C. LE REDRESSEMENT DES EFFECTIFS RESTE MODESTE ET CONCENTRÉ SUR LA FIN DE LA PROGRAMMATION

1. Des recrutements moins nombreux et plus lents qu'espéré

Si l'effort consenti en matière d'effectifs mérite d'être souligné, particulièrement dans un contexte où nombre d'autres ministères sont beaucoup moins bien traités, il reste moindre que celui que votre commission avait , dans un rapport d'information de l'année dernière, estimé nécessaire (+15 000 sur la programmation) pour préserver notre modèle d'armée dans le contexte d'un niveau d'engagements durablement élevé à l'extérieur et à l'intérieur .

Alors qu'ils ont été particulièrement éprouvés par les précédentes programmations dont ils ont supporté une grande part des déflations, les services de soutien risquent ainsi de ne pas bénéficier d'augmentations de postes . A tout le moins, la baisse de leurs effectifs devrait être stoppée. Ils devront donc trouver des marges de manoeuvre dans les redéploiements liés à la poursuite de la transformation (diminution du nombre de bases de défense, réorganisation liée notamment à la numérisation et redéploiements).

Par ailleurs, on ne peut que relever l'inégale répartition des créations nettes de postes sur la durée de la programmation , retracée à l'article 5 du projet de loi :

CADENCEMENT DES AUGMENTATIONS D'EFFECTIF

(En équivalents temps plein)

2019

2020

2021

2022

2023

Total 2019-2023

2024

2025

Augmentation nette des effectifs

450

300

300

450

1 500

3 000

1 500

1 500

Source : article 5 du projet de LPM

Les créations de postes représenteront 300 à 450 ETP par an, soit 1 500 ETP en tout, entre 2019 et 2022 , et 1 500 ETP par an, soit 4 500 ETP en tout, entre 2023 et 2025. Ainsi ce sont ¾ des créations nettes de postes qui interviendront dans la deuxième moitié de la programmation . Or, force est d'admettre que les engagements pris pour la période postérieure à 2022 sont de portée très relative, n'engageant pas l'actuel Gouvernement.

Selon les précisions apportées par la directrice des ressources humaines du ministère des armées lors de son audition, les créations de postes de début de programmation devraient être prioritairement affectées au renseignement et à la cyberdéfense , alors que celles prévues en deuxième partie de programmation seront plus particulièrement destinées aux unités opérationnelles et à leur environnement, ce qui rend très hypothétique l'éventualité d'un effort en faveur du soutien et laisse ce problème sans solution.

Enfin, il convient d'évoquer l'hypothèque majeure que représenterait toute contribution des armées à la mise en oeuvre d'un éventuel service national universel . Si l'encadrement de 800 000 jeunes par an pendant un mois (hypothèse plausible) devait être réalisé par des militaires, ce sont près de 20 000 ETP qui devraient être consacrés à cette mission, soit près de trois fois la hausse des effectifs prévue pour l'ensemble de la programmation. Si le Président de le République s'est engagé à doter ce projet de SNU d'un financement spécifique distinct de la programmation, votre commission souhaite naturellement inscrire dans le texte de la loi que les effectifs éventuellement nécessaires à la mise en oeuvre du SNU n'étaient pas compris dans ceux visés à l'article 5 du projet de loi . A défaut, cette LPM se terminerait par un effondrement des capacités de nos armées.

2. Nouvelle politique de rémunération des militaires et réforme des retraites : des chantiers à suivre de près

La programmation prévoit la mise en oeuvre, annoncée depuis plusieurs années, d'une politique ambitieuse de rénovation de la solde des militaires . Selon le rapport annexé, cet important chantier, qui sera lancé en 2021, vise, d'une part, à « faciliter la maîtrise de la masse salariale », d'autre part, à « simplifier le système indemnitaire en améliorant sa lisibilité ».

De fait, pas moins de 174 primes et indemnités composent ce système devenu un véritable maquis . Comme le relèvent nos collègues Joël Guerriau et Gilbert Roger dans leur rapport pour avis sur la loi de finances pour 2018 consacré au programme 212, nombre de ces primes ont été créées au coup par coup afin de compenser une sujétion spécifique, résoudre un problème d'attractivité, valoriser certaines compétences ou encore -notamment chez les militaires du rang- compenser la faiblesse de la rémunération indiciaire.

Une simplification apparaît nécessaire, en vue de rendre le système plus lisible mais également plus simple à gérer, notamment dans la perspective du remplacement du calculateur Louvois par le nouveau logiciel de paie Source Soldes .

Cette réforme devra cependant s'attacher à préserver et même à renforcer l'attractivité des armées , en particulier dans les métiers connaissant des difficultés de recrutement ou de fidélisation. 480 millions d'euros sont ainsi prévus dans la programmation 2019-2025 pour mener à bien cette réforme techniquement délicate et sensible, qui impliquera la mise en place de mesures compensatrices pour les personnels qui verraient leur solde diminuer.

Par ailleurs, une attention devra être portée, dans un souci d'équité, à la transposition aux militaires des mesures indiciaires ou indemnitaires affectant la rémunération des fonctionnaires civils . Si une disposition en ce sens figure au paragraphe 246 du rapport annexé, votre commission présentera un amendement pour prévoir que cette transposition doit intervenir « sans délai » , conformément à l'article L .4123-1 du code de la défense.

Trop souvent, en effet, la transposition aux militaires de mesures bénéficiant aux fonctionnaires civils intervient avec retard, entraînant des écarts ressentis comme inéquitables par les militaires . Une illustration récente en est le report d'un an, décidé à l'automne dernier, de la transposition aux militaires du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) qui revalorise les grilles indiciaires et améliore les perspectives de carrières des agents publics, au motif de permettre le financement d'une indemnité compensatrice de la hausse du taux de CSG.

Notons que c'est dans le cadre de la transposition d' évolutions statutaires des corps homologues de la fonction publique hospitalière que l'article 9 du projet de loi tend à relever à 62 ans la limite d'âge des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, cette mesure apparaissant comme la contrepartie de grilles indiciaires revalorisées.

La réforme à venir des retraites , qui devrait consister à remplacer l'actuel système actuel par répartition par un système dits « à points », pose la question de la préservation des spécificités militaires dans le futur régime . Si l'on souhaite préserver l'attractivité des armées, il paraît indispensable de maintenir les bonifications d'annuités pour la pension dont bénéficient les militaires au titre de leur activité opérationnelle et de leurs carrières courtes, qui impliquent des départs en retraite précoces. Une disposition rappelant cette exigence figure dans le rapport annexé.

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