B. LA BAISSE GRADUELLE DU BESOIN DE FINANCEMENT DES RÉGIMES SPÉCIAUX

Les différentes réformes touchant les régimes spéciaux ont fait l'objet d'évaluations. Elles attribuent aux réformes un résultat positif en termes de contribution à une meilleure soutenabilité des régimes concernés tout en laissant subsister un besoin d'expression de la solidarité nationale, les régimes n'arrivant pas à l'équilibre.

1. L'impact des réformes sur le régime de la SNCF
a) Un impact important des réformes qui réduiraient le besoin de financement de la caisse

Pour la SNCF , le graphique suivant permet de visualiser les projections jusqu'en 2050 des soldes du régime avant et après les différentes réformes (obtenus par la différence entre la masse des pensions et celle des cotisations hors frais de gestion administrative et de compensations démographiques).

On observe que, tendanciellement, en dehors de toute réforme du régime, son déséquilibre se serait réduit, conduisant à une détente progressive du besoin d'ajustement financé par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

De l'ordre de 4,1 milliards d'euros en 2016 , il aurait rejoint 3,5 milliards d'euros en 2023 puis, à partir de 2040, 2,5 milliards d'euros .

La réforme de 2008 se traduirait par une amélioration supplémentaire du solde proche de 750 millions d'euros qui suivrait un profil temporel singulier. Les économies s'amplifieraient au milieu des années 2020 pour se réduire dans les années 2034-2045 et reprendre un peu de volume au-delà. Pour 2017, dans ces projections, le déficit serait de l'ordre de 3,25 milliards d'euros, montant vérifié en pratique contre un déficit sans réforme de l'ordre de 3,9 milliards d'euros.

En 2023 , il pourrait être de 2,8 milliards d'euros pour atteindre un premier creux en 2034 (autour de 2,2 milliards d'euros) et, après un léger ressaut jusqu'en 2042, s'infléchir à nouveau pour se situer sous le seuil des 2 milliards d'euros en fin de période de projection.

La réforme de 2010 exerce des effets plus modérés à l'inverse de la dernière réforme en date, celle de 2014, qui, peu économe en début de période, fait gagner au régime de 200 à 300 millions d'euros à partir des années 2030.

Au total, sous l'effet cumulé de la réduction spontanée du déséquilibre du régime et des différentes réformes, le besoin de financement du régime de la SNCF, et par conséquent de subventionnement du régime par la mission, se réduirait pour atteindre un niveau inférieur de l'ordre d'un milliard d'euros en 2020, de 1,9 milliard d'euros en 2030, de 2 milliards d'euros en 2040 et de 2,5 milliards d'euros en 2050.

Il est intéressant d'observer que ce redressement interviendrait en dépit d'un renversement des effets sur la caisse des retraites des mesures accompagnant la réforme de 2008 qui ont exercé un effet prépondérant dans les années immédiatement postérieures à la réforme sur le maintien en activité des agents.

Le bilan de ces mesures pour le régime est illustré par les graphiques ci-après. Le gain en cotisations a été fort et immédiat, le niveau des cotisations étant relevé de près de 75 millions d'euros à l'horizon 2015.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

En revanche, l'impact sur les dépenses a été plus progressif en raison de l'extension séquencée des mesures de revalorisation aux différentes générations partant en retraite.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Dans ces conditions, les mesures d'accompagnement alors mises en oeuvre qui avaient soulagé le besoin de financement du régime jusqu'en 2015 commenceraient à le dégrader au-delà.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

À l'horizon 2020, le déficit résultant de ces mesures atteindrait 50 millions d'euros. Il serait porté à 200 millions d'euros en 2040.

b) Une projection tributaire d'hypothèses lourdes

Néanmoins, outre que ces projections sont tributaires d'hypothèses fortes sur les variables déterminant l'équilibre du régime, il faut relever le maintien tout au long de la projection d'un déficit. Si sa réduction conduirait à une amélioration du solde budgétaire, sa persistance traduirait la pérennité d'une charge budgétaire assumée par la collectivité nationale pour financer le régime de retraite des entreprises du rail.

Parmi les variables majeures commandant l'évolution prévisible du besoin de financement de la caisse figure la masse salariale. Les hypothèses posées en ce domaine sont les suivantes. L'évolution annuelle du salaire moyen par tête est fonction de l'âge des individus.

Les hypothèses suivantes ont été retenues.

Avant réforme

Réformes de 2008, 2010 et 2014

On relève que les réformes se traduiraient par une progression plus forte des salaires par tête que dans une situation sans réforme, du fait des mesures d'accompagnement prises alors.

Par ailleurs, le salaire par tête suivrait une tendance assez dynamique, favorable à l'équilibre du régime. Cette particularité serait quelque peu contrebalancée par une réduction du nombre des cotisants qui évoluerait comme suit.

On remarque que les gains de productivité associés à la réduction des effectifs seraient modérés, tout dépendant alors de la génération de revenus par l'entreprise. Dans ces conditions, la vérification des hypothèses selon lesquelles les équilibres de la caisse, et par conséquent, la sollicitation de l'État sont calculées, est suspendue à la capacité de SNCF Mobilités de générer un chiffre d'affaires suffisant. Or, à l'évidence, la perspective d'une ouverture à la concurrence du transport de voyageurs constitue un défi de ce point de vue. À cet égard, l'année 2016 a été marquée par des étapes importantes qu'il convient de mentionner. S'agissant des services intérieurs sur le réseau ferré national, si SNCF Mobilités dispose toujours d'un monopole légal pour le transport de voyageurs, à terme, ce marché sera également ouvert à la concurrence sous l'impulsion européenne. En effet, le pilier politique du quatrième paquet ferroviaire, qui a fait l'objet d'un accord informel le 28 avril 2016 et devrait être adopté, en principe, à la fin de l'année 2016, prévoit l'ouverture à la concurrence des services commerciaux d'ici décembre 2020 et des services conventionnés d'ici fin 2023.

Interrogé sur les perspectives ouvertes par ces évolutions, le Gouvernement a reconnu que l'ouverture prochaine à la concurrence ... modifiera profondément le contexte dans lequel SNCF Mobilités réalise ses activités de transport de voyageurs et a indiqué que ,d'ores et déjà, face à l'exacerbation de la concurrence intermodale, SNCF Mobilités est incitée à améliorer son efficacité industrielle et, par conséquent, met en oeuvre différents plans de performance visant à augmenter sa compétitivité et son efficience : réduction des frais de structure, accroissement de la productivité, meilleure allocation de ses ressources... C'est également dans cette perspective de concurrence intermodale accrue que SNCF Mobilités développe de nouveaux services low cost , tels que Ouigo, qui lui permettent de proposer à ses clients une offre plus attractive en matière de prix. L'ensemble de ces efforts devraient lui permettre, à terme, d'être préparée pour faire face à l'ouverture à la concurrence intra-modale.

Votre rapporteur spécial ne peut que souligner la cohérence de la réponse ministérielle dont la mise en oeuvre pratique conditionnera la validité des projections de besoin de financement de la CPRP-SNCF.

2. L'impact des réformes sur le régime de la RATP

Quant à la RATP , le tableau ci-dessous montre que les effets de la réforme de 2010 du régime de retraite spécial de la RATP applicable à partir du 1 er janvier 2017 ne commenceraient à se produire qu'à partir de 2019, date à laquelle le montant des prestations serait inférieur à son niveau sans réforme.

Simulation des réformes de 2008 et 2010
sur les prestations versées par CRP-RATP

(en millions d'euros constants 2011)

Année

Avant réforme des droits 2008 (1)

Après réforme des droits 2008 (2)

Écart
(2) - (1)

Après réforme des droits 2010 (3)

Écart
(3) - (2)

Écart
(3) - (1)

2016

1 094

1 089

-5

1 089

0

-5

2017

1 124

1 110

-14

1 109

-1

-14

2018

1 150

1 125

-24

1 125

-1

-25

2019

1 167

1 137

-30

1 136

0

-30

2020

1 179

1 144

-35

1 135

-10

-45

2021

1 191

1 147

-44

1 134

-12

-56

2022

1 205

1 155

-50

1 133

-22

-73

2023

1 214

1 161

-53

1 133

-28

-81

2024

1 221

1 165

-56

1 133

-32

-88

2025

1 229

1 171

-58

1 133

-38

-96

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

3. La confirmation par le compte général de l'État

Dans le cadre de l'évaluation du « hors bilan » du compte général de l'État, des simulations du besoin de financement actualisé des régimes spéciaux subventionnés (SNCF, RATP, mines, marins et SEITA) sont réalisées chaque année. Ces simulations intègrent les effets conjugués des réformes de 2008, 2010 et 2014, y compris l'augmentation de la durée d'assurance requise pour un départ à taux plein.

Le graphique ci-dessous présente l'évolution des cotisations salariales et patronales à droit constant et le besoin de financement supplémentaire annuel, compte tenu de l'évolution des prestations.

On observe une diminution de plus de 2 milliards d'euros du besoin de financement des régimes spéciaux à l'horizon 2030 . Le besoin de financement continuerait à se réduire jusqu'en 2070 pour ensuite se stabiliser. Ces perspectives dessinent une réduction progressive des crédits de la mission.

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015

En dépit de la diminution progressive du besoin de financement annuel, les engagements implicites de l'État au titre de ces régimes spéciaux de retraite demeurent importants puisque ces régimes n'atteignent pas l'équilibre sur la période de projection.

Le besoin de financement actualisé - qui correspond aux ressources qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui, en étant placées au taux d'intérêt du marché, pour faire face aux déficits anticipés - est estimé à 148 milliards d'euros à l'horizon 2050 et à 270 milliards d'euros en 2115 (avec un taux d'actualisation de 0,18 %).

Cette dernière estimation est très sensible au choix du taux d'actualisation. Un taux d'actualisation de 1,5 % soulagerait le besoin de financement actualisé qui ne ressortirait plus qu'à 176 milliards d'euros en 2115 et 122 milliards d'euros en 2050.

Observation n° 6 : compte tenu de la diminution tendancielle du montant des subventions nécessaires pour équilibrer les régimes spéciaux, le besoin de financement des régimes financés par la mission est estimé à 148 milliards d'euros à l'horizon 2050 .

Page mise à jour le

Partager cette page