B. L'ÉVACUATION DES CAMPEMENTS ILLICITES

1. Les voies de droit pour faire évacuer les campements illicites : la procédure administrative d'évacuation d'office et les procédures juridictionnelles

Les progrès réalisés au cours des dernières années dans la construction d'aires et de terrains d'accueil destinés aux gens du voyage n'empêchent pas l'installation récurrente de campements « sauvages » sur de nombreux territoires.

Face aux difficultés rencontrées par les élus pour faire évacuer ces campements illicites, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a créé une procédure administrative d'évacuation d'office et forcée, applicable dans les communes ayant rempli leurs obligations d'accueil ou dans celles qui ne sont pas soumises aux prescriptions du schéma départemental 10 ( * ) . À la demande du maire, du propriétaire du terrain ou du titulaire du droit d'usage, le préfet peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux et, à défaut d'exécution spontanée dans le délai imparti, procéder à leur évacuation forcée. La mise en demeure peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif tant que court le délai d'exécution, fixé librement par le préfet. Elle reste applicable si les résidences mobiles concernées se retrouvent à nouveau, dans un délai de sept jours, en stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de l'EPCI.

Cette procédure d'évacuation d'office, qui ne peut être engagée que si le stationnement illicite est de nature à porter atteinte à l'ordre public, coexiste avec les procédures juridictionnelles de droit commun pour obtenir l'expulsion d'occupants sans titre, et avec une procédure civile spéciale destinée à protéger les terrains affectés à une activité économique.

2. Les mesures prévues par les deux propositions de loi pour renforcer les procédures existantes

Malgré l'existence de ces différentes voies de droit, les élus locaux et les propriétaires des terrains peinent à obtenir l'évacuation rapide des campements illicites. Cela tient notamment à l'insuffisance des moyens humains et matériels dont disposent les préfectures pour procéder à leur évacuation forcée, d'office ou en exécution d'une décision de justice.

Les auteurs des deux propositions de loi soumises à l'examen de votre commission estiment néanmoins que le cadre juridique de ces procédures mérite d'être renforcé.

S'agissant tout d'abord de la procédure administrative d'évacuation d'office, l'article 5 de la proposition de loi n° 557 (2016-2017) prévoit deux nouveaux cas dans lesquels elle pourrait être engagée, sans qu'il faille démontrer un risque de trouble à l'ordre public : lorsque le préfet propose un nombre d'emplacements suffisant dans les aires et terrains d'accueil situés à moins de cinquante kilomètres, et en cas de stationnement sur un terrain affecté à une activité économique qui s'en trouve entravée. Afin d'accélérer la procédure, il est également proposé, d'une part, de limiter le délai de recours contre la mise en demeure du préfet à quarante-huit heures, d'autre part, de limiter à six heures de délai d'exécution de la mise en demeure en cas de nouveau stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de l'EPCI au cours de la même année.

Compte tenu des délais observés entre la mise en demeure et l'évacuation effective, et afin d'éviter que des campements illicites ne se reconstituent à faible distance immédiatement après avoir été démantelés, l'article 7 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) tend à porter de sept à quinze jours la durée d'applicabilité de la mise en demeure sur le territoire de la même commune ou du même EPCI.

Enfin, l'article 5 de la proposition de loi n° 557 (2016-2017) comprend diverses précisions rédactionnelles visant à assurer l'effectivité des procédures administratives et juridictionnelles, et notamment à mieux protéger les terrains agricoles.

3. La position de votre commission : garantir l'évacuation rapide des campements illicites en tenant compte des exigences constitutionnelles et conventionnelles

Partageant le souci exprimé par les auteurs des deux propositions de loi, votre commission s'est attachée à garantir l'évacuation rapide des campements illicites, par la voie administrative ou juridictionnelle, tout en remédiant à certaines difficultés juridiques.

En ce qui concerne la procédure administrative d'évacuation d'office, la limitation à quarante-huit heures du délai de recours contre la mise en demeure du préfet a paru raisonnable à votre commission. En revanche, elle n'a pas jugé possible de limiter à six heures le délai d'exécution de la mise en demeure, en cas de nouveau stationnement illicite au cours de la même année. Outre qu'une mise en demeure doit, par nature, être assortie d'un délai d'exécution suffisant, il convient de veiller à ce que le délai de recours ne soit pas réduit, de ce fait, au point de méconnaître le droit à un recours effectif. Estimant néanmoins que le mépris répété des lois et règlements justifiait une réaction ferme et rapide des autorités publiques, votre commission a limité dans ce cas à vingt-quatre heures le délai d'exécution de la mise en demeure d'évacuer ( article 5 ).

Permettre l'évacuation d'office des campements en l'absence de trouble à l'ordre public pourrait en revanche se heurter, comme l'a observé votre rapporteur, à un obstacle constitutionnel. Le Conseil constitutionnel considère, en effet, que « les mesures de police administrative susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d'aller et venir (...) doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l'ordre public et proportionnées à cet objectif 11 ( * ) ». Néanmoins, afin de répondre aux préoccupations légitimes des auteurs de la proposition de loi n° 557 (2016-2017) et de nombreux élus locaux, votre commission a adopté, sur proposition de son rapporteur, une nouvelle rédaction qui met en balance la liberté d'aller et venir des gens du voyage avec d'autres principes d'égale valeur constitutionnelle : le droit de propriété, la liberté d'aller et venir des autres habitants, la liberté du commerce et de l'industrie, et la continuité du service public ( article 5 ).

Votre commission a également voulu faciliter, en cas de stationnement illicite de résidences mobiles sur le territoire de communes ou d'EPCI qui respectent leurs obligations d'accueil des gens du voyage ou qui ne pas assujetties à de telles obligations, le recours aux procédures juridictionnelles de droit commun que sont le référé administratif, le référé civil et la requête civile. Cette dernière procédure, non contradictoire, est particulièrement adaptée dans l'hypothèse fréquente où il est impossible d'obtenir l'identité des occupants sans titre ( article 5 ).


* 10 Pour plus de précisions sur cette procédure et le champ des communes concernées, voir le commentaire de l'article 5.

* 11 Décision n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010. Pour de plus amples développements, voir le commentaire de l'article 5.

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