B. LA DIMINUTION DU RENDEMENT DU PORTEFEUILLE DEVRAIT SE POURSUIVRE, AVEC UNE INCIDENCE LIMITÉE SUR LE DÉFICIT MAASTRICHTIEN

1. La dynamique baissière des dividendes perçus par l'État en numéraire observée en 2015 devrait s'accélérer

Compte tenu de la structure du portefeuille actuel de l'État actionnaire, le niveau des dividendes tirés des participations et affectés au budget général dépend principalement de la situation financière de trois entreprises : EDF, Engie et Orange.

Au titre de l'exercice 2010, ces entreprises ont ainsi versé 80 % des dividendes perçus pour l'ensemble du portefeuille.

Décomposition par entreprise des dividendes perçus au titre de l'exercice 2010 par l'État actionnaire pour l'ensemble du portefeuille

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Or, le niveau du dividende versé en numéraire par chacune de ces trois entreprises tend à diminuer.

Avec l'arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile et la dégradation de la situation macroéconomique, la politique de distribution d'Orange a été revue à la baisse à plusieurs reprises , passant de 1,4 euro par action au titre de l'exercice 2011 à 0,6 euro par action depuis l'exercice 2014, soit une perte de recettes de 285 millions d'euros par an pour le budget général 45 ( * ) .

S'agissant d'EDF, l'entreprise a laissé aux actionnaires l'option de percevoir le dividende 2015 en actions afin de préserver sa trésorerie et de consolider ses fonds propres. L'État a consenti à cette option. Le 22 avril dernier, la reconduction de cette mesure pour les exercices 2016 et 2017 a été décidée dans le cadre d'un plan d'action plus vaste comprenant notamment une réduction des charges opérationnelles et un projet d'augmentation de capital. L'État actionnaire a annoncé qu'il percevra son dividende en actions au titre des exercices 2016 et 2017, comme il avait déjà accepté de le faire au titre de 2015. Pour le budget général, la perte de recettes en année pleine s'élève à 2 milliards d'euros .

S'agissant d'Engie, l'État actionnaire a consenti une première baisse d'un tiers du dividende (de 1,5 euro à 1 euro par action) à compter de l'exercice 2014, soit une perte de recettes d'environ 420 millions d'euros par an pour le budget général à niveau de participation constant 46 ( * ) .

Compte tenu du niveau de distribution élevé du groupe par rapport à ses concurrents et des interrogations concernant la soutenabilité de sa trajectoire financière, dans un contexte marqué par l'évolution défavorable des marchés de l'énergie, Engie a annoncé en février 2016, avec l'accord de l'État actionnaire, une nouvelle baisse de son dividende (de 1 euro à 0,7 euro par action) à compter de l'exercice 2017, en marge d'un plan stratégique à trois ans destiné à recentrer l'entreprise sur les marchés les plus porteurs et les moins volatils. Pour l'État, la perte budgétaire sera de 240 millions d'euros en année pleine.

Au total, si l'on compare le dividende versé par ces trois entreprises au titre de l'exercice 2010 avec celui qui devrait être versé au titre de l'exercice 2017, la baisse s'élève à 2,8 milliards d'euros.

Estimation de l'évolution des dividendes perçus en numéraire au titre des exercices 2010 et 2017 pour EDF, Engie et Orange

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que le montant global des dividendes tirés des participations de l'État actionnaire et affectés au budget général soit en baisse de 1,1 milliard d'euros en 2015 .

Évolution des dividendes versés au budget général depuis 2010

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Toutefois, l'impact de l'évolution de la politique de distribution des trois entreprises précitées sur les recettes non fiscales du budget général ne se matérialisera complètement qu'en 2018, compte tenu du calendrier de versement des dividendes .

En effet, un acompte au titre de l'exercice en cours est généralement payé aux actionnaires en octobre. Le solde n'est versé que l'année suivante (le plus souvent en juin), une fois le résultat de l'exercice connu. Ainsi, au cours de l'année 2017, l'État percevra le solde du dividende d'Engie au titre de l'exercice 2016 et l'acompte du dividende d'Engie au titre de l'exercice 2017. La baisse du dividende décidée par Engie à compter de l'exercice 2017 ne se matérialisera donc complètement qu'en 2018 dans le budget de l'État.

En 2017, le montant des dividendes en numéraire tirés de ces trois participations devrait donc de nouveau baisser significativement par rapport au niveau de 2015 avec :

- dès 2016, l'impact en année pleine de la décision de percevoir le dividende d'EDF en numéraire (l'an passé, le solde du dividende 2014, versé en numéraire, s'ajoutait à l'acompte versé en actions au titre de l'exercice 2015) ;

- en 2017, l'impact partiel de la baisse du dividende d'Engie via la diminution de l'acompte versé au titre de l'exercice 2017.

Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi une diminution de 1,1 milliard d'euros des dividendes versés en numéraire en 2016 par rapport à 2015.

Toutefois, l'impact sur les indicateurs maastrichtiens sera limité , dans la mesure où l'essentiel la baisse attendue entre 2015 et 2017 s'explique par le versement du dividende du versement d'EDF en actions.

2. L'essentiel de la baisse attendue s'explique par le versement du dividende d'EDF sous forme de titres, ce qui n'a pas d'impact sur le déficit maastrichtien

En application de l'article 3 de la loi organique relative aux lois de finances, les dividendes en numéraire sont versés au budget général de l'État - et non au compte d'affection spéciale « Participations financières de l'État ». Dans la mesure où leur versement se traduit par un encaissement budgétaire, les dividendes en numéraire ont donc un impact positif tant sur le solde budgétaire que sur le déficit au sens de Maastricht.

Contrairement aux dividendes en numéraire, les dividendes en actions sont affectés au compte spécial. Du fait de la nature mobilière de ces dividendes, leur versement ne permet pas d'améliorer le solde budgétaire de la loi de finances . Toutefois, si « recevoir des dividendes sous formes de titres ne se traduit pas par un encaissement budgétaire », cette opération « constitue pourtant bien une recette au sens du Système européen des comptes » 47 ( * ) . En effet, que le dividende soit versé en numéraire ou en actions ne modifie en rien le besoin de financement des administrations publiques, l'État actionnaire recevant dans les deux cas un actif financier de même valeur. Lorsque l'Insee corrige le résultat d'exécution des lois de finances pour obtenir le déficit de l'État au sens de Maastricht, les dividendes versés en actions font donc l'objet d'un retraitement. Ainsi, d'un point de vue maastrichtien, il est indifférent pour l'État actionnaire de percevoir un dividende en actions ou en numéraire.

Or, la majorité de la baisse des dividendes perçus en numéraire par l'État attendue d'ici 2017 est liée à EDF et sera compensée par une hausse des dividendes versés en actions, comme en 2015.

Évolution des dividendes versés depuis 2010

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (prévision)

Dividendes en numéraire

4,3

4,4

3,2

4,2

4,1

3

1,9

Dividendes en actions

0,1

-

1,4

0,2

-

0,9

1,5

Total

4,4

4,4

4,6

4,4

4,1

3,9

3,4

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En effet, si l'État a accepté de percevoir le dividende d'EDF en actions, le niveau du dividende est resté globalement identique.

Évolution du dividende par action versé par EDF

(en euro par action)

Source : commission des finances du Sénat (d'après EDF)

En 2015, la baisse du dividende par action observée (- 0,15 euro) est compensée en quasi-totalité par le versement d'une « prime de fidélité » de 0,11 euro, lié à la mise en oeuvre d'un dispositif prévoyant le versement d'un dividende majoré de 10 % aux actionnaires détenant leurs titres au nominatif depuis au moins deux années civiles en continu.

En 2017, seul l'impact partiel de la baisse du dividende d'Engie via la diminution de l'acompte versé au titre de l'exercice 2017 devrait donc se traduire par une dégradation du déficit maastrichtien. En supposant que le niveau de l'acompte reste constant (50 % du dividende total), l'impact peut être estimé à 120 millions d'euros.


* 45 L'évaluation ne tient pas compte de l'impact de cette évolution sur BpiFrance, dont la participation au capital d'Orange s'élève à 9,6 %.

* 46 Depuis, l'État a mené deux opérations de cessions de titres Engie en 2014 (3,1 % du capital) et en 2015 (0,9 % du capital).

* 47 INSEE, « 3.107 - Passage du résultat d'exécution des lois de finances au déficit de l'État (S13111) au sens de Maastricht », p. 3.

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