C. MIEUX ENCADRER

1. Inscrire les critères dans la loi

La principale suspicion porte sur le mode de sélection des dossiers, au niveau de la commission des infractions fiscales mais aussi, voire surtout, en amont par l'administration fiscale.

Votre rapporteur souligne que ces critères sont déjà largement connus . Dérivant de la jurisprudence informelle élaborée par les membres de la commission des infractions fiscales, qui les ont formés grâce à leur expérience de magistrats, ils sont également utilisés par l'administration fiscale. Ils sont décrits dans les rapports d'activité de la commission comme dans la circulaire du 22 mai 2014 relative à la lutte contre la fraude fiscale.

Il n'en reste pas moins qu' il serait utile , afin de dissiper toute inquiétude, et compte tenu de l'importance que revêt le renvoi ou non d'un contribuable devant la juridiction pénale, de mieux préciser ces critères et de soustraire leur définition à l'administration et à la commission des infractions fiscales , sans qu'il s'agisse de remettre en cause la compétence et l'efficacité de l'une et de l'autre. Sur de tels sujets le débat au Parlement et l'intervention du législateur sont pleinement justifiés.

Les trois dimensions de ces critères pourraient donc être précisées dans la loi :

- le montant fraudé au-dessus duquel la réponse pénale serait appropriée ;

À cet égard, votre rapporteur appelle à une réflexion approfondie avant d'inscrire un seuil numérique précis, qui serait forcément arbitraire et présenterait plusieurs risques. Il pourrait conduire à l'élaboration de stratégies d'évitement de la part des cabinets de conseil en fiscalité. La rédaction d'une telle clause devrait éviter tout risque d'annulation de la procédure dans le cas où le montant, en fin de compte, se révèlerait légèrement inférieur au seuil qui a déclenché la procédure. À tout le moins, il serait utile d'examiner l'efficacité réelle de ces seuils dans les législations qui, dans d'autres pays tels que l'Italie ou l'Espagne 31 ( * ) , les ont instaurés.

- les agissements du contribuable , dont la gravité peut justifier le renvoi devant la juridiction pénale ;

- les circonstances relatives à la personne qui commet la fraude : il appartiendrait à la loi d'indiquer les cas où la qualité du fraudeur exige une exemplarité toute particulière, et ceux au contraire où il paraît préférable d'accorder des circonstances atténuantes.

2. L'hypothèse d'un transfert à la commission des infractions fiscales de l'ensemble des dossiers de montant élevé

La plupart des critiques et des soupçons portent sur les 3 000 dossiers environ qui, chaque année, ne sont pas transmis à la commission des infractions fiscales malgré leur montant élevé.

Le ministre a évoqué, devant la mission d'information commune de l'Assemblée nationale, la possibilité de transférer également ces dossiers à la commission. Votre rapporteur, tout en comprenant l'intérêt de cette idée en matière de transparence, souligne les difficultés qu'elle pourrait entraîner.

La première est bien entendu le risque d'engorgement de la CIF. Organisée en quatre commissions, elle tient actuellement deux réunions environ par semaine et traite un millier de dossiers par an, avec des moyens de fonctionnement très réduits.

Or il ne suffirait pas de multiplier par quatre le nombre de ses membres ou de ses réunions pour lui permettre de traiter 4 000 dossiers. Un tel accroissement changerait sa nature et nécessiterait de modifier son mode de désignation : peut-on imaginer que le Conseil d'État, la Cour des comptes, la Cour de cassation élisent chacun trente-deux de leurs membres pour siéger à la commission des infractions fiscales ?

La principale difficulté consisterait alors à redéfinir le rôle de la commission : en effectuant elle-même le filtre aujourd'hui réalisé par l'administration, elle assumerait en réalité une partie des tâches d'investigation qui reviennent à celle-ci, alors que sa mission est plutôt de la contrôler. Une telle modification de sa mission n'est concevable que dans le cadre d'une réforme d'ensemble de la procédure administrative.


* 31 Le décret législatif 74/2000, du 10 mars 2000, instaure en Italie une gradation des peines en fonction de différents seuils de montants fraudés. La loi organique espagnole 15/2003 limite à l'évasion fiscale d'un montant supérieur à 120 000 € la qualification d'évasion fiscale. Voir « De la pertinence de l'étude des sanctions fiscales pénales en droit comparé », par Laurence Vapaille, dans Les sanctions pénales fiscales , sous la direction de Thierry Lambert, L'Harmattan, collection « Finances publiques », 2007.

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