LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Justice ».

En seconde délibération , à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement minorant de 42 millions d'euros les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de la mission « Justice ».

D'une part, cet amendement prend en compte de mesures de transfert résultant :

- de la modification de l'organisation de la prise en charge de la paie des élèves en formation à l'école nationale de l'administration pénitentiaires et du transfert ;

- de la création d'une équipe dédiée de l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) au programme immobilier de construction d'établissements pénitentiaires.

D'autre part, afin de gager des ouvertures de crédits sur d'autres missions, il est procédé à une diminution des crédits de 42 millions d'euros (en AE et en CP), qui se répartit de la manière suivante :

- 8,2 millions d'euros sur le programme « Justice judiciaire » ; selon l'objet de l'amendement, « la diminution est permise principalement par un effort supplémentaire d'optimisation des dépenses de frais de justice et d'investissement immobilier » ;

- 16,47 millions d'euros sur le programme « Administration pénitentiaire » ; cette diminution serait permise, selon l'objet de l'amendement, « principalement par l'actualisation des estimations concernant le rythme de réalisation des investissements immobiliers et des dépenses relatives aux aménagements de peines » ;

- 7,2 millions d'euros sur le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » ;

- 8,7 millions d'euros sur le programme « Accès au droit et à la justice » ;

- 1,4 million d'euros sur le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ;

- 0,03 million d'euros sur le programme « Conseil supérieur de la magistrature ».

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 57(Art. 27 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991) - Revalorisation de l'aide juridictionnelle

. Commentaire : le présent article prévoit d'augmenter l'unité de valeur de référence utilisée pour le calcul de l'aide juridictionnelle et de supprimer la modulation géographique.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'AIDE JURIDICTIONNELLE, GARANT DE L'ACCÈS À LA JUSTICE POUR LES PERSONNES AUX FAIBLES RESSOURCES

Créée par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle (AJ) permet de garantir l'accès à la justice aux personnes disposant de faibles ressources. Cette aide financière bénéficie aux « personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice 38 ( * ) ».

L'aide juridictionnelle couvre tous les « frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie 39 ( * ) » : le bénéficiaire de cette aide est dispensé du paiement (et de l'avance) de ces frais, qui sont versés par l'État aux avocats et aux autres professionnels du droit intervenant en la matière.

B. LA RÉTRIBUTION DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE À L'AVOCAT

Les articles 27 à 39 de la loi de 1991 fixent le cadre de la rétribution des avocats et professionnels de l'aide juridique. La rétribution de chaque mission d'aide juridictionnelle correspond à la multiplication de l'unité de valeur (UV) par un coefficient qui dépend du type de procédure engagée.

L'unité de valeur est fixée annuellement par la loi de finances . Fixée à 22,50 euros en 2007, elle a été revalorisée à 26,50 euros (hors taxes) à partir de 2016 40 ( * ) .

Montant de la rétribution au titre de l'AJ =

Coefficient selon le type de procédure x (UV + majoration selon le barreau)

Barème de l'aide juridictionnelle

Exemples de coefficients appliqués à l'UV en fonction du type de procédures :

- divorce par consentement mutuel : 30 ;

- tribunal de grande instance et tribunal de commerce, instance au fond : 26 ;

- procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques : 4 ;

- instruction criminelle : 50 ;

- instruction correctionnelle avec détention provisoire : 20 ;

- assistance d'un condamné lors du recueil de son consentement pour le placement sous surveillance électronique : 2.

Des majorations sont possibles, par exemple en cas d'expertises, de vérifications personnelles du juge ; elles peuvent être cumulées, dans la limite de 16 UV.

Source : article 90 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique

Avant la loi de finances pour 2016, les barreaux étaient classés en dix groupes . À chaque groupe correspondait une majoration, calculée en fonction du volume des missions d'aide juridictionnelle par rapport au nombre d'avocats inscrits au barreau.

À la suite du protocole d'accord signé le 28 octobre 2015 entre les représentants de la profession d'avocats et le ministère de la justice, une convergence des montants d'unité de valeur a été proposée, et les dix groupes ont été fusionnés pour n'en former plus que trois 41 ( * ) .

Groupe 1 : barreaux d'Aix-en-Provence, Albertville, Annecy, Avignon, Bayonne, Bonneville, Bordeaux, Brest, Chambéry, Clermont-Ferrand, Compiègne, Draguignan, Grasse, Grenoble, de la Guadeloupe, des Hauts-de-Seine, La Rochelle-Rochefort, Lille, Lorient, Lyon, Marseille, Mayotte, Montpellier, Mulhouse, Nantes, Nice, Papeete, Paris, Reims, Rennes, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse, Valence, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et de Versailles.

Groupe 2 : barreaux d'Agen, de l'Ain, Ajaccio, Albi, des Alpes-de-Haute-Provence, Amiens, Angers, de l'Ardèche, de l'Aube, Aurillac, Auxerre, de l'Aveyron, Bastia, Beauvais, Bergerac, Besançon, Béziers, Blois, Bourges, Brive, Caen, Carcassonne, Carpentras, Châlons-en-Champagne, Chalon-sur-Saône, de la Charente, Chartres, Colmar, Cusset-Vichy, Dax, Dieppe, Dijon, Épinal, de l'Essonne, Évreux, Fontainebleau, Fort-de-France, du Gers, de la Guyane, de la Haute-Loire, des Hautes-Alpes, du Jura, La Roche-sur-Yon, Laval, Libourne, Limoges, de la Lozère, Mâcon, du Mans, Meaux, Melun, Metz, Montargis, Montbéliard, Nancy, Narbonne, Nevers, Nîmes, Orléans, Pau, Périgueux, Poitiers, des Pyrénées-Orientales, Quimper, Roanne, Rouen, Les Sables-d'Olonne, Saint-Brieuc, Saint-Denis de La Réunion, Saintes, Saint-Etienne, Saint-Gaudens, Saint-Malo-Dinan, Saint-Nazaire, Saint-Quentin, Saverne, de la Seine-Saint-Denis, Senlis, Sens, Soissons, Tarascon, Tarbes, de Tarn-et-Garonne, Thionville, Tours, Tulle, Vannes, de la Vienne et de Villefranche-sur-Saône.

Groupe 3 : barreaux d'Alençon, Alès, Argentan, des Ardennes, de l'Ariège, Arras, Avesnes-sur-Helpe, Belfort, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Bourgoin-Jallieu, Briey, Cambrai, Castres, Châteauroux, Cherbourg, Coutances-Avranches, de la Creuse, des Deux-Sèvres, Douai, Dunkerque, de la Haute-Marne, de la Haute-Saône, Laon, Le Havre, Lisieux, du Lot, de la Meuse, Mont-de-Marsan, Montluçon, Moulins, Saint-Omer, Saint-Pierre de La Réunion, Sarreguemines, Saumur et de Valenciennes.

Le processus de convergence de l'unité de valeur sur l'ensemble du territoire a ainsi débuté.

(en euros)

Groupe de modulation

Modulation

Unité de valeur modulée

1

- 0

26,50

2

1, 00

27,50

3

2, 00

28,50

Source : évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances

C. LES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

La loi de finances pour 2014 42 ( * ) a supprimé le droit de timbre de 35 euros, considéré comme un frein à l'accès à la justice. Cette recette, qui permettait de financer 60 millions d'euros d'aide juridictionnelle, a conduit le Gouvernement à chercher de nouvelles sources de financement.

À ce titre, il a proposé une augmentation de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique, de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice et une réévaluation du droit fixe de procédure dû par les condamnés à la suite de décisions rendues par les juridictions répressives.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA REVALORISATION DE LA RÉFORME

Le I du présent article a pour objet d' augmenter l'unité de valeur de référence (2°) et de supprimer la modulation géographique au titre de l'aide juridictionnelle (1°).

L'unité de valeur passerait de 26,50 euros à 30 euros (HT) de manière uniforme, sur l'ensemble du territoire .

Le II de l'article rend la disposition applicable en Polynésie-Française.

B. LE COÛT DE LA RÉFORME

Selon les évaluations préalables, le coût de la mesure est évalué à 8,8 millions d'euros en 2017 - même si le projet de budget prévoit une augmentation de 15 millions d'euros de l'action relative à l'aide juridictionnelle, au titre de la revalorisation de l'unité de valeur unique à 30 euros et la réforme du barème 43 ( * ) .

En 2018, le coût est évalué à 35,3 millions d'euros car les missions d'aide juridictionnelles sont payées en moyenne dans un délai de neuf mois , ce qui explique l'impact budgétaire plus important pour l'année 2018.

Par ailleurs, une modification du barème de rétribution des avocats serait envisagée, notamment à la suite de l'introduction du divorce par consentement mutuel par acte d'avocat, mais aussi « pour mieux tenir compte du temps effectif passé par les avocats dans les différentes procédures » 44 ( * ) .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des finances, l'Assemblée Nationale a décidé d'augmenter l'unité de valeur à 32 euros au lieu des 30 euros prévus. Selon l'objet de l'amendement du Gouvernement, « le coût total de cette réforme s'élève à 58,2 millions d'euros en année pleine, dont 14,6 millions d'euros dès 2017, qui pourront être financés par redéploiement dans les crédits du programme 101 « Accès au droit et à la justice » du projet de loi de finances, grâce aux rééquilibrages des enveloppes prévues au titre de la contractualisation locale et du barème, après prise en compte de la concertation avec les représentants de la profession ».

IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Cette disposition, qui résulte des négociations entre les avocats et le ministère de la justice, permet une revalorisation significative de l'attribution versée aux avocats au titre de l'aide juridictionnelle.

Toutefois, le financement de cette mesure, qui pèsera principalement sur 2018, interroge.

Plus généralement, les travaux devront se poursuivre pour remettre à plat le financement de l'aide juridictionnelle, devenu particulièrement opaque.

La possibilité de réintroduire un droit de timbre ne doit pas être exclue et les modalités d'implication des contrats d'assurances juridiques devront être étudiées.


* 38 Article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 39 Article 40 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 40 Article 42 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 41 Arrêté du 12 janvier 2016 fixant la majoration des unités de valeur pour les missions d'aide juridictionnelle .

* 42 Article 128 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 43 Réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire.

* 44 Selon le document relatif aux principales mesures budgétaires du projet de loi de finances pour 2017.

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