sur les économies sucrières et la filière de la canne des régions ultrapériphériques françaises.

* 2 Rapport n° 312 (2015-2016) de M. Michel MAGRAS.

* 3 Il s'agit ici de la banane dite « dessert », qui se mange crue, et se distingue de la banane plantain, qui se mange cuite tout en étant surtout consommée dans les pays producteurs. La banane dessert est l'une des plus importantes cultures tropicales. Les trois quarts sont eux aussi consommés localement : les deux plus gros producteurs mondiaux, l'Inde et le Brésil, écoulent quasiment toute leur production sur leur marché intérieur. Les exportations vers les États-Unis, l'Union européenne ou encore le Japon sont à plus de 80% produits dans les pays d'Amérique centrale, principalement en Équateur, au Costa Rica et en Colombie. Ces produits d'exportations sont qualifiés de "bananes dollars", la filière ayant été largement contrôlée par trois grandes sociétés américaines fortement intégrées, qui possèdent leurs propres plantations et leurs navires.

* 4 Comme le souligne le rapport de Marielle de Sarnez adopté 29 septembre 2016 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 19/2013 portant mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale et du mécanisme de stabilisation pour les bananes prévus par l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie et le Pérou, d'autre part, et le règlement (UE) n° 20/2013 portant mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale et du mécanisme de stabilisation pour les bananes prévus par l'accord établissant une association entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Amérique centrale, d'autre part.

Page mise à jour le

Partager cette page