IV. LA SCOLARISATION DES ENFANTS DU VOYAGE
L'article 6 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) tend à prévoir la présence obligatoire d'un représentant du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) au sein de la commission départementale consultative associée à l'élaboration et à la mise en oeuvre du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage. Selon les auteurs de la proposition de loi, il s'agit de « mieux prendre en compte les besoins éducatifs des enfants et de définir des actions éducatives et sociales destinées aux gens du voyage ».
Ce sujet mérite effectivement toute l'attention des pouvoirs publics. Dans notre République, le droit à l'éducation est garanti à chacun, et les enfants du voyage sont soumis, comme les autres, à l'obligation scolaire 14 ( * ) . La fréquentation de l'école est, pour ces enfants, un facteur primordial d'intégration sociale et professionnelle, et l'enjeu est d'autant plus important que la population des gens du voyage est jeune 15 ( * ) . Or leur taux de scolarisation reste faible, tout particulièrement au niveau de l'école maternelle et de l'enseignement secondaire. Selon les informations recueillies par notre ancien collègue Pierre Hérisson en 2011, seuls 70 % des enfants du voyage étaient scolarisés, ce taux tombant même à 5 % au collège 16 ( * ) . Cette sous-scolarisation s'explique tant par le mode de vie itinérant des familles que, semble-t-il, par une certaine défiance vis-à-vis de l'institution scolaire, ou par le sentiment que celle-ci est inadaptée aux besoins des élèves concernés 17 ( * ) .
Face à cette situation, l'État et les collectivités territoriales ne sont pas restés inactifs.
Les politiques éducatives destinées aux enfants du voyage L'article 1 er de loi n° 2000-514 du 5 juillet 2000 prévoit que le schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage tient compte des besoins de scolarisation des enfants. L'implantation des aires d'accueil et des terrains familiaux locatifs est déterminée en conséquence. Pour sa part, le ministère de l'éducation nationale a redéfini au cours des dernières années les orientations de sa politique en la matière 18 ( * ) : - afin d'assurer le respect de l'obligation scolaire et la transmission effective des savoirs, divers dispositifs ont été créés pour resserrer les liens entre les familles et l'institution scolaire, et pour mieux suivre la scolarité des élèves. Une collaboration plus étroite avec les collectivités territoriales vise à faciliter l'inscription à l'école, à la cantine ou au ramassage scolaire ; - priorité est donnée à la scolarisation en classe ordinaire, avec l'appui éventuel d'enseignants spécialisés. Le cas échéant, les enfants du voyage peuvent être scolarisés dans des classes adaptées, voire dans des classes qui leur sont spécifiquement dédiées et sont parfois situées près d'une aire de stationnement. Des antennes scolaires mobiles (camions-écoles ou écoles itinérantes) permettent enfin d'atteindre les élèves dont les familles se déplacent fréquemment ; - le recours à l'enseignement à distance a été facilité : la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 a autorisé la double inscription des élèves sans domicile stable dans un établissement scolaire et au centre national d'enseignement à distance (CNED), donnant ainsi une base légale aux conventions conclues depuis 2005 ; - le pilotage de cette politique a été renforcé au niveau central comme au niveau académique, avec la désignation d'un responsable du centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav). |
Un état des lieux sur la scolarisation des enfants du voyage serait bienvenu, afin d'identifier les difficultés qui subsistent et d'y apporter les réponses nécessaires.
En revanche, votre commission a relevé que les dispositions de l'article 6, en grande partie satisfaites par le droit et la pratique en vigueur, relevaient du domaine réglementaire. Elle ne les a donc pas reprises par amendement dans le texte qu'elle a élaboré. Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, en effet, il appartient au pouvoir réglementaire de définir les règles de composition des commissions administratives, dès lors qu'elles ne mettent en cause aucun principe ou aucune règle que la Constitution place dans le domaine de la loi. Cette jurisprudence s'applique à plus forte raison aux commissions consultatives 19 ( * ) . Le décret du 25 juin 2001, précisant la composition de la commission départementale consultative des gens du voyage, prévoit que le préfet y nomme quatre représentants des services de l'État ; selon les informations recueillies par votre rapporteur, il semble que le DASEN y soit désigné à ce titre dans la plupart des départements 20 ( * ) .
Votre commission invitera le Gouvernement, en séance publique, à veiller à ce que les services de l'éducation nationale soient systématiquement associés à la définition des politiques publiques en matière d'accueil, d'habitat, d'accompagnement social et éducatif des gens du voyage.
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Le tableau ci-après recense les dispositions de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) de M. Loïc Hervé et plusieurs de nos collègues que votre commission a inséré dans le texte de la commission.
Insertion des articles de la proposition de loi |
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Article 1 |
Article 6 du texte de la commission |
Article 2 |
Article 8 du texte de la commission |
Article 3 |
Article 7 du texte de la commission |
Article 4 |
Article 6 du texte de la commission |
Article 5 |
Article 9 du texte de la commission |
Article 7 |
Article 5 du texte de la commission |
En conséquence de ces modifications, votre commission a retenu l'intitulé suivant : « proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites ».
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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
* 14 Articles L. 111-1 et L. 131-1 du code de l'éducation.
* 15 Voir l'« Étude sur la sédentarisation des gens du voyage » réalisée par le Conseil général et la préfecture des Bouches-du-Rhône, avril 2015. Il ressort de cette étude que plus de 40 % des personnes installées sur les aires d'accueil du département ont moins de 20 ans, contre 25 % pour la population de France métropolitaine dans son ensemble.
* 16 « Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun », rapport au Premier ministre, p. 32, consultable à l'adresse suivante : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/154000520.pdf. Les données récentes confirment ce constat, malgré quelques progrès au niveau de l'enseignement primaire. Les chiffres sont un peu meilleurs pour les enfants de familles semi-sédentarisées.
* 17 Voir les témoignages rapportés dans l'« Étude relative à l'impact de l'habitat adapté sur les modes de vie des gens du voyage », conduite à l'initiative du conseil départemental et de l'association de gestion du schéma d'accueil et d'habitat des gens du voyage du Puy-de-Dôme, consultable à l'adresse suivante : http://www.agsgv63.com/wp-content/uploads/2016/09/Etude-socio-RECITS-AGSGV63.pdf. Il en ressort néanmoins que le rapport à l'école s'est normalisé parmi les nouvelles générations de gens du voyage.
* 18 Voir les circulaires n os 2012-141, 2012-142 et 2012-143 de la ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative.
* 19 Voir, récemment, la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-256 L du 21 juillet 2015.
* 20 Décret n° 2001-540 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission départementale consultative des gens du voyage .