III. LA RÉPRESSION PÉNALE DES OCCUPATIONS ILLICITES ET DES DÉGRADATIONS DES AIRES D'ACCUEIL OU DES TERRAINS
Si les procédures administratives ou civiles demeurent les moyens les plus efficaces de mettre fin à une occupation illicite d'un terrain, que ce dernier appartienne à une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale ou à un particulier, il existe également plusieurs dispositions pénales permettant une répression autonome de ces faits.
A. UNE RÉPRESSION PÉNALE DE CES COMPORTEMENTS À TITRE SUBSIDIAIRE
1. Les infractions du code pénal permettant une répression de ces comportements
Dans les hypothèses d'occupation d'un terrain sans titre, et jusqu'à 2003, la principale réponse pénale consistait dans la sanction de la violation des arrêtés de police du maire .
En effet, selon l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage , les maires des communes qui se sont conformées aux obligations mises à leur charge par le schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage peuvent prendre un arrêté d'interdiction du stationnement des résidences mobiles en dehors des aires ou terrains d'accueil 12 ( * ) .
En application de l'article R. 610-5 du code pénal, la violation des interdictions ou les manquements aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont réprimés d'une peine contraventionnelle de la première classe.
L'introduction ou le maintien frauduleux dans un domicile appartenant à autrui est par ailleurs réprimé d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende sur le fondement de l'article 226-4 du code pénal.
En complément, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a créé un délit spécifique d'occupation sans titre d'un terrain à l'article 322-4-1 du code pénal, susceptible d'être puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
Article 322-4-1 du code pénal « Le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental prévu à l'article 1 er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ou qui n'est pas inscrite à ce schéma, soit à tout autre propriétaire autre qu'une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain, est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Lorsque l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale. » |
Enfin, le stationnement de résidences mobiles sur des terrains aménagés ou non à cet effet est susceptible d'engendrer des dégradations . Lorsque la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est volontaire, ces faits peuvent être punis, sur le fondement de l'article 322-1 du code pénal, d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l'utilité ou à la décoration publique et appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
2. Une répression pénale peu efficiente pour faire cesser une occupation illicite
Si ces sanctions pénales devraient dissuader de tels comportements, il apparaît que la répression pénale ne semble pas l'instrument le plus efficace pour mettre fin au trouble à l'ordre public causé par une occupation illicite.
À la différence de la procédure administrative d'évacuation forcée, qui peut s'enclencher dès l'installation sur un terrain, ou de la procédure civile d'expulsion, la réponse pénale en cas d'occupation illicite nécessite plusieurs diligences d'enquête afin de rassembler des preuves, avant une éventuelle mise en mouvement de l'action publique : plainte du propriétaire, constatations approfondies sur le terrain et à l'intérieur des résidences mobiles, relevé d'identité des occupants, auditions, éventuellement sous le régime de la garde à vue, saisie possible des véhicules, sauf ceux destinés à habitation.
De plus, eu égard à la faible gravité de ce délit, puni d'une peine de six mois d'emprisonnement, qui n'est pas une atteinte aux personnes, la poursuite de ces infractions n'apparaît pas comme une priorité pour les procureurs de la République.
Dans l'hypothèse de poursuite pénale, la décision juridictionnelle de condamnation est susceptible d'intervenir plusieurs mois après la commission de l'infraction et alors que l'occupation illicite a cessé.
Si la saisie des véhicules, à l'exception de ceux destinés à l'habitation, est possible, elle nécessite cependant la mobilisation d'important frais tant pour déplacer les véhicules que pour leur gardiennage. Dans un contexte de maîtrise des frais de justice 13 ( * ) , les procureurs de la République invitent généralement à la prudence dans les saisies de véhicule, même aux fins de confiscation : leur valeur monétaire ne permet généralement pas de couvrir les frais de gardiennage.
* 12 Pour plus de précisions sur les conditions auxquelles ce pouvoir de police spéciale est attribué aux maires et transféré, le cas échéant, aux présidents d'EPCI à fiscalité propre, voir le commentaire de l'article 4.
* 13 Pour de plus amples développements sur la question de la maîtrise des frais de justice, votre commission renvoie au rapport d'information n° 495 (2016-2017) « Cinq ans pour sauver la justice ! » de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html