CHAPITRE VI - REDRESSER LA JUSTICE PÉNALE

Section 1 - Adapter et simplifier la procédure d'appel et de cassation en matière pénale
Article 23 (supprimé) (art. 546 du code de procédure pénale) - Extension du droit d'appel en matière contraventionnelle

L'article 23 de la proposition de loi vise à étendre le droit d'appel à l'ensemble des jugements des tribunaux de police, qui sont compétents pour le jugement des contraventions 39 ( * ) . Il traduit ainsi la proposition n° 83 du rapport d'information précité.

• Les limites du droit d'appel des jugements de police

Actuellement, les possibilités d'appel en matière contraventionnelle sont limitées.

En application de l'article 546 du code de procédure pénale, la recevabilité de l'appel est soumise à des conditions tenant à la condamnation effectivement prononcée ou à la peine encourue .

L'appel peut être formé, par le prévenu, la personne civilement responsable, le procureur de la République, le procureur général ou l'officier du ministère public près le tribunal de police, à l'encontre :

- des jugements de condamnation à une peine d'amende supérieure à 150 euros 40 ( * ) : qu'il s'agisse d'une contravention de troisième ou de quatrième classe ou de plusieurs contraventions de classe inférieure dont le montant cumulé excède 150 euros 41 ( * ) ;

- des jugements de condamnation ou de relaxe lorsque la peine encourue est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe 42 ( * ) ;

- des jugements ayant condamné à des réparations civiles 43 ( * ) ;

- et des jugements ayant prononcé une peine de suspension du permis de conduire prévue par l'article 131-16 du code pénal.

Concernant les jugements qui ne peuvent faire l'objet d'un appel, ils sont prononcés en dernier ressort par le tribunal de police et peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Montant des amendes contraventionnelles

Nature de la contravention

Montant maximal de l'amende pénale

Montant de l'amende forfaitaire

Contravention de première classe

38 euros

11/17 euros

Contravention de deuxième classe

150 euros

35 euros

Contravention de troisième classe

450 euros

68 euros

Contravention de quatrième classe

750 euros

135 euros

Contravention de cinquième classe

1 500 euros, ou 3 000 euros en cas de récidive

Non applicable

Source : articles 131-13 du code pénal et R. 49 du code de procédure pénale

L'appel suspend l'exécution du jugement 44 ( * ) , sauf en ce qui concerne la provision allouée à la partie civile ou le renvoi sur intérêts civils.

Pour l'appel des contraventions de police, la cour d'appel est composée du seul président de la chambre des appels correctionnels siégeant à juge unique 45 ( * ) .

Les voies de recours en matière pénale

En matière pénale, il existe des voies de recours ordinaires - opposition, appel - et des voies de recours extraordinaires - pourvoi en cassation, pourvoi en révision.

Parmi les voies de recours, on distingue les voies de rétractation des voies de réformation . L'opposition, recevable contre les décisions rendues par défaut, est une voie de rétractation qui renvoie une affaire jugée devant la même juridiction. L'appel , le pourvoi en cassation ou le pourvoi en révision sont des voies de réformation qui soumettent l'affaire à l'examen d'une juridiction supérieure.

Sauf exception, les voies de recours ont un effet suspensif qui fait obstacle à l'exécution d'une décision dépourvue de l'autorité de la chose jugée.

• Le pourvoi en cassation, une voie de recours excessivement utilisée en raison d'un droit d'appel limité

Si la faculté d'appel est limitée en matière contraventionnelle, la faculté de se pourvoir en cassation pour violation de la loi est toujours ouverte.

En application de l'article 567 du code de procédure pénale, les jugements de police rendus en dernier ressort peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation formé par le ministère public ou par la partie à laquelle il est fait grief.

Comme le relevait le rapport d'information, « l'absence de voie de recours en appel de certaines contraventions de police incite à de nombreux pourvois en cassation en raison d'erreurs procédurales de certaines juridictions de proximité ».

Entre 2010 et 2016, en matière de police, ont été observés à la fois un nombre non négligeable de pourvois recevables et des taux de cassation élevés 46 ( * ) : en 2013, la Cour de cassation a ainsi statué sur 125 pourvois en matière de police et prononcé une cassation dans 75,20 % des affaires.

Nombre de pourvois

Nombre de pourvois 2

Nombre de décisions de cassation
avec ou sans renvoi

Taux de cassation 2

2010

448

193

128

66,32%

2011

497

135

79

58,52%

2012

486

184

120

65,22%

2013

633

125

94

75,20%

2014

549

118

72

61,02%

2015

359

83

57

68,67%

2016

391

118

85

72,03%

2017 47 ( * )

104

15

9

60 %

Source : commission des lois du Sénat à partir de données communiquées par la Cour de cassation

Le rapport d'information estimait qu'il ne semblait pas « nécessaire d'encombrer la Cour de cassation avec des pourvois concernant des violations manifestes de la loi, en particulier pour des contentieux de masse concernant souvent le code de la route ».

• L'extension du droit d'appel à l'ensemble des contraventions afin de rationaliser les pourvois en cassation

Afin d'éviter des pourvois en cassation fondés sur des violations manifestes de la loi qui auraient pu être évitées par un double degré de juridiction, l'article 23 de la proposition de loi vise à étendre le droit d'appel à l'ensemble des jugements des tribunaux de police.

Cette disposition contribuerait à une meilleure lisibilité de l'architecture des recours en ne faisant plus dépendre la faculté d'appel de la réalisation d'un calcul, parfois complexe, en cas de condamnation à des contraventions de première, deuxième, troisième ou quatrième classe.

Néanmoins, le nombre de pourvois en matière de police semble en nette diminution pour l'année en cours : seulement 15 pourvois recevables au 9 octobre 2017 contre 118 en 2016. Dès lors, la charge pour la Cour de cassation apparaît plus limitée qu'auparavant.

Surtout, plusieurs magistrats entendus par vos rapporteurs ont estimé que cette disposition était de nature à encombrer les juridictions d'appel et à encourager des recours dilatoires , notamment en matière routière en cas de perte de points du permis de conduire en raison de l'effet suspensif des voies de recours.

Or le stock des affaires en attente de jugement par les cours d'appel reste actuellement très élevé.

Ce risque semble être confirmé par les données statistiques communiquées par la chancellerie sur le nombre de contraventions pouvant d'ores et déjà, au regard des critères posés à l'article 546 du code de procédure pénale, faire l'objet d'un appel et sur le nombre de contraventions qui pourraient désormais faire l'objet d'un appel en application de la disposition proposée par l'article 23 de la proposition de loi.

Nombre de jugements de condamnation

Nombre de jugements de condamnation à une peine d'amende supérieure à 150 euros ou à une peine de suspension
de permis

Nombre d'appels

Nombre de condamnations pour lesquelles l'appel deviendrait possible

Contravention de première classe

6 269

704

269

5 565

Contravention de deuxième classe

12 773

867

353

11 906

Contravention de troisième classe

13 241

4 991

554

8 250

Contravention de quatrième classe

45 534

23 049

3 338

22 485

Contravention de cinquième classe

17 567

14 329

2 362

Non applicable

Source : commission des lois du Sénat
à partir de données extraites de l'application Minos communiquées par la Chancellerie

Dès lors que cette mesure est susceptible d'avoir un effet non négligeable sur l'activité des cours d'appel sans réduire sensiblement le contentieux devant la Cour de cassation, votre commission a estimé préférable de supprimer cet article, en adoptant l' amendement COM-18 de ses rapporteurs.

Votre commission a supprimé l'article 23.

Article 24 (supprimé) (art. 497, 546 et 567-1 du code de procédure pénale) - Sanction des appels et des pourvois abusifs en matière correctionnelle par une amende civile

L'article 24 de la proposition de loi vise à permettre le prononcé d'une amende civile en cas d'appel ou de pourvoi jugé dilatoire ou abusif, afin de lutter contre l'engorgement des cours d'appel. Il traduit ainsi la proposition n° 84 du rapport d'information précité.

• L'amende civile, sanction de l'abus du droit d'introduire une action en justice et de former des recours

Si l'exercice d'une action en justice constitue un droit, l'abus de ce droit peut être sanctionné par la condamnation à une amende civile.

En procédure civile , une amende civile peut être prononcée lorsque le juge constate une faute spéciale commise par une partie, constitutive d'un abus, dans l'exercice de son droit d'introduire une action en justice ou de former des recours.

Sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, la personne qui agit en justice « de manière dilatoire ou abusive » peut être condamnée à une amende civile d'un montant maximal de 10 000 euros. La même sanction est également encourue en cas d'appel principal dilatoire ou abusif (article 559 du code de procédure civile), d'exercice abusif ou dilatoire des voies extraordinaires de recours (article 581 du code de procédure civile) ou en cas de pourvoi en cassation jugé abusif (article 628 du code de procédure civile).

Cette sanction s'ajoute aux éventuels dommages et intérêts prononcés sur le fondement de l'article 1240 du code civil 48 ( * ) en réparation d'un préjudice né de cet abus.

Selon la jurisprudence, cette amende, qui doit être motivée, peut être justifiée en cas « d'attitudes malicieuses 49 ( * ) », « d'entêtement et de mauvaise foi 50 ( * ) », de « comportement processif et manoeuvres dilatoires diverses » » ou encore « de dénégation systématique de la loi, consistant à s'opposer par tous les moyens (...) et à multiplier les recours 51 ( * ) » .

En procédure pénale, seul l'abus du droit d'introduire une action en justice et non, plus largement, du droit de former des recours, peut actuellement être sanctionné par une amende civile, en sus d'éventuels dommages-intérêts et d'une éventuelle action sur le fondement de l'infraction de dénonciation calomnieuse.

Cette amende civile a pour objet de lutter contre le risque d'une instrumentalisation de l'action publique , en dissuadant les déclenchements intempestifs ou malintentionnés de poursuites pénales.

En application des articles 177-2 et 212-2 du code de procédure pénale, les juridictions d'instruction peuvent sanctionner toute constitution de partie civile « abusive ou dilatoire » par une amende civile d'un montant maximal de 15 000 euros.

Le tribunal correctionnel , saisi par une citation directe de la partie civile , peut également, en cas de relaxe et s'il estime que la citation directe était abusive ou dilatoire , condamner la partie civile au paiement d'une amende civile dont le montant ne saurait excéder 15 000 euros 52 ( * ) .

• La possibilité d'une condamnation à une amende civile en cas de recours dilatoire ou abusif en matière pénale

L'article 24 de la proposition de loi vise à permettre de sanctionner d'une amende civile, d'un montant maximal de 10 000 euros, les appels et les pourvois abusifs ou dilatoires en matière contraventionnelle et correctionnelle .

À l'instar des dispositions prévues par le code de procédure civile, cette amende civile sanctionnerait tout comportement fautif dans l'exercice du droit au recours, y compris par le défendeur qui ne serait donc pas à l'origine de l'action en justice.

Si elle peut permettre, selon certains magistrats, de dissuader certains recours intempestifs , plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné les difficultés concrètes d'application de cette disposition faute de pouvoir rapporter la preuve d'un recours abusif, sauf mauvaise foi manifeste.

Selon les représentants des avocats, cette disposition porterait une atteinte substantielle au droit des personnes d'exercer un recours effectif devant une juridiction. S'il est largement admis qu'il existe des recours manifestement abusifs, le phénomène semble néanmoins concerner un faible nombre de personnes, pouvant parfois présenter des troubles psychiques. Une piste alternative à la sanction des appels et pourvois abusifs pourrait être de systématiser les consultations d'avocats préalablement à un appel afin d'en évaluer l'intérêt et d'encourager des désistements.

Considérant que l'équilibre entre le droit d'ester en justice et la lutte contre les actions abusives est délicat à établir, votre commission a adopté l' amendemen t COM-2 de notre collègue Patrick Kanner, au nom du groupe socialiste et républicain, visant à supprimer cet article.

Votre commission a supprimé l'article 24.

Article 25 (art. 380-8-1 [nouveau], 380-12 et 380-13 du code de procédure pénale, art. 48 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, art. 50 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française et art. L. 555-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Faculté d'un appel limité en matière criminelle

L'article 25 de la proposition de loi vise à permettre au condamné et au ministère public de limiter leur appel, en matière criminelle à certains faits ou aux peines prononcées, à leur quantum ou à leurs modalités d'application. Il traduit ainsi la proposition n° 85 du rapport d'information précité.

• L'appel en matière criminelle : la nécessité d'un réexamen entier

L'appel des décisions des cours d'assises n'a été instauré que récemment, par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes.

Initialement réservée aux seuls arrêts de condamnation, la possibilité d'un appel est désormais accordée au parquet général contre les arrêts d'acquittement.

Faculté de faire appel des décisions de condamnation prononcées par une cour d'assises

Faculté d'appeler d'une décision d'acquittement

L'accusé

Le procureur général

Le ministère public

La personne civilement responsable (quant à ses intérêts civils)

La partie civile (quant à ses intérêts civils)

Contrairement aux règles qui prévalent en matière d'appel correctionnel, l'acte d'appel ne peut pas être limité à certaines dispositions de la décision rendue par la cour d'assises en premier ressort 53 ( * ) .

Ainsi, le condamné ne peut pas faire seulement appel de la peine prononcée, sans contestation de sa culpabilité. De même, pour être recevable, l'appel du procureur général doit porter sur l'ensemble des chefs d'accusation retenus contre un même accusé, même ceux pour lesquels il a été reconnu coupable 54 ( * ) .

Cette spécificité de l'appel criminel oblige la cour d'assises statuant en appel à réexaminer l'affaire dans son entier, en droit et en fait 55 ( * ) . La cour d'assises de renvoi qui, à la différence des juridictions d'appel en matière correctionnelle, n'est pas une « juridiction supérieure » mais une autre cour d'assises autrement composée, ne peut pas se contenter d'infirmer, de confirmer ou de réformer la décision rendue par la « première » cour d'assises, qu'elle n'a pas à viser dans sa propre décision 56 ( * ) .

• Accorder en matière criminelle les mêmes facultés d'appel limité qu'en matière correctionnelle

L'article 25 de la proposition de loi vise à compléter les dispositions applicables en matière criminelle afin de prévoir une limitation de l'effet dévolutif de l'appel semblable à celui de l'appel en matière correctionnelle.

Selon le principe tantum devolutum quantum appellatum, le juge d'appel correctionnel ne peut statuer que sur les chefs frappés d'appels 57 ( * ) .

Le texte proposé pour insérer un nouvel article 380-8-1 dans le code de procédure pénale tend à préciser que la dévolution de l'affaire à la cour d'appel statuant en appel est limitée tant par « l'acte d'appel », qui pourrait ne viser que certains faits ou que les peines prononcées, que par « la qualité de l'appelant ».

Ainsi, la cour d'assises statuant en appel conserverait une plénitude de juridiction , sauf volonté contraire des parties. Dans ce cas, la cour ne devrait connaître que des chefs de demande contenus dans l'acte d'appel. Cette faculté permettrait, par exemple, aux condamnés à des peines lourdes mais qui reconnaissent les faits de ne contester que les peines prononcées, qu'il s'agisse du quantum d'une peine d'emprisonnement ou d'une peine complémentaire, par exemple d'interdiction d'exercer une profession.

Cette proposition a été accueillie favorablement par les magistrats qui siègent dans les cours d'assises : les représentants entendus par vos rapporteurs ont relevé que cette disposition serait de nature à diminuer la durée des procès d'assises , sans limiter pour autant les droits de la défense, et permettrait d'éviter le réexamen obligatoire de tous les experts et témoins du premier procès dès lors que leurs témoignages ne seraient pas contestés.

L'effet de cette disposition sur la réduction de l'engorgement des cours d'assises ne doit toutefois pas être surévalué. Même en cas d'appel limité à la peine, la cour d'assises devrait toujours examiner, au moins succinctement, la nature même des faits afin de déterminer, conformément au principe d'individualisation des peines, une peine adaptée en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-19 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié .

Article 26 (art. 567, 567-2, 574-1 et 574-2, 584 et 585 [abrogés], 585-1, 586, 588, 590-1 et art. 858 [abrogé] du code de procédure pénale, art. 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et art. 49 [abrogé] de la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 rendant applicables le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d'outre-mer) - Représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

L'article 26 de la proposition de loi vise à rendre obligatoire la représentation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation par un avocat aux Conseils. Il traduit ainsi la proposition n° 86 du rapport d'information précité.

Si la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577 du code de procédure pénale resterait dispensée de représentation obligatoire, le requérant serait tenu de faire appel à un avocat aux conseils pour présenter un mémoire à l'appui de son pourvoi.

À la différence de la procédure devant les chambres civile et commerciales de la Cour de cassation, la procédure de cassation en matière pénale n'impose pas que les pourvois soient soutenus par un avocat aux Conseils : les justiciables peuvent ainsi, sans intermédiaire, saisir la Cour de cassation et faire valoir leurs arguments juridiques.

Cette dérogation a été justifiée par la volonté de faciliter l'accès à la Cour de cassation dans une matière pénale où, par nature, la liberté individuelle du plaideur peut être en jeu. Aussi a-t-il été jugé préférable de lui permettre d'éviter d'engager des frais d'avocat.

Néanmoins, cette exception peut avoir pour effet de réduire les chances réelles de voir aboutir les pourvois présentés directement par les requérants.

Ainsi, en 2016, le taux de non-admission pour les pourvois soutenus par un mémoire personnel est de 54,68 %, contre 10,71 % pour les pourvois soutenus par un avocat aux Conseils.

De même, la probabilité d'une cassation est plus élevée en cas de représentation. Ce taux était de 25,35 % pour les pourvois soutenus par un avocat aux Conseils, contre 14,44 % pour les pourvois soutenus par un mémoire personnel.

Sort des pourvois portés devant la chambre criminelle de la cour de cassation

Taux de non-admission des pourvois

Taux de cassation
des pourvois

Taux de cassation
des pourvois
(hors pourvois non-admis)

Pourvois soutenus par un mémoire personnel

Pourvois soutenus par un avocat aux conseils

Pourvois soutenus par un mémoire personnel

Pourvois soutenus par un avocat aux conseils

Pourvois soutenus par un mémoire personnel

Pourvois soutenus par un avocat aux conseils

2010

38,90%

12,15%

11,10%

22,40%

18,17%

25,49%

2011

49,63%

10,45%

9,81%

22,98%

19,49%

25,66%

2012

54,74%

8,60%

12,00%

24,54%

26,51%

26,85%

2013

51,25%

8,67%

11,81%

19,14%

24,22%

20,96%

2014

55,89%

8,59%

10,82%

20,89%

24,53%

22,86%

2015

49,52%

8,09%

14,14%

20,86%

28,01%

22,70%

2016

54,68%

10,71%

14,44%

25,35%

31,86%

28,39%

2017 58 ( * )

56,10%

14,72%

11,66%

26,38%

26,56%

30,94%

Source : commission des lois du Sénat à partir de données communiquées par la Cour de cassation

En effet, la procédure de cassation répond à un formalisme précis dans la présentation des moyens de droit critiquant la décision soumise à recours. Or les mémoires personnels peuvent ne pas énoncer correctement un moyen ou même ne pas le soulever : à défaut de moyen soulevé d'office par la Cour de cassation, il en résulte une perte de chance pour le défendeur et une inégalité entre les parties représentées ou non.

Actuellement, plus de 50 % des pourvois formés devant la chambre criminelle ne sont pas soutenus par un mémoire 59 ( * ) . Une telle proportion traduit la difficulté rencontrée par les justiciables pour rédiger un mémoire au regard de la complexité de la technique de cassation.

De plus, la procédure devant la Cour de cassation est essentiellement écrite , les auditions des avocats étant inhabituelles. Si les demandeurs au pourvoi peuvent parfois se voir accorder le droit de comparaître personnellement devant la Cour de cassation, cette faculté n'est guère utilisée et ne saurait remplacer l'expertise d'un avocat aux Conseils. Comme le relevait en 2003 M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, dans une étude sur l'égalité d'accès à la Cour de cassation 60 ( * ) , « on ne voit pas comment des personnes sans qualification particulière pourraient utilement prendre parti à l'oral sur des mémoires ou sur des observations des avocats aux Conseils, des avocats généraux, régis par une stricte technique juridique, ou répondre à des moyens de pur droit soulevés d'office par la Cour ».

Par ailleurs, les délais impartis à l'auteur du pourvoi pour présenter un mémoire sont différents selon qu'il agit seul ou qu'il est assisté d'un avocat aux Conseils. Ainsi, sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, le mémoire du demandeur condamné pénalement agissant seul doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi 61 ( * ) . En revanche, lorsque la partie intéressée au pourvoi est représentée par un avocat aux Conseils, le conseiller rapporteur fixe un délai pour le dépôt du mémoire, qui peut être supérieur à un mois.

Enfin, l'absence de représentation obligatoire ne permet pas aux avocats aux Conseils de jouer leur rôle habituel de conseil, qui permet de dissuader les justiciables de former des pourvois voués à l'échec.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, comme le soutiennent depuis plusieurs années les rapports annuels de la Cour de cassation, il apparaît donc que la dispense du ministère d'avocat aux conseils, « traditionnellement présentée comme une mesure instituée en faveur du justiciable », ne permet pas réellement « d'assurer un accès égal et effectif au juge de cassation dans le respect du principe de contradiction ».

En conséquence, votre commission a approuvé le principe de la représentation obligatoire devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, mettant fin à l'exception qui prévalait en matière pénale, sous réserve de l'adoption d'un amendement COM-20 de coordination de vos rapporteurs.

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .

Section 2 - Redonner du sens à la peine d'emprisonnement
Article 27 (art. 132-25, 132-26-1, 132-27 du code pénal et art. 474, 732-15, 723-15-1, 723-17, 723-17-1 et 747-2 du code de procédure pénale) - Clarification du régime d'aménagement des peines d'emprisonnement

L'article 27 de la proposition de loi vise à clarifier le régime d'aménagement des peines d'emprisonnement, en supprimant l'obligation d'examen, par le juge de l'application des peines, avant mise à exécution, des peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement, ou un an en état de récidive légale. Il traduit ainsi partiellement les propositions n os 119, 120 et 121 du rapport d'information précité.

• Une déconnexion entre le prononcé de la peine et son exécution

Comme le relevait le rapport d'information précité, il existe une étanchéité préjudiciable entre les décisions des juges statuant en matière correctionnelle et les décisions d'exécution des peines prononcées, qu'il s'agisse des décisions des magistrats des juridictions de l'aménagement des peines ou des mesures d'exécution prises par les services de l'administration pénitentiaire.

Dans un contexte d'accroissement du stock des affaires pénales en attente de jugement, par manque de temps, les juges du siège ne sont pas incités à solliciter des enquêtes pré-sentencielles, à utiliser davantage la procédure de l'ajournement ou même à prononcer des aménagements ab initio des peines. Ces procédures permettent pourtant de prononcer des peines individualisées et adaptées non seulement à la situation matérielle, familiale et sociale du condamné, mais également aux moyens des services pénitentiaires d'insertion et de probation et aux capacités du parc pénitentiaire.

L'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement à l'audience

Lorsque qu'elles prononcent certaines peines d'emprisonnement, les juridictions de jugement disposent de la faculté de les aménager, dès le stade du prononcé de la peine, en raison de la situation médicale, professionnelle, familiale ou sociale du condamné.

Le code pénal distingue quatre modalités d'aménagement dit ab initio des peines privatives de liberté : la semi-liberté, le placement à l'extérieur, le placement sous surveillance électronique et le fractionnement de la peine.

Les seuils de peine d'emprisonnement permettant un aménagement ab initio ont été progressivement élevés. Initialement applicables aux peines d'emprisonnement d'une durée maximale de six mois, les mesures d'aménagement de peine ab initio peuvent actuellement être prononcées pour toute peine d'emprisonnement inférieure à deux ans, ainsi que pour toute peine pour laquelle il existe un reliquat d'emprisonnement ferme inférieur à deux ans. Ce reliquat est réduit à un an en cas de récidive légale.

Vos rapporteurs regrettent que les magistrats des juridictions de jugement ne s'intéressent qu'insuffisamment à l'exécution effective des peines qu'ils prononcent alors même que leur rôle ne se limite pas à la déclaration de culpabilité mais inclut nécessairement la détermination de la peine la plus adaptée.

La manifestation la plus concrète de cette « rupture » entre le prononcé de la peine et son exécution réside dans le circuit obligatoire d'aménagement des peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement, ou un an en état de récidive légale, prévu à l'article 723-15 du code de procédure pénale.

Cette procédure d'aménagement des peines a été introduite dans la partie législative du code de procédure pénale en 2004 62 ( * ) , puis modifiée par la loi pénitentiaire de 2009 afin d'en faciliter la mise en oeuvre et l'application à toutes les personnes non incarcérées condamnées à des peines d'emprisonnement dont la durée est inférieure ou égale à deux ans.

En application de cette procédure, avant toute mise à exécution de la peine d'emprisonnement, le parquet transmet toutes les pièces utiles aux fins d'aménagement au juge de l'application des peines et éventuellement au service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP). En application de l'article 474 du code de procédure pénale, la personne condamnée présente à l'audience se voit remettre deux avis de convocation, devant le juge de l'application des peines, dans un délai qui ne peut excéder 30 jours et devant le SPIP, dans un délai qui ne peut excéder 45 jours.

Cette procédure répond à plusieurs finalités .

En premier lieu, elle permet une réelle adaptation de la peine au condamné, alors que le processus d'individualisation de la peine n'a pu être mené par la juridiction de jugement, faute de rapports pré-sentenciels systématiques sur la situation du prévenu et faute de temps de débat prévu à l'audience.

Elle permet également d'éviter les incarcérations de courte durée, de quelques mois, qui produisent des effets désocialisants sans offrir le temps d'un travail sur l'insertion. Les mesures d'aménagement de peines, telles que le placement à l'extérieur sont en réalité des mesures plus structurantes pour l'individu qu'une peine d'emprisonnement peu accompagnée.

Enfin, elle permet d'éviter des occupations de places de prison dans un contexte de sous-dimensionnement du parc carcéral.

Cette procédure apparaît néanmoins très critiquée, tant par la doctrine que par certains magistrats, en ce qu'elle dénature le sens même de la peine de prison et décrédibilise le système répressif 63 ( * ) , comme le soulignait le rapport d'information précité.

Surtout, la finalité de lutter contre l'exécution des courtes peines n'apparaît plus pertinente dès lors que le seuil a été fixé en 2009 à deux ans d'emprisonnement. Ce seuil apparaît très élevé pour de nombreux magistrats entendus et ne correspond plus à une « courte peine ».

Taux de saisine du juge de l'application des peines par rapport aux peines
éligibles à l'article 723-15 du code de procédure pénale

Quantum des peines

2011

2012

2013

2014

2015

1 an (récidive)

37 399

39 341

39 654

40 027

41 833

2 ans

78 550

80 390

77 376

74 571

77 001

Peine non aménageable

10 851

10 781

10 634

10 158

10 522

Total des peines éligibles

115 949

119 731

117 030

114 598

118 834

Saisine du juge
de l'application
des peines 64 ( * )

73 885

71 138

71 634

69 955

71 355

Taux de saisine/décisions éligibles

63,7 %

59,4 %

61,2 %

61 %

60 %

Source : inspection générale des services judiciaires

En 2015, on dénombre 71 355 saisines des juges de l'application des peines sur le fondement de l'article 723-15 du code de procédure pénale, avec une moyenne de 6 000 décisions de rejet des aménagements.

• Restituer le pouvoir d'individualisation de la peine aux juridictions de jugement

Afin de réaffirmer le rôle des juridictions de jugement dans la détermination de la peine effectivement exécutée par le condamné et de restaurer de la crédibilité aux peines prononcées, l'article 27 vise à supprimer l'examen obligatoire par le juge de l'application des peines des condamnations à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou à égale à deux ans, ou un an en cas de récidive.

Les juridictions de jugement conserveraient néanmoins la faculté de saisir le juge de l'application des peines aux fins d'aménagement, lorsque la situation matérielle, familiale, médicale ou sociale du condamné le justifie.

Par cohérence avec sa finalité de prévention des incarcérations de courte durée, son champ d'application serait restreint aux seules personnes condamnées à une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou inférieure à un an, ou six mois en état de récidive légale.

Cette procédure resterait applicable aux seules personnes présentes à l'audience.

Par cohérence, l'article 27 réduit également le seuil d'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement , par la juridiction de jugement à l'audience, de deux ans à un an d'emprisonnement et d'un an à six mois en état de récidive légale. Comme l'ont relevé de nombreux magistrats, une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à douze mois est une peine lourde et difficile à aménager ab initio. Il n'existe aucune production statistique permettant de déterminer le nombre d'utilisations annuelles de cette faculté mais d'après l'inspection générale des services judiciaires, ce nombre apparaît très faible.

Enfin, vos rapporteurs soutiennent la proposition n° 122 du rapport d'information précité consistant à inviter les juridictions à utiliser davantage la procédure de l'ajournement du prononcé de la peine 65 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 27 sans modification .

Article 27 bis (nouveau) (art. 709-2 du code de procédure pénale) - Rapport annuel sur l'exécution des peines

Issu de l' amendement COM-21 de vos rapporteurs, l'article 27 bis a pour objet de renforcer les échanges entre, d'une part, le ministère public et les magistrats du siège sur la question de l'exécution et de l'aménagement des peines , et d'autre part, les magistrats et les représentants de l'administration pénitentiaire au niveau local.

À cet effet, il tend à élargir le contenu du rapport annuel public du procureur de la République sur l'état et les délais de l'exécution des peines, prévu à l'article 709-2 du code de procédure pénale : ce rapport comporterait désormais une présentation de la politique pénale et d'aménagement des peines du ministère public, une présentation de la jurisprudence du tribunal de grande instance en matière de peine privative de liberté, ainsi qu'une synthèse des actions et conclusions de la commission de l'exécution et de l'application des peines du tribunal. Il tend également à prévoir la transmission au Parlement du rapport annuel public prévu à l'article 709-2 du code de procédure pénale.

Comme le soulignait le rapport d'information précité, les juges statuant en matière correctionnelle semblent se désintéresser de la question de l'exécution concrète des peines qu'ils prononcent. Vos rapporteurs dénoncent à nouveau cette « étanchéité entre l'application du principe constitutionnel d'individualisation de la peine par les magistrats de la juridiction de jugement et l'application qui en est faite par les magistrats des juridictions de l'aménagement des peines ».

De même, vos rapporteurs déplorent l'absence de dialogue régulier entre les magistrats et les représentants de l'administration pénitentiaire, sur la prise en charge des condamnés par cette dernière, en milieu ouvert comme en milieu fermé.

À cet égard, vos rapporteurs considèrent que les magistrats devraient se rendre plus souvent dans les établissements pénitentiaires comme les y invite l'article 10 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire : « le premier président de la cour d'appel, le procureur général, le président de la chambre de l'instruction, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, le juge d'instruction, le juge de l'application des peines et le juge des enfants visitent au moins une fois par an chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence » . Alors qu'il existe 186 établissements pénitentiaires, seulement 184 visites de magistrats ont été recensées en 2015 et 270 en 2016.

Le dialogue entre l'institution judiciaire et l'administration pénitentiaire doit être renforcé et les bonnes pratiques généralisées : les magistrats devraient, par exemple, être régulièrement informés des conditions de détention dans les maisons d'arrêt.

Les outils de concertation existent et doivent être mobilisés, qu'il s'agisse du projet de juridiction ou de la conférence régionale portant sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération 66 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 27 bis ainsi rédigé .

Article 28 (art. 131-36-1, art. 131-36-2 et 132-36-3 [abrogés], 131-36-4, 131-36-12, art. 221-9-1 et 221-15 [abrogés], art. 222-48-1, art. 222-65, 224-10, 227-31 et 421-8 [abrogés] du code pénal et art. 763-3, 763-5 et 763-10 du code de procédure pénale) - Élargissement du champ d'application du suivi socio-judiciaire

L'article 28 de la proposition de loi vise à étendre la possibilité de prononcer, en tant que peine complémentaire, un suivi socio-judiciaire à l'ensemble des infractions délictuelles et criminelles. Il traduit ainsi la proposition n° 124 du rapport d'information précité.

• Le suivi socio-judiciaire : une peine complémentaire permettant le suivi d'un condamné

Créé par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, le suivi socio-judiciaire est une peine restrictive de liberté .

Instituée à l'origine pour la prévention et la répression des seules infractions sexuelles, son champ d'application a été considérablement élargi à d'autres infractions d'une particulière gravité, à raison de leur nature, comme les infractions de meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie (article 221-9-1 du code pénal), ou à raison de la qualité de l'auteur ou de la victime, comme les infractions commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou par une personne ayant autorité sur la victime (article 222-48-1 du code pénal).

Le suivi socio-judiciaire consiste dans l'imposition de mesures de surveillance et d'obligations sociales ou médicales , exécutées sous le contrôle du juge de l'application des peines et dont l'inobservation, entraîne la mise à exécution d'une peine privative de liberté.

Les mesures de surveillance, prévues à l'article 132-44 du code pénal, peuvent consister dans l'obligation de répondre aux convocations du juge d'application des peines ou de signaler tout changement d'emploi. Les obligations auxquelles le condamné peut être soumis sont généralement l'obligation de s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné, par exemple accueillant les mineurs, ou celle de s'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes ou des catégories de personnes. Le suivi socio-judiciaire s'accompagne généralement d'une injonction de soins.

À l'instar des mesures de sûreté, cette peine permet de prolonger la durée d'un contrôle social pesant sur un condamné, même au-delà de la réalisation d'une peine d'emprisonnement.

Lorsque le suivi socio-judiciaire accompagne une peine privative de liberté, son application commence lorsque la privation de liberté prend fin.

Le condamné à un suivi socio-judiciaire peut solliciter la juridiction de jugement aux fins de relèvement de la mesure, après avis de la juridiction d'application des peines. Le juge de l'application des peines peut également mettre fin par anticipation au suivi socio-judiciaire dès lors que le reclassement du condamné est acquis.

• L'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire : la définition d'une peine complémentaire et générale pour accompagner les sorties de prison

L'article 28 de la proposition de loi tend à éviter les sorties d'incarcération dites « sèches » , c'est-à-dire sans suivi renforcé ou retour progressif à la liberté, génératrices de récidive 67 ( * ) .

Depuis plusieurs années, cette volonté du législateur d'accompagner les condamnés à leur sortie de prison s'est principalement manifestée par la simplification du prononcé des aménagements de peine avec, par exemple, l'examen systématique de la situation de tous les détenus aux deux tiers de leur peine. Ces dispositifs présentent l'inconvénient de ne permettre un suivi du condamné que pendant la stricte durée de la peine privative de liberté prononcée par la juridiction de jugement .

S'inspirant de la proposition de création d'un « suivi socio-judiciaire probatoire » du rapport de M. Bruno Cotte 68 ( * ) , l'article 28 de la proposition de loi vise à permettre un suivi post-libération même lorsque le condamné a intégralement purgé sa peine d'emprisonnement, sans pour autant avoir recours aux mesures de sûreté.

Il prévoit ainsi une extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire afin d'en faire une peine complémentaire et générale permettant d'accompagner toutes les sorties de détention .

La durée maximale pour les délits de droit commun serait fixée à trois ans, les autres durées maximales de suivi étant conservées.

Plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs ont souligné la difficulté pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation de prendre en charge le surplus de condamnés soumis au suivi socio-judiciaire. En effet, au 1 er avril 2017, 3 163 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation suivaient 246 838 personnes placées sous main de justice, soit un ratio de 78 personnes suivies par conseiller.

Selon une étude de 2013 69 ( * ) , environ 13 % des condamnés éligibles au suivi socio-judiciaire entre 2010 et 2011 (39 % s'agissant des auteurs de crime et 9 % s'agissant des auteurs de délits) ont été effectivement soumis à un suivi socio-judiciaire d'une durée moyenne de six ans pour les crimes et de cinq ans pour les délits.

En se fondant sur cette étude, il est probable que le prononcé du suivi socio-judiciaire augmente légèrement avec l'extension du champ d'application, sans pour autant générer une hausse massive difficilement absorbable par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Comparaison entre le droit actuel et la proposition de loi

Droit actuel

Proposition de loi

Champ d'application
du suivi socio-judiciaire

Lorsqu'il existe une mention législative expresse dans l'incrimination

Tout délit
et tout crime

Délais maximaux du suivi socio-judiciaire

Délit de droit commun

Non applicable

3 ans

Délit mentionné à l'article 706-47 du code de procédure pénale ou commis en récidive

10 ans

10 ans

Délit + décision spécialement motivée de la juridiction de jugement

20 ans

20 ans

Crime

20 ans

20 ans

Crime puni de trente ans de réclusion criminelle

30 ans

30 ans

Crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité

Sans limitation
de durée

Sans limitation
de durée

Enfin, vos rapporteurs soulignent que la création d'une peine complémentaire et générale de suivi socio-judiciaire n'est envisagée qu'en parallèle de l' augmentation , prévue à l'article 3 de la proposition de loi, des effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que des moyens mis à leur disposition.

À l'initiative de ses rapporteurs, votre commission a adopté un amendement COM-22 de coordination.

Votre commission a adopté l'article 28 ainsi modifié .


* 39 Constitue une contravention toute infraction punie au plus d'une amende de 1 500 euros, hors récidive.

Les contraventions peuvent faire l'objet de procédures simplifiées : jugement par ordonnance pénale, extinction de l'action publique en cas de transaction pénale ou de paiement d'une amende forfaitaire.

* 40 Soit le maximum de l'amende encourue pour les contraventions de la deuxième classe.

* 41 Contrairement à la règle de droit commun applicable en matière délictuelle et criminelle, les fautes contraventionnelles ainsi que les peines d'amende contraventionnelles peuvent se cumuler entre elles, en application de l'article 132-7 du code pénal.

* 42 Pour déterminer l'amende encourue, il y a lieu, lorsque le prévenu est poursuivi pour plusieurs contraventions, de totaliser les amendes dont il est passible (Cour de cassation, chambre criminelle, 23 mars 1999, Bull. crim., n o 50).

* 43 En application de l'article 546, alinéa 2, du code de procédure pénale.

* 44 Par renvoi de l'article 549 du code de procédure pénale aux articles 506 à 509, 511 et 514 à 520 du code de procédure pénale.

* 45 En application de l'article 547 du code de procédure pénale.

* 46 Hors hypothèses de désistement du pourvoi, d'irrecevabilité du pourvoi ou de non-admission du pourvoi.

* 47 Au 9 octobre 2017.

* 48 Article 1382 du code civil selon la numérotation en vigueur jusqu'au 1 er octobre 2016.

* 49 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 16 juin 1993, n° 91-20.203.

* 50 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 13 octobre 2005, n° 03-19.435.

* 51 Cour de cassation, 2 e chambre civile, 2 décembre 2010, n° 09-17.495.

* 52 En application de l'article 392-1 du code de procédure pénale.

* 53 Le troisième alinéa de l'article 380-14 du code de procédure pénale prévoit qu'il est « procédé comme en cas de renvoi après cassation », soit un réexamen entier du litige.

* 54 Cour de cassation, chambre criminelle, 24 juin 2009, n° 08-88.262.

* 55 En application de l'article 380-3 du code de procédure pénale et du principe de l'interdiction de la reformation in pejus , la cour d'assises d'appel ne peut toutefois aggraver la peine prononcée sur le seul appel de l'accusé.

* 56 Cour de cassation, chambre criminelle, 25 septembre 2002, n° 01-88.024.

* 57 Cette limitation peut être levée par le droit d'évocation lorsque la cour d'appel constate une irrégularité dans le jugement de première instance.

* 58 Au 9 octobre 2017.

* 59 Selon les données communiquées à vos rapporteurs, la part de pourvois non soutenus par un mémoire est de 57 % en 2016, de 60,2% en 2015 et 62,8% en 2014.

* 60 Cette étude a été publiée dans le rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 2003. Elle est consultable à l'adresse suivante :

https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2003_37/deuxieme_partie_tudes_documents_40/tudes_theme_egalite_42/cour_cassation_6249.html

* 61 En application de l'article 585-1 du code de procédure pénale.

* 62 Par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Auparavant, l'article D. 49-1 du code de procédure pénale permettait en opportunité au parquet de saisir le juge de l'application des peines.

* 63 Martine Herzog-Evans, « La perte de sens des aménagements de peine », in Fabienne Ghelfi, Le droit de l'exécution des peines. Espoirs ou désillusions ? , L'Harmattan, 2014, page 39.

* 64 Ce différentiel peut s'expliquer par le fait que les peines ayant déjà fait l'objet d'un mandat de dépôt ou d'un aménagement ab initio à l'audience figurent dans le total des peines éligibles à un aménagement.

* 65 Cette procédure consiste à statuer, dans un premier temps, sur la culpabilité de l'intéressé et à reporter la décision sur la peine à une audience ultérieure, une fois la juridiction suffisamment éclairée sur la situation personnelle du condamné, sa personnalité, ses facteurs de risque et de vulnérabilité, pour évaluer sa propension à la récidive et ses perspectives d'insertion.

* 66 En application de l'article D. 48-5-1 du code de procédure pénale, une conférence régionale portant sur les aménagements de peines et les alternatives à l'incarcération doit être organisée annuellement dans chaque cour d'appel afin :

- de dresser le bilan des aménagements de peines et des alternatives à la détention intervenus dans le ressort de la cour, de recenser ou mettre à jour le recensement des moyens disponibles en cette matière ;

- d'améliorer les échanges d'informations entre les juridictions, les services pénitentiaires et les services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

- de définir et mettre en oeuvre les actions nécessaires à un renforcement des aménagements de peines et des alternatives à la détention ;

- de prévenir la surpopulation carcérale au sein des établissements pénitentiaires du ressort.

* 67 Selon une étude de 2011, le taux de « recondamnation toutes peines confondues, cinq ans après la sortie de prison » des sortants de prison sans aménagement était de 63 %, tandis que celui des bénéficiaires d'une libération conditionnelle était de 39 %. A. Kensey, A.Benaoudal « Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation », Cahiers d'études pénitentiaires et criminologiques, n° 36, mai 2011.

* 68 Commission présidée par M. Bruno Cotte, rapport à Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, Pour une refonte du droit des peines , décembre 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_refonte_droit_peines.pdf

* 69 Infostat Justice, février 2013, numéro 121, Rémi Josnin, « Le recours au suivi socio-judiciaire ».

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