DEUXIÈME PARTIE - COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État . Doté de 57,6 milliards d'euros 13 ( * ) en 2017, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État ( SRE ), créé en 2009. Il représente 93,2 % des crédits du CAS ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ils représentent 3,3 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Programme-miroir avec les crédits correspondant ouverts dans le programme 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sa part dans les crédits du CAS « Pensions » tend à diminuer (3,3 % en 2017).

Aucune modification du périmètre ou de la maquette du CAS « Pensions » n'est prévue pour l'année 2017.

La programmation des équilibres du compte est plus difficile cette année que les précédentes car des mesures importantes pour sa dynamique, en dépenses mais surtout en recettes, sont intervenues.

Il s'agit principalement de l'application du protocole portant modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (protocole « PPCR »), dont votre rapporteur spécial a entrepris une évaluation particulière des effets sur les pensions publiques, et des revalorisations indiciaires appliquées au point de la fonction publique (en ajoutant les mesures spécifiques aux anciens combattants).

En toute hypothèse, la programmation, qui ressort comme crédible, dessine une trajectoire de nette amélioration du solde d'exécution, déjà positif ces dernières années, et, avec elle, d'amplification du fonds de réserve du compte, justifiée, selon le Gouvernement, par la perspective d'une dégradation de ses équilibres financiers à un horizon de moyen terme.

Répartition des crédits du CAS « Pensions » en 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2016)

I. DES CHARGES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES EN FAIBLE AUGMENTATION

A. DES DÉPENSES TOUJOURS EN PROGRESSION, EN DÉPIT D'UN RÉCENT RALENTISSEMENT

1. À long terme, une augmentation du volume de pensionnés et de la valeur moyenne de la pension sans effet correspondant sur le pouvoir d'achat des pensionnés

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État et de ses opérateurs ont très fortement augmenté au cours des vingt-cinq dernières années, sous l'effet des départs à la retraite des générations issues du baby boom mais aussi du fait de l'amélioration de la valeur de la pension moyenne.

Au total, en tenant compte des pensions de retraite des ouvriers d'État, les prestations versées sont passées de 19,1 milliards d'euros en 1990 à 52,7 milliards d'euros en 2014 , soit une augmentation de 176 % .

S'agissant des seules dépenses de pensions civiles et militaires de l'État, leur taux de croissance annuel a été en moyenne de 4,3 % depuis 1990 si bien que leur poids a été multiplié par un peu plus de 2,8 au cours de la période.

Les deux tiers de l'alourdissement des dépenses ainsi constaté sont attribuables à l'augmentation de la valeur moyenne de la pension (+ 2,5 % par an). L'autre tiers provient de la croissance des effectifs de pensionnés. Ils ont progressé de 1,7 % par an si bien qu'en 2014 le nombre des pensionnés atteignait 1,5 fois le niveau de 1990.

Quant aux dépenses liées aux pensions servies aux ouvriers de l'État , leur augmentation a été inférieure avec + 2 ,3 % par an. La pension moyenne du stock a également progressé de 2,5 % mais il faut compter avec la réduction du nombre des bénéficiaires (- 0,3 % en moyenne annuelle).

Sur la longue période, les prix à la consommation ont connu une inflation moyenne de 1,5 % l'an si bien que la pension moyenne a progressé de 1 % par an en volume .

Cette dernière donnée ne traduit pas les situations concrètes vécues par les pensionnés dans la mesure où la progression de la valeur moyenne de la pension ne résulte pas tant de la revalorisation de la pension servie tout au long de sa retraite à l'un d'eux que d'un « effet de noria ».

Celui-ci conduit, par entrées de nouveaux pensionnés disposant de pensions supérieures à celles des générations précédentes, à élever la valeur de la pension moyenne. Au demeurant, malgré la valeur plus élevée des pensions servies, le taux de remplacement (rapport de leur valeur à la rémunération d'activité perçue avant le départ en retraite) n'est pas supérieur pour les nouveaux pensionnés à ce qu'il était dans les générations qui les ont précédés. Au contraire, du fait de l'alourdissement des éléments indemnitaires dans la structure des rémunérations payées aux fonctionnaires, une baisse du taux de remplacement s'est produite.

2. Une décélération ces dernières années confirmée en 2017

Après avoir été très pentue, la courbe d'ascension des dépenses de pensions tend à se réduire depuis quelques années. L'année 2017 devrait confirmer cette décélération.

Le graphique ci-dessous fait ressortir le ralentissement de la progression des dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires (hors anciens combattants) observable depuis quelques années, dans un contexte de faible inflation.

Après avoir enregistré une croissance de 16 % entre 2005 et 2008 et de 12 % entre 2009 et 2012 les dépenses ne devraient progresser que de 3,7 % entre 2013 et 2016.

Évolution des dépenses de pensions de retraite civiles et militaires
et des ouvriers d'État depuis 1990

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015 et du projet annuel de performances pour 2016)

Cet aplatissement de la courbe des pensions se poursuivrait l'an prochain.

Selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2017, les dépenses liées aux pensions civiles et militaires et aux ouvriers de l'État atteindraient, au total, 55,713 milliards d'euros, en progression de 1 % par rapport à 2016.

Quant aux dépenses totales du CAS qui comprennent les pensions des anciens combattants, avec 57,6 milliards d'euros l'an prochain , elles marqueraient une progression de l'ordre de 0,8 %.

Au total, la décélération de l'augmentation des retraites financées par le CAS se confirmerait en 2017.

Évolution des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions »
par programme et par action

(en millions d'euros)

Intitulé du programme ou de l'action

Crédits de paiement

Exécution 2015

Ouverts en LFI pour 2016

Demandés pour 2017

Variation 2017/2016

Programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

52 536,7

53 297,3

53 824,7

1,0 %

Action 1 « Fonctionnaires civils relevant du code des pensions civiles et militaires »

42 586,6

43 181,7

43 699,4

1,2 %

Action 2 « Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite »

9 809,2

9 972,5

9 986,5

1,4 %

Action 3 « Allocations temporaires d'invalidité »

140,9

143,10

138,8

- 3,0 %

Programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 902,8

1 916,2

1 888,4

- 1,5 %

Action 1 « Prestation vieillesse et invalidité »

1 837,2

1 850,9

1 821,0

- 1,6 %

Action 3 « Autres dépenses spécifiques »

0,97

1,25

2,46

96,8 %

Action 4 « Gestion du régime »

7,21

7,9

7,7

- 2,5 %

Action 5 « Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires »

57,43

56,1

57,3

2,1 %

Programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

2 094,6

1 991,2

1 940,9

- 2,5 %

Action 1 « Reconnaissance de la Nation »

772,2

757,4

749,3

- 1,1 %

Action 2 « Réparation »

1 278,4

1 189,7

1 147,3

- 3,6 %

Action 3 « Pensions d'Alsace-Lorraine »

15,34

16,00

16,00

0,0 %

Action 4 « Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs »

14,92

15,3

15,1

- 1,3 %

Action 5 « Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien »

0,07

0,06

0,05

- 16,7 %

Action 6 « Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accidents »

13,34

12,44

12,87

+ 3,5 %

Action 7 « Pensions de l'ORTF »

0,31

0,28

0,25

- 10,7 %

Total du CAS « Pensions »

56 534,1

57 204,7

57 654,1

0,8 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016)

Les dépenses du programme 741 sont les seules à progresser (+ 1 %), les autres programmes couverts par le CAS voyant leurs dépenses se replier.

Avec des crédits de 1,888 milliard d'euros en 2017, la charge des soutiens apportés au Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État baisserait de 1,5 %, cette réduction ne traduisant pas tant une baisse structurelle des dotations nécessitées par l'équilibrage du régime que des facteurs transitoires (voir ci-dessous).

Quant aux dépenses de reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants, leur poids se réduirait malgré les mesures de revalorisation analysées par le rapporteur spécial de la commission des finances dans son rapport sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». La forte diminution du nombre des bénéficiaires continuerait à exercer un effet à la baisse sur ces prestations.

En 2017, les dépenses de pensions civiles et militaires ralentiraient encore (+ 1 %) tandis que celles des ouvriers des établissements publics industriels de l'État seraient en baisse (- 1,4 %) tout comme les pensions portées par le programme 743 (essentiellement les pensions des anciens combattants et invalides) à moins 2,6 %, en dépit des revalorisations spécifiques accordées à leurs bénéficiaires et retracées dans le rapport de notre collègue en charge de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Par comparaison, selon les données présentées à la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre dernier, les prestations servies 14 ( * ) par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) s'élèveraient à 113,5 milliards d'euros en 2016, soit une hausse de près de 7,5 % par rapport à 2013.

Observation n° 1 : après une augmentation de 176 % entre 1990 et 2013, les dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État tendent à ralentir. Conformément aux observations formulées l'année passée, ces dernières progresseraient seulement de 3,7 % entre 2013 et 2016 , pour s'établir à 53,9 milliards d'euros (hors pensions d'invalidité et prestations ne donnant pas lieu à cotisation). En 2017 , leur croissance serait ramenée à 1 %.


* 13 En autorisations d'engagement (AE) = crédits de paiement (CP).

* 14 Ensemble des prestations légales nettes « vieillesse » (droits propres et droits dérivés), y compris le minimum vieillesse.

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