Rapport n° 220 (2016-2017) de M. Michel MERCIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 14 décembre 2016

Disponible au format PDF (1,3 Moctet)

Tableau comparatif au format PDF (216 Koctets)


N° 220

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 décembre 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l' état d' urgence ,

Par M. Michel MERCIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

4295 , 4298 et T.A. 858

Sénat :

215 et 221 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 14 décembre 2016 , sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Michel Mercier et établi son texte sur le projet de loi n° 215 (2016-2017), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l' état d'urgence .

Après avoir indiqué que le Parlement était saisi, pour la cinquième fois au cours des treize derniers mois, d'un projet de loi tendant à proroger l'état d'urgence déclaré, à la suite des attentats du 13 novembre 2015, par les décrets des 14 et 18 novembre 2015, le rapporteur a souligné que le nouveau Gouvernement, nommé le 6 décembre dernier, avait été contraint d'anticiper l'échéance de prorogation qui aurait dû résulter de la loi du 21 juillet 2016 en raison de l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 en vertu duquel la loi de prorogation de l'état d'urgence est caduque dans un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement.

Il a considéré que la nouvelle prorogation de l'état d'urgence, jusqu'au 15 juillet 2017, était justifiée en raison du niveau très élevé de la menace terroriste, ainsi qu'en témoignent les attentats survenus en 2016 mais également le nombre élevé de tentatives d'attentats déjouées par les services de lutte antiterroriste, et à l'approche d'importantes échéances électorales de nature à susciter de nouvelles attaques terroristes.

Il a observé que cette prorogation de l'état d'urgence était assortie, à juste titre, d'une dérogation à l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 afin que la démission du Gouvernement qui interviendra après les élections présidentielle et législatives n'entraîne pas la caducité de la loi de prorogation.

Présentant la solution retenue par les députés pour la durée des assignations à résidence, à l'élaboration de laquelle il a participé avec le président de la commission, il l'a jugée plus adaptée que celle prévue dans le projet de loi initial : elle limite à douze mois la durée d'une assignation à résidence mais permet au ministre de l'intérieur d'en demander la prolongation, pour une période de trois mois renouvelable, au juge des référés du Conseil d'État.

Dans ces conditions, le rapporteur a considéré satisfaisant le texte résultant des délibérations de l'Assemblée nationale et a appelé la commission à l'adopter dans les mêmes termes que ceux votés par les députés.

La commission des lois a adopté le projet de loi sans modification .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Pour la cinquième fois depuis les treize derniers mois, le Parlement est saisi d'un projet de loi tendant à proroger l'état d'urgence, déclaré à la suite des attentats du 13 novembre 2015 par les décrets n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

Alors que la menace terroriste qui pèse sur notre pays demeure à un niveau particulièrement élevé, l'utilisation des mesures de police administrative permises par la loi du 3 avril 1955 constitue désormais l'un des piliers de la stratégie antiterroriste menée par les pouvoirs publics. Certes, il aurait dû être mis fin à l'état d'urgence à l'issue de la troisième période de prorogation, le 26 juillet 2016, ainsi que l'avait annoncé le Président de la République lors de sa traditionnelle interview du 14 juillet dernier. Toutefois, la tragédie survenue à Nice dans la soirée même du 14 juillet a conduit l'exécutif à changer de position et à saisir le Parlement d'une nouvelle demande de prorogation 1 ( * ) , qui est devenue effective avec la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

En application de l'article 1 er de cette loi, l'état d'urgence aurait dû être applicable en France métropolitaine et en outre-mer jusqu'au 22 janvier 2017. Le 15 novembre dernier, tant le chef de l'État que le Premier ministre avaient cependant indiqué leur souhait de solliciter du Parlement une nouvelle prorogation de l'état d'urgence jusqu'à l'élection présidentielle en raison de la menace terroriste 2 ( * ) .

Toutefois, la démission du Gouvernement de M. Manuel Valls 3 ( * ) , le 6 décembre dernier, a anticipé ces échéances et remis en cause le calendrier d'examen parlementaire de ce nouveau texte de prorogation puisque, conformément à l'article 4 de la loi du 3 avril 1955, « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ». En application de cette disposition, l'état d'urgence cesserait donc d'être applicable à compter du jeudi 22 décembre à zéro heure en l'absence d'un nouveau texte législatif de prorogation entrant en vigueur avant cette date 4 ( * ) .

En conséquence, le nouveau Gouvernement de M. Bernard Cazeneuve, après en avoir délibéré lors d'un conseil des ministres restreint réuni le samedi 10 décembre 2016, a décidé de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale le présent projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Après en avoir délibéré, sur le rapport de M. Pascal Popelin, le lundi 12 décembre en commission des lois, les députés ont examiné et adopté, avec modifications, le texte du projet de loi au cours de leur troisième séance publique du mardi 13 décembre.

Le texte transmis au Sénat prévoit ainsi de proroger l'état d'urgence à compter du 22 décembre 2016 et jusqu'au 15 juillet 2017 afin de couvrir la période électorale à venir et de laisser au nouvel exécutif et à la majorité parlementaire qui seront issus des élections présidentielle et législatives le temps d'apprécier la situation pour décider s'il convient de mettre fin à l'état d'urgence, ou de le maintenir. À cet effet, le projet de loi contient une disposition transitoire écartant l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 pour les démissions du Gouvernement qui résulteront de l'élection d'un nouveau Président de la République le 7 mai puis de celle des députés le 18 juin 2017.

Alors que le projet de loi initial comportait, conformément à la recommandation de principe formulée par le Conseil d'État dans son avis sur le texte, une modification de l'article 6 de la loi de 1955 afin de fixer à quinze mois consécutifs, en l'absence d'éléments nouveaux justifiant le maintien de la mesure, la durée maximale d'assignation à résidence d'une même personne, les députés ont, après une seconde délibération, voté un dispositif alternatif, que le président Philippe Bas et votre rapporteur avaient appelé de leur voeux et dont les termes ont été discutés avec le président Dominique Raimbourg et le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Ce dispositif fixe ainsi une durée maximale d'assignation à résidence à douze mois, appréciée sur la durée totale de l'état d'urgence et non pas de manière consécutive, tout en permettant au ministre de l'intérieur de demander au juge des référés du Conseil d'État une prolongation de l'assignation pour une durée maximale de trois mois renouvelable.

La version votée par les députés contient également des dispositions transitoires permettant d'éviter de mettre fin aux assignations à résidence applicables depuis plus de douze mois à l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission des lois a approuvé le principe d'une nouvelle prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017 , durée qu'elle a jugé adaptée au regard des échéances électorales à venir. Elle a en effet considéré que la période qui s'ouvre constitue, comme le souligne le Gouvernement, un contexte propice à des tentatives de passage à l'acte terroriste afin de déstabiliser la vie démocratique de la Nation, alors même que la menace terroriste demeure à un niveau très élevé. Cette situation est donc de nature à caractériser un « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » justifiant une nouvelle prorogation de l'état d'urgence.

I. BILAN DE LA QUATRIÈME PHASE DE L'ÉTAT D'URGENCE

L'état d'urgence, qui s'applique en France depuis le 14 novembre 2015, a déjà connu quatre phases continues.

La première phase a commencé avec la déclaration d'état d'urgence, sur le territoire métropolitain, prévue par les décrets du 14 novembre 2015 5 ( * ) . Le périmètre géographique d'application de l'état d'urgence a ensuite été élargi aux territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin par deux décrets pris le 18 novembre 2015 6 ( * ) . La prorogation de l'état d'urgence au-delà d'un délai de douze jours ne pouvant être autorisée que par la loi, le Parlement a été saisi d'un texte de prorogation dès la semaine du 16 novembre 2015, lequel a été définitivement adopté par le Sénat, dans les mêmes termes que ceux retenus par l'Assemblée nationale, le 20 novembre.

La première phase d'application de l'état d'urgence s'est ainsi poursuivie avec la prorogation, par la loi du 20 novembre 2015, pour une durée de trois mois 7 ( * ) à compter du 26 novembre 2015.

La deuxième phase de l'état d'urgence s'est ouverte avec la prorogation pour une durée de trois mois, à compter du 26 février 2016 à zéro heure, résultant de la loi du 19 février 2016 8 ( * ) .

La troisième phase, débutant le 26 mai 2016 à zéro heure en application de la loi du 20 mai 2016 9 ( * ) et qui excluait la possibilité pour les autorités administratives d'ordonner des perquisitions administratives, aurait pour sa part dû s'achever le 26 juillet à minuit.

Toutefois, le texte de prorogation - discuté et adopté dans les jours ayant suivi l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 - a prévu une entrée en vigueur immédiate de ses dispositions, faisant démarrer la quatrième phase de l'état d'urgence dès le vendredi 22 juillet 10 ( * ) , et ce pour une durée de six mois, avec une réactivation de la possibilité d'ordonner des perquisitions administratives.

Contrairement aux textes adoptés en février et en mai 2016, dont la vocation était strictement limitée à la prorogation de l'état d'urgence, le Parlement, en grande partie à l'initiative du Sénat, a enrichi le texte de prorogation du mois de juillet 2016 11 ( * ) de nombreuses dispositions de fond.

A. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA LOI DU 21 JUILLET 2016

Dès l'annonce par l'exécutif de sa décision de proroger l'état d'urgence après l'attentat de Nice, le président Philippe Bas et votre rapporteur ont fait savoir qu'une telle reconduction, y compris assortie d'un rétablissement de la possibilité pour les préfets d'ordonner des perquisitions administratives 12 ( * ) , ne présenterait qu'une utilité limitée si elle n'était pas accompagnée de mesures de fond tendant, d'une part, à accroître les prérogatives de l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence et, d'autre part, à renforcer l'efficacité des mesures de droit commun en matière de lutte antiterroriste.

1. Les apports de l'Assemblée nationale

C'est ainsi que, comme l'avaient demandé le président Philippe Bas et votre rapporteur pour certaines dispositions, l'Assemblée nationale a décidé d'enrichir le texte du Gouvernement en :

- portant la durée de prorogation de trois à six mois ;

- améliorant les dispositions de la loi de 1955 relatives au contrôle parlementaire de l'état d'urgence afin que les assemblées soient destinataires, sans délai, de tous les actes pris par les autorités administratives dans le cadre de l'état d'urgence ;

- prévoyant de nouvelles dispositions pour permettre la saisie de données informatiques, hors constatation d'une infraction pénale, en cas de perquisition administrative dans la mesure où les dispositions précédentes, qui résultaient de la loi du 20 novembre 2015 précitée, avaient été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel 13 ( * ) ;

- permettant aux forces de l'ordre de contraindre la personne faisant l'objet d'une perquisition administrative à demeurer sur les lieux perquisitionnés pendant une durée maximale de quatre heures à compter du début des opérations ;

- excluant les personnes condamnées pour terrorisme et exécutant une peine privative de liberté du bénéfice des dispositions de l'article 721 du code de procédure pénale relatives aux crédits automatiques de réduction de peine ;

- créant, au sein de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et du code de procédure pénale, un régime de vidéosurveillance des cellules de détention au sein des établissements pénitentiaires afin de prévenir l'évasion ou le suicide des détenus faisant l'objet d'une mesure d'isolement et lorsque cette évasion ou ce suicide pourraient avoir un impact important sur l'ordre public eu égard aux circonstances particulières à l'origine de leur incarcération et à l'impact de celles-ci sur l'ordre public.

2. Les apports du Sénat
a) L'élargissement des prérogatives de l'autorité administrative

Le Sénat, en grande partie à l'initiative de votre commission, a poursuivi ce travail d'amélioration et d'enrichissement du texte gouvernemental, en complétant tout d'abord les prérogatives dont dispose l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence.

La possibilité lui a ainsi été donnée d'interdire les cortèges, défilés et rassemblements dont elle n'est pas en mesure d'assurer la sécurité compte tenu des moyens dont elle dispose (article 8 de la loi du 3 avril 1955). Cette nouvelle prérogative faisait du reste directement écho à une position prise par le président Philippe Bas et votre rapporteur à la suite des incidents survenus le 14 juin 2016 à Paris à l'occasion de l'une des manifestations organisées contre la « loi travail » 14 ( * ) .

Le Sénat a également donné la possibilité aux préfets d'ordonner, dans les zones où l'état d'urgence reçoit application, des contrôles d'identité, l'inspection visuelle et la fouille des bagages ainsi que la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public (article 8-1 de la loi du 3 avril 1955).

Enfin, les dispositions de l'article 8 de la loi de 1955 ont été formulées de manière plus explicite afin de faciliter la fermeture des lieux de culte où sont tenus des propos constituant une provocation à la haine et à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

b) Le renforcement des moyens de lutte antiterroriste de droit commun

Le Sénat, également en grande partie sur proposition de votre commission, a en outre complété le texte de prorogation d'un titre II comprenant de nombreuses mesures « hors état d'urgence » tendant à renforcer les instruments de droit commun de lutte contre le terrorisme, dont certaines avaient été précédemment rejetées par l'Assemblée nationale lors du compromis forgé à l'occasion de l'élaboration de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 15 ( * ) .

Ainsi, les mesures complémentaires suivantes ont été introduites dans le texte devenu la loi du 21 juillet 2016 :

- dans le cadre du régime d'assignation à résidence créé par l'article 52 de la loi du 3 juin 2016 précitée, applicable aux personnes de retour d'une zone à l'étranger où opèrent des groupes terroristes, augmentation de la durée maximale d'assignation à résidence d'un à trois mois (article 10) ;

- suppression de la limitation à deux ans du dispositif d'interdiction administrative de sortie du territoire pour les personnes suspectées de vouloir rejoindre des organisations terroristes établies à l'étranger (article 11) ;

- allongement de la durée maximale de la détention provisoire pour les mineurs mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (article 12) ;

- augmentation des peines encourues pour les infractions criminelles d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (article 13) ;

- automaticité de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour les étrangers condamnés pour terrorisme (article 14) ;

- renforcement du régime d'application des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme : outre l'exclusion du bénéfice des crédits de réduction de peine prévue par les députés, exclusion du bénéfice de la suspension et du fractionnement des peines, du placement à l'extérieur et de la semi-liberté (article 8) ;

- assouplissement des conditions dans lesquelles peut être décidé l'armement des polices municipales (article 16) ;

- possibilité pour les anciens adjoints de sécurité (ADS) totalisant au moins trois ans d'ancienneté en qualité d'ADS et n'ayant pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire de servir dans la réserve civile de la police nationale afin d'exercer des missions de police judiciaire, de soutien et de spécialistes (article 18) ;

- obligation pour le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'élaborer un code de bonne conduite relatif à la couverture audiovisuelle d'actes terroristes (article 20) ;

- amélioration de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement afin, d'une part, de faciliter la mise en oeuvre de la technique de recueil de renseignements permettant de recueillir en temps réel les données de connexion relatives à une personne en lien avec une menace terroriste 16 ( * ) et, d'autre part, de clarifier les conditions de recueil des données de connexion accompagnant une interception de sécurité.

Au total, au-delà de la prorogation pour six mois de l'état d'urgence auquel elle a procédé, la loi du 21 juillet 2016 constitue une nouvelle loi antiterroriste à part entière.

B. LE BILAN DES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE PRISES DEPUIS LE 22 JUILLET 2016

L'entrée en vigueur de la loi du 21 juillet 2016 a permis aux instances de contrôle mises en place par les commissions des lois des deux assemblées d'opérer un suivi plus fin de la mise en oeuvre des mesures de police administrative de l'état d'urgence . En effet, depuis le début de la quatrième phase, en application de la nouvelle rédaction de l'article 4-1 de la loi de 1955, le secrétariat du comité de suivi de l'état d'urgence constitué par votre commission est destinataire d'une copie de l'ensemble des actes administratifs pris en application de l'état d'urgence. Cette transmission a ainsi permis à votre rapporteur d'avoir une vision exhaustive de ces mesures, d'en analyser la répartition par nature et par département 17 ( * ) et d'en apprécier la pertinence, notamment au vu de la motivation des actes, et l'efficacité au regard de la lutte antiterroriste.

D'une manière générale, ce sont un peu moins de 3 000 actes, toutes mesures confondues de l'état d'urgence, qui ont été prises par les autorités administratives entre le 22 juillet et le 14 décembre 2016 . Sur le plan territorial, seuls 14 départements métropolitains ne sont pas du tout concernés par les mesures de l'état d'urgence. Les départements et collectivités d'outre-mer sont peu touchés par les mesures de l'état d'urgence 18 ( * ) .

Les départements métropolitains sont cependant concernés à des degrés extrêmement variables, puisque dans certains départements comme l'Ain, le Lot ou la Mayenne seules une à deux mesures ont été prises par le préfet, alors qu'ont été prises 229 mesures dans le département du Nord, 253 dans le Loiret, 425 en Saône-et-Loire et 659 en Seine-et-Marne.

1. Un regain d'utilisation des perquisitions administratives

Le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 fixe le cadre juridique des perquisitions administratives qui a été profondément révisé par la loi du 20 novembre 2015 précitée. En vertu de ces dispositions, le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives compétentes le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Une perquisition ne peut être ordonnée dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes.

Les perquisitions administratives sont redevenues l'une des mesures les plus utilisées par les autorités administratives dans le cadre de la quatrième phase de l'état d'urgence . Cette faculté n'avait du reste plus été conférée aux préfets pendant la troisième phase (du 26 mai au 21 juillet), dans la mesure où :

- la plupart des lieux pouvant être en lien avec une menace pour la sécurité et l'ordre publics avaient été perquisitionnés dans les premières semaines ayant suivi la déclaration initiale de l'état d'urgence en novembre 2015 ;

- la copie des données informatiques lors des perquisitions n'était plus possible en raison de la censure par le Conseil constitutionnel 19 ( * ) des dispositions introduites à cet effet par la loi du 20 novembre 2015 précitée, au motif que ce régime juridique n'avait pas été assorti de garanties légales suffisantes (« ni cette saisie ni l'exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l'occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s'y oppose et alors même qu'aucune infraction n'est constatée ; qu'au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition »).

a) Le nouveau cadre juridique des saisies informatiques

Avec la loi du 21 juillet 2016 précitée, le législateur a rétabli un régime juridique de copie de données informatiques dont les modalités répondent aux griefs formulés par le Conseil constitutionnel. De telles copies sont à nouveau possibles, hors de la constatation d'une infraction pénale, dans les conditions suivantes :

- la perquisition doit révéler l'existence d'éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée ;

- les données peuvent alors être copiées ou leur support saisi lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la perquisition ;

- la copie des données ou la saisie des supports doit être réalisée en présence de l'officier de police judiciaire ;

- l'agent sous la responsabilité duquel est conduite la perquisition rédige un procès-verbal de saisie qui en indique les motifs et dresse l'inventaire des matériels saisis. Il en délivre une copie à l'intéressé ;

- les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition et nul n'y a accès avant l'autorisation du juge ;

- dès la fin de la perquisition, l'autorité administrative saisit le juge des référés du tribunal administratif territorialement compétent d'une demande d'exploitation ;

- au vu des éléments révélés par la perquisition, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l'autorité administrative. Sont exclus de l'autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée ;

- en cas de refus du juge des référés, et sous réserve de la possibilité de faire appel devant le Conseil d'État (qui doit alors statuer dans les quarante-huit heures), les données copiées sont détruites et les supports saisis sont restitués à leur propriétaire ;

- les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition et à la saisie pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation autorisée par le juge des référés. Les supports sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après qu'il a été procédé à la copie des données qu'ils contiennent, à l'issue d'un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, a autorisé l'exploitation des données qu'ils contiennent ;

- en cas de difficulté dans l'accès aux données contenues dans les supports saisis ou dans l'exploitation des données copiées, lorsque cela est nécessaire, les délais prévus ci-dessus peuvent être prorogés, pour la même durée, par le juge des référés saisi par l'autorité administrative au moins quarante-huit heures avant l'expiration de ces délais. Le juge des référés statue dans un délai de quarante-huit heures sur la demande de prorogation présentée par l'autorité administrative.

S'agissant des délais de conservation des données, la loi du 21 juillet 2016 avait prévu trois hypothèses :

- conservation selon les règles applicables en matière de procédure pénale si les données font apparaître une infraction pénale ;

- trois mois à compter de la date de la perquisition ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, en a autorisé l'exploitation pour les données autres que celles caractérisant la menace ayant justifié la copie ;

- sans délai pour les données qui caractérisent la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée.

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions relatives aux perquisitions administratives dans leur rédaction issue de la loi du 21 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a, dans une décision du 2 décembre 2016 20 ( * ) , estimé que la procédure arrêtée par le législateur pour autoriser à nouveau la saisie et l'exploitation de données informatiques hors de la constatation d'une infraction pénale avait , au regard des garanties légales ainsi établies, assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public . Il a également estimé que le législateur n'avait pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif.

En revanche, le Conseil a déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui ne prévoyaient pas de délai maximal de conservation des données informatiques caractérisant la menace en considérant que le législateur n'avait pas prévu de garanties légales propres à assurer « une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ». Toutefois, jugeant que l'abrogation immédiate de ces dispositions entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil a reporté leur date d'abrogation au 1 er mars 2017 afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée. Alors qu'il en aurait eu la possibilité, le Gouvernement a cependant choisi de ne pas proposer de nouvelles dispositions sur ce point dans le cadre du présent projet de loi, dans la mesure où l'entrée en vigueur de la censure aura pour effet d'assujettir ces données caractérisant la menace à un délai de conservation de trois mois, ce qui apparaît raisonnable.

b) Le bilan statistique des perquisitions administratives

En ce qui concerne le bilan statistique des perquisitions administratives conduites depuis le 14 novembre 2015 , votre rapporteur rappelle que l'essentiel d'entre elles ont été conduites au cours de la première phase de l'état d'urgence et, au sein de cette période, au cours du mois qui a suivi les attentats du 13 novembre. Ainsi, si 3 594 perquisitions administratives avaient été ordonnées entre le 14 novembre 2015 et le 25 mai 2016, 3 427 l'avaient été au cours de la première phase (du 14 novembre 2015 au 25 février 2016) et, au sein de celle-ci, 2 700 perquisitions au cours du premier mois.

Depuis le 22 juillet 2016, les autorités administratives ont à nouveau utilisé cette mesure de manière active : à la date du 14 décembre, un peu plus de 590 perquisitions ont été ordonnées. Si, dans la plupart des départements, peu de mesures ont été prescrites par les préfets (entre 1 et 5 perquisitions dans une quarantaine de départements), certains préfets ont utilisé plus intensément cette faculté, à l'instar de ceux des départements du Loiret (19), de Seine-Saint-Denis (22), des Bouches-du-Rhône (25), des Alpes-Maritimes (33), de l'Essonne (34) ou du Nord (41).

Il ressort des travaux menés par le comité de suivi de l'état d'urgence depuis le 22 juillet dernier 21 ( * ) que les autorités administratives ont changé de stratégie dans la manière d'utiliser cet outil. Si de nombreuses perquisitions ont été ordonnées dans les jours ayant suivi les attentats du 13 novembre 2015, notamment dans le but de déstabiliser les réseaux liés à des activités terroristes ou susceptibles de leur apporter une aide sur le plan logistique, ces mesures sont désormais utilisées de manière plus ciblée, ce qui explique qu'en proportion, il y ait un plus grand nombre de suites judiciaires aux perquisitions conduites au cours de la quatrième phase : 65 suites judiciaires, dont 25 pour une infraction à caractère terroriste. Il a également été indiqué au comité de suivi que toute décision d'assignation à résidence était précédée d'une mesure de perquisition administrative afin de cerner l'environnement de la personne.

L'autorité administrative a par ailleurs utilisé avec discernement la possibilité qui lui a été à nouveau donnée, par la loi du 21 juillet 2016, de demander la copie et l'exploitation des données informatiques puisque seules 91 perquisitions administratives ont été assorties d'une telle demande. Sur ces demandes, les juges des référés compétents ont autorisé à 81 reprises l'exploitation des données copiées et l'ont refusé à six reprises (4 dossiers étant toujours en cours d'instruction à la date du 14 décembre). Le Conseil d'État a été saisi de cinq recours en appel et a autorisé l'exploitation dans quatre cas et l'a refusée dans un seul cas.

A également été souligné le caractère particulièrement pertinent du nouveau délit 22 ( * ) - que le législateur a créé à l'initiative du Sénat dans la loi du 3 juin 2016 précitée - de consultation habituelle des sites Internet mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie ou faisant l'apologie du terrorisme 23 ( * ) .

S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan contentieux de cette nouvelle infraction pénale et fournir des chiffres précis, votre rapporteur tient néanmoins à souligner qu'un grand nombre de condamnations ont déjà été prononcées sur ce fondement par les juridictions répressives. Les différents services de police et de renseignement entendus par le comité de suivi de l'état d'urgence ont également noté la pertinence de cette infraction dans l'exercice de leurs missions antiterroristes, qui leur permet notamment de judiciariser le « bas du spectre » et ont souligné le fait que ce délit permet, le cas échéant, de basculer dans un deuxième temps sur une incrimination pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

c) Le contentieux des perquisitions administratives

Les perquisitions administratives ont donné lieu à un abondant contentieux administratif de fond, la procédure du référé étant sans objet pour ce type de mesure. Depuis le 14 novembre 2015, 100 requêtes en annulation ont ainsi été déposés devant les juridictions administratives à l'encontre des perquisitions administratives. 53 décisions ont été rendues ayant conduit à 32 annulations, ces chiffres devant être rapportées aux près de 4 200 perquisitions ordonnées.

Ces perquisitions ont suscité 207 demandes préalables d'indemnisation auprès des préfectures, pour 31 accords 24 ( * ) , 134 rejets et 42 demandes en cours d'instruction. Ces demandes concernent à 82 % un préjudice matériel, 15 % un préjudice moral et 2 % une autre demande (en particulier pour trouble des conditions d'existence). La somme totale de ces demandes s'élève à 767 728 euros.

Dans le cadre des contentieux indemnitaires introduits auprès des juridictions administratives par des personnes ayant fait l'objet d'une perquisition, les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Melun avaient saisi le Conseil d'État d'une demande d'avis contentieux, selon la procédure prévue par l'article L. 113-1 du code de justice administrative qui permet à un tribunal administratif ou à une cour administrative d'appel de transmettre au Conseil d'État une question de droit nouvelle qui se pose dans une requête lorsqu'elle présente une difficulté sérieuse et se pose dans de nombreux litiges.

Dans son avis rendu le 6 juillet 2016 25 ( * ) , le Conseil d'État a tout d'abord indiqué que les ordres de perquisition constituent des mesures de police devant faire l'objet d'une motivation faisant apparaître les raisons ayant conduit l'autorité administrative à décider de la perquisition. Le caractère suffisant de cette motivation doit cependant être apprécié en tenant compte des conditions d'urgence dans lesquelles la perquisition a été ordonnée et des circonstances particulières de chaque cas. Enfin, l'ordre doit comporter la mention du lieu et du moment de la perquisition.

Par conséquent, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, il appartient au juge administratif de procéder à un entier contrôle des éléments justifiant la mesure et de vérifier que la perquisition était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité au regard des éléments dont disposait l'administration au moment où elle a pris sa décision.

Le Conseil d'État a ensuite précisé le régime d'indemnisation applicable , abandonnant l'exigence d'une faute lourde de la part de l'État pour ne retenir qu'une faute simple permettant alors l'indemnisation.

Tout d'abord, le caractère illégal de l'ordre de perquisition constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État pour les préjudices causés. En outre, même si la perquisition est légale, des fautes peuvent être commises dans son exécution (ouverture de la porte par la force sans justification, dégradation de biens sans rapport avec l'objet de la perquisition, usage non justifié de la contrainte, traumatismes causés aux enfants, etc .) engageant la responsabilité de l'État qui doit alors indemniser leurs conséquences.

En l'absence de faute, les personnes concernées par la perquisition ne sont pas susceptibles d'être indemnisées. Toutefois, en application du principe selon lequel les charges publiques doivent être également réparties entre les citoyens, il n'en va pas de même pour un tiers à une opération de perquisition qui lui causerait un dommage. À titre d'exemple, le propriétaire bailleur d'un local perquisitionné, n'ayant d'autre lien que le contrat de location avec la ou les personnes ayant fait l'objet de la perquisition, sera ainsi indemnisé des dégradations commises dans le local, même si la perquisition était légale et si les services de police n'ont commis aucune faute.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, les perquisitions administratives ordonnées depuis le 22 juillet dernier ont, pour le moment, donné lieu à 17 recours contentieux.

2. Des assignations à résidence qui s'inscrivent dans le temps

En application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Il appartient à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur d'instruire les dossiers d'assignation et d'en suivre les aspects contentieux.

À la fin de la première phase de l'état d'urgence, le 25 février 2016, 268 personnes faisaient l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence en vigueur. À la fin de la deuxième période, le 25 mai 2016, 68 arrêtés d'assignation à résidence étaient en vigueur et 75 arrêtés le demeuraient à la fin de la troisième période le 21 juillet 2016.

Avec l'entrée en vigueur de la quatrième phase de l'état d'urgence, ces 75 arrêtés ont été renouvelés et de nouvelles personnes ont été assignées à résidence. Ces statistiques varient régulièrement en raison de l'abrogation d'arrêtés, notamment quand les intéressés sont incarcérés ou, s'ils sont étrangers, font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Depuis le 22 juillet, ce sont ainsi 14 arrêtés d'assignation à résidence qui ont été abrogés en raison de l'incarcération des intéressés. Ces incarcérations 26 ( * ) font suite à des placements en détention provisoire ou centre éducatif fermé ou à des condamnations fermes assorties d'un mandat de dépôt pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, apologie du terrorisme ou consultation habituelle de « sites terroristes » ou pour non-respect des obligations attachées à l'assignation à résidence. Dans trois cas, l'abrogation était consécutive à la prise d'une mesure d'éloignement du territoire français, exécutée ou en attente d'exécution assortie d'un placement en centre de rétention administrative, et dans trois cas l'arrêté a été abrogé après reconsidération de la situation de l'intéressé.

Ainsi, à la date du 14 décembre 2016, 91 assignations à résidence demeuraient en vigueur . Sur les 91 personnes concernées :

- 37 étaient assignées à résidence depuis plus d'un an ;

- 10 depuis 6 à 12 mois ;

- 44 depuis moins de 6 mois.

À cet égard, le fait que des personnes fassent désormais l'objet d'une assignation à résidence depuis plus d'un an a conduit le Conseil d'État, ainsi que l'avait souligné son vice-président dans un entretien donné à un quotidien national le 18 novembre dernier 27 ( * ) , à suggérer d'instaurer une limitation dans le temps de la durée globale d'assignation à résidence, question que votre rapporteur abordera ci-dessous et dans son commentaire de l'article 2 du présent projet de loi.

Il est à noter qu'une partie des personnes assignées à résidence font l'objet de mesures administratives complémentaires . Ainsi, sur les 91 personnes actuellement assignées :

- 34 font l'objet d'une mesure d'interdiction de sortie du territoire (IST) 28 ( * ) et 13 dossiers sont en cours d'instruction ;

- 5 procédures d'expulsion sont à l'étude ;

- 4 personnes sont frappées par un arrêté de gel d'avoirs et 7 dossiers sont à l'étude.

Depuis le 22 juillet dernier, les arrêtés d'assignation à résidence ont fait l'objet de 52 recours devant la juridiction administrative :

- 32 recours en référé ayant conduit, dans deux cas seulement, à la suspension de la mesure par le juge ;

- 20 recours pour excès de pouvoir, dont deux ayant conduit au rejet de la requête, les autres contentieux étant toujours en cours.

3. L'utilisation des autres mesures de l'état d'urgence

La loi du 3 avril 1955 donne de nombreuses prérogatives aux autorités administratives : créer des zones de protection au sein desquelles la circulation des personnes et des véhicules est réglementée (article 5) ; ordonner la remise des armes et des munitions relevant des catégories A à C, ainsi que celles soumises à enregistrement relevant de la catégorie D (article 9) ; interdire à une personne de paraître dans des lieux et pendant un temps déterminés (article 5). Ces mesures ont été peu utilisées depuis le 22 juillet dernier avec 5 décisions de remise d'armes, la création de 20 zones de protection et 30 interdictions de paraître.

Comme précisé ci-dessus, la loi du 21 juillet 2016 a par ailleurs élargi les pouvoirs de l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence.

Ainsi, les préfets ont désormais la possibilité d'ordonner des contrôles d'identité, l'inspection visuelle et la fouille des bagages et la visite des véhicules , alors que cette prérogative est, dans le droit commun, conférée au procureur de la République.

Cette faculté a été assez largement utilisée avec, à la date du 14 décembre 2016, 2 042 mesures prises dans 39 départements. L'importance de ce chiffre ne doit cependant pas masquer une assez grande disparité des situations constatées localement puisque 4 départements sont à l'origine de 70 % de ces mesures, avec 624 décisions en Seine-et-Marne, 404 en Saône-et-Loire, 230 dans le Loiret et 182 dans le Nord. Dans les 35 autres départements, le nombre de contrôles ordonnés par les préfets varie entre un et quarante.

Le nombre important de décisions prises par le préfet de la Seine-et-Marne peut s'expliquer par l'étendue du territoire de ce département qui couvre par ailleurs les ressorts de trois tribunaux de grande instance (Meaux, Melun et Fontainebleau), conduisant ainsi le préfet à utiliser, par souci d'efficacité, cette prérogative indépendamment des frontières des circonscriptions judiciaires. Pour le département du Nord, le nombre important de décisions est lié à la gestion de la crise migratoire, notamment avec la situation du camp de Grande-Synthe où les passeurs sont très actifs, à plus forte raison après le démantèlement du camp de Calais, et aux nécessités de contrôle de la frontière franco-belge.

Lors des auditions et déplacements du comité de suivi de l'état d'urgence, notamment à Nice, le préfet des Alpes-Maritimes et le préfet de police de Paris ont indiqué aux membres du comité ne pas avoir utilisé cette prérogative dans la mesure où l'autorité judiciaire y pourvoit, l'autorité préfectorale ne voulant pas « donner le sentiment » de contourner l'autorité judiciaire. Les préfets qui utilisent cette prérogative n'entendent du reste pas concurrencer pour autant l'autorité judiciaire, le préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord, faisant valoir qu'il informait systématiquement le procureur de la République compétent en cas de recours à une mesure de cette nature.

Avec la loi du 21 juillet 2016, le législateur a explicité les dispositions de la loi de 1955 donnant à l'autorité administrative la possibilité de procéder à la fermeture des lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. Sur ce fondement, 4 décisions de fermeture ont été prises, le 2 novembre 2016, à l'encontre d'une salle de prière dans les Yvelines (Ecquevilly) 29 ( * ) , de deux mosquées en Seine-Saint-Denis (Stains et Clichy-sous-Bois) et d'une mosquée dans le Val-de-Marne (Villiers-sur-Marne).

Enfin, toujours en application de dispositions introduites par la loi du 21 juillet 2016, l'autorité administrative a désormais la possibilité d'interdire les cortèges, défilés et rassemblements dont elle n'est pas en mesure d'assurer la sécurité compte tenu des moyens dont elle dispose. À ce titre, 26 décisions préfectorales de cette nature ont été prises, dont dix par le préfet de police de Paris dans le cadre de la gestion des manifestations « Nuit Debout ».

Au total, exception faite des mesures relatives aux contrôles d'identité, l'usage des mesures de l'état d'urgence, autres que les perquisitions administratives et assignations à résidence, a été plutôt modéré depuis le 22 juillet dernier.

II. LA CINQUIÈME PROROGATION DE L'ÉTAT D'URGENCE

A. LE CONTEXTE DE CETTE NOUVELLE PROROGATION

En application de l'article 1 er de la loi du 21 juillet 2016, l'état d'urgence aurait dû être applicable en France métropolitaine et outre-mer jusqu'au 22 janvier 2017 à minuit. Toutefois, la démission du Gouvernement de Manuel Valls 30 ( * ) le 6 décembre 2016 contraint le nouveau Gouvernement de Bernard Cazeneuve à anticiper cette échéance puisque, conformément à l'article 4 de la loi du 3 avril 1955, « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ». En application de cette disposition, et selon l'analyse de l'Assemblée nationale, l'état d'urgence cesserait donc d'être applicable à compter du jeudi 22 décembre à zéro heure en l'absence d'un nouveau texte législatif de prorogation .

Après en avoir délibéré lors d'un conseil des ministres restreint réuni le samedi 10 décembre 2016, le Gouvernement a décidé de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale le présent projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Sur le rapport de Pascal Popelin, la commission des lois a établi son texte lors de sa réunion du lundi 12 décembre et les députés ont examiné et adopté le texte du projet de loi au cours de leur troisième séance publique du mardi 13 décembre.

B. LE MAINTIEN DE LA MENACE TERRORISTE À UN NIVEAU ÉLEVÉ

Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement fait tout d'abord valoir que l'état d'urgence demeure justifié par la persistance d'une menace terroriste très élevée s'étant traduite, dans la période récente, « par une succession d'attentats réussis, déjoués ou ayant échoué ».

Ainsi, au-delà de la menace que représentent les individus présents sur la zone syro-irakienne et qui, dans le contexte géopolitique et militaire actuel, pourraient être tentés de regagner le territoire national, il apparaît que le danger principal vient également de personnes présentes sur notre sol envisageant un passage à l'acte terroriste , conformément aux consignes transmises par Daech et ainsi que l'ont démontré les attentats commis en France les 13 juin 2016 à Magnanville, 14 juillet à Nice et 26 juillet à Saint-Etienne du Rouvray.

À cet égard, tout en notant la très forte croissance du nombre d'attentats déjoués au cours de l'année 2016 (16 projets déjoués, 29 personnes mises en cause) par rapport à la période 2013-2015 (12 projets déjoués, 18 personnes mises en cause), le Gouvernement relève que les projets déjoués en 2016 étaient, à une exception, organisés par des personnes présentes sur le territoire national et non par des individus de retour des théâtres d'opérations , ce qui n'était pas le cas au cours de la période antérieure (un tiers des attentats déjoués entre 2013 et 2015 imputable à des personnes de retour des théâtres d'opérations).

Il est donc à cet égard manifeste, comme le souligne l'exposé des motifs, que « la menace que représentent les individus présents en France et inspirés ou soutenus par Daech, qui se diversifie et s'étend, se conjugue avec la persistance d'un risque élevé d'attaques commises par des individus projetés depuis l'étranger selon un mode opératoire similaire 31 ( * ) à celui des attentats de Paris du 13 novembre 2015 ».

Cette menace terroriste s'inscrit désormais dans un contexte pré-électoral , d'ores et déjà intense avec les élections primaires en vue de l'élection présidentielle organisées par les partis politiques, susceptible d'accroître les tentatives de passage à l'acte . D'une part, cette période est traditionnellement marquée par le nombre important de réunions et de rassemblements publics occasionnant « des concentrations de population en de très nombreux points du territoire, susceptibles de représenter des cibles et nécessitant d'en assurer la sécurité ». D'autre part, des tentatives de commission d'actes de terrorisme apparaissent plus probables en raison de l'impact accru sur l'opinion publique que pourrait avoir un attentat réussi pendant une période de débats politiques comme celle d'une campagne électorale.

Le Gouvernement considère par conséquent que ces éléments relatifs à la menace terroriste à laquelle notre pays est exposé caractérisent une situation de « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public », selon les termes de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955. Il est par conséquent proposé une prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017, tout en l'assortissant d'une dérogation à l'article 4 de la loi de 1955 pour que la présente prorogation ne soit pas caduque en cas de démission du Gouvernement consécutive à l'élection du Président de la République ou à celle des députés de l'Assemblée nationale.

C. L'EFFICACITÉ DE L'ÉTAT D'URGENCE EN MATIÈRE DE LUTTE ANTITERRORISTE

Le Gouvernement souligne que la mise en oeuvre des mesures de police administrative permises par l'état d'urgence , qui sont « davantage complémentaires que concurrentes des mesures de droit commun », a présenté une réelle efficacité en matière de lutte antiterroriste . Tel est le cas, en particulier, des perquisitions administratives puisque 653 d'entre elles, sur les près de 4 200 ordonnées depuis le 14 novembre 2015, ont débouché sur l'ouverture d'une procédure judiciaire, tous chefs infractionnels confondus. Sur ces 653 procédures, une quarantaine a été ouverte sur le fondement d'apologie ou de provocation au terrorisme, 19 ont été initiées, dont 10 postérieurement au 22 juillet 2016, par la section anti-terroriste du parquet de Paris du chef d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste 32 ( * ) . Il en résulte qu'au cours de l'année écoulée, « près de 10 % des saisines du parquet antiterroriste de Paris sont liées à des perquisitions administratives et près de 16 % des perquisitions administratives ont donné lieu à une procédure judiciaire ».

Selon le Gouvernement, les mesures d'assignation à résidence , ainsi que les mesures d'interdiction de séjour 33 ( * ) , prises dans le cadre de l'état d'urgence contribuent également à entraver ou limiter les risques de passage à l'acte . Il en irait tout particulièrement des 115 arrêtés d'assignation à résidence pris depuis le 22 juillet 2016, dont 91 demeurent en vigueur à la date du 14 décembre 2016, qui « gênent les personnes qui se prépareraient à commettre un attentat, que ce soit par les assignations à résidence, qui limitent les déplacements de personnes susceptibles de constituer une menace et les empêchent d'entrer en relation avec des complices, ainsi que par les perquisitions, qui sont de nature à considérablement compliquer les préparatifs d'un passage à l'acte ».

Tout en indiquant que la capacité de l'autorité judiciaire, en très forte hausse, comme en témoignent les 167 informations judiciaires et les 198 enquêtes préliminaires actuellement en cours en matière de terrorisme djihadiste, a été accrue depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 juin 2016, le Gouvernement insiste sur le fait que « la mise en oeuvre de l'état d'urgence n'a donc pas eu pour effet de se substituer à l'action judiciaire mais a en partie favorisé la mise en évidence de faits dont l'autorité judiciaire s'est ensuite saisie » et que l'état d'urgence accroît l'efficacité de l'action administrative en s'inscrivant « dans une complémentarité avec le cadre administratif de droit commun, dont l'utilisation est intense et en progression ».

Au 18 novembre 2016, sont en vigueur 244 mesures d'interdiction de sortie du territoire et 202 interdictions administratives du territoire concernant des individus liés aux mouvances terroristes et islamistes radicales ; 82 mesures d'expulsion de personnes en lien avec le terrorisme et 319 mesures de déréférencement de sites faisant l'apologie du terrorisme ont été prises depuis le début de l'année 2015.

D. L'ANALYSE DU CONSEIL D'ÉTAT SUR CETTE CINQUIÈME PROROGATION

Sur le fondement des éléments d'information mis en avant par le Gouvernement, le Conseil d'État estime, au vu de l'intensité de la menace terroriste et du nombre d'attentats commis ou déjoués au cours de l'année 2016 que « la conjonction de la menace terroriste persistante d'intensité élevée » et des « campagnes électorales présidentielle et législatives » caractérise bien « un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » au sens de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955.

Il considère que le maintien de l'état d'urgence « opère une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre la prévention des atteintes à l'ordre public et le respect des droits et libertés reconnus par la Constitution à tous ceux qui résident sur le territoire de la République et se trouve justifié par les exigences de la situation présente, dans le respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », en particulier au regard de deux garanties spécifiques que sont :

- le nouveau cadre juridique relatif à l'exploitation des données informatiques copiées lors des perquisitions administratives résultant de la loi du 21 juillet 2016 et de la décision précitée n° 2016-600 QPC du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2016, ainsi que les dispositions relatives à la durée des assignations à résidence proposées par l'article 2 du projet de loi ;

- et le contrôle approfondi par le juge administratif, qui s'assure que chacune des décisions prises en application de l'état d'urgence, dont l'auteur doit préciser les motifs, est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

Le Conseil d'État note en particulier que le ressort géographique d'application de l'état d'urgence demeure « proportionné aux circonstances » et que « la durée de la prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017, telle qu'elle est proposée par le Gouvernement, n'apparaît pas inappropriée au regard des motifs la justifiant ». À cet égard, il admet la justification, en raison du contexte institutionnel particulier, de la disposition permettant de déroger à l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 afin d'éviter que l'état d'urgence cesse avec les démissions gouvernementales consécutives aux élections du printemps 2017, « dès lors que les gouvernements nommés à la suite de ces démissions auront la possibilité de mettre fin à l'état d'urgence avant le terme prévu par la loi de prorogation, à tout moment, par décret en conseil des ministres », comme le prévoient désormais systématiquement les textes de prorogation.

Surtout, alors que le texte qui lui était soumis ne contenait pas de disposition de cette nature, le Conseil d'État a estimé nécessaire de fixer dans la loi une limite maximale à la durée ininterrompue de l'assignation à résidence d'une personne, considérant que la succession des prorogations de l'état d'urgence pouvait « conduire à des durées d'assignation à résidence excessives au regard de la liberté d'aller et de venir ». A par conséquent été introduit dans le texte résultant de ses délibérations, à son initiative, un article limitant à douze mois consécutifs la durée maximale d'assignation à résidence, en l'absence d'éléments nouveaux justifiant le maintien de la mesure, une telle disposition ayant ainsi pour effet de mettre un terme, avec l'entrée en vigueur de la présente loi, à la quarantaine d'assignations à résidence dont la durée totale est supérieure à douze mois.

Enfin, comme à l'occasion de ses avis du 2 février, du 28 avril, et du 18 juillet 2016 sur les projets de loi autorisant une deuxième, une troisième et une quatrième fois la prorogation de l'état d'urgence, le Conseil d'État rappelle que « les renouvellements de l'état d'urgence ne sauraient se succéder indéfiniment et que l'état d'urgence doit demeurer temporaire ». Il souligne que « les menaces durables ou permanentes doivent être traitées, dans le cadre de l'État de droit, par les instruments permanents de la lutte contre le terrorisme, tels ceux issus des lois adoptées ces deux dernières années dans ce domaine ainsi que ceux, le cas échéant, du projet de loi sur la sécurité publique qui sera prochainement examiné par le Parlement ».

III. LE TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION DU SÉNAT

A. LE PROJET DE LOI INITIAL

Le texte issu du conseil des ministres comporte trois articles.

L' article 1 er a pour objet de :

- proroger l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017 ;

- prévoir, jusqu'à ce terme, la possibilité pour l'autorité administrative d'ordonner des perquisitions administratives, conformément au I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ;

- permettre au Gouvernement de mettre fin à l'état d'urgence avant ce terme par décret en conseil des ministres. En ce cas, il en serait rendu compte au Parlement.

L' article 2 propose une modification de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 qui fixe le cadre juridique des assignations à résidence. Conformément à la recommandation formulée par le Conseil d'État dans son avis, le Gouvernement a conservé dans son texte le principe d'une durée maximale d'assignation à résidence, faute pour l'autorité administrative d'apporter des éléments nouveaux de nature à justifier le maintien de la mesure. Toutefois, alors que le Conseil d'État avait proposé de fixer cette limite à douze mois consécutifs, ce qui aurait eu pour conséquence de mettre un terme à une quarantaine d'assignations à résidence dès l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement a retenu une durée de quinze mois afin de disposer de quelques semaines pour anticiper la fin de ces assignations.

Enfin, l' article 3 prévoit que, pour cette période de prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017, l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 n'est pas applicable en cas de démission du Gouvernement consécutive à l'élection du Président de la République ou à celle des députés à l'Assemblée nationale.

B. LES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Au cours de sa réunion du lundi 12 décembre, la commission des lois de l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur Pascal Popelin, a adopté un amendement de rédaction globale de l'article 2 sur la durée globale d'assignation à résidence.

Le Président Philippe Bas et votre rapporteur avaient en effet fait valoir auprès de leurs homologues de l'Assemblée nationale les difficultés liées à la fixation d'une durée maximale d'assignation à résidence et la nécessité, en conséquence, d'élaborer un dispositif alternatif permettant d'opérer une conciliation équilibrée entre, d'une part, la préservation de la sécurité et l'ordre publics et, d'autre part, la défense des droits et libertés des intéressés.

Tout en admettant le caractère contraignant d'une assignation à résidence qui se prolonge dans la durée, ce qui est cependant précisément la vocation de ce dispositif puisqu'il s'agit d'une mesure de police administrative, le Président Philippe Bas et votre rapporteur avaient exprimé leurs craintes d'une impossibilité de prolonger l'assignation à résidence de personnes dont le comportement continuerait à présenter une menace pour la sécurité et l'ordre publics . En effet, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, la notion retenue par le texte du projet de loi initial « d'éléments nouveaux de nature à justifier le maintien » de l'assignation ne permettrait pas le renouvellement de la quasi-totalité de la quarantaine d'assignations à résidence entrées en vigueur depuis le mois de novembre 2015.

Pour autant, ils ont estimé indispensable d'établir solidement les motivations d'une assignation à résidence qui se prolongerait dans le temps au regard de la menace pour la sécurité et l'ordre publics que constitue le comportement de la personne.

Dans ces conditions et à leur initiative, un travail s'est engagé avec le président et le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale pour élaborer un dispositif alternatif reprenant l'économie générale des dispositions votées par le législateur dans la loi du 21 juillet 2016 pour autoriser l'exploitation de données informatiques copiées à l'occasion d'une perquisition administrative, permettant de lever les difficultés exposées ci-dessus.

En conséquence, le texte de la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'élaboration duquel le Président Philippe Bas et votre rapporteur ont été étroitement associés, prévoit tout d'abord d'inscrire dans la loi du 3 avril 1955 la règle fixée par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 en vertu de laquelle les mesures d'assignation à résidence ne peuvent être prolongées sans être renouvelées si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi .

Cette nouvelle rédaction de l'article 2 dispose ensuite que le ministre de l'intérieur ne peut assigner à résidence une même personne pour une durée supérieure à douze mois . Toutefois, à l'issue de ce délai, le ministre pourrait demander au juge des référés du Conseil d'État, statuant en premier et dernier ressort, l'autorisation de prolonger l'assignation à résidence . Le juge devrait statuer, dans les formes prévues par le livre V du code de justice administrative, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine au vu des éléments produits par l'autorité administrative faisant apparaître les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Cette prolongation ne pourrait excéder une durée de trois mois mais le ministre de l'intérieur aurait la possibilité de renouveler sa demande.

Pour éviter que les assignations à résidence d'une durée supérieure à douze mois ne soient caduques à la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi et pour ménager à l'administration un délai raisonnable pour mettre en oeuvre cette nouvelle procédure, le texte de l'article 2 contient des dispositions transitoires permettant au ministre de l'intérieur de renouveler une fois pour 90 jours les assignations à résidence dans les conditions juridiques actuelles non prévues par l'article 6 de la loi du 3 avril 1955.

Ce dispositif alternatif a été adopté par la commission des lois. Au cours de son examen en séance publique, les députés ont, dans un premier temps, adopté un amendement de Guillaume Larrivé tendant à revenir au texte initial du Gouvernement. L'Assemblée nationale a cependant rétabli le texte de la commission, moyennant un amendement de précision sur l'appréciation de la durée des douze mois, à l'issue d'une seconde délibération demandée par le président de la commission des lois.

Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement présenté par le rapporteur de la commission des lois à l'article 1 er afin de préciser que la prorogation de l'état d'urgence résultant du présent projet de loi entre en vigueur à compter du 22 décembre à zéro heure . Ils ont également adopté un amendement du même auteur insérant un article 2 bis afin de prévoir l'application des modifications apportées à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et dans les îles Wallis et Futuna .

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Compte tenu de l'ensemble des éléments mis en avant par le Gouvernement concernant la situation sécuritaire de notre pays 34 ( * ) , votre rapporteur ne doute pas que la situation actuelle caractérise le maintien d'un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public , au sens de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955. Le principe d'une prorogation de l'état d'urgence lui paraît donc justifié à cet égard, mais également au regard de l'efficacité des mesures de police administrative en matière de lutte antiterroriste.

Il approuve également pleinement le choix effectué par le Gouvernement de fixer le terme de la nouvelle période de prorogation au 15 juillet 2017 afin de permettre au nouvel exécutif et à la majorité parlementaire qui seront issus des urnes en mai et juin 2017 d'apprécier s'il convient de lever ou de prolonger l'état d'urgence. Dans ces conditions, il apparaissait indispensable de prévoir des mesures transitoires pour déroger à l'application des dispositions de la loi de 1955 sur la caducité de l'état d'urgence consécutive à la démission du Gouvernement.

Enfin, compte tenu du soutien des députés à la position défendue par le Président Philippe Bas et votre rapporteur sur un dispositif alternatif en matière de limitation de la durée globale d'assignation à résidence, la rédaction de l'article 2 apparaît désormais plus satisfaisante que celle du projet de loi initial.

Dans ces conditions, sur proposition de son rapporteur, votre commission a approuvé le présent projet de loi dans les mêmes termes que ceux votés par les députés , afin que le texte puisse entrer en vigueur à une date permettant d'assurer le maintien, sans discontinuité, de l'état d'urgence.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi sans modification.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er Prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017

Le I de l'article 1 er du projet de loi a pour objet de proroger l'état d'urgence qui, selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, aurait dû cesser de s'appliquer à partir du 22 décembre 2016 à zéro heure, conformément aux termes de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 35 ( * ) en raison de la démission du Gouvernement de Manuel Valls le mardi 6 décembre dernier 36 ( * ) .

L'état d'urgence a été déclaré sur le territoire métropolitain le 14 novembre 2015 37 ( * ) , puis élargi aux outre-mer 38 ( * ) le 18 novembre 2015 39 ( * ) . Il a ensuite été prorogé pour une durée de trois mois à deux reprises 40 ( * ) , puis pour une durée de deux mois 41 ( * ) et enfin pour une durée de six mois 42 ( * ) .

Pour la première fois depuis le mois de novembre 2015, la nouvelle prorogation soumise à l'appréciation du législateur est fixée par référence, non pas à une durée, mais à une date précise fixée au 15 juillet 2017 .

Votre rapporteur estime satisfaisante cette référence car elle permet de maintenir l'état d'urgence pendant toute la période électorale qui s'ouvrira à compter de la fin du mois de février 2017, pendant laquelle le Parlement va suspendre ses travaux en séance plénière, tout en offrant au nouveau pouvoir exécutif et à la majorité parlementaire qui seront issus des prochaines élections un délai suffisant pour décider de lever ou de maintenir l'état d'urgence.

Le second tour des élections législatives ayant lieu le 18 juin 2017, l'Assemblée nationale ne sera pas en mesure d'examiner, le cas échéant, un nouveau texte de prorogation avant la semaine du 3 juillet, compte tenu par exemple des délais observés en 2012 en matière de renouvellement de ses instances. À cet égard, l'échéance du 15 juillet 2017 ménage un délai suffisant qui permettrait au Parlement de proroger l'état d'urgence après cette échéance s'il le jugeait opportun.

Sur la proposition du rapporteur de la commission des lois, les députés ont adopté un amendement afin de préciser, à l'instar de ce qu'avaient prévu les précédents textes de prorogation, la date d'entrée en vigueur de la prorogation résultant du présent projet de loi. En effet, deux interprétations auraient pu naître, en l'absence d'une telle mention, en considérant que la nouvelle phase de l'état d'urgence aurait débuté à la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi - c'est-à-dire le lendemain de sa publication au Journal officiel en application de l'article 1 er du code civil - ou immédiatement après la caducité de la phase IV de l'état d'urgence, c'est-à-dire dans le délai des quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement de Manuel Valls. Une telle question est loin d'être anecdotique dans la mesure où certaines des mesures de l'état d'urgence, à l'instar des arrêtés d'assignation à résidence ou des fermetures de lieux de réunion, doivent être renouvelées par l'autorité administrative à l'occasion d'une prorogation. Pour éviter qu'une mesure ne soit caduque alors que l'autorité administrative entend la maintenir, il convient alors de la notifier à l'intéressé au plus tard au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle phase de prorogation. Dans ces conditions, l'amendement voté par les députés précise expressément que la nouvelle prorogation de l'état d'urgence démarre le 22 décembre à zéro heure à l'issue de la caducité de la prorogation résultait de la loi du 21 juillet 2016.

Le II de l'article 1 er comporte la mention expresse requise par le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 afin de donner à l'autorité administrative la possibilité d'ordonner des perquisitions administratives au cours de cette nouvelle période de prorogation de l'état d'urgence.

Enfin, à l'instar de ce qu'avaient prévu les lois précitées des 20 novembre 2015, 19 février 2016, 20 mai 2016 et 21 juillet 2016, le III prévoit qu'il puisse être mis fin à l'état d'urgence par décret en conseil des ministres avant l'échéance du 15 juillet 2017. En ce cas, il en serait rendu compte au Parlement.

Votre commission a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 2 (art. 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence) Encadrement de la durée des assignations à résidence

Dans sa rédaction initiale, l'article 2 du projet de loi proposait de fixer à quinze mois consécutifs, en l'absence d'éléments nouveaux de nature à justifier le maintien de la mesure, la durée maximale d'assignation à résidence.

Votre rapporteur rappelle que, depuis le 22 juillet dernier, 115 personnes ont fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise par le ministre de l'intérieur en application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955. À la date du 14 décembre 2016, 91 de ces arrêtés d'assignation à résidence demeuraient en vigueur puisqu'entre le 22 juillet et cette date, 2 arrêtés ont été suspendus par la juridiction administrative, 2 arrêtés n'ont pas été notifiés en raison de la mise à exécution d'une obligation de quitter le territoire français et 20 arrêtés ont été abrogés :

- 14 en raison de l'incarcération de la personne dans un établissement pénitentiaire ou de son placement dans un centre éducatif fermé ;

- 2 pour cause de mise à exécution d'une mesure d'éloignement du territoire français et 1 pour placement en centre de rétention administratif dans l'attente de cette exécution ;

- 3 après réexamen par l'autorité administrative des éléments de faits ayant fondé l'assignation, laquelle n'apparaissait plus justifiée.

Sur ces 91 personnes :

- 37 étaient assignées à résidence depuis plus d'un an ;

- 10 depuis 6 à 12 mois ;

- 44 depuis moins de 6 mois.

Il en résulte que, dans le cas où une limitation à quinze mois de la durée d'assignation à résidence entrerait en vigueur, l'assignation de 41 personnes serait levée, en l'absence d'éléments nouveaux, entre le 15 février 2017 et le 29 mars 2017.

Votre rapporteur estime que les conséquences d'une telle disposition ne sont pas satisfaisantes.

Il apparaît tout d'abord que, dans la plupart des cas, il n'existera pas d'éléments nouveaux de nature à justifier le maintien de la mesure, alors même que le comportement des intéressés continue à présenter un risque pour la sécurité et l'ordre publics, sans pour autant qu'il existe des éléments permettant de judiciariser leur situation.

Par ailleurs, votre rapporteur rappelle que l'assignation à résidence constitue bien une mesure de police administrative restreignant la liberté d'aller et venir, comme l'a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 décembre 2015, et non une mesure de privation de liberté individuelle qui nécessiterait l'intervention de l'autorité judiciaire en application de l'article 66 de la Constitution.

Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015 - M. Cédric D.

5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées permettent au ministre de l'intérieur, lorsque l'état d'urgence a été déclaré, de « prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée » par le décret déclarant l'état d'urgence ; que cette assignation à résidence , qui ne peut être prononcée qu'à l'égard d'une personne pour laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics », est une mesure qui relève de la seule police administrative et qui ne peut donc avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions ; que cette assignation à résidence « doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération » ; qu'elle ne peut en aucun cas « avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes » assignées à résidence ; que, tant par leur objet que par leur portée, ces dispositions ne comportent pas de privation de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution ;

6. Considérant, en second lieu, que, dans le cadre d'une assignation à résidence prononcée par le ministre de l'intérieur, la personne « peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures » ; que la plage horaire maximale de l'astreinte à domicile dans le cadre de l'assignation à résidence, fixée à douze heures par jour, ne saurait être allongée sans que l'assignation à résidence soit alors regardée comme une mesure privative de liberté, dès lors soumise aux exigences de l'article 66 de la Constitution ;

Il n'existe pas de précédent ou de référence, ni dans la jurisprudence nationale ni dans celle de la cour européenne des droits de l'homme, qui tendrait à indiquer que le maintien, au-delà d'une certaine durée, d'une mesure de police administrative restreignant la liberté d'aller et venir aurait pour effet de la transformer en mesure s'apparentant à une privation de liberté. À titre d'exemple, dans un arrêt du 6 novembre 1980 43 ( * ) , la cour européenne des droits de l'homme a statué sur une mesure de surveillance spéciale d'individus dangereux pour la sécurité ou la moralité publique prévue par la législation italienne au regard du « droit à la liberté » consacré par l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Dans le cas d'espèce, la CEDH, selon laquelle « entre privation et restriction de liberté, il n'y a pourtant qu'une différence de degré ou d'intensité, non de nature ou d'essence », a considéré que la mesure de surveillance spéciale relevait de la catégorie des mesures de privation de liberté non pas uniquement au regard de sa durée d'application mais également de ses modalités d'application 44 ( * ) .

L'application d'une telle grille d'analyse permet ainsi de confirmer que la mesure d'assignation à résidence de l'article 6 de la loi de 1955, même en se prolongeant au-delà d'un certain délai, appartient bien à la catégorie des mesures restrictives de liberté compte tenu de ses modalités .

Certes, votre rapporteur ne néglige pas l'ampleur des contraintes qui peuvent s'imposer à un assigné à résidence, alors même qu'il n'existe pas d'éléments de nature à judiciariser sa situation. Il relève cependant la souplesse de la pratique du ministère de l'intérieur 45 ( * ) en matière d'aménagement des obligations de l'assignation à résidence quand de tels aménagements sont nécessaires pour répondre aux contraintes d'une activité professionnelle ou familiale.

Dans ces conditions, il considère peu appropriée la fixation d'une durée maximale d'assignation à résidence en l'absence de faits nouveaux. D'une part, il apparaît que le délai proposé de quinze mois ne répond à aucune logique spécifique en matière de sécurité ou de protection des libertés et que sa fixation présente de ce fait un caractère aléatoire. D'autre part, il convient de relever que certaines personnes ayant fait l'objet d'une assignation à résidence peuvent présenter une réelle dangerosité pour la société, comme le démontre le nombre élevé d'assignés - quatorze - qui ont été incarcérés depuis le 22 juillet dernier . Il ne semble en conséquence pas souhaitable que l'autorité administrative, qui a déjà jugé utile de renouveler ces assignations à trois reprises depuis le mois de novembre 2015, se trouve dépourvue de moyens de contrôle des personnes concernées alors même que l'état d'urgence continuerait à être applicable.

Au demeurant, votre rapporteur souligne que les arrêtés d'assignation à résidence sont placés sous le contrôle étroit de la juridiction administrative , tant en matière de référé-liberté que de recours au fond, qui doit veiller à ce que la mesure soit nécessaire, adaptée et proportionnée selon les termes de la décision précitée du Conseil constitutionnel du 22 décembre 2015.

Pour autant, il apparaît indispensable d'établir solidement les motivations d'une assignation à résidence qui se prolongerait dans le temps au regard de la menace pour la sécurité et l'ordre publics que constitue le comportement de la personne .

C'est pour ces raisons que le président Philippe Bas et votre rapporteur ont pris l'initiative de se rapprocher du président et du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale afin de leur proposer un dispositif alternatif prenant en compte les objections formulées ci-dessus et susceptible d'être adopté dès le stade de l'examen du texte par les députés afin de permettre à votre commission de proposer au Sénat un vote conforme pour faciliter une adoption rapide du texte de prorogation.

Ces échanges, menés au cours de la journée du 12 décembre, ont conduit nos collègues députés Dominique Raimbourg et Pascal Popelin à déposer, en commission, un amendement de rédaction globale de l'article 2 dont l'économie générale s'inspire des dispositions votées par le législateur dans la loi du 21 juillet 2016 pour autoriser l'exploitation de données informatiques copiées à l'occasion d'une perquisition administrative. Si ce dispositif a été adopté en commission des lois, les députés ont cependant, dans un premier temps, adopté en séance publique un amendement de Guillaume Larrivé revenant au texte du Gouvernement. À l'initiative du président Dominique Raimbourg, l'Assemblée nationale a cependant rétabli le texte de la commission, sous réserve d'une précision, à l'occasion d'une seconde délibération.

Ce dispositif prévoit tout d'abord d'inscrire à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 la règle dégagée par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 22 décembre 2015 en vertu de laquelle les mesures d'assignation à résidence ne peuvent être prolongées sans être renouvelées si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi 46 ( * ) .

Puis, le texte voté par les députés fixe le principe d'une limitation d'une durée maximale équivalant à douze mois de la durée d'assignation à résidence d'une même personne, sans préciser qu'il s'agit d'une durée consécutive . Il en résulte que, contrairement à la version qui avait été proposée par le Conseil d'État et aménagée ensuite par le Gouvernement, cette durée de douze mois serait appréciée, non plus de manière consécutive, mais sur l'ensemble d'un état d'urgence donné depuis sa déclaration initiale par l'exécutif jusqu'à la fin de sa dernière période de prorogation. Il en résulte qu'une personne assignée à résidence pendant une période de six mois, dont l'assignation serait ensuite abrogée pour cause d'incarcération, ne pourrait faire l'objet d'une nouvelle assignation que d'une durée maximale de six mois dans le cadre du même état d'urgence.

Toutefois, conformément au souhait formulé par le Président Philippe Bas et votre rapporteur, le ministre de l'intérieur aurait la possibilité de prolonger cette assignation au-delà de cette durée de douze mois avec l'autorisation du juge des référés du Conseil d'État . La demande du ministre devrait être adressée au juge au plus tôt quinze jours avant l'échéance des douze mois. Le juge des référés, statuant dans les formes prévues au livre V du code de justice administrative relatif aux différents référés devant la juridiction administrative, serait tenu de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine au vu des éléments produits par l'autorité administrative faisant apparaître les raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne continue à constituer une menace pour la sécurité et l'ordre publics . La prolongation autorisée par le juge des référés ne pourrait excéder une durée de trois mois, l'autorité administrative pouvant cependant, à tout moment, mettre fin à l'assignation ou diminuer les obligations qui en découlent. À l'issue de cette prolongation ou à la fin d'une période de l'état d'urgence, le ministre de l'intérieur pourrait, dans les mêmes conditions, saisir le juge des référés du Conseil d'État pour obtenir une nouvelle autorisation de prolongation de l'assignation à résidence.

Ce dispositif, s'il prévoit que le juge des référés compétent, celui du Conseil d'État, statue en premier et dernier ressort, ce qui a pour effet d'exclure la possibilité d'un appel, permet cependant à l'intéressé de former un recours pour excès de pouvoir de la décision de renouvellement. Rien ne lui interdirait au demeurant, après notification de son arrêté de prolongation, de saisir à nouveau le juge des référés du Conseil d'État d'un « référé-liberté » 47 ( * ) , par exemple s'il souhaitait faire valoir des éléments nouveaux.

Enfin, l'article 2 voté par l'Assemblée nationale comprend un dispositif transitoire pour permettre le renouvellement des actuelles assignations ayant une durée supérieure à douze mois à la date d'entrée en vigueur du présent texte de prorogation dans les conditions actuellement prévues par l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, c'est-à-dire sans recours à l'autorisation du juge des référés du Conseil d'État. Dans un délai de 90 jours à compter de l'entrée en vigueur du présent texte de prorogation, ce dispositif permet au ministre de l'intérieur de renouveler l'assignation, pour une durée de 90 jours maximum, dès lors que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. À l'issue de ce renouvellement de l'assignation pour 90 jours, le ministre devrait suivre la nouvelle procédure d'autorisation préalable devant le juge des référés du Conseil d'État.

En pratique, ce dispositif permet à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur de renouveler, avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi, les arrêtés d'assignation à résidence qu'elle jugerait pertinents dans les conditions actuelles et lui laisse un délai de trois mois pour se préparer à la nouvelle procédure devant le juge des référés du Conseil d'État.

Tout en admettant la lourdeur de la procédure prévue par l'article 2 dans sa nouvelle rédaction, votre rapporteur l'estime néanmoins préférable au principe d'une limitation de la durée globale d'assignation à résidence, quelle qu'en soit l'ampleur, en l'absence d'éléments nouveaux que l'autorité administrative ne sera que très rarement en mesure d'apporter.

Dans ces conditions, votre rapporteur considère que le dispositif retenu par les députés répond aux objections formulées à l'encontre du texte présenté par le Gouvernement.

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 2 bis (art. 15 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence) Application outre-mer des modifications apportées au régime juridique de l'état d'urgence

L'insertion de l'article 2 bis dans le texte du projet de loi résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale, en séance, d'un amendement présenté par le rapporteur de la commission des lois. Le dispositif de cet article a pour objet d'assurer l'application dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative (îles Wallis et Futuna, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises) des modifications apportées par l'article 2 du projet de loi au régime juridique des assignations à résidence prévu à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955. À cet effet, le « compteur outre-mer » 48 ( * ) , existant à l'article 15 de la loi du 3 avril 1955, a été actualisé.

Votre commission a adopté l'article 2 bis sans modification .

Article 3 Dérogation à l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955

Afin de favoriser le maintien sans discontinuité de l'application de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017, il est indispensable de prévoir une disposition transitoire permettant de déroger à l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 en vertu duquel la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale.

En raison de l'élection d'un nouveau Président de la République le 7 mai 2017, le Gouvernement sera amené à présenter sa démission dans les jours suivant le second tour de l'élection présidentielle, selon une pratique bien établie 49 ( * ) . Il est généralement également de tradition que le Gouvernement nommé par le Président de la République immédiatement après son élection présente sa démission après le second tour des élections législatives 50 ( * ) .

Par conséquent, sans modifier le principe fixé à l'article 4 de la loi du 3 avril 1955, l'article 3 du présent projet de loi porte une dérogation audit article 4, limitée à la période de prorogation prévue par l'article 1 er du projet de loi, c'est-à-dire jusqu'au 15 juillet 2017. Cette dérogation serait ainsi limitée, pour cette période, à la seule démission du Gouvernement consécutive à l'élection du Président de la République ou à celle des députés à l'Assemblée nationale. Il en résulte ainsi que l'article 4 demeurerait applicable dans le cas, hautement improbable, où le Président de la République déciderait de dissoudre l'Assemblée nationale d'ici au 7 mai 2017 ou si le Gouvernement remettait sa démission pour une toute autre cause que l'élection présidentielle ou les élections législatives.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

(MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2016)

M. Michel Mercier , rapporteur . - Il nous est demandé, pour la cinquième fois en treize mois, de proroger l'état d'urgence, instauré par décret en conseil des ministres après les attentats de Paris et de Saint-Denis du 13 novembre 2015. Cette demande, qui aurait normalement dû intervenir au mois de janvier prochain, résulte de l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, qui précise que « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale ». Réuni samedi 10 décembre dernier, le nouveau Gouvernement a donc adopté un projet de loi prorogeant l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017.

La procédure n'appelle pas de remarques particulières, si ce n'est que la durée retenue tient compte des deux démissions de gouvernements qui interviendront après les élections présidentielle et législatives au printemps prochain. Le bilan d'étape sur l'application de l'état d'urgence que nous avions prévu de présenter aujourd'hui est reporté à la rentrée. Le projet de loi, qui nous est transmis, a été adopté la nuit dernière par l'Assemblée nationale.

Au-delà des prorogations successives de l'état d'urgence, le vote de la loi du 21 juillet dernier, qui constitue une loi antiterroriste à part entière, nous a dotés d'un droit complet du terrorisme, de l'enquête préliminaire à l'exécution des peines, qui est dérogatoire au droit commun mais appliqué par les juridictions de droit commun. Je suis particulièrement attaché à cette organisation, qui réclame cependant une légère modification des règles relatives à la cour d'assises spécialement constituée pour juger des crimes terroristes.

L'état d'urgence consiste à donner des pouvoirs supplémentaires à l'autorité administrative pour renforcer l'efficacité de son action. Cette efficacité s'exprime à travers trois mesures : les perquisitions administratives, les assignations à résidence ainsi que les autorisations de contrôles d'identité, de fouilles de bagages et de véhicules.

70 % des contrôles d'identité et des fouilles ordonnés dans le cadre de l'état d'urgence l'ont été dans quatre départements. Nous avons pu, au cours de nos visites à Lille et à Nice, constater l'utilité des contrôles d'identité dont l'efficacité est renforcée par la bonne entente entre le préfet et l'autorité judiciaire. À Nice, préfet et procureur se rencontrent dans le cadre de deux réunions hebdomadaires. À Paris, le procureur de la République décide des contrôles d'identité, le préfet de police n'ayant pas besoin de faire usage de cette prérogative. En Seine-et-Marne, où de nombreux contrôles ont été ordonnés, la situation est légèrement différente : parce que le département compte trois tribunaux de grande instance, la coordination est plus difficile à effectuer, le préfet décide donc directement des contrôles d'identité. La Saône-et-Loire, que nous visiterons à la rentrée, présente d'autres particularités.

Deuxième mesure, les perquisitions, qui vont souvent de pair avec les assignations à résidence : il nous a été expliqué qu'avant de prendre une mesure d'assignation à résidence, une perquisition était ordonnée pour visualiser le cadre dans lequel évoluait la personne visée.

Depuis le 22 juillet 2016, 590 perquisitions ont été conduites, dont 65 ont donné lieu à des suites judiciaires - 25 pour une infraction à caractère terroriste. Le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions autorisant l'exploitation des documents informatiques saisis lors des perquisitions ; la loi du 21 juillet 2016 donne à l'autorité administrative la possibilité de demander au juge des référés l'autorisation d'exploiter ces données. Saisi à 91 reprises, le juge des référés a délivré 81 autorisations et en a refusé 6, 4 dossiers étant en cours d'instruction. Cinq refus ont fait l'objet d'un recours auprès du Conseil d'État, dont un seul a prospéré. Comme dans le cadre de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, le juge administratif, on le voit, peut être amené à concourir à l'action de l'autorité administrative.

Enfin, 91 assignations à résidence restent en vigueur à ce jour ; 37, soit 41 %, le sont depuis plus d'un an ; 10 depuis six à douze mois, et 44 depuis moins de six mois. 33 assignations ont été décidées depuis le 22 juillet, ce qui marque une accélération. Cinq des personnes concernées font l'objet d'un dossier en vue d'une mesure d'éloignement, quatre d'une mesure de gel des avoirs. Enfin, 34 font l'objet d'une mesure d'interdiction de sortie du territoire et 13 dossiers sont à l'étude.

D'autres mesures prévues dans le cadre de l'état d'urgence sont peu utilisées : depuis le 22 juillet, quatre lieux de culte ont été fermés, vingt zones de protection ont été créées, cinq décisions de remise d'armes ont été prononcées, et enfin 26 décisions préfectorales d'interdiction de cortèges, défilés et rassemblement ont été prises, principalement dans le cadre de la gestion de la manifestation « Nuit debout ».

La situation justifie-t-elle la prorogation de l'état d'urgence ? Au-delà des opinions et des interprétations, un constat s'impose : la menace terroriste reste très élevée. Seize projets d'attentat ont été déjoués cette année, contre douze entre 2013 et 2015.

La menace a également changé de nature : les auteurs potentiels se sont radicalisés sur notre territoire et obéissent à des ordres délivrés par Daech, principalement par des moyens informatiques. Seule une des personnes arrêtées à la suite des attentats déjoués en 2016 revenait du théâtre de guerre syro-irakien.

Enfin, nous entrons dans une période électorale, particulièrement propice aux attentats pour ceux qui veulent remettre en cause notre façon de vivre.

Par conséquent, les conditions définies par la loi du 3 avril 1955 sont réunies, comme le Conseil d'État l'a souligné dans son avis rendu jeudi 8 décembre. Je suis donc favorable à la prorogation de l'état d'urgence, qui ne constitue pas une atteinte disproportionnée aux droits garantis par la Constitution.

Le Conseil d'État a cependant soulevé deux objections, exprimées par son vice-président dans une récente interview au Monde : l'état d'urgence ne saurait être permanent, et il convient d'envisager les modalités de la sortie : l'assignation à résidence ne peut s'étendre au-delà de douze mois.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a par conséquent demandé l'ajout d'un article supplémentaire interdisant la durée des assignations à résidence au-delà de douze mois, sauf survenue d'éléments nouveaux.

Cette référence à des éléments nouveaux pose une vraie difficulté car il est très improbable d'en recueillir pour une personne faisant l'objet d'une surveillance étroite et astreinte à pointer au commissariat trois fois par jour... Les services du ministère de l'intérieur ont identifié une seule personne dans ce cas sur les 37 assignées à résidence depuis plus d'un an. L'assignation à résidence consiste justement à suivre certaines individus dont la dangerosité est avérée, mais sans disposer d'éléments autorisant une judiciarisation.

Le seul véritable enjeu du texte voté par l'Assemblée nationale a trait aux assignations à résidence, le principe de la prorogation étant partagé à une large majorité. Si l'on ne veut pas des assignations à résidence, proroger l'état d'urgence, qui donne à l'administration des pouvoirs qu'elle n'a pas en temps normal, n'est pas la meilleure solution. D'après la loi, seul le ministre de l'intérieur est compétent en matière d'assignations. En les limitant à l'excès, on risque de priver l'état d'urgence de ses effets utiles.

Le président de la commission et moi-même avons participé aux discussions entre le Gouvernement, la commission des lois de l'Assemblée nationale et le vice-président du Conseil d'État ; par conséquent, nous ne sommes pas étrangers à l'économie générale du texte qui vous est soumis. L'idée directrice consiste à imposer une limite de douze mois aux assignations à résidence ; mais avant l'expiration du délai, le ministre de l'intérieur peut saisir le juge administratif des référés du Conseil d'État d'une demande de prolongation pour trois mois, renouvelable. C'est la position retenue par l'Assemblée nationale après des débats parfois délicats.

D'éventuelles corrections pourront être apportées dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la sécurité publique prévu pour janvier, notamment sur l'organisation du double degré de juridiction. Rappelons néanmoins que l'assignation à résidence étant une mesure non réglementaire mais individuelle, l'arrêté du ministre peut relever du juge des référés du tribunal administratif, et en appel du Conseil d'État.

Le texte voté par l'Assemblée nationale correspondant à la position que nous avons exprimée lors de nos discussions préparatoires, je vous propose de l'adopter conforme en vue d'une entrée en vigueur le plus rapidement possible.

M. Alain Richard . - Je suis en plein accord avec les propositions et les réflexions du rapporteur, avec qui nous avons établi, au fil des mois, une relation de confiance. À terme, il faudra bien trancher entre la fin de l'état urgence et sa prorogation.

L'état d'urgence ressemble à un Lego, dont les briques les plus utilisées sont les perquisitions administratives et les assignations à résidence. Les premières permettent de déceler des éléments d'incrimination chez un individu qui n'y est pas préparé ; c'est pourquoi elles sont naturellement en baisse tendancielle, ceux qui sont ciblés étant de plus en plus conscients du danger. Néanmoins, depuis deux ans, le renseignement intérieur a perfectionné ses investigations pour mettre au jour de nouveaux éléments, notamment dans le deuxième cercle - celui des comparses et des fournisseurs logistiques. Par son rôle de soutien aux activités de renseignement, la perquisition administrative reste par conséquent un outil nécessaire.

Les assignations à résidence sont un moyen de fixer un individu dans une zone déterminée et de repérer l'essentiel de ses allées et venues, allégeant ainsi la charge de surveillance du renseignement intérieur. À ce titre, elles sont un outil nécessaire à la bonne répartition des moyens du renseignement.

L'état d'urgence n'a d'exceptionnel que ces deux procédures : à la différence de l'état de siège, il ne suspend pas le fonctionnement normal des services publics. Si, en prévision de l'échéance de juillet, nous souhaitons y mettre fin, il convient de trouver des bases légales pour la poursuite de l'utilisation de ces deux outils opérationnels au service des investigations antiterroristes.

Pour conclure, le groupe socialiste et républicain approuve sans réserve le projet de loi.

M. Pierre-Yves Collombat . - Bien que l'estimation du nombre d'attentats déjoués soit aussi difficile que celle du taux de chômage, la menace terroriste est évidente. Le problème est ailleurs : faut-il des moyens d'exception pour y faire face ? L'état d'urgence sert aussi à lutter contre la délinquance, à assurer l'ordre public. Au vu de la permanence de la menace, soit le dispositif républicain de lutte contre le terrorisme est suffisant - et dans ce cas pourquoi maintenir l'état d'urgence ? - soit il ne l'est pas, et il convient de le réviser. Une urgence qui dure deux ans est-elle encore une urgence ? Y a-t-il un problème que seule l'action administrative peut régler ?

En l'état du texte, je ne suivrai pas le rapporteur. C'est une solution de facilité. Vous reconnaissez que dans les départements où l'entente entre le procureur de la République et le préfet est bonne, il n'y a pas besoin de moyens nouveaux. Proroger l'état d'urgence pour faciliter les liens entre l'administration et la justice, c'est un peu court !

M. René Vandierendonck . - Concernant la matérialité de l'urgence, souvenons-nous que l'état d'urgence, lors de la guerre d'Algérie, a duré 18 mois...

M. Pierre-Yves Collombat . - Pas pour les mêmes raisons !

M. René Vandierendonck . - Je n'ai pas d'objections sur la question de la durée. En revanche, je note que notre commission a, à bon droit et avec une très large majorité, estimé à plusieurs occasions qu'il convenait de renforcer les dispositions du droit commun en matière de lutte antiterroriste. Si ce droit commun est efficacement renforcé, la question du terme de l'état d'urgence se posera. Sinon, notre commission se trouvera en pleine contradiction.

Je voterai ce texte sans être dupe de l'artifice, et un peu gêné des compromis à accepter pour obtenir des résultats dans les délais impartis.

Mme Éliane Assassi . - Sans surprise, notre groupe ne votera pas ce texte. On nous dit que la menace terroriste est toujours élevée - c'est, malheureusement, une réalité - mais aussi que des arrestations ont été effectuées et des réseaux démantelés grâce à l'état d'urgence - ce que rien ne prouve. Trop d'état d'urgence banalise l'état d'urgence ; il convient d'aller plus loin qu'un simple examen de la prorogation. Nous aurons probablement à proroger encore l'état d'urgence à la rentrée, la menace n'ayant pas diminué. Le comité de suivi que nous avions mis en place, qui rencontrait régulièrement les représentants de l'administration place Beauvau et à Matignon, mériterait d'être réactivé.

M. Alain Marc . - Rapporteur budgétaire de la mission « Sécurités », j'ai appris, lors de mes auditions, qu'aux termes de l'article 78-2-4 du code de procédure pénale, modifié par la loi du 3 juin 2016, les gendarmes et policiers ne pouvaient fouiller les véhicules que sur réquisition du procureur de la République délivrée 24 heures avant. Ils sont, de plus, contraints de préciser le lieu de la fouille : si elle se déroule à cent mètres des lieux visés par l'autorisation, la procédure entière peut être annulée. Cela n'est pas suffisant dans le cadre de l'état d'urgence, qui réclame une forte réactivité. Il convient d'introduire dans le droit commun la possibilité de pratiquer des fouilles de véhicules sans avoir à en référer préalablement à l'autorité judiciaire.

M. François Grosdidier . - Ce n'est pas l'état d'urgence qui se banalise, c'est le terrorisme. Nous vivons désormais sous une menace terroriste que nous avions crue limitée dans le temps, mais qui se prolonge. S'il est un parallèle pertinent avec la guerre d'Algérie, c'est que celle-ci n'a été reconnue comme une guerre que plusieurs décennies après. Elle était menée hors du cadre conventionnel qui régit normalement les guerres, et dans des conditions de dérogations exorbitantes au droit commun.

Nous sommes confrontés à une organisation barbare, sans existence juridique, qui pratique la guerre totale, utilisant les enfants - y compris les nôtres - comme armes en les recrutant sur la toile. Nous sommes désemparés. L'état d'urgence nous fournit des outils précieux que nous serons probablement amenés à utiliser durant plusieurs années.

La proposition de loi de Philippe Bas, si elle avait été adoptée, aurait renforcé l'efficacité du droit commun. Nous serons probablement contraints de sortir de l'état d'urgence avant la fin de la guerre contre le terrorisme ; il convient par conséquent que la prochaine législature soit mise à profit pour adapter l'arsenal législatif à cette guerre. Penser que nous serons plus efficaces avec moins d'outils que dans le cadre de l'état d'urgence, c'est irresponsable. Même avec l'état d'urgence, les outils sont insuffisants. Dans l'immédiat, il convient néanmoins de le prolonger.

M. François Bonhomme . - Dix-sept attentats ont été déjoués et 420 individus en lien avec des projets terroristes interpellés. Dans une lettre ouverte aux parlementaires, la Ligue des droits de l'homme met en cause les liens entre ces résultats et l'état d'urgence ; mais la question de sa prorogation doit être envisagée sous l'angle du péril terroriste - un péril dont les données fournies par le ministère de l'intérieur attestent la réalité.

J'observe que la Ligue des droits de l'homme, qui se prétend gardienne des libertés, a quelque peu mis en sourdine ses critiques sur un soi-disant « État policier », alors que l'état d'urgence se limite aux deux mesures que sont les perquisitions administratives et les assignations à résidence.

Autre argument avancé par la Ligue, les services publics de la sécurité se plaindraient de la sur-mobilisation du personnel. Il ne faut pas tout confondre : cette mobilisation est liée à la persistance d'un risque qui justifie le maintien de l'état d'urgence.

Enfin, l'état d'urgence, dit la Ligue, « nourrit tous les amalgames et les tensions qui les accompagnent et alimente les pratiques discriminatoires ». Il faudrait se renouveler... Le coeur de l'état d'urgence, c'est la pertinence de moyens d'exception pour répondre à une situation exceptionnelle.

M. Jean Louis Masson . - Ne pas voter la reconduction de l'état d'urgence enverrait un signal désastreux à l'opinion publique et aux terroristes eux-mêmes. Ce serait irresponsable, une prime aux terroristes ! Les pleureurs professionnels tels que la Ligue des droits de l'homme n'ont pas de leçons à nous donner.

Reste le problème de l'assignation à résidence, qui revient à mettre préventivement sous contrôle des gens auxquels on n'a rien à reprocher, sur une durée qui peut être longue. Expulsons les étrangers qui représentent un risque, mais assigner des citoyens français à résidence me gêne.

L'état d'urgence sert à la police pour arrêter des voyous, des délinquants ordinaires ? C'est un effet induit bénéfique dont on ne va pas se plaindre. De manière générale, les moyens à disposition de la police sont insuffisants. Dans mon département, faute de pouvoir fouiller eux-mêmes les véhicules, les gendarmes font appel aux douaniers ! Le Gouvernement a fini par reconnaître les carences - que je dénonce depuis longtemps - en matière de légitime défense des policiers mais le projet de loi qui les autorise à faire usage de leur arme de service risque de ne pas être voté définitivement avant la fin de la législature, puisqu'on retarde sciemment son passage en conseil des ministres. Or cette mesure serait un bon complément à la prolongation de l'état d'urgence.

Mme Esther Benbassa . - Pourquoi n'utilise-t-on pas la loi du 3 juin dernier, qui reprenait plusieurs dispositions relevant de l'état d'urgence ? Plus on banalise l'état d'urgence, moins on appréhende ses conséquences. Je viens de passer trois jours en Turquie, auprès des opposants : l'état d'urgence y est utilisé à des fins de répression, la garde à vue peut durer trente jours... La France est un État démocratique aujourd'hui, mais le sera-t-elle demain ? Nous avons des dispositifs de droit commun, pourquoi prolonger l'état d'urgence ? Pendant la guerre d'Algérie, l'état d'exception a duré trois ans ! Va-t-on continuer à ce rythme ?

M. Jacques Bigot . - Face au terrorisme qui menace la République et la démocratie, comment protéger nos concitoyens tout en respectant l'État de droit ? Je n'ai pas trouvé dans le rapport d'éléments suffisants pour dire en quoi le droit commun, modifié par la loi du 3 juin, ne permettrait pas cette protection. On ne peut se contenter d'invoquer la valeur symbolique de l'état d'urgence : il faut qu'il soit utile !

La répartition des compétences entre autorité administrative et autorité judiciaire est claire : c'est le procureur de la République qui prend la décision, en accord avec le préfet. Les difficultés en Seine-et-Marne tiennent à la carte judiciaire. Au passage, il est curieux de prévoir que le juge des référés du Conseil d'État se prononce sur la prolongation de l'assignation à résidence, alors que l'on donne de nouveaux pouvoirs de contrôle au juge des libertés et de la détention (JLD)... Il faudra trancher entre le rôle respectif du juge administratif et du JLD.

On doit avoir un débat, dans le cadre du contrôle de l'état d'urgence, sur la nécessité de ces mesures spécifiques alors que des modifications, largement consensuelles, ont été apportées au droit commun. Aujourd'hui, le débat étant précipité par la démission du Gouvernement, nous n'avons pas encore ce rapport. Je l'attends avec impatience, tout en me ralliant à cette prolongation, car l'affaiblissement de l'État de droit nuirait à la démocratie.

M. Philippe Bas , président . - La loi du 3 juin 2016 offre des moyens d'action essentiellement pour le procureur et le juge d'instruction. Aucun ne recoupe les pouvoirs que l'autorité administrative tire de l'application de l'état d'urgence pour les assignations à résidence, les perquisitions administratives, les fouilles de véhicules et contrôles d'identité ou l'interdiction de manifestations sur la voie publique. Les sujets sont de nature différente : police administrative d'une part, pouvoirs du parquet et du juge d'instruction de l'autre.

Alain Richard a posé la question essentielle : celle des dispositions permanentes de police administrative permettant au préfet et au ministre de l'intérieur de prendre, hors état d'urgence, des mesures du même type que celles permises par l'état d'urgence. La loi du 3 juin 2016, si elle étend les moyens d'action du parquet et du juge d'instruction, n'y répond pas.

M. André Reichardt . - Je voterai ce texte, bien sûr. Les attentats déjoués mettaient en cause des individus de nationalité française ou résidant en France, a dit le rapporteur. J'ai toujours considéré, à tort ou à raison, que l'état d'urgence visait à protéger les Français contre des agressions extérieures. Ce n'est manifestement pas le cas. N'y a-t-il pas lieu de répondre à ces préoccupations dans le droit commun ? De reconsidérer de façon globale les moyens de lutte contre la radicalisation ?

Les actions de prévention ne sont pas à la hauteur du défi. Nous venons, avec Nathalie Goulet, de déposer une proposition de loi pour mieux encadrer et évaluer le travail de prévention de la radicalisation. Il faut prolonger l'état d'urgence mais aussi mener une action de long terme, faire le ménage chez nous, réfléchir de façon globale aux moyens de remettre ces gens sur le droit chemin et surtout de les empêcher d'emprunter le mauvais !

M. Philippe Bas , président . - C'est un point essentiel, en effet.

M. Jean-Yves Leconte . - L'état d'urgence ne recouvre pas la même chose en France ou en Turquie, c'est certain. Mais attention à ne pas s'en servir comme un slogan, qui donnerait l'impression d'être en sécurité... Il est important que le droit commun soit à la hauteur de la menace. En France, l'état d'urgence est encadré, il fait l'objet d'un contrôle constitutionnel et d'un suivi parlementaire ; ce n'est pas le cas en Turquie.

En mai, le rapporteur nous disait que les perquisitions administratives n'avaient plus guère d'utilité. Aujourd'hui, on les réintègre. Ces perquisitions sont-elles réellement utiles, ou offrent-elles simplement une facilité appréciable ? Qui dit que les suites judiciaires qu'elles ont permises n'auraient pas été possibles autrement ?

À chaque fois que l'on prolonge l'état d'urgence, on allonge la durée potentielle des assignations à résidence... L'Assemblée nationale a trouvé un bon équilibre.

J'attire enfin votre attention sur un point : parce que le Gouvernement a démissionné, nous nous retrouvons à reconduire l'état d'urgence dans la précipitation. Dès lors que, selon le Conseil d'État, le Gouvernement peut mettre fin à l'état d'urgence à tout moment, je ne vois aucune raison à ce que la démission du Gouvernement entraîne la fin de l'état d'urgence, sauf en cas de dissolution. J'avais déposé un amendement sur ce point particulier, mais je le retire pour ne pas remettre en cause le vote conforme.

M. Alain Richard . - La liberté individuelle que l'État de droit doit protéger comporte la protection du domicile ainsi que la liberté d'aller et venir. C'est pourquoi les perquisitions, non plus que les contrôles d'identité, ne sont des prérogatives de droit commun. La fouille du véhicule fait l'objet de limitations particulières car elle porte atteinte à ces deux composantes à la fois. Je me souviens de la controverse, conclue devant le Conseil constitutionnel, au moment de la loi « sécurité et liberté »...

Le pouvoir d'intrusion est cantonné à la poursuite d'infractions douanières. Pour l'inscrire dans le droit commun, il faudrait en restreindre la finalité à la seule prévention d'attentats. Peut-être avec cette restriction pourrait-on tenter, devant le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme, de justifier un dispositif permanent.

M. Michel Mercier , rapporteur . - Proroger l'état d'urgence présente un avantage immense : celui d'obliger le Parlement à débattre, donc à jouer pleinement son rôle. Avec la reconduction de l'état d'urgence, le Parlement peut faire le point tous les trois mois, dire ce que l'on continue, ce que l'on arrête, ce que l'on modifie. Pour sortir de l'état d'urgence, il faudrait avoir inscrit dans le droit commun les mesures qu'il rend possibles : perquisitions et, sans doute, assignations à résidence. Et donc se priver de contrôle régulier du Parlement. C'est un prix énorme à payer ! Le contrôle parlementaire sur l'état d'exception a atteint un niveau inédit. Pendant la guerre d'Algérie, les modalités d'application quotidienne de l'article 16 de la Constitution n'avaient pas soulevé beaucoup de débats au Parlement !

M. Alain Richard . - C'était une législature assez spécifique...

M. Michel Mercier , rapporteur . - Aujourd'hui, ce contrôle parlementaire existe.

Les dispositions de la loi du 3 juin 2016 sont en vigueur et sont utilisées, notamment celle sur le délit de consultation habituelle des sites djihadistes. Un bémol toutefois : la Cour de cassation vient de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel sur ce point...

Sur le terrain, les services de renseignement et de police, les préfets disent l'importance des perquisitions administratives. Si l'on inscrit une mesure aussi lourde dans le droit commun, il faudra bien l'encadrer.

Depuis le 14 novembre 2015, plus de 400 personnes différentes ont fait l'objet d'une assignation à résidence. Seules 91 d'entre elles le sont encore à l'heure actuelle. Preuve que l'autorité administrative étudie chaque cas. Seulement 37 personnes sont en assignation à résidence depuis plus d'un an. Si l'on y mettait fin au bout de douze mois et un jour, il faudrait concentrer les efforts des services de renseignement sur ces personnes...

La lutte contre le terrorisme, c'est aussi l'action quotidienne. À Nice, les autorités administratives et judiciaires ont mis en place un système d'une rare efficacité, utilisant la loi pénale et l'état d'urgence. L'état d'urgence, c'est d'abord une mobilisation de tout le monde : des services qui ne se parlaient pas travaillent désormais ensemble. Idem dans la région de Lille, avec sa frontière : on travaille ensemble, sur des dossiers concrets.

Que ce soit le préfet ou le procureur de la République qui autorise la perquisition, il faut un délai. Quand on travaille en commun, dans le respect des compétences de chacun, les choses se passent bien.

L'assignation à résidence, limitée à trois mois, existe dans le droit commun pour les personnes de retour des théâtres d'opérations de groupements terroristes.

Enfin, le contentieux du terrorisme se développe de façon exponentielle. Au cours du premier semestre 2017, quatre affaires passeront devant la cour d'assises spéciale, dont celle de la cellule Cannes-Torcy : deux mille personnes parties civiles, douze semaines de procès. L'affaire Merah, c'est au moins quatre semaines de procès. On embolise les juridictions parisiennes ! Preuve que le droit commun s'applique. L'état d'urgence vise à prévenir la commission d'attentats, le droit commun pénal, à la réprimer.

Le texte de l'Assemblée nationale est un compromis acceptable. Il faudra sans doute y apporter des corrections avec le projet de loi sur la sécurité publique qui viendra en janvier, et que le Gouvernement a tout intérêt à faire voter rapidement.

M. Philippe Bas , président . - M. Leconte ayant retiré son amendement, je constate qu'il n'y a plus d'amendement sur le texte.

Le texte du projet de loi est adopté sans modification.

Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 3
Dérogation à l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955

M. LECONTE

1

Suppression de la règle de caducité de la loi de prorogation en cas de démission du Gouvernement

Retiré

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE COMITÉ DE SUIVI DE L'ÉTAT D'URGENCE

M. Bernard Cazeneuve , ministre de l'intérieur

Préfecture de police de Paris

M. Michel Cadot, préfet de police de Paris

M. Philippe Dalbavie , conseiller juridique

Parquet du tribunal de grande instance de Paris

M. François Molins , procureur de la République

Mme Vanessa Bronstein , vice-procureur, adjointe au chef de la section terrorisme et atteintes à la sûreté de l'État

M. Nicolas Le Bris , vice-procureur

Conseil d'État

M. Bernard Stirn , président de la section du contentieux

Direction des libertés et des affaires juridiques

M. Thomas Campeaux , directeur

Mme Pascale Léglise , cheffe du service du conseil juridique et du contentieux

Direction générale de la sécurité intérieure

M. Patrick Calvar , directeur général

Direction générale de la police nationale

M. Jérôme Léonnet , responsable du service central du renseignement territorial (SCRT)

Unité de coordination de la lutte anti-terroriste

M. Loïc Garnier , directeur

M. Antonio Cruz , chef du département des mesures de police administrative

Mme Agathe Le Huynh , chef de cabinet

LISTE DES DÉPLACEMENTS
DU COMITÉ DE SUIVI DE L'ÉTAT D'URGENCE

Déplacement à Nice du 28 octobre 2016

I. - Point état d'urgence / Lutte contre la radicalisation

1. Rappel du contexte local

2. Dispositif de signalement

3. Dispositif mis en oeuvre : analyse des dossiers de radicalisation

4. Premier bilan des opérations menées dans le cadre de l'état d'urgence

5. Coordination par la préfecture

6. Bilan judiciaire

7. Point sur la thématique maintien de l'ordre

8. Point sur le dispositif Sentinelle

9. Point sur le dispositif de lutte contre l'immigration irrégulière

10. Éléments tenus à la disposition des parlementaires et information des élus

II. - Point dispositif de prévention de la radicalisation

1. Dispositif de signalements

2. Point sur les formations

3. Présentation de la cellule d'accompagnement

4. Présentation du dispositif d'accompagnement des familles

Déplacement à Lille du 15 novembre 2016

I. - Réunion de présentation de la mission (Préfet et collaborateurs)

II. - Entretien avec un représentant du parquet général de Douai

III. - Entretien avec les forces de sécurité territorialement compétentes (direction zonale de la sécurité intérieure, service départemental du renseignement territorial, direction interrégionale de la police judiciaire, groupement régional de gendarmerie, groupement départemental de gendarmerie, direction départementale de la sécurité publique, direction zonale de la police aux frontières, direction zonale des compagnies républicaines de sécurité, gouverneur militaire de Lille )

ANNEXE 1 - BILAN DE LA QUATRIÈME PROROGATION
DE L'ÉTAT D'URGENCE

ANNEXE 2 - BILAN DES MESURES DE L'ÉTAT D'URGENCE
(AU 14 DÉCEMBRE 2016)

ANNEXE 2 - BILAN DES MESURES DE L'ÉTAT D'URGENCE
(AU 14 DÉCEMBRE 2016)


* 1 À l'origine pour une durée de trois mois, les assemblées ayant en définitive jugé plus opportune une durée de six mois.

* 2 M. Manuel Valls ayant également déclaré dans une interview à la BBC diffusée le 13 novembre 2016 « il est difficile aujourd'hui de mettre fin à l'état d'urgence. D'autant plus que nous allons nous engager dans une campagne présidentielle dans quelques semaines avec des meetings, avec des réunions publiques. Donc il faut aussi protéger notre démocratie ».

* 3 Décret du 6 décembre 2016 du Président de la République relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement.

* 4 Telle est l'analyse du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Cette analyse peut s'appuyer, notamment, sur une décision du Conseil d'État du 6 janvier 1967 (n° 68737), selon laquelle le délai de trois jours francs pour convoquer le conseil municipal en vue de l'élection d'un adjoint au maire permet d'envoyer une convocation un mardi en vue d'une réunion le samedi. Une autre analyse était toutefois possible, fondée sur la distinction entre les délais exprimés en jours et les délais exprimés en jours francs, en vertu de laquelle le jour qui sert de point de départ ( dies a quo ) n'est jamais pris en compte, tandis que le jour d'échéance ( dies ad quem ) est pris en compte pour la computation des délais exprimés en jours mais non pour les délais exprimés en jours francs. Selon cette analyse, qui peut s'appuyer sur les définitions données en droit interne ( cf. par exemple, article R. 623-50 du code de la propriété intellectuelle), l'état d'urgence aurait pu s'appliquer jusqu'au jeudi 22 décembre à minuit. Dans le doute, l'analyse la plus prudente a prévalu.

* 5 Décrets n° 2015-1475 et n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 modifiant le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015.

* 6 Décrets n° 2015-1493 et n° 2015-1494 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

* 7 Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.

* 8 Loi n° 2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

* 9 Loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

* 10 L'exécutif a fait application du deuxième alinéa de l'article 1 er du code civil qui prévoit, par dérogation au premier alinéa, qu'en cas d'urgence le décret de promulgation d'une loi peut prévoir son entrée en vigueur dès le jour de sa publication (et non le lendemain).

* 11 Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

* 12 La loi du 20 mai 2016 n'avait pas donné aux préfets la possibilité d'ordonner des perquisitions administratives pendant la troisième phase de l'état d'urgence.

* 13 Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 - Ligue des droits de l'homme.

* 14 Voir communiqué de presse du 15 juin 2016, consultable à cette adresse :

http://www.senat.fr/presse/cp20160615.html

* 15 Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

* 16 Prévue à l'article L. 851-2 du code de la sécurité intérieure.

* 17 Voir annexe 2, p. 61.

* 18 Une mesure en Guadeloupe, deux mesures en Guyane et deux à La Réunion.

* 19 Décision n° 2016-536 QPC précitée.

* 20 Décision n° 2016-600 QPC du 2 décembre 2016 - M. Raïme A.

* 21 Voir liste des personnes entendues et des déplacements effectués par le comité de suivi, pages 55 et 57.

* 22 Défini à l'article 421-2-5-2 du code pénal.

* 23 Ce délit fait actuellement l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation le 7 décembre 2016.

* 24 Le total des indemnisations accordées s'élevant à 46 241,67 euros

* 25 Avis n° 398234 du 6 juillet 2016.

* 26 Cette analyse s'appuie sur les arrêtés d'abrogation qui précisent les motifs de l'incarcération, ce qui n'est pas toujours le cas.

* 27 Le Monde - 18 novembre 2016.

* 28 En application de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure.

* 29 Le juge des référés du Conseil d'État a rejeté la demande de suspension formulée par l'association islamique Malik Ibn Anas, qui assure la gestion de cette salle (ordonnance n° 405476 du 6 décembre 2016).

* 30 Décret du 6 décembre 2016 du Président de la République relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement.

* 31 Certains auteurs de ces attentats se sont mélangés aux flux de réfugiés venant de la zone syrienne.

* 32 Ce chiffre de 19 procédures devant être rapporté aux 221 procédures ouvertes par la section depuis le 14 novembre 2015 sur le fondement d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste en lien avec le contentieux irako-syrien.

* 33 Ce dont votre rapporteur doute pour cette deuxième catégorie de mesures, peu utilisée, et qui n'a pas concerné des individus en lien avec des filières terroristes d'inspiration djihadiste.

* 34 Voir la déclaration de M. Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'intérieur, le 21 novembre dernier à la suite du démantèlement d'une cellule qui planifiait des attentats de grande envergure sur le territoire national, consultable à l'adresse suivante :

http://www.interieur.gouv.fr/fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Operation-anti-terroriste-conduite-par-la-DGSI-a-Strasbourg-et-Marseille

* 35 Article qui dispose que « la loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale ».

* 36 Décret du 6 décembre 2016 du Président de la République relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement.

* 37 Décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015.

* 38 Sur le territoire des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

* 39 Décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015.

* 40 Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 précitée et loi n° 2016-162 du 19 février 2016 précitée.

* 41 Loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 précitée.

* 42 Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 précitée.

* 43 CEDH (Cour plénière), Guzzardi c. Italie, n° 7367/76, 6 novembre 1980.

* 44 Voir point 92 de l'arrêt : « Pour déterminer si un individu se trouve "privé de sa liberté" au sens de l'article 5 (art. 5), il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités d'exécution de la mesure considérée ».

* 45 Si l'on se réfère aux 37 décisions d'aménagement accordées aux assignés à résidence depuis le 22 juillet 2016.

* 46 Voir point 13 de la décision n° 2015-527 QPC.

* 47 Article L. 521-2 du code de justice administrative.

* 48 La technique du « compteur » consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.

* 49 Le Gouvernement a démissionné le 10 mai après les élections présidentielles de 2012, le 15 mai après les élections présidentielles de 2007 ou encore le 6 mai après les élections présidentielles de 2002.

* 50 En 2012, le Gouvernement nommé par le Président de la République nouvellement élu le 15 mai a présenté sa démission le 18 juin, au lendemain du deuxième tour des élections législatives. Il en fut de même en 2007 avec la démission, le 18 juin également, du Gouvernement nommé le 15 mai.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page